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Date : 20220429


Dossier : IMM-5571-19

Référence : 2022 CF 626

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2022

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

AKASH KUMAR LATCHMAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Akash Kumar Latchman, sollicite le contrôle judiciaire d’une mesure d’exclusion prise contre lui, le 31 août 2019, après qu’un agent eut conclu qu’il était interdit de territoire au motif qu’il ne s’était pas conformé aux conditions édictées par l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et l’article 9 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], pour devenir résident temporaire.

II. Contexte factuel

[2] Le demandeur est citoyen de Trinité-et-Tobago. Il a demandé un permis d’études afin de pouvoir fréquenter le Collège Confederation, à Thunder Bay, en Ontario. Le collège a accepté sa demande d’admission le 14 mai 2019.

[3] Le 16 août 2019, le demandeur a reçu une lettre officielle l’informant que sa demande de permis d’études était approuvée (lettre d’approbation).

[4] Cette lettre d’approbation indiquait qu’un permis l’autorisant à étudier au Canada lui serait délivré à son arrivée au Canada après qu’un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ait procédé à un contrôle. Il y était précisé que l’approbation était conditionnelle à ce que le demandeur respecte les exigences de la LIPR et du RIPR.

[5] Le demandeur était également informé qu’il devrait présenter à l’agent la lettre et d’autres documents comme sa lettre d’acceptation de l’établissement d’enseignement et son passeport.

[6] Selon le demandeur, le 31 août 2019, lorsqu’il est arrivé au point d’entrée, il a présenté la lettre d’approbation, mais l’agent a établi un rapport au titre du paragraphe 44(1) de la LIPR selon lequel le demandeur était interdit de territoire parce qu’il n’avait pas le visa exigé par l’alinéa 20(1)b) de la LIPR pour devenir un résident temporaire, et qu’il avait enfreint l’article 9 du RIPR en essayant d’entrer au Canada pour y étudier sans avoir préalablement obtenu un permis d’études.

[7] La mesure d’exclusion a été prise au motif que le demandeur était interdit de territoire parce qu’il avait déjà travaillé illégalement au Canada, sans statut adéquat, et qu’il n’était pas admissible à travailler ou à suivre les études qu’il avait prévu de suivre parce qu’il ne s’était pas écoulé six mois depuis qu’il avait travaillé sans permis.

III. Analyse

[8] Il appert de la mesure d’exclusion que le demandeur n’a pas satisfait à l’exigence selon laquelle l’étranger qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner – sauf l’étranger visé à l’article 19 – est tenu de prouver, selon l’alinéa 29(1)b) : 1) qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires, et 2) qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[9] Les notes du SMGC datées du 16 août 2019 confirment que le permis d’études du demandeur a été approuvé. Une copie de la lettre d’approbation se trouve dans le dossier sous‑jacent.

[10] Ce dossier contient également une copie de la demande de permis d’études dans laquelle le demandeur déclare clairement qu’on lui a refusé l’entrée au Canada, le 10 mai 2019, parce qu’il n’avait pas de permis d’études. L’agent d’immigration lui avait dit qu’il était préférable de présenter une demande à Trinité, puis de revenir au Canada.

[11] On peut lire dans le rapport fondé sur le paragraphe 44(1) de la LIPR que l’agent était convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur était un étranger visé à l’article 41 de la LIPR qui, par acte ou omission, commis directement ou indirectement, avait contrevenu à l’alinéa 20(1)b) de la LIPR.

[12] La mesure d’exclusion a été prise en vertu de l’article 228 du RIPR. Elle renvoie ensuite à l’alinéa 20(1)b) de la LIPR, selon lequel un étranger ne peut pas entrer au Canada pour y étudier sans avoir préalablement obtenu les visa ou autres documents requis par règlement, et à l’article 9 du RIPR qui prévoit que l’étranger ne peut entrer au Canada pour y étudier que s’il a préalablement obtenu un permis d’études.

[13] Selon le rapport établi au titre du paragraphe 44(1) de la LIPR, qui présente des renseignements généraux et les motifs sous‑tendant la mesure d’exclusion, le demandeur a admis avoir travaillé au Canada sans permis de travail du 6 janvier 2019 jusqu’en avril 2019.

[14] Le rapport précise que la violation reprochée au demandeur était d’avoir cherché à entrer au Canada sans visa ou autre document valide. Il est indiqué que cette conclusion repose sur des renseignements selon lesquels le demandeur avait déjà travaillé sans permis de travail, et que pour cette raison, il ne pouvait pas revenir étudier au Canada avant qu’un délai de six mois se soit écoulé, comme le prévoit l’alinéa 221a) du RIPR.

[15] L’agent a pris la mesure d’exclusion en vertu de l’article 228 du RIPR qui décrit les circonstances dans lesquelles l’étranger peut faire l’objet d’une mesure de renvoi sans que l’affaire soit déférée à la Section de l’immigration.

[16] Dans la décision Paranych c Canada (Sécurité publique et Protection civile) 2018 CF 158 (Paranych), le juge Zinn a conclu que le travail sans permis ne constituait pas une violation de la LIPR ou du RIPR pour laquelle l’agent avait le pouvoir de prendre une mesure d’exclusion. L’agent aurait plutôt dû déférer l’affaire à la Section de l’immigration, comme le prévoit le paragraphe 44(2) de la LIPR : Paranych, aux para 24-25, citant la décision Cao c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1086 aux para 23-24.

[17] Dans la décision Fivaz c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 764 (Fivaz), le juge Shore a confirmé la conclusion tirée dans la décision Paranych.

[18] Outre son affirmation selon laquelle l’agent avait le pouvoir de prendre la mesure d’exclusion qu’il a prise, le défendeur n’a produit aucune preuve ou jurisprudence tendant à démontrer que les décisions mentionnées ci‑dessus ne devraient pas être appliquées.

[19] Le défendeur déclare, sans plus de précision, que la présente affaire se distingue des affaires Paranych et Fivaz. Après avoir examiné ces décisions ainsi que d’autres décisions, je ne vois pas en quoi les faits de la présente affaire sont différents. Bien que l’agent mentionne dans la mesure d’exclusion que le demandeur n’a pas prouvé qu’il détenait le visa exigé par le RIPR, il résume les raisons pour lesquelles le rapport visé au paragraphe 44(1) a été établi, et il est évident que c’est la note qui indiquait que le demandeur avait travaillé sans permis de travail qui est à l’origine de sa conclusion selon laquelle il y aurait eu violation. Cela étant, l’agent aurait dû déférer l’affaire à la Section de l’immigration.

[20] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la mesure d’exclusion prise par l’agent était déraisonnable parce que les motifs sur lesquels elle repose ne justifiaient pas qu’elle soit prise.

IV. Conclusion

[21] La demande est accueillie, et la mesure d’exclusion prise contre le demandeur est annulée.

[22] Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-5571-19

LA COUR STATUE :

  1. La demande est accueillie, et la mesure d’exclusion prise contre le demandeur est annulée.

  2. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5571-19

 

INTITULÉ :

AKASH KUMAR LATCHMAN c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 juin 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 avril 2022

 

COMPARUTIONS :

Niky Talebiani

 

Pour le demandeur

 

Margherita Braccio

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Signature Law Office P.C.

Avocat

North York (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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