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Date : 20220509


Dossier : IMM-5964-21

Référence : 2022 CF 682

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 9 mai 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

XING LIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Rendus oralement à l’audience tenue par vidéoconférence à Toronto (Ontario), le 9 mai 2022)

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [la SAR] concernant le demandeur, un citoyen chinois, qui affirme craindre d’être persécuté du fait de sa pratique religieuse et de la législation chinoise en matière de planification familiale. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] avait rejeté la demande du demandeur, car il n’avait pas établi son identité de façon crédible. La SAR a souscrit à cette conclusion. Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de la SAR.

[2] Devant la SPR, le demandeur avait déclaré qu’il pratiquait le catholicisme dans une église clandestine en Chine ayant fait l’objet d’une descente effectuée par le Bureau de la sécurité publique, qu’il craint désormais. Le demandeur affirme également que ses parents ont subi des préjudices parce qu’ils ont enfreint la politique de planification familiale en ayant six enfants, que leur maison a été démolie et qu’ils ont été condamnés à payer une amende. Il a actuellement deux enfants et souhaite en avoir six comme ses parents, qui sont aussi catholiques et qui ne croient pas au contrôle des naissances.

[3] La SAR a rejeté l’appel du demandeur parce qu’elle a adopté en grande partie les conclusions défavorables que la SPR avait tirées quant à la crédibilité du demandeur relativement à ses pièces d’identité. Même si la SAR n’a pas souscrit aux conclusions d’invraisemblance de la SPR concernant le passeport chinois du demandeur, elle a jugé que d’autres documents étaient problématiques, notamment sa carte d’identité de résident [la CIR] et les certificats de naissance de ses enfants.

[4] Le demandeur conteste maintenant les conclusions relatives à la CIR ainsi que l’équité procédurale du processus adopté par la SAR pour examiner les réserves soulevées quant à la crédibilité des certificats de naissance. La norme de contrôle applicable à la question de la crédibilité est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]). En ce qui concerne l’équité procédurale, la question à trancher est celle de savoir si un processus équitable et juste a été suivi, eu égard à l’ensemble des circonstances (Osman c Alliance de la fonction publique du Canada, 2021 CAF 227 au para 7).

[5] En ce qui concerne la CIR, la SAR a souscrit à la conclusion défavorable de la SPR en matière de crédibilité, étant donné que le processus de demande de la CIR ne concordait pas avec la preuve documentaire sur les conditions dans le pays. Plus précisément, à l’audience de la SPR, le demandeur avait déclaré qu’il avait perdu sa CIR en 2019, qu’il avait rempli une demande pour en obtenir une nouvelle et déboursé 200 RMB à cette fin, puis qu’il avait reçu la nouvelle pièce d’identité par la poste. Cependant, la preuve sur les conditions dans le pays indique que les frais de remplacement d’une CIR perdue sont de 40 RMB, et que la personne doit aller chercher sa CIR de remplacement sur place et ne peut pas la recevoir par la poste.

[6] Le demandeur soutient qu’il était [traduction] « purement hypothétique » de la part de la SAR de supposer que le processus d’obtention d’une CIR était celui établi dans la preuve sur les conditions dans le pays datant de 2011 (c.-à-d. une réponse à une demande d’information [la RDI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada). Cependant, je souligne que la RDI était incluse dans le cartable national de documentation [le CND] de 2020, qui était à jour au moment de l’audience de la SPR. En l’absence de preuve du contraire, je conclus qu’il était donc raisonnable pour la SAR de se fier à la RDI, comme notre Cour l’a confirmé récemment (voir, par exemple, la décision de la juge Strickland dans l’affaire Ye c Canada (Citoyenneté et Immigration), CF 1025 au para 54, confirmant les conclusions du juge Fothergill dans l’affaire Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 450 [Lin]). Au paragraphe 26 de la décision Lin, le juge Fothergill a conclu que « [l]a RDI n’a pas changé, et son inclusion dans le CND de 2017 était une forte indication qu’elle demeurait à jour; il était donc raisonnable pour la SAR de s’y fier ».

