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Date : 20220503


Dossier : IMM-641-21

Référence : 2022 CF 647

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 3 mai 2022

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

RAIHANA OSMANI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] Mme Raihana Osmani (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent a rejeté sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2] La demanderesse est citoyenne de l’Afghanistan. Elle réside au Canada depuis décembre 2016. Elle a présenté sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en septembre 2019. Sa demande reposait sur son établissement au Canada, sur ses attaches familiales au Canada, sur l’intérêt supérieur des enfants et sur les difficultés qu’entraînerait un retour en Afghanistan. En ce qui concerne ce dernier facteur, la demanderesse a soulevé des préoccupations quant à sa santé mentale, lesquelles étaient étayées par une lettre qu’avait présentée une infirmière praticienne qui l’avait traitée au Canada.

[3] La décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, suivant l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.

[4] Lorsqu’elle apprécie le caractère raisonnable d’une décision, la Cour doit se demander si celle-ci « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci »; voir Vavilov, précité, au para 99.

[5] La demanderesse soutient, de façon générale, que la décision est déraisonnable.

[6] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que la décision est raisonnable et que rien ne justifie l’intervention de la Cour.

[7] Après avoir examiné le contenu du dossier certifié du tribunal, l’affidavit déposé par la demanderesse à l’appui de la présente demande et les observations écrites et orales des parties, je conclus que l’agent a traité de manière déraisonnable la preuve présentée concernant la santé mentale de la demanderesse.

[8] La demanderesse a fourni un rapport dans lequel une infirmière praticienne brossait un portrait clair de son état de santé mentale et des risques de détérioration que pourrait entraîner son renvoi en Afghanistan. L’agent n’a pas explicitement rejeté ces aspects du rapport, mais il s’est concentré sur le manque d’éléments de preuve concernant le traitement de la demanderesse au Canada et l’absence d’aide en santé mentale en Afghanistan.

[9] Ce sont là les seules raisons qu’a données l’agent pour expliquer pourquoi il n’avait pas tenu compte de la lettre de l’infirmière praticienne. Je renvoie au paragraphe 48 de l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2015] 3 RCS 909, où la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

De plus, en s’attachant uniquement à la possibilité que Jeyakannan Kanthasamy soit traité au Sri Lanka, l’agente passe sous silence les répercussions de son renvoi du Canada sur sa santé mentale. Comme l’indiquent les Lignes directrices, les facteurs relatifs à la santé, de même que l’impossibilité d’obtenir des soins médicaux dans le pays d’origine, peuvent se révéler pertinents (Traitement des demandes au Canada, section 5.11). Par conséquent, le fait même que Jeyakannan Kanthasamy verrait, selon toute vraisemblance, sa santé mentale se détériorer s’il était renvoyé au Sri Lanka constitue une considération pertinente qui doit être retenue puis soupesée, peu importe la possibilité d’obtenir au Sri Lanka des soins susceptibles d’améliorer son état (Davis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 97; Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1295. [...]

[10] Je renvoie également au paragraphe 32 de la décision Jang c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 996, où la Cour a déclaré ce qui suit :

En dernier lieu, je tiens également à souligner que, comme l’a fait observer la Cour suprême dans l’arrêt Kanthasamy, il est déraisonnable pour un agent chargé d’examiner les motifs d’ordre humanitaire d’écarter une preuve quant à l’effet du renvoi du Canada sur la santé mentale d’une personne en raison de la possibilité d’obtenir un traitement dans son pays d’origine : Kanthasamy, au paragraphe 48.

[11] Les motifs de l’agent ne satisfont pas aux critères requis de justification, de transparence et d’intelligibilité, et ils sont déraisonnables.

[12] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. Aucune question à certifier n’est proposée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-641-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. Aucune question à certifier n'est proposée.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Geneviève Bernier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-641-21

 

INTITULÉ :

RAIHANA OSMANI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 AVRIL 2022

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 3 MAI 2022

COMPARUTIONS :

Djawid Taheri

POUR LA DEMANDERESSE

Hillary Adams

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Taheri Law Office

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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