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Date : 20220408


Dossier : IMM-59-21

Référence : 2022 CF 513

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 8 avril 2022

En présence de madame la juge Go

ENTRE :

KOBINATH PANCHALINGAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Monsieur Kobinath Panchalingam [le demandeur] a présenté une demande d’asile au titre de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], alléguant qu’il était ciblé par l’armée sri-lankaise en tant que jeune homme tamoul. Par décision datée du 7 décembre 2020, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté sa demande après avoir conclu qu’il manquait de crédibilité [la décision]. Puisque le demandeur ne peut pas interjeter appel auprès de la Section d’appel des réfugiés, il sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.

[2] Je conclus que la SPR a écarté des éléments de preuve ou les a mal interprétés et que la décision manque de justification, d’intelligibilité et de transparence. Par conséquent, j’accueille la demande.

II. Contexte

A. Contexte factuel

[3] Comme la SPR a rejeté la demande d’asile pour des raisons de crédibilité, les faits à l’origine de cette demande sont contestés.

[4] Le demandeur fonde sa demande d’asile sur sa crainte de l’armée du Sri Lanka, qui, selon ses prétentions, l’a détenu et battu en 2009 et en 2018 parce qu’il est un Tamoul originaire du nord du Sri Lanka et qu’il est soupçonné d’être un membre des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET).

[5] Pendant la guerre civile au Sri Lanka, le village dans lequel vivaient le demandeur et sa famille a été bombardé par l’armée sri-lankaise. L’un des frères du demandeur a été tué par une bombe militaire. En 2009, juste avant que la guerre civile ne prenne fin, le 18 mai 2009, le demandeur a été détenu pendant environ 11 jours dans un camp militaire. Il a été battu et ensuite rendu à sa famille.

[6] Le 2 avril 2018, le demandeur a été arrêté par l’armée à son domicile. Il a été détenu pendant trois jours et battu lors de deux de ces journées. Selon ses dires, l’armée croyait que son frère, qui est décédé en 2009, faisait partie des TLET et que lui-même aurait pu avoir des liens avec eux.

[7] Un ami de son père, Jerry, a soudoyé l’armée pour qu’elle le relâche. Jerry a conduit le demandeur à son domicile à lui, où il l’a hébergé pendant une semaine et s’est occupé de lui procurer un traitement de médecine naturelle pour soigner ses blessures. Jerry l’a ensuite conduit à Colombo pour qu’il s’y cache jusqu’ce qu’il s’enfuie du pays quelques semaines plus tard. En août 2018, le demandeur est arrivé aux États-Unis et a présenté une demande d’asile. Le 27 novembre 2018, le demandeur est entré au Canada et a présenté une demande d’asile.

B. Décision faisant l’objet du contrôle

[8] La SPR a examiné la demande d’asile présentée par le demandeur au titre de l’article 96 de la LIPR sous l’angle de son origine ethnique, du fait qu’il est un Tamoul soupçonné d’avoir des opinions politiques en tant que partisan des TLET, et de son appartenance à un groupe, du fait que son défunt frère est soupçonné d’avoir été un partisan des TLET. La SPR a conclu que le demandeur manquait de crédibilité, car il ne pouvait pas expliquer pourquoi l’armée le ciblerait en 2018, soit près de dix ans après la fin de la guerre civile. La SPR a également conclu que le demandeur n’avait présenté aucune preuve objective concernant Jerry, et qu’il n’avait pas établi qu’il était une personne d’intérêt pour les autorités sri-lankaises ou que son nom figurait sur leur « liste d’exclusion » des personnes qui n’avaient pas le droit de quitter le Sri Lanka. La SPR a examiné si le fondement objectif permettait de conclure que le demandeur serait exposé à un risque et elle a jugé qu’il ne faisait pas partie de l’un des quatre groupes décrits comme étant exposés à un risque dans un rapport du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni.

III. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[9] Le demandeur soutient : 1) que la SPR a déraisonnablement exigé qu’il ait une connaissance des mesures prises par des tiers, c’est-à-dire de la raison pour laquelle l’armée le ciblerait, 2) que la SPR a déraisonnablement exigé qu’il soumette une preuve objective concernant Jerry, l’homme qui l’a aidé à s’enfuir, 3) que la SPR a déraisonnablement évalué la preuve documentaire relative à la « liste d’exclusion » établie par les autorités sri‑lankaises, 4) que la SPR n’a pas tenu compte d’éléments de preuve, et 5) que la SPR a déraisonnablement évalué le risque couru par le demandeur eu égard à la preuve relative à la situation dans le pays en cause.

[10] Les parties conviennent que ces questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[11] Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, au para 85. Il incombe au demandeur de démontrer que la décision de la SPR est déraisonnable. Pour pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » : Vavilov, au para 100.

IV. Analyse

[12] Il n’est pas nécessaire d’analyser tous les arguments soulevés par le demandeur. Je traiterai des trois questions qui m’ont amenée à conclure que la présente affaire doit être renvoyée à la SPR pour nouvelle décision.

A. La SPR a commis une erreur dans son analyse de la preuve objective concernant Jerry, l’homme qui a aidé le demandeur à s’enfuir

[13] Le demandeur a témoigné que, lorsqu’il a été détenu par l’armée sri-lankaise en 2018, l’ami de son père, Jerry, l’avait aidé à s’enfuir en soudoyant l’armée, lui avait procuré un traitement pour soigner ses blessures et l’avait aidé à fuir le Sri Lanka.

[14] Selon la décision, la commissaire de la SPR a demandé au demandeur s’il avait un affidavit de Jerry, et le demandeur a répondu qu’il n’avait pas les coordonnées de Jerry et qu’il devait communiquer avec lui par l’entremise de son père. La commissaire lui a demandé pourquoi il n’avait pas les coordonnées de Jerry s’il avait travaillé avec lui pendant six à sept ans et avait séjourné chez lui pendant une semaine après avoir été relâché; le demandeur d’asile a répondu qu’il n’avait pas pensé à communiquer avec Jerry. La commissaire a rejeté cette explication, Elle a conclu que le demandeur n’avait pas fourni d’explication convaincante de la raison pour laquelle il n’était nullement mention de Jerry dans la lettre d’appui rédigée par le père, et que Jerry n’existait pas.

[15] Il y a plusieurs erreurs dans les conclusions tirées par la SPR concernant Jerry.

[16] Tout d’abord, contrairement ce qu’a conclu la SPR, Jerry est mentionné dans la lettre rédigée par le père du demandeur. En ce qui concerne l’arrestation du demandeur en 2018, son père a déclaré : [TRADUCTION] « J’ai réussi à le faire relâcher en payant deux lakhs à RS avec l’aide de Jerry, un de mes amis. »

[17] En outre, dans une autre lettre contenue au dossier, un député sri-lankais a également déclaré que le demandeur avait été relâché [TRADUCTION] « grâce au soutien financier de l’ami de son père, Jery [sic], qui a versé une rançon au personnel des services du renseignement de l’armée ».

[18] Les éléments de preuve mentionnés ci-dessus contredisent directement les conclusions de la SPR selon lesquelles « il n’y a aucune mention de Jerry dans la lettre d’appui rédigée par le père ». La conclusion selon laquelle « Jerry n’existe pas » et que « l’événement dans lequel Jerry aurait joué un rôle, à savoir la détention d’avril 2018, n’a donc pas eu lieu » est fondée en grande partie sur la conclusion erronée selon laquelle Jerry n’est pas mentionné dans la lettre d’appui rédigée par le père. Comme la preuve présentée à la SPR contredit le fondement de ces conclusions, c’est le caractère raisonnable de la décision de la SPR qui est remis en question.

