Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220506


Dossier : IMM-4429-21

Référence : 2022 CF 668

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 6 mai 2022

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

RUPALI AMIT DHAKRAO

AMIT ASHOK DHAKRAO

EDHITHA AMIT DHAKRAO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] Mme Rupali Amit Dhakrao (la demanderesse principale), son époux, M. Amit Ashok Dhakrao et leur fille mineure, Edhitha Amit Dhakrao, (collectivement, les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a rejeté leur demande d’asile. La question déterminante était celle de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI); il s’agissait d’une nouvelle question en litige devant la SAR et les demandeurs ont profité de l’occasion pour présenter des observations.

[2] Les demandeurs sont des citoyens de l’Inde. Leur demande d’asile est fondée sur leur crainte d’être persécutés par le cousin de M. Dhakrao, qui s’oppose à leur mariage intercaste. La SAR a établi qu’il existait au moins trois PRI en Inde, soit à Delhi, à Bangalore et à Hyderabad.

[3] Les demandeurs font valoir que la SAR avait commis une erreur en s’appuyant sur les conclusions relatives à la crédibilité tirées par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la CISR dans son analyse de la PRI. Ils soutiennent également que la SAR a évalué de façon déraisonnable la preuve pour tirer ses conclusions au sujet de la PRI.

[4] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que la SAR a apprécié la preuve de manière raisonnable et qu’elle est parvenue à une conclusion raisonnable.

[5] La décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.

[6] Dans son examen du caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision qui fait l’objet du contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci »; voir Vavilov, précité, au para 99.

[7] Après avoir examiné le dossier certifié, l’affidavit de M. Dhakrao et les observations écrites et orales des parties, je conviens avec les demandeurs qu’il était déraisonnable de la part de la SAR d’accueillir les conclusions relatives à la crédibilité.

[8] Aux paragraphes 58 à 60 de ses motifs, la SAR a exposé de la façon suivante trois conclusions que la SPR avait tirées au sujet de la crédibilité des demandeurs :

  • - les éléments de preuve des demandeurs concernant le « préjudice qu’ils ont subi de la part de leur agent de persécution » étaient incohérents;

  • - les demandeurs « ne correspondent pas au profil des crimes d’honneur liés aux mariages »;

  • - l’agent de persécution n’a plus la motivation voulue pour cibler les demandeurs.

[9] Au paragraphe 61 de la décision de la SAR, le juge a déclaré que « [p]our tous les motifs susmentionnés, j’estime que les appelants ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils seront soumis à de la persécution […] ».

[10] Je comprends que les mots « pour tous les motifs susmentionnés »renvoient aux conclusions de la SPR, qui comprennent celles que cette dernière a tirées au sujet de la crédibilité des demandeurs.

[11] Dans la décision Orozco Velasquez c Canada, 2010 CF 1201, la Cour a dit ce qui suit au paragraphe 21 :

Il se peut qu’en l’espèce, comme dans l’affaire Moreno, précitée, la Commission n’ait pas donné foi à certaines allégations de Mme Orozco. Si c’était le cas, elle avait l’obligation de tirer des conclusions expresses relativement à la crédibilité. L’analyse de la PRI ne peut remplacer ce genre de conclusion.

[12] À mon avis, cette observation s’applique en l’espèce. La SAR n’a pas tiré de conclusions explicites en matière de crédibilité. Cette omission rend sa décision déraisonnable, au sens du critère établi dans l’arrêt Vavilov, précité.

[13] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SAR est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR pour nouvel examen. Aucune question à certifier n’a été proposée.


JUGEMENT dans IMM-4429-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision est annulée et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR de la CISR pour nouvel examen. Aucune question à certifier n’a été proposée.

« E. Henegan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4429-21

 

INTITULÉ :

RUPALI AMIT DHAKRAO, AMIT ASHOK DHAKRAO, EDHITHA AMIT DHAKRAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 AVRIL 2022

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 6 MAI 2022

COMPARUTIONS :

Rebeka Lauks

POUR LES DEMANDEURS

Margherita Braccio

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Battista Smith

Migration Law Group

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.