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Date : 20220506


Dossier : IMM-54-21

Référence : 2022 CF 671

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 mai 2022

En présence de madame la juge Sadrehashemi

ENTRE :

TIANWU CHEN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Chen, a présenté une demande d’asile fondée sur sa crainte d’être persécuté en Chine en raison de sa foi chrétienne. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté cette demande. M. Chen a interjeté appel devant la Section d’appel des réfugiés [la SAR], laquelle a confirmé la décision de la SPR après avoir conclu que la demande d’asile n’était pas crédible. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Chen conteste la décision de la SAR.

[2] M. Chen soutient que la conclusion de la SAR selon laquelle sa demande d’asile manquait de crédibilité est fondée sur une évaluation déraisonnable de ses documents corroborants, des divergences entre son témoignage et les déclarations faites au point d’entrée et de sa connaissance religieuse. Il soutient aussi que la SAR a commis une erreur dans son évaluation de sa demande d’asile sur place.

[3] Je suis d’avis qu’il n’y a pas lieu de modifier les conclusions de la SAR quant à la crédibilité, laquelle constitue la question déterminante dans la présente demande. Les conclusions de la SAR quant à la crédibilité sont énoncées clairement et sont prises en compte de manière cumulative. L’analyse de la SAR est transparente, intelligible et justifiée.

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

II. Le contexte factuel

[5] M. Chen est citoyen de la Chine. Sa demande d’asile est fondée sur sa foi chrétienne. Il allègue qu’alors qu’il participait à un rassemblement avec le groupe d’étude de son église, il a été arrêté et, par la suite, accusé d’avoir participé à un rassemblement illégal et d’avoir trompé des gens afin qu’ils se joignent à l’église. Dans sa demande d’asile, il déclare avoir été interrogé, battu et détenu durant sept jours.

[6] Peu après sa libération, M. Chen a été informé que la police était à sa recherche et qu’elle s’était présentée à son lieu de travail. Il s’est alors caché et a fui le pays peu après.

[7] M. Chen est arrivé au Canada le 12 mai 2019 et il a présenté une demande d’asile.

[8] La SPR a rejeté la demande d’asile de M. Chen le 4 février 2020 au motif que celui-ci n’était pas crédible. La SAR a confirmé ce rejet dans une décision datée du 7 décembre 2020.

III. La question en litige et la norme de contrôle applicable

[9] La seule question que soulève le présent contrôle judiciaire porte sur l’évaluation faite par la SAR de la crédibilité de la demande d’asile présentée par M. Chen. Les deux parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer au contrôle des décisions administratives sur le fond. La présente affaire ne soulève aucune question qui justifierait de s’écarter de cette présomption.

IV. Analyse

[10] La SAR a décrit ainsi les trois questions déterminantes en appel : la crédibilité; la question de savoir si l’appelant est un chrétien pratiquant authentique; et la question de savoir si l’appelant a établi le bien-fondé d’une demande d’asile sur place. À mon avis, les conclusions tirées par la SAR au sujet des questions de savoir si M. Chen est un chrétien pratiquant authentique et s’il a établi le bien-fondé d’une demande d’asile sur place sont, en fait, des conclusions quant à la crédibilité. La question déterminante en l’espèce était la crédibilité.

[11] M. Chen a avancé des arguments portant sur trois aspects des conclusions tirées par la SAR quant à la crédibilité : l’évaluation des documents corroborants, les divergences relevées entre son témoignage et les notes prises au point d’entrée, et sa connaissance religieuse. Je constate qu’il ressort clairement des motifs de la SAR que celle-ci n’a pas fondé sa conclusion générale quant à la crédibilité sur un seul élément, mais qu’elle a plutôt tenu compte de l’ensemble des éléments. M. Chen n’a pas établi l’existence de lacunes suffisamment graves dans l’évaluation faite par la SAR. La conclusion tirée par celle-ci était transparente, intelligible et justifiée compte tenu du dossier.

[12] À mon avis, la conclusion principale quant à la crédibilité tirée par la SPR et la SAR découlait de l’évaluation du témoignage fait par M. Chen au sujet de sa foi chrétienne lors de l’audience de la SPR. M. Chen a invoqué un certain nombre de décisions dans lesquelles la Cour a mis les décideurs en garde concernant l’évaluation du degré de connaissance religieuse d’une personne (voir par exemple Ren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1402 aux para 17-19 et Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 503 aux para 10-13). Il a aussi invoqué ces décisions devant la SAR.

