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Date : 20220329


Dossier : IMM‑3695‑21

Référence : 2022 CF 376

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2022

En présence de madame la juge St‑Louis

ENTRE :

AMANDEEP KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Mme Amandeep Kaur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 3 mai 2021 par laquelle une agente d’immigration principale d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [l’agente] a rejeté la demande de résidence permanente qu’elle a présentée au Canada pour des considérations d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].

[2] Dans sa décision, l’agente explique qu’elle a examiné la mesure dans laquelle Mme Kaur, compte tenu de sa situation particulière, serait exposée à un préjudice si elle devait quitter le Canada afin de présenter une demande de résidence permanente depuis l’étranger, selon la manière habituelle. À la suite de ce qu’elle a décrit comme une évaluation globale et cumulative des facteurs et des circonstances propres à Mme Kaur, l’agente a conclu qu’elle n’était pas convaincue que la situation personnelle de Mme Kaur était suffisamment impérieuse pour justifier la prise de mesures à l’égard des exigences habituelles relatives au traitement des demandes d’immigration.

[3] Pour les motifs exposés ci‑après, je conclus, selon les enseignements de la Cour suprême du Canada énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [arrêt Vavilov], que Mme Kaur ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de me convaincre que la décision de l’agente est déraisonnable. Pour les motifs exposés ci‑après, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.

II. Contexte

[4] Mme Kaur est citoyenne de l’Inde. Le 24 février 2011, elle est entrée au Canada au moyen du passeport de sa sœur, et elle a demandé l’asile. Elle a alors prétendu, essentiellement, avoir été victime de persécution et avoir été agressée et violée par la police en Inde. Elle a affirmé que la police indienne soupçonnait son père d’avoir aidé son cousin [le cousin de Mme Kaur], lui‑même soupçonné d’être un militant ou lié à des militants. En bref, Mme Kaur a également soutenu que son père avait été retrouvé mort et que la police l’avait violée après qu’elle et sa mère sont allées voir un avocat pour préparer une plainte contre la police. Elle a ajouté qu’elle craignait de retourner en Inde pour les mêmes raisons.

[5] Le 8 octobre 2014, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que Mme Kaur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger [la décision de la SPR], et elle a rejeté la demande d’asile. Contrairement à ce que Mme Kaur a déclaré dans ses observations à l’appui de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, qui ont été déposées à la Cour dans le cadre de la présente instance, la SPR a effectivement conclu que Mme Kaur n’avait pas établi de façon crédible les éléments factuels invoqués à l’appui de sa demande d’asile. La SPR a conclu qu’elle n’était pas un témoin crédible.

[6] La SPR a souligné, entre autres, (1) qu’en 2009, Mme Kaur a tenté à deux reprises d’obtenir un visa canadien sans succès; (2) qu’en 2008 et en 2010, elle a rendu visite à son oncle au Royaume‑Uni et à sa sœur en Suède pendant des mois; (3) qu’en février 2011, elle est venue au Canada en utilisant le passeport de sa sœur et elle a demandé la protection du Canada après que son identité a été mise en doute. La SPR a souligné que la conduite, l’exposé circonstancié et le témoignage de Mme Kaur présentaient des incohérences déterminantes, en ce qui concerne notamment (1) la date à laquelle elle aurait été violée, en janvier 2010 selon sa déclaration au point d’entrée, mais le 4 septembre 2010 selon son exposé circonstancié; (2) le fait qu’elle n’a jamais demandé l’asile au Royaume‑Uni, en Suède, où elle est restée pendant des mois, ou dans tout autre pays de l’espace Schengen auquel elle avait accès; (3) le fait qu’elle n’a pas quitté l’Inde en septembre 2010 lorsqu’elle a obtenu un nouveau visa du Royaume‑Uni; (4) le fait que son témoignage selon lequel elle ne pouvait rien faire après avoir constaté que son père était mort contredit son allégation selon laquelle elle a agi et a rencontré un avocat pour préparer une plainte contre la police; (5) l’allégation selon laquelle son oncle au Royaume‑Uni lui aurait demandé de quitter sa maison; (6) l’allégation selon laquelle elle a volé le passeport de sa sœur et elle a utilisé la carte de crédit de sa sœur sans que cette dernière ne s’en rende compte; (7) la contradiction entre son allégation selon laquelle elle était recherchée par la police en Inde et sa confirmation qu’elle a quitté l’Inde avec son propre passeport sans difficulté.