[7] En ce qui concerne la seconde question, le demandeur soutient que la SAR a enfreint les principes d’équité procédurale en omettant de lui faire part de ses réserves concernant les certificats de naissance. À cet égard, il s’appuie principalement sur la décision Gondi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 433, dans laquelle la juge Layden-Stevenson a conclu, aux paragraphes 14-15, que la SPR avait utilisé un rapport se trouvant dans le CND pour blâmer les demandeurs sans les aviser du rapport et leur donner la chance d’y répondre.

[8] Je juge que cet argument n’a aucun fondement. Premièrement, il y avait des erreurs au recto du certificat de naissance (en ce qui a trait à la numérotation, qui ne concordait pas avec l’année de naissance de l’enfant). D’abord, je souligne que cette conclusion de la SAR est étayée par des documents sur les conditions dans le pays, dont le demandeur n’a pas traité dans les observations écrites qu’il a présentées à la Cour. Le demandeur se contente plutôt de remettre en question l’équité procédurale.

[9] À cet égard, le demandeur a déclaré à la SAR que la SPR avait omis d’examiner d’autres pièces d’identité, ce qui, selon lui, constitue une erreur dans la décision de la SPR. Pourtant, c’est exactement ce que la SAR a fait en évaluant les certificats de naissance. Je fais remarquer que la jurisprudence est claire : la SAR peut tirer des conclusions indépendantes supplémentaires en matière de crédibilité si la SPR a soulevé la question de la crédibilité et que le demandeur l’a soulevée dans ses observations à l’intention de la SAR.

[10] Par exemple, dans la décision Gedara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1023, aux paragraphes 37-39, le juge Brown a cité d’autres décisions confirmant ce droit de la SAR, notamment la décision Nuriddinova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1093, dans laquelle la juge Walker a déclaré ce qui suit au paragraphe 47 :

La SAR ne peut soulever une nouvelle question sans en aviser les parties, mais elle peut formuler des conclusions défavorables indépendantes quant à la crédibilité d’un appelant lorsque la crédibilité était en cause devant la SPR, que les conclusions de la SPR sont contestées dans le cadre d’un appel et que les conclusions additionnelles de la SAR découlent du dossier de preuve.

[11] Enfin, je souligne que la SAR a tiré plusieurs autres conclusions défavorables en matière de crédibilité, que le demandeur n’a pas contestées. Lorsque l’on a fait remarquer à l’avocat que le demandeur avait des antécédents de fausses déclarations en matière d’immigration et d’usage de documents frauduleux, il a répondu qu’il ne voulait pas minimiser les gestes que le demandeur avait commis antérieurement, mais que ce dernier avait demandé de l’aide pour remplir des demandes de visa par le passé. Il a ajouté que la SAR a un rôle important à jouer, qu’elle est tenue d’évaluer les déclarations que le demandeur fait sous serment dans le cadre du processus de demande d’asile, et que la crédibilité du demandeur ne devrait pas être entachée par ce qu’il a fait dans le passé. La situation actuelle du demandeur n’est plus la même. Il affirme maintenant qu’il craint d’être persécuté et il a juré de dire la vérité, de sorte qu’on ne devrait pas présumer que parce qu’il a déjà menti, il ment tout le temps.

[12] Abstraction faite des questions précédentes, je souligne que la SAR et la SPR ont tiré diverses conclusions qui ont donné lieu à de nouvelles réserves raisonnables quant à la crédibilité du demandeur. Bien que la SAR ait accessoirement soulevé les questions relatives à la crédibilité et aux fausses déclarations faites antérieurement, celles‑ci n’étaient pas déterminantes dans sa décision.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5964-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les parties n’ont soulevé aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Philippe Lavigne-Labelle


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5964-21

 

INTITULÉ :

XING LIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 MAI 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 MAI 2022

 

COMPARUTIONS :

Stephanie Fung

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Catherine Vasilaros

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

S Duong Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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