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Date : 20220301


Dossier : IMM-844-21

Référence : 2022 CF 283

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2022

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

SIAVASH MAHMOUDIAN BIDGOLY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature de l’affaire

[1] M. Bidgoly [le demandeur] sollicite une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] de rendre une décision à l’égard de sa demande de résidence permanente présentée au moyen d’Entrée express. Il a présenté sa demande de résidence permanente il y a plus de trois ans et demi, soit le 22 juillet 2018. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] soutient que le délai de traitement de sa demande est attribuable à la vérification de sécurité qui est toujours en cours et à la pandémie de COVID-19 [la pandémie].

[2] La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Le contexte

[3] La chronologie des événements et les faits essentiels ne sont pas contestés. La preuve est constituée d’un affidavit souscrit par le demandeur et d’un affidavit souscrit par Mme Jerrott-Burns pour le compte du défendeur.

[4] Le demandeur est un citoyen de l’Iran. Muni d’un permis de travail, il a immigré au Canada depuis les États-Unis le 11 juillet 2018. Son épouse l’a rejoint un mois plus tard. Entrepreneur en technologie de l’information, il a fondé une entreprise en septembre 2018. Il est aujourd’hui président-directeur général de cette entreprise, laquelle emploie des résidents canadiens.

[5] Le 21 avril 2018, le demandeur a présenté une demande d’admission dans le bassin de candidats d’Entrée express. Quatre jours plus tard, il a reçu une invitation à présenter une demande de résidence permanente.

[6] Le 22 juillet 2018, le demandeur a présenté sa demande de résidence permanente. Il a inclus son épouse à titre de personne à charge l’accompagnant.

[7] Le 14 août 2018, un examen initial de la demande a été effectué, et la demande a été jugée complète au titre de l’article 10 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Un autre examen a été fait le 31 août 2018, dans le cadre duquel une vérification des antécédents criminels a été effectuée, et le demandeur a été recommandé pour le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral).

[8] En juin 2019, la période de validité des examens médicaux du demandeur, qui étaient arrivés à échéance, a été prolongée. Le 15 août 2019, il a été jugé que le demandeur répondait aux exigences minimales d’admissibilité au Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), mais qu’un renvoi à des partenaires était nécessaire pour procéder à une évaluation de l’admissibilité. Une telle évaluation ne peut être effectuée tant que la vérification de sécurité n’est pas terminée.

[9] Le demandeur s’est renseigné à diverses reprises sur l’état de sa demande. Il a d’abord présenté une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels en avril 2019. Il a ensuite présenté une demande de renseignements en ligne à IRCC en juillet 2019. Il a reçu une réponse qui indiquait que sa demande avait été transmise au bureau concerné.

[10] Depuis août 2019, le demandeur a communiqué avec plusieurs députés. En décembre 2019, il a appris que la vérification de sécurité concernant son épouse était terminée, mais que la vérification le concernant était toujours en cours.

[11] Tout au long de 2020, le demandeur a été informé, après chacune de ses demandes de suivi (présentées tant aux députés qu’à IRCC), que la vérification de sécurité le concernant et le traitement de sa demande étaient toujours en cours. Le 13 décembre 2020, il a fait un dernier suivi auprès d’IRCC. Il a mentionné qu’il croyait que le processus d’Entrée express ne prendrait que six mois. Il affirme qu’IRCC lui a répondu que sa demande était toujours en cours de traitement. Il a présenté d’autres demandes de suivi à des députés en janvier 2021.

III. La question en litige

[12] La seule question à trancher est celle de savoir si le demandeur a satisfait au critère relatif à la délivrance d’une ordonnance de mandamus.

IV. Le critère relatif à la délivrance d’une ordonnance de mandamus et le délai raisonnable

[13] Avant d’exposer les positions des parties, il est nécessaire d’examiner le critère relatif à la délivrance d’une ordonnance de mandamus. Les parties s’entendent sur le critère applicable, mais pas sur la question de savoir s’il a été respecté dans les circonstances.