[7] Le 29 janvier 2015, la Cour a rejeté la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la SPR présentée par Mme Kaur.

[8] En avril 2016, Mme Kaur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi [l’ERAR]. Elle a alors répété essentiellement les mêmes allégations que celles qui avaient été examinées et évaluées par la SPR. Elle a déclaré qu’elle craignait toujours la police et elle a ajouté que les autorités en Inde lui causeraient du tort en raison de son statut de demandeur d’asile débouté faisant l’objet d’une expulsion. Le 27 novembre 2017, la demande d’ERAR de Mme Kaur a été rejetée. L’agent d’ERAR a souligné que Mme Kaur n’avait pas présenté d’éléments de preuve personnalisés démontrant qu’elle n’avait pas respecté les lois indiennes lors de son départ et qu’elle présentait donc un intérêt particulier pour les autorités indiennes. L’agent d’ERAR a également souligné que les éléments de preuve ne permettaient pas de contrebalancer les conclusions de la SPR et qu’ils n’établissaient pas suffisamment les risques allégués en cas de retour.

[9] Rien dans le dossier n’indique que Mme Kaur a contesté devant la Cour la décision défavorable relative à l’ERAR.

[10] Le 12 août 2019, Mme Kaur a demandé, au titre de l’article 25 de la Loi, le statut de résident permanent au Canada pour des considérations d’ordre humanitaire. Elle a alors soulevé sa solide intégration économique et les difficultés excessives auxquelles elle serait confrontée si elle devait retourner en Inde, étant donné son sexe et son groupe social. Le dossier montre que quelque 150 pages d’observations et de documents ont été présentées dans le cadre de sa demande.

[11] En janvier, en février et en août 2020, Mme Kaur a déposé des observations et des documents supplémentaires à l’appui de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[12] Deux documents ont été présentés au sujet de l’état de santé de Mme Kaur. Le premier, qui figure à la page 52 du dossier de la demanderesse, est une note d’une infirmière spécialisée du « CLSC ». La note confirme, essentiellement, que Mme Kaur est connue depuis 11 ans à la clinique et qu’elle n’a pas de problème de santé chronique. Elle décrit les allégations de Mme Kaur et demande que le statut de réfugié lui soit accordé. Le deuxième document qui figure à la page 81 du dossier de la demanderesse traite de psychiatrie et semble être une ordonnance médicale.

[13] Dans ses observations à la Cour, tant écrites qu’orales, Mme Kaur a mentionné un autre document médical, laissant supposer qu’il se trouvait dans le dossier certifié du tribunal [le DCT] de la présente instance, et qu’il était à la disposition de l’agente ayant examiné la demande de Mme Kaur fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Toutefois, à l’audience devant la Cour, l’avocat n’a pas été en mesure de confirmer si le document se trouvait effectivement dans le DCT et s’il était à la disposition de l’agente, et il n’a pas été en mesure de repérer le document dans le dossier. Le ministre a confirmé que le document existait, mais qu’il n’était pas dans le DCT ni à la disposition de l’agente ayant examiné la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Le ministre a confirmé que le document avait été présenté à la Cour dans d’autres instances.

[14] Après un examen attentif du DCT, je n’ai pas trouvé le document. De plus, un examen attentif des documents énumérés dans chacune des observations présentées à l’agente confirme que le document n’a pas été inclus. Comme je l’ai mentionné au cours de l’audience, je conclus que le document n’était pas à la disposition de l’agente et qu’il n’est pas à la disposition de la Cour dans la présente instance. Par conséquent, les seuls documents médicaux dont disposait l’agente ayant examiné la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire se trouvaient aux pages 52 et 81 du dossier de la demanderesse.

[15] À l’appui de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, Mme Kaur a expliqué qu’elle avait été victime de graves tortures et de viol en Inde et qu’elle souffrait du trouble de stress posttraumatique. Elle a mentionné qu’elle avait reçu beaucoup de soutien de la part de divers groupes et qu’elle avait une très bonne réputation. Elle a ajouté qu’elle n’a personne chez qui retourner en Inde et qu’elle a passé par l’Angleterre et la Suède avant de venir au Canada.

[16] Devant l’agent, Mme Kaur a souligné particulièrement certains facteurs qu’elle jugeait pertinents, à savoir : (1) les victimes de graves tortures et de graves violations des droits de la personne; (2) l’établissement économique et familial au Canada; 3) les décisions internationales au sujet de la torture des Sikhs; (4) les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et les viols en détention en Inde.