[19] Le défendeur a soutenu à l’audience qu’il était écrit dans la décision que le demandeur avait déclaré que la lettre de son père ne mentionnait pas Jerry. Il m’est difficile de comprendre ce que la SPR a voulu dire puisqu’elle a poursuivi en concluant ce qui suit :

Le tribunal constate qu’il n’y a aucune mention de Jerry dans la lettre d’appui rédigée par le père et que le demandeur d’asile n’a aucune explication convaincante à ce sujet.

[20] La conclusion de la SPR semble suggérer qu’elle non plus ne croyait pas qu’il était question de Jerry dans la lettre d’appui du père.

[21] Le défendeur a également fait valoir à l’audience que la lettre rédigée par le député n’était que du ouï-dire. Toutefois, puisque la SPR n’a pas mentionné cette lettre dans sa décision, les explications avancées par le défendeur quant aux raisons pour lesquelles la SPR n’y a pas attribué de poids relèvent de la conjecture.

[22] Le défendeur a par ailleurs soutenu qu’il était raisonnable que la SPR exige des documents puisque le rôle joué par Jerry était au cœur de la demande d’asile du demandeur et que la SPR devait poser des questions à propos de Jerry. Il est vrai que la SPR doit pouvoir questionner le demandeur d’asile sur les éléments centraux de sa demande. Or, en l’espèce, la décision n’explique pas pourquoi la SPR n’a pas retenu le témoignage du demandeur au sujet de Jerry, à part le manque présumé de preuve documentaire.

[23] Selon la décision Senadheerage c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 968 au para 36, un décideur ne peut exiger des éléments de preuve corroborants que dans les cas suivants : (1) le décideur établit clairement un motif indépendant pour exiger la corroboration, comme des doutes quant à la crédibilité, l’invraisemblance d’un témoignage ou le ouï-dire; (2) la personne a omis de donner une explication raisonnable pour ne pas avoir pu obtenir des éléments de preuve qui auraient dû être accessibles. Je conviens avec le demandeur que la SPR n’a pas dit pourquoi l’explication qu’il avait donnée – qu’il ne communiquait pas directement avec Jerry – n’était pas satisfaisante, et que l’attente qu’elle avait à l’égard du demandeur – produire une preuve objective au sujet de Jerry – était essentiellement déraisonnable. Comme il est indiqué dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il arrive souvent qu’un demandeur ne soit pas en mesure d’étayer ses déclarations par des preuves documentaires.

[24] Même si je devais conclure que l’omission de fournir de la documentation « est une conclusion de fait exacte », comme l’a déclaré la Cour dans la décision Miral c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 7571 au para 23 : « elle ne peut être liée à la crédibilité [du demandeur], en l’absence d’une preuve contredisant les allégations ». La SPR n’a fait état d’aucun motif indépendant raisonnable justifiant d’exiger que l’existence de Jerry soit corroborée par une preuve. Puisqu’il n’y a aucune contradiction dans les allégations ou autre indication de manque de crédibilité, la SPR a commis une erreur en rejetant le témoignage livré par le demandeur à propos de Jerry.

[25] Même si la décision voulait vraiment dire que la lettre du père ne fournissait aucun détail sur ce que Jerry avait fait pour appuyer la demande du demandeur, une telle conclusion serait tout de même déraisonnable. Comme l’a dit le juge Campbell au paragraphe 11 de la décision Mahmud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 8019 (CF), le décideur a commis une erreur en rejetant des éléments de preuve « non pour ce qu’[ils] dis[ai]ent, mais bien pour ce qu’[ils] gard[ai ent sous silence ». Je tiens toutefois à préciser que, dans sa décision, la commissaire de la SPR n’a même pas fait cette analyse de la lettre du père puisqu’elle a erronément conclu que le nom de Jerry n’y était jamais mentionné.