[14] L’ordonnance de mandamus permet d’exiger l’exécution d’une obligation légale à caractère public lorsqu’une autorité publique refuse ou néglige de remplir cette obligation (Dragan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 211 [Dragan] au para 38). Aux pages 19 à 21 de l’arrêt Apotex Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742, [1993] ACF no 1098 [Apotex], la Cour d’appel fédérale a conclu que les conditions suivantes devaient être respectées avant qu’une ordonnance de mandamus puisse être rendue :

1. Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public;

2. L’obligation doit exister envers le requérant;

3. Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment :

a. le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;

b. il y a eu :

i. une demande d’exécution de l’obligation;

ii. un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n’ait été rejetée sur-le-champ;

iii. il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable;

4. Lorsque l’obligation dont on demande l’exécution forcée est discrétionnaire, certaines règles s’appliquent;

5. Le requérant n’a aucun autre recours;

6. L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;

7. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé;

8. Compte tenu de la « balance des inconvénients », une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

[15] La question du délai raisonnable est examinée dans le cadre de la troisième condition, soit le droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation. S’il est déraisonnable, le délai d’exécution de l’obligation à caractère public peut être considéré comme un refus implicite de l’exécuter (Dragan, au para 45). Le délai d’exécution de cette obligation peut être déraisonnable si les trois conditions suivantes sont remplies (Conille c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), [1999] 2 CF 33, [1998] ACF no 1553 [Conille] au para 23) :

1. le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

2. le demandeur et son conseiller juridique n’en sont pas responsables; et

3. l’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante.

V. Les positions des parties

A. La position du demandeur

[16] Le demandeur soutient qu’il a satisfait à chaque élément du critère relatif à la délivrance d’une ordonnance de mandamus. En résumé, sa demande a déjà été sélectionnée dans le cadre d’Entrée express : il a le droit d’obtenir la résidence permanente au titre du paragraphe 21(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] puisqu’il a répondu aux exigences prévues par la loi; il a déposé sa demande en juillet 2018 et a présenté de nombreuses demandes de suivi; et il n’y a aucune explication raisonnable justifiant le délai.

[17] Le ministre a une obligation légale à caractère public de traiter la demande et il a cette obligation envers le demandeur. Cela est confirmé par la jurisprudence et la loi, notamment par l’article 11 et l’alinéa 3(1)f) de la LIPR (Liang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 758 au para 25; Dragan, au para 43).

[18] Le demandeur a le droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation. Il a fait tout ce qui était exigé de lui et a répondu à toutes les demandes en temps opportun. Il a reçu une décision favorable quant à la sélection, mais il attend depuis beaucoup trop longtemps sans obtenir d’explication raisonnable de la part du ministre.

[19] Si la demande de résidence permanente du demandeur n’est pas traitée, aucun autre recours ne s’offre à lui. En outre, la délivrance d’une ordonnance de mandamus aurait une incidence sur le plan pratique.

[20] Pour décider s’il existe, en vertu de l’équité, un obstacle à l’obtention du redressement demandé, la Cour doit tenir compte de la conduite des parties. L’existence d’un délai déraisonnable est donc un facteur important en l’espèce.

[21] Le délai, qui est fixé à six mois selon le site Web d’IRCC, est plus long que ce que la nature du processus exige. Le défendeur n’a fourni aucune explication pour justifier ce délai. Il n’a pas non plus expliqué pourquoi la vérification de sécurité concernant le demandeur n’avait commencé qu’en août 2019 alors que celui-ci avait présenté sa demande en juillet 2018. De plus, le défendeur n’a fourni aucun détail susceptible d’expliquer le délai écoulé depuis août 2019. Dans son affidavit, Mme Jerrott-Burns reconnaît les faits exposés par le demandeur; elle n’explique toutefois pas le délai de traitement ni les répercussions qu’a pu avoir la pandémie sur la demande. Par conséquent, la condition liée au délai raisonnable est remplie.