[17] En ce qui concerne le fait qu’elle a été victime de tortures graves et de violations graves des droits de la personne, Mme Kaur a déclaré que la SPR n’a pas rejeté sa demande en raison de conclusions sérieuses quant à la crédibilité liées à son témoignage ou à ses éléments de preuve. Elle a soutenu que le fait d’avoir été victime de viol en détention et d’avoir fait une tentative de suicide presque réussie sont des facteurs qui doivent être pris en compte dans la décision sur la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Elle a affirmé avoir donné de 10 000 $ à 15 000 $ à son ancien consultant pour sa demande d’ERAR et sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, mais que personne ne lui a demandé d’éléments de preuve sur ce qui lui est arrivé jusqu’à il y a quelques semaines.

[18] En ce qui concerne l’établissement économique et familial au Canada, Mme Kaur a fait valoir qu’elle était très bien intégrée sur le plan économique, car elle est une très bonne travailleuse et jouit d’une excellente réputation.

[19] En ce qui concerne la décision internationale sur la torture des Sikhs, elle a cité l’article 3 de la Convention contre la torture ainsi que l’arrêt Chahal c Royaume‑Uni, [1996] 23 EHRR 413 [arrêt Chahal].

[20] Enfin, en ce qui concerne les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et les viols en détention en Inde, Mme Kaur a mentionné qu’elle comprend que le fait que le SPR ait rejeté une demande d’asile antérieure peut avoir des connotations négatives. Elle a toutefois mentionné qu’elle estimait que les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la SPR n’avaient pas été respectées.

[21] Mme Kaur était censée quitter le Canada le 5 février 2020. Le 23 janvier 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a rejeté la demande de report du renvoi de Mme Kaur. Mme Kaur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision défavorable sur le report. Le 4 février 2020, la Cour a fait droit à sa requête en sursis d’exécution de son renvoi, jusqu’à ce que soit rendue la décision sur le bienfondé de la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente, à laquelle la Cour a par la suite fait droit.

[22] Le 3 mai 2021, l’agente a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire de Mme Kaur.

[23] L’agente a souligné que Mme Kaur est au Canada depuis plus de 10 ans et que ce facteur n’équivaut pas en soi à la prise de mesures pour des motifs d’ordre humanitaire. L’agente a fait remarquer que les facteurs dont Mme Kaur souhaite la prise en compte dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire comprennent la discrimination ou les conditions défavorables en Inde, l’établissement au Canada et l’absence de soutien en Inde.

[24] L’agente a également fait remarquer que Mme Kaur soutient qu’elle ne souhaite pas retourner en Inde en raison des mauvais traitements de la police, y compris le viol, qu’elle a endurés et de l’impunité accordée aux agents de police du pays, et qu’elle souffre du trouble de stress posttraumatique [le TSPT]. L’agente a conclu que les observations de Mme Kaur sur les mauvais traitements qu’elle a subis et sur le contexte factuel qui a mené à son établissement au Canada ne permettent pas de réfuter les conclusions de fait de la SPR, confirmées par la Cour fédérale du Canada, qui avait déjà examiné les allégations en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

[25] L’agente a reconnu qu’il y a certains problèmes liés aux droits de la personne en Inde, mais elle a souligné que Mme Kaur n’avait pas démontré que les conditions dans le pays auraient un effet direct défavorable sur elle et lui causeraient donc un préjudice tel qu’il justifie une exemption dans son cas.

[26] L’agente a également conclu que Mme Kaur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve permettant de démontrer (1) qu’elle subirait un préjudice à son retour en Inde selon l’énoncé du risque qu’elle associe à sa demande d’asile; (2) qu’elle souffre du TSPT ou d’autres problèmes de santé mentale ou qu’elle ne peut pas ou ne veut pas obtenir de traitement en santé mentale dont elle pourrait avoir besoin en Inde ou qu’elle subirait un préjudice indu si elle le faisait; (3) qu’elle serait touchée par les conditions défavorables dans son pays d’origine au point où une exemption est justifiée dans son cas.

