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Date : 20220502


Dossier : IMM-5891-20

Référence : 2022 CF 631

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 mai 2022

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

KEERTHANAN SIVAKUMAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue le 2 juillet 2020 [la décision] à l’issue d’un examen des risques avant renvoi [l’ERAR].

[2] Le demandeur est un citoyen tamoul du Sri Lanka. Sa famille a souffert de la guerre civile au Sri Lanka de sorte qu’en 1997 elle a quitté le pays légalement pour se rendre en Inde; le demandeur avait alors 7 ans. En 2009, alors qu’il avait 19 ans, le demandeur a été accusé en Inde de collaborer avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) et a été soupçonné d’avoir participé à la diffusion d’un disque compact qui faisait état du génocide des Tamouls pendant la guerre civile. Il a été détenu par les autorités indiennes, mais a été relâché après que son père eut payé un pot‑de‑vin.

[3] En juin 2010, le demandeur est retourné au Sri Lanka en utilisant un passeport d’urgence, un document de voyage temporaire délivré par le Sri Lanka. À son arrivée, il a été détenu pendant 3 jours et interrogé sur le temps qu’il avait passé en Inde. Il a toutefois été libéré après que son oncle eut payé un pot‑de‑vin. Le lendemain du jour où il est allé vivre avec l’ami de son oncle, cet ami a été interrogé par des inconnus au sujet des liens du demandeur avec les TLET. Le demandeur s’est donc enfui à Colombo et, avec l’aide de son oncle et d’un agent, il a quitté le Sri Lanka.

[4] Il s’est finalement rendu au Canada et a présenté une demande d’asile qui a été rejetée pour manque de crédibilité. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu qu’il avait, dans son témoignage, enjolivé sa demande en affirmant pour la première fois qu’il avait été un partisan direct des TLET. La SPR a conclu que, s’il avait effectivement été un partisan, ou même s’il avait été perçu comme tel, il n’aurait pas été libéré par les autorités indiennes ou sri‑lankaises.

I. La décision relative à l’ERAR

[5] L’agent a conclu que le demandeur n’était exposé à aucun nouveau risque depuis que la SPR avait refusé sa demande d’asile.

[6] En ce qui a trait aux risques auxquels sont exposés les demandeurs d’asile tamouls déboutés lorsqu’ils retournent au Sri Lanka, l’agent a souligné qu’il avait lu les documents sur la situation dans le pays produits par le demandeur, mais qu’il préférait se fonder sur des rapports plus récents. Il a ensuite mentionné le rapport d’une mission d’enquête menée au Sri Lanka par le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni, daté du 20 janvier 2022 [le rapport du ministère de l’Intérieur], et a conclu que le demandeur, en tant que rapatrié, ne serait probablement pas recherché par les autorités sri‑lankaises puisqu’aucune accusation criminelle ne pesait alors contre lui. De plus, un rapport d’information sur le pays préparé en novembre 2019 par le ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce [le rapport de l’Australie] indiquait que les demandeurs d’asile tamouls déboutés qui retournaient au Sri Lanka n’étaient pas harcelés ou surveillés par les autorités.

II. Les questions en litige

  1. Avant de rendre la décision, l’agent était-il tenu d’informer le demandeur qu’il s’appuyait sur des documents sur la situation dans le pays plus récents que ceux présentés par le demandeur?
  2. L’agent a-t-il écarté les documents sur la situation dans le pays présentés par le demandeur?
  3. L’agent a-t-il omis d’effectuer une analyse prospective des risques?

III. Analyse

Question no 1 : Avant de rendre la décision, l’agent était‑il tenu d’informer le demandeur qu’il s’appuyait sur des documents sur la situation dans le pays plus récents que ceux présentés par le demandeur?

[7] Le demandeur a invoqué un document intitulé Traitement des demandes d’examen des risques avant renvoi (ERAR) : Procédures et lignes directrices applicables à tous les cas [les lignes directrices]. Sous la rubrique « Faire la recherche », on peut lire ce qui suit au troisième point :

· dans le cas où la date d’un document est postérieure à la soumission de la demande ou lorsque la date de publication n’est pas indiquée clairement, l’agent communique au demandeur, avant toute décision, tout document qui montre une évolution des conditions dans le pays en cause et qui pourrait influencer la décision.

[8] Cette disposition s’applique en l’espèce puisque les observations relatives à la demande d’examen des risques avant renvoi présentées par le demandeur sont datées du 4 mars 2019 alors que, comme je l’ai déjà mentionné, le rapport du ministère de l’Intérieur et le rapport de l’Australie [appelés conjointement, les rapports] sur lesquels s’est fondé l’agent sont datés de novembre 2019 et de janvier 2022. Ils sont donc postérieurs aux observations relatives à la demande d’ERAR.

[9] Dans l’examen des conclusions des rapports, il est important de se concentrer sur les Tamouls qui sont dans la même situation que le demandeur, soit celle des rapatriés qui n’ont pas de liens réels ou perçus avec les TLET, qui n’ont pas de casier judiciaire et qui n’ont pas utilisé de faux documents pour entrer ou sortir du Sri Lanka. Selon les rapports, les Tamouls dont la demande d’asile a été rejetée, mais qui sont munis de documents de voyage officiels et ne font l’objet d’aucune accusation criminelle, ne sont exposés à aucun risque lorsqu’ils retournent au Sri Lanka.

[10] La question est alors de savoir si ces conclusions sont différentes de celles énoncées dans les documents sur la situation dans le pays produits par le demandeur [les documents sur la situation dans le pays produits par le demandeur]. L’avocat du demandeur n’a pas pu dire où dans ces documents il était indiqué que les Tamouls se trouvant dans la situation du demandeur étaient exposés à des risques différents ou plus importants que ceux décrits dans les rapports.

[11] Comme les rapports ne révèlent aucun changement dans la situation du pays qui aurait pu avoir une incidence sur la décision de l’agent, les lignes directrices ne s’appliquent pas et l’agent n’était pas tenu de divulguer qu’il s’était fondé sur les rapports.

Question no 2 : L’agent a-t-il écarté les documents sur la situation dans le pays produits par le demandeur?

[12] L’agent a déclaré : [TRADUCTION] « J’ai lu les documents sur la situation dans le pays produits par le demandeur ». Toutefois, l’agent n’a pas tenu compte de cette preuve documentaire parce qu’il a constaté que les rapports plus récents étaient plus [TRADUCTION] « précis et fiables », ce qui, à mon avis, était une approche raisonnable pour examiner la preuve. Il n’y avait pas lieu d’analyser des documents qui, selon l’agent, n’étaient plus à jour.

Question no 3 : L’agent a-t-il omis d’effectuer une analyse prospective des risques?

[13] L’agent était en présence d’un cas où il n’y avait aucune preuve que de nouveaux risques étaient survenus depuis la décision de la SPR. L’agent a formulé des observations sur cette absence de nouvelle preuve, ce qui montre qu’il savait qu’une analyse prospective des risques était nécessaire. En fait, il s’est livré à une telle analyse lorsqu’il a examiné les rapports. Je conclus que l’agent a agi de façon raisonnable.

IV. Conclusion

[14] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

V. Certification d’une question en vue d’un appel

[15] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-5891-20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5891-20

 

INTITULÉ :

KEERTHANAN SIVAKUMAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence au moyen de Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 avril 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 mai 2022

 

COMPARUTIONS :

Sarah L. Boyd

 

Pour le demandeur

 

Kevin Spykerman

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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