[22] La présente affaire est analogue à l’affaire Almuhtadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 712 [Almuhtadi], dans laquelle la Cour a rendu une ordonnance de mandamus à l’égard d’un délai de traitement semblable d’une demande de résidence permanente présentée par des personnes à qui on avait reconnu la qualité de réfugié au sens de la Convention.

[23] Enfin, la balance des inconvénients favorise le demandeur. Il n’existe pas de préoccupations pouvant faire contrepoids en faveur du ministre. Le demandeur attend depuis beaucoup trop longtemps et, même s’il n’était pas tenu d’établir l’existence d’un préjudice, il l’a tout de même fait. En effet, le délai a causé du stress au demandeur et a nui à son entreprise au Canada.

B. La position du défendeur

[24] L’ordonnance de mandamus est un recours extraordinaire, et un retard dans le traitement d’une demande doit être examiné en fonction des faits. Le demandeur n’a pas établi que le délai est déraisonnable ou que la balance des inconvénients penche en sa faveur.

[25] Bien qu’il existe, dans les circonstances, une obligation publique de traiter la demande, le délai est justifié de manière satisfaisante : une partie très importante du processus, soit la vérification de sécurité, est toujours en cours. L’admissibilité de la demande est en cours d’examen, et il est important de ne pas écourter de telles vérifications. Les retards attribuables à des préoccupations en matière de sécurité sont normaux, et les vérifications nécessaires pour résoudre ces préoccupations constituent une explication satisfaisante (Kang c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1118 au para 21). Dans ses observations orales, le défendeur a affirmé que l’absence de relation de travail avec le pays d’origine du demandeur, l’Iran, avait posé problème dans le cadre de la vérification de sécurité.

[26] Le délai peut sembler long au demandeur, mais il est inférieur à trois ans. Compte tenu des répercussions de la pandémie, le délai n’a pas été plus long que ce que la nature du processus exige.

[27] En outre, la Cour doit tenir compte du contexte général du régime d’immigration (Vaziri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1159 [Vaziri] aux para 53-55), y compris, en l’espèce, des répercussions de la pandémie sur les délais de traitement des demandes d’immigration. Étant donné la fermeture des bureaux du gouvernement, le traitement des questions de sécurité est devenu plus compliqué et limité. La décision Almuhtadi se distingue dans la mesure où la pandémie n’expliquait pas le retard dans cette affaire. En l’espèce, la vérification de sécurité a commencé en août 2019, et la pandémie est un facteur responsable du retard. La Cour a reconnu ce fait dans des affaires comme Gentile c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 452 [Gentile]. Dans ses observations orales, le défendeur a demandé à la Cour de prendre connaissance d’office de l’incidence de la pandémie sur les délais de traitement.

[28] Le demandeur n’a pas établi l’existence d’un préjudice important en raison du délai. Il n’a aucun droit acquis à l’obtention de la résidence permanente, et sa demande doit tout de même être évaluée pour vérifier si les critères énoncés dans la LIPR sont respectés.

VI. Analyse

A. Le demandeur a-t-il satisfait au critère relatif à la délivrance d’une ordonnance de mandamus?

[29] Le demandeur a satisfait au critère relatif à la délivrance d’une ordonnance de mandamus. Ci-dessous, j’analyse chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Apotex.

(1) Le ministre a l’obligation légale d’agir et il a cette obligation envers le demandeur

[30] Il ne fait aucun doute que le défendeur a l’obligation légale de traiter la demande de résidence permanente du demandeur, au titre du paragraphe 11(1) de la LIPR (Dragan, au para 43). Cependant, l’obligation du défendeur consiste à traiter la demande de résidence permanente, et non à accorder la résidence permanente.

(2) Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation

[31] J’estime que le demandeur n’a rien de plus à faire. Il a présenté sa demande, payé les frais et donné suite à toutes les demandes en temps opportun. Il s’est, en outre, renseigné à maintes reprises sur l’état de sa demande.

[32] À cette étape du critère établi dans l’arrêt Apotex, il convient d’examiner le caractère raisonnable du délai en évaluant les conditions énoncées dans la décision Conille. Pour les motifs qui suivent, j’estime que ces conditions sont respectées.