[27] L’agente a souligné le fait que les personnes soutenant Mme Kaur (1) n’ont pas expliqué comment ni de quelle manière elles ont l’intention de l’aider si elle reste au Canada et (2) n’ont pas mentionné les préjudices qu’ils pourraient subir si elle quittait le Canada. Encore une fois, l’agente a conclu qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve permettant d’appuyer l’existence d’une dépendance mutuelle entre Mme Kaur et ses attaches personnelles, de sorte que son départ du Canada créerait des difficultés pour les personnes en cause.

[28] En ce qui concerne l’emploi, le bénévolat, l’appartenance religieuse et les efforts financiers de Mme Kaur depuis qu’elle est au Canada, l’agente a souligné qu’il ne s’agit pas d’établir si elle représenterait un ajout bienvenu à la société canadienne, mais si son renvoi en Inde causerait un préjudice tel qu’il justifie une exemption.

[29] L’agente a précisé que l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour des motifs d’ordre humanitaire ne devrait pas porter sur ce qui est inhérent au renvoi d’une personne qui se trouve à un endroit depuis un certain temps, et qu’il n’y a aucune préoccupation en l’espèce concernant la crédibilité de la demanderesse. L’agente conclut que l’évaluation globale et cumulative des facteurs et des circonstances propres à la demanderesse, y compris la nature exceptionnelle des mesures prises pour motifs d’ordre humanitaire, ne permet pas de la convaincre que la situation personnelle de Mme Kaur est suffisamment impérieuse pour justifier la prise de mesures à l’égard des exigences habituelles relatives au traitement des demandes d’immigration.

[30] C’est la décision qui fait l’objet d’un contrôle par la Cour dans la présente instance.

III. Arguments soulevés par la demanderesse

[31] Devant la Cour, dans son mémoire des faits et du droit, Mme Kaur soulève les arguments suivants contre la décision de l’agente :

[traduction]

Le fait qu’une personne soit victime de persécution grave fondée sur le sexe dans son pays et qu’elle souffre d’un traumatisme grave et d’anxiété est‑il suffisant pour établir qu’elle est une réfugiée? La décision respecte‑t‑elle les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et le droit à l’égalité?

L’agente d’immigration principale a‑t‑elle respecté les critères appropriés pour l’exercice de son pouvoir discrétionnaire quant à l’existence de motifs d’ordre humanitaire? La décideure a‑t‑elle suivi les directives formulées par la Cour suprême dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [arrêt Kanthasamy]?

L’agente d’immigration a‑t‑elle dûment justifié sa décision? La décision respecte‑t‑elle ce que la Cour suprême a exigé dans l’arrêt Vavilov? La décision peut‑elle être raisonnable?

Quelle est l’incidence de la faible représentation ou de l’absence de représentation sur la demande d’ERAR et sur la présentation tardive de la cause pour motifs d’ordre humanitaire? La décideure devrait‑elle accorder une certaine importance aux éléments de preuve présentés relativement au danger continu en Inde au lieu de faire des renvois simplistes à la décision de la SPR?

La décideure, dans le cas d’une demande pour considérations d’ordre humanitaire, est‑elle obligée de tenir compte des éléments de preuve de nature psychologique ou médicale qui font état d’un TSPT ou du traumatisme subi par une victime de viol? Une telle approche respecte‑elle les obligations du Canada en matière de droits de la personne à l’échelle internationale?

La décision respecte‑t‑elle l’interdiction, prévue à l’article 3 de la Convention contre la torture, de renvoi vers un État où il y a un risque important de torture.

[32] Mme Kaur soutient particulièrement que l’agente a rejeté la demande en raison des conclusions erronées de la SPR quant à la crédibilité. Elle déclare par la suite que [traduction] « [n]ous n’avons aucune raison de douter des éléments de base du récit énoncé dans l’exposé circonstancié accompagnant la demande d’asile ». De plus, Mme Kaur affirme que [traduction] « l’analyse de la crédibilité effectuée par la SPR contient de nombreuses erreurs graves ».

[33] Mme Kaur ajoute que des affidavits, des rapports médicaux, des lettres de la famille et des éléments de preuve sur le danger pour la famille en Inde ont été présentés au sujet des faits principaux, et qu’ils confirment que la police continue à persécuter sa famille et que, si elle retourne en Inde, des agents de police la maltraiteront probablement et la violeront peut‑être de nouveau. Mme Kaur ajoute qu’Amnestie Internationale, Human Rights Watch et les organismes indiens de défense des droits confirment tous qu’il y a un problème d’impunité de la police en Inde.