[13] La SAR a reconnu qu’il ressort clairement de la jurisprudence qu’une évaluation de la crédibilité d’une demande d’asile fondée sur des motifs religieux ne peut pas être « réduite à un test de connaissances ». En revanche, elle n’a pas souscrit à la description faite par M. Chen de la façon dont la SPR avait évalué son témoignage, qualifiant cette description d’« inexacte et trompeuse ». Elle a conclu que la décision de la SPR reposait sur les réponses vagues données par M. Chen aux nombreuses questions ouvertes concernant la nature de sa foi et son importance dans sa vie, et qu’elle n’était pas fondée sur l’incapacité de M. Chen à exposer des faits concernant sa religion. Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion tirée par la SAR sur cette question.

[14] De plus, j’estime que l’analyse faite par la SAR de l’avis de détention fourni par M. Chen n’est pas déraisonnable compte tenu des divergences, nombreuses et inexpliquées, relevées entre cet avis et les exemples et renseignements concernant les avis de détention délivrés partout en Chine, lesquels renseignements et exemples figuraient dans la réponse à la demande d’information (la RDI) fournie en preuve avec le cartable national de documentation sur la Chine.

[15] La SAR a mentionné qu’il était expliqué dans la RDI que « les avis de détention et les avis d’arrestation ont [traduction] "généralement" tous la même apparence, peu importe l’endroit en Chine où ils sont émis, et que les renseignements qui ne changent pas dans les avis émis par les différents postes de police du pays sont l’adresse, le sceau officiel du PSB, le moment de l’arrestation ou de la détention et le "type de crime" ». Elle a ensuite souligné les multiples divergences relevées entre l’avis de détention de M. Chen et les exemples contenus dans la RDI, notamment que l’avis de M. Chen ne mentionnait pas le moment de l’arrestation ou de la détention ni le « type de crime ». Elle a aussi fait remarquer d’autres divergences mineures en lien avec le format du document.

[16] Le dernier argument avancé par M. Chen porte sur l’évaluation faite par la SAR des divergences relevées entre les déclarations qu’il avait faites au point d’entrée, celles contenues dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA) et son témoignage. Plus précisément, la SPR et la SAR ont mis en doute la déclaration faite par M. Chen au point d’entrée selon laquelle 17 à 18 personnes étaient présentes dans la maison lorsqu’il avait été arrêté, alors que, dans son formulaire FDA, il avait déclaré que 5 à 8 personnes étaient présentes dans la maison. La SAR a précisé qu’aucune conclusion défavorable n’avait été tirée de la divergence relevée quant à l’heure à laquelle s’était produit l’incident, soulignant qu’au point d’entrée, M. Chen avait déclaré avoir été arrêté le matin alors que, dans son formulaire FDA, il avait déclaré avoir été arrêté le soir. Aucune conclusion défavorable n’a été tirée non plus du fait que M. Chen avait déclaré que sa religion était le catholicisme romain.

[17] La SAR a souligné, à juste titre, que les décideurs doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils s’appuient sur des divergences relevées entre des déclarations faites au point d’entrée et des déclarations faites ultérieurement (Chikadze c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 306 au para 21; Guven c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 38 aux para 39-42). Elle a conclu que la divergence relevée quant au nombre de personnes qui étaient présentes dans la maison lorsque M. Chen avait été arrêté constituait une divergence importante qui n’avait pas été suffisamment expliquée par celui-ci. Elle a ajouté que « c’était loin d’être le seul problème de crédibilité dans la demande d’asile de l’appelant ». À mon avis, cette déclaration signifie que la divergence à elle seule ne permettait pas à la SAR de conclure que la demande d’asile de M. Chen n’était pas crédible, mais qu’elle était pertinente compte tenu de tous les autres problèmes de crédibilité. Je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion.

[18] En ce qui concerne la question de la demande d’asile sur place, la SAR a jugé que puisqu’elle avait conclu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Chen n’était pas un chrétien pratiquant, que ce soit au Canada ou en Chine, une demande d’asile sur place n’était pas fondée. Cette conclusion était raisonnable compte tenu de la preuve.

[19] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-54-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

« Lobat Sadrehashemi »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-54-21

 

INTITULÉ :

TIANWU CHEN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 20 octobre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SADREHASHEMI

 

DATE DES MOTIFS :

le 6 mai 2022

 

COMPARUTIONS :

Vakkas Bilsin

 

POUR LE DEMANDEUR

Bradley Bechard

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

 

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