(a) Le délai en question est plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie

[33] Il n’existe pas de norme uniforme quant à ce qui constitue un délai raisonnable. Chaque affaire dépend des faits qui lui sont propres, surtout en ce qui concerne le régime d’immigration pertinent (Vaziri, au para 55).

[34] Le demandeur, s’appuyant sur des renseignements tirés du site Web d’IRCC, affirme que le délai de traitement des demandes dans le cadre du programme d’Entrée express est de six mois. Je conviens avec lui que le délai est plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie.

[35] Le défendeur soutient que les retards dans le traitement des demandes de résidence permanente ne sont pas inhabituels lorsqu’il existe des préoccupations en matière de sécurité. Rien dans le dossier n’indique les délais de traitement moyens des vérifications de sécurité, et aucun élément de preuve n’explique en quoi la pandémie a influé sur ces vérifications. Par conséquent, si j’admets que ces facteurs peuvent avoir eu pour effet de prolonger le délai au-delà de la période normale de six mois, il est impossible pour la Cour de déterminer si ce délai est raisonnable dans les circonstances. Si le défendeur souhaitait s’appuyer sur ces justifications pour expliquer le retard, il lui aurait fallu fournir une preuve suffisante à la Cour.

(b) Le demandeur n’est pas responsable du délai

[36] Les parties conviennent que le demandeur n’est pas responsable du délai.

(c) L’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante

[37] Le défendeur invoque deux raisons pour justifier le délai : l’importance de ne pas faire avorter les processus liés à la sécurité et l’incidence de la pandémie sur la capacité du gouvernement à effectuer rapidement des vérifications de sécurité.

(i) La sécurité

[38] Cette raison ne me paraît pas satisfaisante. Je conviens avec le demandeur que la présente affaire est semblable à l’affaire Almuhtadi : les défendeurs utilisent la déclaration générale selon laquelle la délivrance d’une ordonnance de mandamus « torpillerait une importante enquête de sécurité » (au para 40). Comme dans l’affaire Almuhtadi, le défendeur n’a fourni aucun détail sur des préoccupations en matière de sécurité dans les documents qu’il a déposés dans le cadre de la présente demande. Dans les affaires invoquées par le défendeur, la nature des préoccupations en matière de sécurité mentionnées dans le dossier était expliquée en détail. En l’espèce, comme dans l’affaire Almuhtadi, le dossier ne contient pas de tels renseignements. Au paragraphe 23 de la décision Abdolkhaleghi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 729, l’ancienne juge Tremblay-Lamer a donné certaines indications à ce sujet :

Ce qui constitue une explication valable dépend, naturellement, de la complexité relative des considérations de sécurité dans chaque cas. Une déclaration générale d’existence d’une enquête de vérification de sécurité, qui est tout ce qui a été donné ici, ne permet aucunement de juger de la validité de l’explication. Et par conséquent, il semble n’exister aucune préoccupation de sécurité.

[Non souligné dans l’original.]

[39] De plus, je rejette l’observation du défendeur selon laquelle le délai est en partie attribuable à l’absence de relation de travail avec l’Iran. Si le défendeur souhaitait s’appuyer sur cet argument, il lui aurait fallu fournir une preuve à cet égard dans l’affidavit de Mme Jerrott-Burns.

(ii) La pandémie

[40] En l’absence de renseignements supplémentaires, j’estime que la pandémie ne constitue pas une justification satisfaisante. Dans la décision Almuhtadi, le juge Ahmed a conclu que la pandémie n’expliquait pas entièrement le délai puisque trois ans et demi s’étaient déjà écoulés avant que la pandémie ne frappe, en mars 2020 (au para 47). En l’espèce, en mars 2020, 19 mois s’étaient déjà écoulés. Le délai était déjà déraisonnable au moment où la pandémie a commencé.