[34] Mme Kaur prétend également qu’il est impossible pour une personne comme elle de disposer d’une possibilité de refuge intérieur (la PRI) en Inde, car il existe un système de camouflage, d’intimidation et de menaces au sein de la police du Pendjab, et elle cite les principes directeurs du HCR sur les PRI. Elle prétend également que la décideure n’a pas tenu compte du fait que, en tant que personne vulnérable, elle n’a pas été traitée avec respect par le consultant en immigration, et elle ajoute que la décision sur la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne tient pas compte des principaux motifs invoqués pour suspendre l’expulsion.

[35] Mme Kaur soutient qu’il est clair qu’une expulsion sans examen de l’aspect humanitaire du cas d’une victime d’agression sexuelle en Inde ne respecte pas les valeurs fondamentales et le principe de l’égalité des sexes énoncés dans la Charte canadienne. Elle ajoute que la population canadienne ne croit pas que le Canada renvoie les victimes de viol aux mêmes policiers qui les ont violées.

[36] Mme Kaur prétend que l’agente n’a pas respecté les principes énoncés dans l’arrêt Kanthasamy, et elle invoque également la décision Rainholz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 121, pour soutenir que la jurisprudence souligne l’importance des éléments de preuve d’ordre psychiatrique et psychologique.

[37] Mme Kaur prétend que le principal raisonnement qui sous‑tend la décision sur la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est qu’elle facilite les expulsions sans égard au respect des droits fondamentaux, et elle réitère que la présence du TSPT et la négligence du consultant en immigration sont à peine prises en compte dans la décision. Selon les observations de la demanderesse, le fait de ne pas accorder d’importance à une victime de viol qui souffre du TSPT et de dépression ne respecte pas les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la SPR. Invoquant l’arrêt Vavilov, la demanderesse soutient qu’une absence de motifs sérieux a été observée dans la décision.

[38] Mme Kaur soutient également que l’agente aurait dû tenir compte de ce qui a été présenté au sujet de l’absence de représentation efficace. Au paragraphe 38 de son mémoire, elle déclare que [traduction] « [c]e qui est le plus choquant, cependant, c’est le fait que la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire a été payée à un prix très élevé en 2016, mais n’a été envoyée qu’en août 2019, après la réception du rejet de la demande d’ERAR ».

[39] Au sujet du TSPT et du traitement d’une victime de viol, Mme Kaur prétend que le juge Bell, dans sa décision sur la demande de sursis, et le juge Shore, lors du contrôle judiciaire, ont accordé beaucoup de poids à la lettre du CLSC et aux autres professionnels canadiens qui ont donné leur avis. Invoquant l’arrêt Kanthasamy, Mme Kaur ajoute que le fait d’accorder peu d’importance aux psychologues et aux médecins du Canada est une erreur de droit flagrante.

[40] En ce qui a trait à l’interdiction du renvoi vers un État où il y a un risque de torture, Mme Kaur affirme que la norme de contrôle dans un contexte de véritable situation des droits de la personne doit certainement être un contrôle de niveau constitutionnel. Elle prétend que la Charte canadienne s’applique, et elle invoque l’arrêt Chahal pour mettre l’accent sur les obligations dont un gouvernement doit s’acquitter en vertu de l’article 3 de la Convention contre la torture. Elle soutient également que le raisonnement appliqué par la Cour européenne dans l’arrêt Chahal devrait être appliqué pour l’interprétation de l’article 12 de la Charte canadienne. Elle rappelle à la Cour qu’elle risque d’être exposée à la torture si elle retourne en Inde.

[41] Mme Kaur souligne qu’il faut appliquer la norme suivante : [traduction] « [… ] existetil une possibilité raisonnable de persécution, de torture et de traitement inhumain pour Mme Kaur et sa famille ». Mme Kaur soulève des problèmes de manquement au principe de justice naturelle.

[42] Dans son mémoire en réplique, Mme Kaur confirme qu’elle souhaite remettre en litige, devant la Cour, les conclusions de fait de la SPR.

IV. Questions soumises à la Cour

[43] Essentiellement, la Cour doit établir si Mme Kaur, comme il lui incombe de le faire, a démontré que la décision de l’agente était déraisonnable.