[26] Selon le défendeur, l’analyse de la SPR est conforme à la jurisprudence, plus précisément au principe selon lequel « dans les cas où il existe un motif valable de douter de la crédibilité du demandeur d’asile ou lorsque sa version des faits est invraisemblable, l’absence de preuve documentaire peut être valablement prise en considération pour les besoins de l’appréciation de la crédibilité du demandeur s’il se révèle incapable de fournir une explication raisonnable » : Luo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 823 au para 20.

[27] Toutefois, en l’espèce, la SPR n’a pas mis en doute la crédibilité du demandeur en raison d’un manque de preuve documentaire. Elle a plutôt conclu que le demandeur manquait de crédibilité malgré la preuve documentaire. Par ailleurs, je ne vois rien dans la décision qui explique pourquoi la SPR a mis en doute la crédibilité du demandeur ou le caractère vraisemblable de sa demande d’asile, si ce n’est sa conclusion sur l’absence de preuve documentaire. Soit la commissaire de la SPR a écarté des éléments de preuve ou les a mal interprétés, soit elle n’a pas appuyé sa décision sur un raisonnement intelligible et rationnel, et le résultat ainsi atteint repose sur un fondement erroné; quoi qu’il en soit, la décision ne peut être tenue pour valide : Vavilov, au para 86.

[28] De plus, comme l’a écrit la juge Strickland au paragraphe 21 de la décision Luo, citée par le défendeur :

[...] le décideur, en l’occurrence la SPR, n’est fondé à prendre en considération la non-production de documents corroborants que s’il a des motifs légitimes de douter de la crédibilité du demandeur d’asile, ou s’il n’admet pas les explications par lesquelles celui-ci essaie de justifier cette non-production alors qu’il serait raisonnable de penser qu’il peut se procurer les documents en question (Radics, au paragraphe 30). Dans un tel cas, la SPR doit « préciser la nature des documents qu’elle s’attendait à recevoir et tirer une conclusion à cet effet » (Rojas, au paragraphe 6).

[29] À mon avis, la décision manque de la précision nécessaire pour comprendre non seulement la conclusion de non‑crédibilité tirée par la SPR, mais aussi sa décision de rejeter l’explication donnée par le demandeur à propos de ce qu’elle estimait être une absence de preuve documentaire concernant Jerry.

[30] Comme il est énoncé clairement au paragraphe 102 de l’arrêt Vavilov, « la cour de révision doit être en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale ». En l’espèce, les conclusions tirées par la SPR sur la crédibilité du demandeur ou son manque de crédibilité sont tout simplement inintelligibles.

B. La SPR a écarté la preuve relative à la persécution du demandeur

[31] Le demandeur fait valoir que la SPR n’a pas tenu compte de la possibilité que, même si une partie de la preuve pouvait être exagérée, d’autres éléments pouvaient appuyer sa demande d’asile, c’est-à-dire des lettres d’appui confirmant qu’il était persécuté par les autorités sri‑lankaises, que la SPR n’a pas examinées.

[32] Il est bien établi en droit que lorsqu’un décideur ne mentionne pas la preuve contradictoire dans ses motifs, on peut inférer que cette preuve n’a pas été prise en compte : Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 [1999] 1 CF 53 au para 17.

[33] Lorsqu’elle a conclu que le demandeur « n’[était] pas une personne d’intérêt pour les autorités sri-lankaises », la commissaire de la SPR n’a pas tenu compte de la lettre du député sri‑lankais. Ce dernier confirmait que le demandeur avait fait l’objet de deux arrestations et que l’armée s’était rendue au domicile de sa famille après son départ du Sri Lanka et avait menacé les membres de sa famille pour qu’ils lui disent où il se trouvait. Le député a ajouté ce qui suit :

[traduction] La situation n’a pas changé, même après le changement de régime et, par conséquent, tous les partisans des partis tamouls, les anciens membres des TLET et leurs partisans ou des innocents, sont menacés sous prétexte d’enquêtes. Tant de jeunes, qui étaient des enfants au moment de la dernière guerre, sont maintenant arrêtés parce qu’ils essaient de faire renaître le mouvement des TLET.