[41] Je reconnais que, dans un contexte factuel approprié, la pandémie peut expliquer un délai supplémentaire de mars 2020 à ce jour. Cependant, l’incidence de la pandémie ne constitue pas une justification satisfaisante en l’absence de détails sur les répercussions qu’elle a pu avoir sur les demandes présentées au moyen d’Entrée express. Je ne suis pas en mesure de prendre connaissance d’office de l’incidence de la pandémie sur le délai de traitement dans le cas qui nous occupe puisqu’il est à la fois question d’un délai antérieur à la pandémie et d’un autre délai toujours en cours depuis le début de celle-ci. De plus, la pandémie s’est imposée progressivement à compter de mars 2020, et les processus ont repris graduellement (Almuhtadi, au para 47). Toutes les institutions du Canada se sont adaptées, dans diverses mesures, afin de traiter les arriérés et les retards.

(3) Le demandeur n’a aucun autre recours, et l’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique

[42] Je suis convaincu que le demandeur n’a aucun autre recours. Si l’ordonnance de mandamus n’est pas rendue, il devra continuer d’attendre que sa demande soit traitée. Sur le plan pratique, l’ordonnance aurait sans aucun doute pour effet de réduire le délai de traitement, déjà long, du dossier du demandeur.

(4) La Cour estime que, en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé

[43] Je suis également convaincu qu’en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé. Dans la jurisprudence citée par le défendeur, la Cour a conclu qu’il n’était pas équitable de rendre une ordonnance de mandamus à l’égard de demandes semblables, puisqu’une telle ordonnance permettrait aux demandeurs de « devancer » d’autres demandeurs du même type ou de [traduction] « passer devant les autres » (Jia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 596 [Jia] au para 103; Mazarei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 322 [Mazarei] aux para 31-33). Cependant, les circonstances de ces affaires diffèrent de celles de l’espèce. L’affaire Jia portait sur un grand nombre de demandes d’autres éventuels immigrants de la catégorie des investisseurs et sur des changements dans la façon dont ces demandes étaient traitées. Dans l’affaire Mazarei, il existait une preuve de l’état de la demande du demandeur par rapport aux autres demandes. En l’espèce, le dossier ne contient pas une telle preuve.

[44] Dans la présente affaire, si la Cour rendait une ordonnance de mandamus, le demandeur pourrait voir sa demande être traitée de façon accélérée et il semblerait ainsi devancer d’autres demandeurs du programme d’Entrée express. Cependant, en l’absence d’une explication satisfaisante de la part du défendeur, il est difficile de voir en quoi le demandeur passerait devant les autres alors qu’il attend que sa demande soit traitée depuis juillet 2018.

(5) Compte tenu de la « balance des inconvénients », une ordonnance de mandamus devrait être rendue

[45] Je conviens avec le demandeur que le délai déraisonnable et inexpliqué fait pencher la balance en sa faveur. Je prends acte des observations du défendeur concernant l’incidence de la pandémie sur de nombreux processus administratifs en général (Gentile, au para 36). Je prends également acte du fait que, dans le cadre d’une vérification de sécurité, la Cour doit rechercher un équilibre entre la protection du public et celle du demandeur (Dhahbi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1702 aux para 40-41). Le demandeur ne conteste pas l’importance des vérifications de sécurité.

[46] Toutefois, le défendeur n’a fourni aucun élément de preuve clair à ce sujet. Pour pouvoir se fonder sur la pandémie ou sur les difficultés liées aux vérifications de sécurité, il lui aurait fallu fournir des éléments de preuve à cet égard. De simples déclarations indiquant qu’une vérification de sécurité est en cours ou que le délai est attribuable à la pandémie sont insuffisantes.

VII. Conclusion

[47] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-844-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Une ordonnance de mandamus est rendue enjoignant au ministre ou à IRCC de traiter la demande du demandeur dans les 90 jours suivant la date de la présente ordonnance.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Geneviève Bernier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-844-21

INTITULÉ :

SIAVASH MAHMOUDIAN BIDGOLY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 FÉVRIER 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER MARS 2022

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman

POUR LE DEMANDEUR

 

Nimanthika Kaneira

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

 

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