[44] À la lumière des arguments soulevés par Mme Kaur, je dois établir, en particulier :

(1) si, dans le cadre de la présente instance, Mme Kaur peut, comme elle le prétend, remettre en litige les conclusions de fait de la SPR et de l’agent d’ERAR parce que la SPR et l’agent d’ERAR ont commis des erreurs et n’ont pas suivi les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la SPR, et parce que son consultant était incompétent au chapitre de la représentation;

(2) si l’agente a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les observations sur les mauvais traitements et le contexte factuel qui ont mené à l’établissement de Mme Kaur au Canada ne permettaient pas de réfuter les conclusions de fait de la SPR, qui ont été confirmées par la Cour fédérale du Canada;

(3) si l’agente a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que Mme Kaur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve permettant de démontrer qu’elle souffrait du TSPT ou d’autres problèmes de santé mentale, qu’elle ne pouvait pas ou ne voulait pas obtenir de traitement en santé mentale en Inde ou qu’elle subirait un préjudice indu si elle le faisait;

(4) si l’agente a commis une erreur en n’appliquant pas ou en n’invoquant pas les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la SPR.

V. Norme de contrôle

[45] Je conviens avec les parties que la norme de contrôle appropriée applicable à une décision prise en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi est la norme de la décision raisonnable, y compris pour le processus de raisonnement du décideur et son résultat.

[46] Comme il est expliqué dans l’arrêt Vavilov, il existe une présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable aux décisions administratives. La jurisprudence confirme que la norme applicable aux décisions relatives à des raisons d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable (Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au para 18 [arrêt Kisana], Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 8, au para 20). La Cour doit garder à l’esprit la retenue dont il faut faire preuve à l’égard des décisions rendues sur le fondement du paragraphe 25(1) de la Loi (arrêt Kanthasamy, au para 64).

[47] Comme l’affirme la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, au paragraphe 85, « […] une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de justice qu’elle fasse preuve de déférence envers une telle décision ».

VI. Décision

[48] Il est important de répéter qu’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire demeure une mesure exceptionnelle et extraordinaire, voir Semana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1082, par le juge Gascon, au paragraphe 15 :

Il est de jurisprudence constante qu’une exemption pour motifs d’ordre humanitaire est une mesure d’exception, discrétionnaire par surcroît (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2002 CAF 125 [Legault], au paragraphe 15; Adams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1193 [Adams], au paragraphe 30). Ce recours n’appartient pas aux catégories d’immigration normales, ou à ce qui est décrit comme « l’asile », par lesquelles les étrangers peuvent venir au Canada de façon permanente, mais constitue une sorte de soupape de sécurité disponible pour des cas exceptionnels. Une telle exemption « ne vise pas à créer une filière d’immigration de remplacement ni à offrir un mécanisme d’appel aux demandeurs d’asile » ou aux demandeurs de résidence permanente déboutés (Kanthasamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CAF 113 [arrêt Kanthasamy de la CAF], au paragraphe 40).

[49] À cet égard, voir aussi Santiago c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 91, aux paragraphes 27 et 28, Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Nizami, 2016 CF 1177, au paragraphe 16, et Joseph c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 904, au paragraphe 24.

[50] En ce qui concerne son argument sur la Charte canadienne, Mme Kaur n’explique pas comment la Charte peut s’appliquer dans la présente instance. Le fait de mentionner qu’il existe un contrôle de niveau constitutionnel et que la Charte est censée s’appliquer à chaque étape de la procédure ne suffit pas à démontrer l’application de la Charte dans le cas d’une décision sur une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Je n’analyserai donc pas davantage cet argument.

[51] Pour ce qui est de l’observation de Mme Kaur selon laquelle il n’y a absolument rien de raisonnable dans le fait que l’agente ait refusé de tenir compte d’éléments de preuve en raison des conclusions quant à la crédibilité tirées par la SPR sept ans auparavant, compte tenu particulièrement des erreurs d’analyse flagrantes que comporte la décision, encore une fois, je rejetterais l’argument. D’une part, je remarque qu’il ne s’agit pas d’un contrôle judiciaire de la décision de la SPR et que la décision de la SPR n’a pas fait l’objet d’un nouvel examen, car la Cour a rejeté la demande d’autorisation (IMM‑742014). Par conséquent, la Cour ne peut accepter que la décision de la SPR comporte des erreurs d’analyse flagrantes. D’autre part, je ne suis pas d’accord avec le fait que l’agent a refusé de tenir compte d’éléments de preuve, car il a souligné qu’il a examiné les observations et qu’il a conclu qu’elles ne permettaient pas de réfuter les conclusions de fait que contenait la décision de la SPR. Une telle formulation signifie très clairement que l’agent a examiné les éléments de preuve afin d’établir si les conclusions de fait ont été réfutées.

