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Date : 20220225


Dossier : IMM-3132-21

Référence : 2022 CF 254

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 février 2022

En présence de madame la juge St‑Louis

ENTRE :

MARY MICHELLE RIMANDO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Mme Mary Michelle Rimando conteste la décision rendue par un agent d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) le 27 avril 2021, par laquelle il avait rejeté la demande de résidence permanente qu’elle avait présentée à titre de membre de la catégorie des aides familiaux résidants.

[2] Dans sa décision, l’agent d’immigration a conclu que Mme Rimando ne satisfaisait pas aux exigences à respecter pour immigrer au Canada au titre de cette catégorie. Il a cité les alinéas 113(1)b) et c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement] tels qu’ils étaient libellés avant d’être abrogés en mai 2017. Ces alinéas prévoient qu’un étranger fait partie de la catégorie des aides familiaux s’il est résident temporaire et s’il est titulaire d’un permis de travail à titre d’aide familial. L’agent d’immigration a indiqué que Mme Rimando n’avait pas démontré qu’elle s’était conformée à cette exigence, puisqu’elle n’était plus titulaire d’un permis de travail dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants [le PAFR] et que son permis de travail actuel avait été délivré après le 30 novembre 2014, date à laquelle le PAFR a pris fin.

[3] Les parties ne contestent pas le fait que le PAFR a pris fin le 30 novembre 2014. Elles conviennent en outre que certaines personnes sont toujours assujetties à ce programme et que la question dont la Cour est saisie est de savoir s’il était raisonnable pour l’agent d’immigration de conclure que Mme Rimando n’était pas l’une d’elles.

[4] Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que la décision de l’agent d’immigration était raisonnable et je rejetterai donc la demande de contrôle judiciaire de Mme Rimando.

II. Le contexte

[5] Le 3 septembre 2014, Mme Rimando est entrée au Canada et a obtenu un permis de travail à titre d’aide familiale résidante dans le cadre du PAFR. Son permis de travail était valide pour quatre ans, soit jusqu’au 2 septembre 2018. Nul ne conteste le fait que si ce permis de travail a été délivré, il a d’abord fallu que Service Canada effectue une étude d’impact sur le marché du travail.

[6] Le 20 octobre 2016, en raison d’un changement d’employeur et alors que son permis de travail au titre du PAFR était encore valide, Mme Rimando s’est présentée au point d’entrée de St-Armand Phillipsburg pour demander, toujours dans le cadre du PAFR, un nouveau permis de travail, mais pour un employeur différent – permis qu’elle a obtenu.

[7] En juillet 2018, avant l’expiration de son permis de travail au titre du PAFR, Mme Rimando a présenté une nouvelle demande de permis de travail au titre de la même catégorie. Toutefois, le 25 septembre 2018, CIC a rejeté cette demande au motif que Mme Rimando n’avait pas présenté l’étude d’impact sur le marché du travail requise. CIC a informé la demanderesse qu’elle avait la possibilité de demander le rétablissement de son statut, mais elle ne l’a pas fait. Par conséquent, le permis de travail de Mme Rimando dans le cadre du PAFR a expiré le 30 septembre 2018 et son statut d’aide familiale a pris fin le même jour.

[8] Le 19 mars 2019, Mme Rimando a reçu une fiche du visiteur valide pendant un mois, qui lui permettait de rester au Canada en tant que visiteuse, puis, le 1er août 2019, son statut de visiteuse a été prolongé jusqu’au 17 octobre 2019.

[9] Le 25 septembre 2019, Mme Rimando a reçu un nouveau permis de travail, mais dans une autre catégorie, celle des « fournisseurs de soins à domicile ». Sa demande était étayée par une nouvelle étude d’impact sur le marché du travail. Le permis de travail pour « fournisseur de soins à domicile » n’est pas délivré dans le cadre du PAFR et il ne s’agit pas d’un permis d’« aide familiale résidante ».

