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Date : 20220420


Dossier : IMM-34-20

Référence : 2022 CF 557

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2022

En présence de madame la juge Sadrehashemi

ENTRE :

JAN BALGAR, IVA BALGAR ET

VOJTECH BALGAR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs sont les membres d’une même famille constituée du mari, de sa femme et de leur fils adulte. Ils sont citoyens de la République tchèque et de l’Allemagne et ont présenté une demande d’asile à titre de réfugiés de ces deux pays. Leur demande est fondée sur l’allégation selon laquelle ils seraient victimes de discrimination équivalant à de la persécution — en Allemagne parce qu’ils sont des ressortissants tchèques, et en République tchèque parce qu’ils font partie d’un groupe social particulier, à savoir ceux qui sont considérés [traduction] « comme des traitres parce qu’ils ont longtemps habité aux États‑Unis ».

[2] La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté leur demande en juin 2015. Une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision a été présentée à la Cour, qui l’a finalement accueillie par voie d’ordonnance sur consentement. L’affaire a été renvoyée à la SPR pour qu’un autre commissaire rende une nouvelle décision. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

[3] Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur en concluant qu’ils n’avaient pas établi l’existence d’un lien avec l’un des motifs prévus dans la Convention lorsqu’elle a évalué leur crainte de persécution en Allemagne. Je ne suis pas d’accord. La décision de la SPR fait clairement état d’un lien entre la nationalité tchèque des demandeurs et leur présence en Allemagne. Cependant, la SPR a conclu que, cumulativement, la discrimination dont ils auraient été victimes n’équivalait pas à de la persécution. En outre, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que la SPR n’a pas réalisé d’analyse prospective relativement à leur allégation de persécution, ou qu’elle a exigé une preuve de la persécution qu’ils auraient subie par le passé. Après examen des motifs de la SPR, je ne vois aucune de ces erreurs.

[4] Comme il y a deux pays de référence, il aurait été suffisant pour la SPR de conclure que la demande n’avait pas été établie pour l’Allemagne ou pour la République tchèque. De la même manière, je n’ai pas à examiner le caractère raisonnable de la décision en ce qui concerne la République tchèque puisque j’ai conclu qu’il n’y a aucune raison d’invalider la décision de la SPR au sujet de l’allégation concernant l’Allemagne.

[5] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.

II. Contexte factuel

[6] Les demandeurs sont nés en République tchèque. Compte tenu des liens familiaux du demandeur adulte en Allemagne, ils ont tous trois été en mesure d’obtenir la citoyenneté allemande. Le demandeur adulte a vécu en Allemagne pendant environ un an dans les années 1990. La famille a également vécu en République tchèque et aux États‑Unis.

[7] Les demandeurs ont habité aux États‑Unis entre 1999 et 2009 environ. La famille s’est rendue dans ce pays en raison des difficultés économiques qu’elle avait connues en République tchèque. Les demandeurs n’ont pas de statut permanent aux États‑Unis. En 2009, la famille est rentrée en République tchèque en raison de problèmes de santé et d’une maladie dans l’entourage familial du demandeur adulte.

[8] En mai 2012, les demandeurs ont quitté la République tchèque pour se rendre au Canada, où ils ont demandé l’asile peu de temps après leur arrivée. En juin 2015, la SPR a rejeté la demande au motif qu’elle n’avait aucun fondement crédible. Cette décision a été contestée avec succès et l’affaire a été renvoyée à la SPR pour qu’elle rende une nouvelle décision.

[9] L’audience des demandeurs devant la SPR s’est tenue le 21 octobre 2019 et leur demande a été rejetée le 20 novembre 2019.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[10] Les demandeurs contestent la décision de la SPR en ce qui concerne le fond de la décision du commissaire à l’égard de la demande d’asile qu’ils ont présentée à titre de réfugiés de l’Allemagne et de la République tchèque. Les parties conviennent que je devrais appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable à mon analyse. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de la décision raisonnable est la norme qui est présumée s’appliquer au contrôle des décisions administratives sur le fond. La présente affaire ne soulève aucune question qui justifierait que l’on s’écarte de cette présomption.

IV. Analyse

[11] Les demandeurs soutiennent que la SPR n’a pas reconnu l’existence d’un lien entre leur crainte de persécution en Allemagne et l’un des motifs prévus par la Convention. Cette allégation n’est pas étayée à la lumière des motifs de la SPR, qui a précisément conclu qu’il existait un lien avec un motif prévu dans la Convention : « Le tribunal a examiné les allégations du demandeur d’asile principal en vue d’établir si elles révélaient un lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention. Le tribunal estime que oui, car les allégations de discrimination portent sur la nationalité des demandeurs d’asile, c’est‑à‑dire leurs origines tchèques. »

[12] La SPR a rejeté la demande en se fondant sur la conclusion selon laquelle la discrimination que les demandeurs pourraient subir en Allemagne n’équivaudrait pas à de la persécution.

[13] Les demandeurs soulèvent deux autres questions : i) le fait que la SPR n’a pas réalisé d’analyse prospective; ii) l’insistance de la SPR sur le fait qu’il devrait exister une preuve de la persécution qu’ils ont subie par le passé. Les demandeurs soulèvent ces allégations dans le contexte de leur argument relatif à l’existence d’un lien avec l’un des motifs prévus par la Convention, lequel a été jugé sans fondement. Même si l’on examine ces questions à la lumière de la conclusion de la SPR quant à l’allégation concernant la discrimination subie qui, cumulativement, équivaudrait à de la persécution, rien dans les motifs de la SPR n’indique que ces erreurs ont été commises.

[14] La SPR a réalisé une évaluation prospective de l’allégation de discrimination. Elle a examiné la documentation sur le pays qui s’appliquait à la question. La SPR a fait des commentaires au sujet du type d’expériences que le demandeur adulte dit avoir vécues en Allemagne et a conclu que celles‑ci n’équivalaient pas à de la persécution. Ces déclarations de la SPR n’indiquent pas qu’elle a adopté une approche exigeant des demandeurs qu’ils aient été persécutés par le passé, ou qu’elle n’a pas perçu sa tâche comme constituant une évaluation prospective. La SPR a tenu compte de la documentation récente relative à la discrimination en Allemagne et a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils y feraient l’objet d’une discrimination équivalant à de la persécution. Je ne vois aucune raison d’intervenir dans cette évaluation. La décision est transparente, intelligible et justifiée.

[15] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a soulevé de question de portée générale à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-34-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Lobat Sadrehashemi »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

 

IMM-34-20

INTITULÉ :

JAN BALGAR ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 OCTOBRE 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SADREHASHEMI

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 20 AVRIL 2022

COMPARUTIONS :

Anna Davtyan

POUR LES DEMANDEURS

Matthew Siddall

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EME Professional Corporation

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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