[52] Dans ses observations, Mme Kaur confirme qu’elle tente de remettre en litige une question qui a été tranchée par la SPR, la Cour et l’agent d’ERAR. La situation en l’espèce est en effet semblable à celle observée dans la décision Herrada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1003, par laquelle la Cour a décidé qu’un demandeur ne peut pas soutenir que des conclusions quant à la crédibilité tirées par la SPR , un agent d’ERAR et la Cour devraient être réexaminées et remises en litige devant le décideur saisi d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Les paragraphes 37 à 39 de la décision Herrada énoncent ce qui suit :

M. Salomon Herrada et sa famille semblent croire que s’ils ajoutent des documents au dossier, au stade de leur demande pour des motifs humanitaires, les conclusions de la SPR, de la Cour fédérale et de l’agent d’ERAR quant à leur crédibilité seront infirmées ou oubliées. De même, ils semblent croire que la conclusion quant à la protection de l’État au Pérou sera également infirmée s’ils déposent de la preuve documentaire sur la situation au Pérou. [38]

Par contre, tel qu’il ressort de la décision Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 1 C.F. 483, [2000] A.C.F. no 1365 (QL), au paragraphe 27, l’agent qui traite une demande pour motifs humanitaires ne siège ni en appel, ni en contrôle de la décision de la SPR :

Selon moi, le processus d’attribution de la qualité de DNRSRC est de nature administrative. De ce fait, le rôle de l’agent se limite à un examen de la preuve versée au dossier, y compris les nouveaux documents et les nouvelles observations présentés par les demandeurs. L’agent n’est donc pas libre de procéder à une nouvelle évaluation de la crédibilité du demandeur et d’infirmer les conclusions sur la crédibilité tirées par la Section du statut de réfugié. Le juge Nadon a affirmé, dans l’affaire Hussain c. Canada (M.C.I.), qu’un agent d’immigration saisi d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, dont le but n’est pas de plaider à nouveau les faits présentés à l’origine devant la Commission du statut de réfugié, ne siège ni en appel ni en contrôle de la décision de la Commission; je crois que cela vaut aussi en ce qui concerne les DNRSRC. (Voir aussi : Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 751 (C.F. 1ère inst.) (QL), au paragraphe 12.)

Par conséquent, en traitant la demande pour motifs humanitaires, l’agent d’immigration n’était pas libre de procéder à une nouvelle évaluation de la crédibilité de M. Salomon Herrada et sa famille et d’infirmer les conclusions sur la crédibilité tirées par la SPR. L’agent d’immigration ne pouvait non plus infirmer la conclusion de la SPR quant à la protection adéquate de l’État au Pérou. Plus particulièrement, l’agent d’immigration ne pouvait se fonder sur le fait que M. Salomon Herrada et sa famille auraient été visés par le Sentier Lumineux, étant donné les conclusions de la SPR sur cette question.

[53] Par conséquent, et puisque Mme Kaur a soulevé les mêmes questions que celles que la SPR et l’agent d’ERAR avaient tranchées, il était raisonnable pour l’agente de conclure, à la page 3 de ses motifs, au deuxième paragraphe, que les conclusions de fait de la SPR n’avaient pas été réfutées.

[54] En ce qui concerne l’incompétence prétendue de son représentant, Mme Kaur n’a pas suivi le protocole établi par la Cour en 2014, intitulé Concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger, qui s’applique lorsqu’un demandeur soulève des allégations d’incompétence ou de négligence d’un ancien avocat ou d’un ancien représentant autorisé. Comme l’a soutenu le ministre, la simple mention d’un [traduction] « consultant assez peu scrupuleux » n’est pas suffisante pour plaider avec succès l’incompétence d’un ancien avocat ou d’un ancien représentant à la Cour fédérale.

