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Date : 20220531


Dossier : IMM-2968-20

Référence : 2022 CF 795

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2022

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

JENNIFER RAM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La présente décision porte sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 27 avril 2020 par un agent [l’agent] de la section des visas du Haut-Commissariat du Canada à New Delhi, en Inde [la décision]. L’agent a rejeté la demande de permis de travail de la demanderesse en application du paragraphe 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], au motif qu’elle avait fait une fausse déclaration au sujet d’une demande de visa qui avait été rejetée par les États-Unis [É-U].

[2] Comme nous l’avons expliqué plus en détail ci-dessous, la demande est rejetée, car la demanderesse n’a pas démontré que la décision est déraisonnable ou qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale dans le processus ayant mené à la décision.

II. Contexte

[3] La demanderesse, âgée de 38 ans, est citoyenne et résidente actuelle de l’Inde. Son mari a déménagé au Canada en octobre 2018 grâce à un permis d’études. Il a également reçu un permis de travail et obtenu une prolongation de son permis d’études, et il avait l’intention de rester au Canada après ses études grâce au Programme de permis de travail postdiplôme.

[4] En décembre 2019, avec l’aide de son ancien consultant, la demanderesse a demandé un permis de travail ouvert dans le cadre du Programme de mobilité internationale au motif que son mari était étudiant au Canada. Elle affirme que, pour remplir les formulaires de demande pertinents, le consultant lui a lu les questions de la demande au téléphone et qu’elle a mal entendu une question sur la déclaration des antécédents. Cette question était ainsi formulée : « Vous a-t-on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire? », mais elle avait compris que la question ne concernait que le Canada et a répondu « non », bien qu’elle se soit déjà vue refuser un visa par les É-U.

[5] La demanderesse affirme en outre qu’elle n’a pas eu l’occasion d’examiner une version papier ou électronique de sa demande avant que son consultant ne la soumette au défendeur. Elle explique aussi que son mari a rencontré le consultant en personne avant de présenter sa demande, mais qu’il n’a pas non plus eu l’occasion d’examiner les formulaires de demande préparés. Le défendeur a reçu la demande le 14 décembre 2019.

[6] Le 22 janvier 2020, la demanderesse a reçu une lettre d’équité procédurale du défendeur, dans laquelle il alléguait qu’elle n’avait pas déclaré qu’on avait refusé de lui délivrer un visa dans d’autres pays. Dans sa lettre d’équité procédurale, le défendeur demandait une explication et des documents supplémentaires concernant les précédents refus auxquels elle s’était heurtée. Avec l’aide de son consultant précédent, la demanderesse a présenté une réponse pour expliquer la manière dont sa demande avait été remplie.

[7] Par lettre datée du 27 avril 2020, le défendeur a transmis la décision qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire en l’espèce, dans laquelle l’agent a jugé la demanderesse interdite de territoire au Canada pour une période de cinq ans en raison de fausses déclarations.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[8] Le dossier dont dispose la Cour comprend des notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC] datées du 17 avril 2020 et du 27 avril 2020, qui se rapportent à la décision faisant l’objet du contrôle et qui prévoient respectivement ce qui suit :

[traduction]

Réponse à la lettre d’équité procédurale examinée : La demanderesse n’a pas déclaré qu’un visa pour les É-U lui avait été précédemment refusé, pour lequel une lettre d’équité procédurale avait été envoyée le 22 janvier 2020. En réponse à la lettre d’équité procédurale, la demanderesse principale déclare qu’elle n’a pas bien entendu la question prévue par la loi lorsqu’elle lui a été lue au téléphone par son représentant. Elle n’a donc pas déclaré le rejet de sa demande de visa antérieure de 2015 pour les É-U. Je trouve que la réponse de la demanderesse principale à la lettre d’équité procédurale n’est pas adéquate. La demanderesse principale doit s’assurer que le formulaire de demande est complet et exact avant de le signer et de le présenter. Sur la foi des informations figurant au dossier et de la réponse de la demanderesse à la lettre d’équité procédurale, je suis d’avis que la demanderesse principale a intentionnellement dissimulé des informations concernant le rejet de sa demande et que la fausse déclaration ou la dissimulation de ce fait important pourrait avoir entraîné des erreurs dans l’administration de la Loi. Je transmets cette demande à l’agent principal pour un examen plus approfondi de la fausse déclaration.

[...]

