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Date : 20220601


Dossier : IMM-4010-21

Référence : 2022 CF 798

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2022

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

JACKIELYN GAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie de la présente demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agente a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

II. Contexte

[2] La demanderesse, une citoyenne des Philippines, a deux enfants nés au Canada (âgés de 5 et 6 ans) et quatre autres enfants nés aux Philippines (âgés de 13, 21, 23 et 24 ans). Elle est entrée au Canada en 2011 munie d’un visa de travail, qui a expiré en 2015. Par la suite, elle a présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en 2020.

[3] La demanderesse a habité neuf ans au Canada et a travaillé dans l’industrie des services alimentaires pendant quatre de ces neuf années. Elle habite actuellement avec sa grand‑mère, ses oncles, sa tante, des cousins, ainsi que ses deux enfants nés au Canada. Elle vivait auparavant en union de fait avec le père de ses enfants nés au Canada, mais celui-ci les a abandonnés peu avant la naissance de leur dernier enfant.

[4] L’agente a accordé un certain poids favorable à son degré d’établissement, mais a souligné qu’une grande partie de celui‑ci a été acquis en faisant fi du système d’immigration canadien, ce qui a eu pour effet de diminuer considérablement le poids favorable accordé.

[5] L’agente a tenu compte des risques que courrait la demanderesse et de la situation défavorable aux Philippines. La demanderesse est sans emploi et dépend du soutien financier de sa famille depuis septembre 2015. L’agente a conclu qu’elle continuerait à recevoir du soutien financier, peu importe qu’elle se trouve au Canada ou aux Philippines.

[6] Peu de renseignements ont été présentés quant à la discrimination en général ou à la perte d’emploi attribuables au statut de mère monoparentale de la demanderesse. Bien qu’un retour aux Philippines nécessiterait des ajustements de la part de la demanderesse, l’agente a tenu compte de sa capacité d’adaptation, de ses compétences en anglais ainsi que de ses qualités en tant que personne travaillante et fiable. Ainsi, l’agente a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve sur les difficultés financières auxquelles la demanderesse serait exposée à son retour dans son pays d’origine ainsi que sur son incapacité à maintenir ses liens familiaux au Canada.

[7] Dans son examen de « l’intérêt supérieur des enfants », l’agente s’est concentrée sur les trois enfants mineurs. Il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’une éducation de qualité ne serait pas accessible aux Philippines. L’agente a tenu compte de la capacité des enfants nés au Canada de rentrer au pays ainsi que de s’adapter aux Philippines. Elle a examiné le cas de l’enfant de 13 ans née aux Philippines, notamment le fait que cette enfant habite actuellement avec sa grand-mère et ses frères et sœurs, ainsi que la manière dont ces liens pourraient perdurer. L’agente a signalé que le retour de la demanderesse aux Philippines permettrait de renforcer les liens entre l’enfant de 13 ans, sa mère, ainsi que ses frères et sœurs nés au Canada.

Ainsi, l’agente a constaté qu’elle n’était pas en mesure de conclure que l’intérêt supérieur des enfants serait compromis si la demanderesse quittait le Canada.

III. Analyse

[8] La norme de contrôle applicable est clairement celle de la décision raisonnable telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65. Il s’agit d’une norme de contrôle rigoureuse, mais empreinte de déférence.

[9] La demanderesse fait valoir que l’agente a confondu l’analyse de l’établissement et sa capacité de faire face aux difficultés, ce qui revient à utiliser ses qualités contre elle. Elle conteste aussi l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants.

[10] L’argument de la demanderesse selon lequel l’agente a confondu l’analyse de l’établissement et sa capacité de faire face aux difficultés est sans fondement. L’agente a examiné les points soulevés par la demanderesse. Dans le cadre de son examen des considérations d’ordre humanitaire, il était raisonnable qu’elle reconnaisse les lacunes dans la preuve de la demanderesse. L’agent ne doit pas inventer des points ou tirer des conclusions à l’égard de facteurs n’ayant pas été soulevés par le demandeur, ni tenir compte de tels facteurs.

[11] En l’espèce, l’agente s’est montrée généreuse dans son évaluation de l’établissement compte tenu du peu d’éléments de preuve présentés à l’appui de la position de la demanderesse.

[12] La demanderesse fait erreur en s’appuyant sur la décision Henson c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 1218. Il n’existe aucune présomption selon laquelle les qualités, l’intelligence et les attributs personnels positifs d’une personne peuvent uniquement être utilisés pour appuyer une revendication quant à l’établissement, ou pour démontrer l’existence de difficultés même lorsqu’il n’y en a pas.

[13] L’agent ne peut faire abstraction de faits dans le but de créer une situation avantageuse pour le demandeur. Lorsque la preuve laisse croire qu’il n’y aura pas de difficultés ou que celles‑ci peuvent être atténuées, l’agent est tenu de réaliser son évaluation en se fondant sur la preuve pertinente. Si une personne a de multiples talents, est polyglotte, pleine de ressources et intelligente, ces facteurs doivent être pris en compte dans le cadre de l’évaluation. Les faits ont de l’importance.

[14] Il n’y avait rien de déraisonnable dans le fait d’appliquer les conclusions relatives aux qualités personnelles de la demanderesse à la situation qu’elle vivrait à son retour aux Philippines. Ce serait une erreur que de faire abstraction de ces qualités.

A. Intérêt supérieur des enfants

[15] En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, la demanderesse n’a présenté quasiment aucune preuve en ce qui concerne la vie de ses enfants mineurs au Canada et aux Philippines. Les conclusions de l’agente étaient raisonnables compte tenu de l’absence de preuve.

B. Commentaire

[16] La présente affaire en est une autre où l’avocat du défendeur n’a présenté aucune observation. Même si la Cour apprécie la brièveté et la concision, le silence n’est pas toujours d’or, notamment dans le cas où la plaidoirie du demandeur enrichit ou complète les observations écrites. Les avocats sont présents devant la Cour (même par vidéoconférence) afin de représenter leur client et d’aider la Cour. Notre système est tributaire d’un débat vigoureux et engagé et, bien que le médium puisse restreindre une entière participation, la Cour apprécie l’aide des avocats.

IV. Conclusion

[17] Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4010-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4010-21

 

INTITULÉ :

JACKIELYN GAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 MARS 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1er JUIN 2022

 

COMPARUTIONS :

Bjorn Harsanyi, C.R.

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Camille N. Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocat

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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