[10] Le 10 février 2020, Mme Rimando a signé sa demande de résidence permanente, et CIC l’a reçue le 25 mai 2020. Dans sa demande, Mme Rimando a confirmé qu’elle présentait une demande dans le cadre du PAFR, et elle a choisi l’option 1, c’est-à-dire les 24 mois d’emploi à temps plein autorisés comme aide familiale résidante, aux fins du calcul des exigences relatives à l’emploi.

[11] Le 27 avril 2021, sa demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des aides familiaux résidants a été rejetée par l’agent d’immigration, et c’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle.

III. La question dont la Cour est saisie

[12] Les parties conviennent que la décision de l’agent d’immigration est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, précité, 2019 CSC 65 [Vavilov]). La Cour doit donc déterminer si Mme Rimando a démontré que la décision était déraisonnable.

[13] Mme Rimando soutient que l’agent d’immigration a commis une erreur fatale et susceptible de contrôle en omettant de suivre et d’appliquer les lignes directrices et les exigences claires prescrites par le gouvernement du Canada, lesquelles sont publiées en ligne. Elle ajoute que selon ces lignes directrices, un résident temporaire peut présenter une demande de visa de résident permanent dans le cadre du PAFR, même s’il a été aboli.

[14] Mme Rimando s’appuie sur ces lignes directrices, selon lesquelles les aides familiaux ne peuvent présenter une demande dans le cadre du PAFR que s’ils ont acquis au moins deux années d’expérience de travail dans le cadre du programme et qu’ils ont, entre autres, été autorisés à obtenir leur premier permis de travail du PAFR au terme d’une étude d’impact sur le marché du travail présentée à Emploi et Développement social Canada le 30 novembre 2014 ou avant cette date. Elle soutient qu’elle a satisfait à cette condition.

[15] Mme Rimando ajoute que l’agent d’immigration n’a manifestement pas tenu compte du fait que les dispositions transitoires relatives à l’article 113 du Règlement, maintenant abrogé, ainsi que les lignes directrices, confirmaient qu’elle n’était pas tenue d’être titulaire d’un permis de travail obtenu dans le cadre du PAFR au moment de présenter sa demande de résidence permanente. Mme Rimando ajoute que, d’après ces lignes directrices, il était raisonnable et légitime qu’elle s’attende à être admissible au statut de résidente permanente.

[16] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] répond essentiellement que Mme Rimando a bel et bien présenté une demande de statut de résidente permanente au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux résidants, que les exigences de l’article 113 ont continué de s’appliquer à cette catégorie après la fin du PAFR, et que l’alinéa 113(1)c) exige clairement que le demandeur soit titulaire d’un permis de travail dans le cadre du PAFR, ce qui n’était pas le cas de Mme Rimando lorsqu’elle a demandé la résidence permanente au pays. Ainsi, puisque Mme Rimando ne fait pas partie de la catégorie des aides familiaux résidants, le ministre soutient que la décision de l’agent d’immigration était raisonnable. Il ajoute que l’attente légitime ne peut exister lorsqu’elle est contraire aux dispositions de la loi.

IV. La décision

[17] Comme le ministre l’a souligné, le PAFR a pris fin le 30 novembre 2014, et certaines dispositions du Règlement sont demeurées en vigueur jusqu’au 5 mai 2017.

[18] Selon la preuve produite par le ministre, le 5 mai 2017, la définition d’« aide familial », que l’on trouve à l’article 2 du Règlement, et l’ensemble de la Section 3 de la Partie 6 du Règlement concernant le PAFR, ont été abrogés. Toutefois, les personnes qui sont entrées au Canada dans le cadre du PAFR, et qui font toujours partie du programme, peuvent demander la résidence permanente dans la catégorie des aides familiaux résidants si elles satisfont aux critères qui s’appliquent à cette catégorie, conformément aux articles 112 et 113 du Règlement tel qu’ils se lisaient avant leur abrogation.