[55] En ce qui concerne l’observation de Mme Kaur selon laquelle la décision est déraisonnable pour ce qui est du traitement de la preuve médicale et de la preuve des travailleurs sociaux, elle doit être rejetée à la lumière de l’absence d’éléments de preuve qui ont été présentés à l’agente. L’agente a déclaré dans sa décision que [traduction] « les éléments de preuve présentés par la demanderesse ne permettaient pas de démontrer qu’elle souffre du TSPT ou d’autres problèmes de santé mentale […] ». Après avoir examiné la lettre figurant à la page 52 du dossier de la demanderesse et l’ordonnance figurant à la page 81, j’estime que la conclusion de l’agente est raisonnable, car ces documents ne contiennent aucun commentaire probant d’ordre médical. De plus, comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale, « [i]l est bien établi que les éléments de preuve administrés en contrôle judiciaire se limitent à ceux qui ont été présentés devant le tribunal administratif […] » (Brink’s Canada Limitée c Unifor, 2020 CAF 56, au para 13). Le fait que Mme Kaur ait invoqué la décision du juge Bell et celle du juge Shore est mal fondé, car il est clair que des éléments de preuve supplémentaires ont été présentés à la Cour dans les affaires en question, des éléments de preuve dont ne disposait pas l’agente saisie de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et dont ne disposait par conséquent pas la Cour, comme je l’ai souligné plus tôt.

[56] L’agente a pris en considération l’établissement de Mme Kaur au Canada et a jugé qu’il s’agissait d’un facteur favorable dans une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. L’agente a également pris en considération les lettres de soutien déposées avec la demande. Comme il a été mentionné, les lettres n’expliquent pas comment les personnes en question aideraient Mme Kaur si elle restait au Canada, et elles ne mentionnent pas non plus les préjudices que ces personnes ou leurs organisations pourraient subir si Mme Kaur retournait en Inde.

[57] Enfin, Mme Kaur ne m’a pas convaincue du fait que l’agente était tenue de suivre les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la SPR dans le cadre de son évaluation de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, évaluation qui est entièrement fondée sur les observations écrites, sans témoignage. La jurisprudence invoquée par Mme Kaur au cours de l’audience confirme que l’agente n’est pas tenue de suivre les directives en question.

[58] En dernier lieu, et compte tenu des arguments soulevés dans le cadre de la présente instance, je trouve utile de citer la juge Roussel, au paragraphe 11 de l’arrêt Singh :

[traduction]
[11] Enfin, les arguments du demandeur concernant l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et l’obligation du Canada de se conformer aux instruments de droit international et à la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.U.), 1982, ch. 11, ont déjà été pris en compte et rejetés à plusieurs reprises (Sandhu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 902, au para 2 (CAF); Ogiemwonyi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 46, au para 39; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 341, aux para 1718; Fares c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 797, aux para 40‑44; Sidhu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 39, au para 16).

[59] Mme Kaur a proposé les questions suivantes à des fins de certification :

[traduction]

La norme de contrôle actuelle de la Cour fédérale, soit la norme de la décision raisonnable, et le manque d’attention accordée au fond des décisions concernant nos obligations internationales respectent‑ils le droit à un recours judiciaire utile prévu à l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés? Les recours judiciaires actuels que constituent la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et le contrôle judiciaire par la Cour fédérale respectent‑ils nos obligations internationales en matière de droits de la personne pour ce qui est d’offrir un recours utile en vertu du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, recours qui est lié aux droits substantiels visés aux articles 6 et 7 de cette même convention en matière de déportation?

Le décideur est‑il tenu d’accorder un certain poids aux nouveaux éléments de preuve présentés des années après la décision de la SPR concernant un point central de la décision et est‑il tenu de commenter ces éléments de preuve et la situation des droits de la personne en Inde? Peut‑il être raisonnable pour le décideur administratif ou le juge de la Cour fédérale dans le cas d’un contrôle judiciaire de restreindre son enquête sur les violations possibles des droits de la personne en fonction des conclusions quant à la crédibilité de la SPR?

[60] Le ministre s’oppose à la certification. Je conviens avec le ministre qu’aucune des questions ne devrait être certifiée, pour les raisons qu’il a exposées dans sa lettre du 4 mars 2022, et je refuserai donc l’invitation de Mme Kaur à certifier une question.


JUGEMENT dans le dossier IMM369521

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Martine StLouis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B.

Traductrice‑conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM369521

INTITULÉ :

AMANDEEP KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC) (PAR VIDÉOCONFÉRENCE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 FÉVRIER 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STLOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MARS 2022

COMPARUTIONS :

Me Stewart Istvanffy

POUR LA DEMANDERESSE

Me Daniel Latulippe

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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