[34] La lettre du député n’est mentionnée nulle part dans la décision. Cette absence m’amène à conclure que la commissaire n’en a pas tenu compte et qu’elle a ainsi tiré une conclusion qui était contredite par la preuve qu’elle a écartée.

C. La SPR a déraisonnablement évalué le risque couru par le demandeur eu égard à la preuve relative à la situation dans le pays en cause

[35] La SPR a conclu à l’absence de fondement objectif permettant de conclure que le demandeur serait en danger au Sri Lanka. La SPR a fait remarquer que le cartable national de documentation (CND) répertoriait quatre groupes à risque : 1) les individus qui jouent un rôle d’importance, réel ou présumé, par rapport au séparatisme tamoul depuis la fin du conflit; 2) les journalistes ou militants des droits de la personne qui ont critiqué le gouvernement; 3) les individus qui ont fourni à la commission sur les leçons apprises et la réconciliation (Lessons Learnt and Reconciliation Commission) des éléments de preuve mettant en cause les forces de sécurité du Sri Lanka; 4) et les personnes dont le nom figure sur une « liste d’exclusion » informatisée pouvant être consultée à l’aéroport, qui comprend une liste des individus visés par une ordonnance de la cour ou un mandat d’arrestation. La SPR a conclu que le demandeur n’avait fourni aucune preuve crédible qu’il faisait partie d’un de ces groupes.

[36] Le demandeur fait valoir que cette conclusion pose problème parce qu’elle renvoie au rapport du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni, qui repose sur une conclusion rendue par un tribunal britannique plutôt que par un organisme non gouvernemental indépendant. Le demandeur soutient également que la SPR s’est appuyée sur un seul rapport et qu’elle n’a pas eu recours aux autres documents du CND.

[37] Bien que je convienne avec le défendeur qu’il était loisible à la SPR de préférer certains éléments de preuve à d’autres, étant donné que, en tant que juge des faits indépendant, il lui appartient de soupeser et d’évaluer la preuve, j’estime que, dans le présent cas, la commissaire n’a pas tenu compte de certains éléments du CND qui contredisaient ses conclusions, et plus précisément de documents selon lesquels les Tamouls qui faisaient autrefois partie des TLET, ou dont on soupçonnait qu’ils étaient des anciens membres, s’étaient dits surveillés et harcelés par les forces de sécurité sri‑lankaises.

[38] L’un des documents auxquels renvoie la SPR est une réponse à une demande d’information de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, dans laquelle il est indiqué que les personnes qui retournent au Sri Lanka sont « systématiquement » interrogées à leur arrivée par les autorités ou « placées sous surveillance ».

[39] Bien que le demandeur nie avoir déjà soutenu les TLET, je rejette l’argument du défendeur selon lequel seuls les partisans des TLET sont exposés à des risques, étant donné que le document mentionne également que les personnes ayant un lien perçu avec les TLET courent également un risque.

[40] Il ne m’appartient pas d’apprécier de nouveau la preuve. Mais je suis d’accord avec le demandeur pour dire que, puisqu’elle ne mentionne aucun des éléments de preuve présentés à l’appui de sa demande d’asile et qu’elle ne met l’accent que sur un seul document qui semble contradictoire, la décision manque sérieusement de justification, de transparence et d’intelligibilité.

V. Conclusion

[41] La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la SPR pour nouvelle décision.

[42] Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-59-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la SPR pour une nouvelle décision.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Avvy Yao-Yao Go »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-59-21

 

 

INTITULÉ :

KOBINATH PANCHALINGAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 mars 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GO

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 avril 2022

 

COMPARUTIONS :

Felix Chakirov

 

Pour le demandeur

 

Sally Thomas

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Felix Chakirov

Blanshay Law

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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