[19] Tel qu’indiqué dans la Gazette du Canada, partie II, volume 151, numéro 10, publiée le 17 mai 2017 : « Plus spécifiquement, les aides familiaux résidants continueraient d’être admissibles à la résidence permanente dans le cadre de l’ancien programme si leur permis de travail initial au titre de ce programme était assorti d’une étude d’impact sur le marché du travail délivrée par Service Canada en réponse à une demande de l’employeur présentée le 30 novembre 2014 ou avant cette date, et s’ils continuent de satisfaire aux exigences du programme ». [Non souligné dans l’original.]

[20] Il ne fait aucun doute que le permis de travail initial de Mme Rimando avait été délivré au titre du PAFR et qu’il était fondé sur une étude d’impact sur le marché du travail que son employeur avait demandée à Service Canada au plus tard le 30 novembre 2014.

[21] Il ne fait aucun doute non plus, malgré ses arguments contraires, que Mme Rimando devait satisfaire aux exigences du PAFR au moment où elle a présenté une demande de statut de résidente permanente au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux résidants.

[22] Aux termes de l’article 110 du Règlement, maintenant abrogé, la catégorie des aides familiaux est une catégorie réglementaire d’étrangers qui peuvent devenir résidents permanents, s’ils répondent aux exigences de la catégorie. Quant à l’article 113 du Règlement, maintenant abrogé, il énonce les exigences qui doivent être remplies pour obtenir la résidence permanente au titre de cette catégorie. Aux termes de l’alinéa 113(1)c), la personne doit notamment être « […] titulaire d’un permis de travail à titre d’aide familial ».

[23] Bien que l’extrait des lignes directrices sur lequel Mme Rimando s’appuie ne mentionne pas explicitement que la personne doit être titulaire d’un permis de travail à titre d’aide familial au moment de la demande de résidence permanente pour être considérée comme faisant partie de la catégorie des aides familiaux résidants, l’alinéa 113(1)c) du Règlement antérieur à 2017 confirme sans équivoque cette exigence.

[24] En septembre 2018, comme elle n’avait pas satisfait aux exigences de prorogation de son permis de travail au titre du PAFR et qu’elle n’avait présenté aucune demande de rétablissement de son statut dans les 90 jours qui ont suivi, Mme Robert a perdu son statut d’aide familiale au titre du PAFR.

[25] Mme Rimando a par la suite obtenu un nouveau permis de travail dans le cadre d’un programme différent, et non dans le cadre du PAFR. Cependant, elle a quand même présenté une demande de statut de résidente permanente au Canada en tant que membre de la catégorie des aides familiaux résidants.

[26] Une décision raisonnable doit être fondée sur une « […] analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). Compte tenu de l’exigence claire du Règlement applicable, il était raisonnable pour l’agent d’immigration de conclure que Mme Rimando n’était pas admissible à la résidence permanente au titre de la catégorie des aides familiaux résidants. Les dispositions transitoires publiées dans la Gazette du Canada confirment clairement que les exigences réglementaires maintenant abrogées continuent de s’appliquer à la catégorie des aides familiaux résidants. Or, Mme Robert n’a pas satisfait à l’exigence énoncée à l’alinéa 113(1)c) du Règlement maintenant abrogé.

[27] Enfin, je conviens avec le ministre qu’aucune attente légitime n’aurait pu naître d’une interprétation partielle des lignes directrices, car aucune attente légitime ne peut exister lorsqu’elle est contraire à la loi et, en l’espèce, aux exigences réglementaires, dont l’application a été confirmée dans les dispositions transitoires (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) , [1999] 2 RCS 817, au para 26).

[28] Compte tenu du droit applicable et du dossier, la décision de l’agent d’immigration est raisonnable.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3132-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Martine St-Louis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3132-21

INTITULÉ :

MARY MICHELLE RIMANDO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec) PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 FÉVRIER 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 25 février 2022

COMPARUTIONS :

Mark J. Gruszczynski

POUR LA DEMANDERESSE

Patricia Nobl

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mark J. Gruszczynski

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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