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Date : 20220413


Dossier : IMM-4043-21

Référence : 2022 CF 539

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 avril 2022

En présence de madame la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

UMAR, BILQIS SURAKTU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Mme Bilqis Suraktu Umar est une jeune Ghanéenne qui a présenté une demande de visa de résident temporaire afin de suivre un programme d’études supérieures en gestion mondiale des affaires au Collègue Georgian, en Ontario. Un agent d’immigration a rejeté sa demande parce qu’il n’était pas convaincu qu’elle quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée. La demanderesse sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.

II. La décision faisant l’objet du présent contrôle

[2] La lettre de refus est assez habituelle et indique simplement que le permis d’études est refusé pour les motifs suivants :

[traduction]
• Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada au terme de votre séjour, comme l’exige le paragraphe 216(1) du RIPR, compte tenu de vos biens personnels et de votre situation financière;

• Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada au terme de votre séjour, comme l’exige le paragraphe 216(1) du RIPR, compte tenu de l’objet de votre visite.

[3] Cependant, les notes de l’agent versées au Système mondial de gestion des cas étayent davantage la décision :

[traduction]
• Peu de fonds disponibles pour couvrir les frais de scolarité et le coût de la vie au Canada (les relevés bancaires montrent des soldes instables ne permettant pas de couvrir les frais de scolarité et les frais de subsistance d’un étudiant au Canada);

• Faibles liens avec le pays de résidence, absence d’établissement;

• Les études que prévoit faire la demanderesse ne semblent pas raisonnables au regard de ses études antérieures et de son historique d’emploi (la demanderesse principale n’a pas fourni de lettre de motivation ni expliqué son choix d’université/de programme et n’a pas joint de relevé de notes ou de diplôme pour démontrer ses études et sa position sociale);

• Préoccupations quant à « l’objet véritable » de son séjour au Canada;

• Les faibles notes obtenues dans le cadre de ses études universitaires antérieures entraînent des préoccupations quant à la capacité de la demanderesse à réussir ses études postsecondaires au Canada.

III. Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[4] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son évaluation de l’objet de la visite de la demanderesse?

  2. L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son évaluation des ressources financières de la demanderesse?

[5] Je conviens avec les parties que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65).

IV. Analyse

A. L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son évaluation de l’objet de la visite de la demanderesse?

[6] La demanderesse soutient que, même si l’agent n’est pas tenu d’accepter l’objet allégué de sa visite, il était tenu d’expliquer son refus. Selon l’agent, la demanderesse n’a pas fourni de lettre de motivation pour expliquer le programme d’études proposé ni de relevé de notes de ses études antérieures. Pourtant, elle a bien joint ces documents à sa demande. Les commentaires de l’agent concernant ces documents prétendument manquants laissent croire qu’il n’a pas du tout examiné la déclaration d’intention de la demanderesse et qu’il n’a pas tenu compte de la preuve contredisant ses conclusions.

[7] La demanderesse et le défendeur conviennent que les agents d’immigration possèdent une certaine expertise lorsqu’il est question de déterminer les intentions réelles des demandeurs d’un permis d’études (My Hong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 463 au para 13). Ils conviennent également qu’il incombe à la demanderesse de démontrer qu’elle est une véritable étudiante (Duc Tran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1377 au para 4; Akomolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 472 au para 16).

[8] Je reconnais que les agents des visas jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour l’appréciation de la preuve et la prise de décision et que l’on doit faire preuve d’une grande retenue (Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1493 au para 7; Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 au para 12; Obeng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 754 au para 21; Zamor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 479 au para 19).

[9] Par contre, j’estime qu’en l’espèce, les notes de l’agent ne me permettent pas de comprendre son raisonnement, vu la preuve présentée par la demanderesse. Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a déclaré que « la cour de révision doit plutôt être en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale » (au para 102). Si l’on consulte la copie certifiée du dossier du Haut‑Commissariat du Canada au Ghana, il est évident que la demanderesse a bien joint à sa demande les relevés de notes de ses études postsecondaires antérieures, un « plan d’études » de deux pages expliquant pourquoi elle a choisi ce programme d’études ainsi qu’une « lettre d’intention de retour ». Pourtant, dans un passage de ses notes, l’agent mentionne que la demanderesse [traduction] « n’a pas fourni de lettre de motivation ni expliqué son choix d’université/de programme et n’a pas joint de relevé de notes ou de diplôme pour démontrer ses études et sa formation ». Quelques phrases plus loin, il ajoute que les [traduction] « relevés de notes affichent de faibles notes dans ses études postsecondaires ».

[10] À mon avis, cette contradiction dans les motifs de l’agent fait en sorte qu’il est impossible de conclure que la décision est raisonnable.

[11] Étant donné que l’agent a accordé un poids considérable à ce manque allégué de preuve documentaire, je suis d’avis que la décision ne peut être confirmée sur un autre fondement.

V. Conclusion

[12] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de l’agent n’est pas fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et qu’elle n’est pas justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes. J’accueille donc la présente demande de contrôle judiciaire, j’annule la décision et je renvoie l’affaire à un nouveau décideur. Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4043-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent d’immigration datée du 22 avril 2021 est annulée et l’affaire est renvoyée au Haut‑Commissariat du Canada au Ghana pour nouvelle décision.

  3. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4043-21

 

INTITULÉ :

UMAR, BILQIS SURAKTU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 MARS 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 13 AVRIL 2022

 

COMPARUTIONS :

Annabel E. Busbridge

Nelly Foaleng Fotue

 

Pour la demanderesse

 

Claudia Gagnon

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand, Deslauriers Avocats LLP/SPA

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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