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants : a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi; J’ai examiné la présente demande, les documents à l’appui et les notes afférentes. La demanderesse a demandé un permis de travail pour travailler temporairement au Canada. Au cours de l’examen de la demande, l’agent a noté que la demanderesse avait des antécédents d’immigration aux É-U qui n’avaient pas été communiqués. Une lettre d’équité procédurale a été envoyée à la demanderesse pour lui donner l’occasion de dissiper les doutes de l’agent. La lettre d’équité procédurale soulignait les préoccupations ainsi que les conséquences d’une conclusion fondée sur l’article 40 de la Loi, notamment une interdiction d’entrée au Canada pendant cinq ans. La demanderesse a répondu à la lettre, mais elle n’a pas dissipé mes doutes. À mon avis, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse n’a pas été sincère dans son formulaire de demande et n’a pas divulgué qu’elle avait des antécédents préjudiciables en matière d’immigration aux É‑U. Cette situation aurait pu entraîner une erreur dans l’administration de la Loi et du Règlement puisqu’un agent aurait pu être convaincu que la demanderesse satisfaisait aux exigences de la Loi quant à l’existence d’un véritable motif pour séjourner au Canada de façon temporaire et qu’elle respecterait les conditions d’entrée au Canada. Je suis donc d’avis que la demanderesse est interdite de territoire au Canada en application de l’article 40 de la Loi. Cette demande est rejetée pour des motifs fondés sur l’article 40 de la Loi. En application de l’alinéa 40(2)a) de la Loi, un résident permanent ou un étranger jugé interdit de territoire pour fausses déclarations continue d’être interdit de territoire pendant une période de cinq ans suivant, dans le cas d’une décision prise à l’extérieur du Canada, la date de la lettre de refus.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[9] La demanderesse a soumis les questions litigieuses suivantes à l’examen de la Cour :

  1. L’incompétence de l’ancien consultant de la demanderesse a-t-elle entraîné un manquement à l’équité procédurale?

  2. La décision est-elle raisonnable?

[10] Comme l’indique sa formulation, la deuxième question est régie par la norme de contrôle de la décision raisonnable. La question de l’équité procédurale est soumise à la norme de la décision correcte.

V. Analyse

A. L’incompétence de l’ancien consultant de la demanderesse a-t-elle entraîné un manquement à l’équité procédurale?

[11] La demanderesse affirme que son ancien consultant a fait preuve d’incompétence ou d’inefficacité en ne lui fournissant pas une copie physique ou électronique de sa demande de permis de travail pour qu’elle l’examine avant de la soumettre électroniquement au défendeur. Elle soutient qu’elle a donc été privée de la possibilité de confirmer que les renseignements fournis dans la demande étaient vrais et exacts et que, n’eût été l’incompétence du consultant, elle aurait pu identifier la réponse inexacte et aurait évité la conclusion de l’agent relative à la fausse déclaration.

[12] Comme le fait valoir à juste titre la demanderesse, il a été établi dans la jurisprudence que l’assistance non effective de l’avocat peut constituer un manquement à la justice naturelle (voir, p. ex., la décision Miah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 36 au para 28), ce qui peut être un motif de contrôle judiciaire. La demanderesse reconnaît que le critère de l’assistance non effective de l’avocat est très exigeant, en ce qu’il requiert du demandeur qu’il démontre : a) que les actes ou omissions allégués du représentant relèvent de l’incompétence; b) qu’il y a eu déni de justice dans le sens où, n’eût été la conduite alléguée, il existe une probabilité raisonnable que l’issue de l’audience initiale ait été différente; c) que le représentant doit être avisé et doit bénéficier d’une occasion raisonnable de répondre (voir, p. ex., la décision Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1189 au para 16).

[13] Le troisième volet de ce critère s’appuie sur le protocole procédural concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger, publié par la Cour fédérale le 7 mars 2014 [le protocole]. Dans ses observations, la demanderesse fait référence au protocole et souligne que, le 30 septembre 2020, son avocat actuel a fourni à son ancien consultant un avis écrit concernant ses préoccupations quant au fait que ce dernier ne lui avait pas fourni la demande pour qu’elle l’examine avant qu’elle ne soit soumise au défendeur. J’accepte que cet avis représente l’une des étapes envisagées par le protocole.

[14] Toutefois, le protocole prévoit également que, si la Cour décide d’accorder une autorisation dans l’affaire où l’incompétence présumée est soulevée, l’avocat actuel fournira une copie de l’ordonnance accordant l’autorisation à l’ancien avocat ou représentant dont la compétence est contestée, afin que celui‑ci ait la possibilité de présenter une requête pour autorisation d’intervenir dans la demande de contrôle judiciaire. En l’espèce, l’ordonnance accordant l’autorisation a été rendue le 28 février 2022. Je n’ai rien trouvé dans le dossier soumis à la Cour qui indique que cette étape du protocole a été réalisée. Lorsque je me suis renseigné sur ce point lors de l’audition de la demande en l’espèce, l’avocat de la demanderesse n’a fourni aucune observation.

[15] En l’absence de preuve que le protocole a été suivi, qui démontrerait que l’ancien consultant de la demanderesse a eu l’occasion de participer à la présente instance, je ne suis pas prêt à conclure que l’approche du consultant concernant la représentation de la demanderesse constitue une incompétence.

[16] Avant de clore la question de l’équité procédurale, je fais observer que dans ses arguments, la demanderesse fait valoir que la conclusion reflétée dans les notes du SMGC, à savoir qu’elle n’était [traduction] « pas sincère », représente une conclusion négative en matière de crédibilité. Elle soutient que l’équité procédurale exigeait que l’agent lui fasse part de ses doutes concernant la crédibilité et lui donne l’occasion de répondre avant d’arriver à cette conclusion. La demanderesse s’appuie sur la décision Bao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 268 [Bao], dans laquelle la Cour a conclu que l’agent des visas avait des doutes quant à la crédibilité des renseignements fournis par la demanderesse dans sa réponse à une lettre d’équité procédurale, et qu’il était donc tenu de soulever ces doutes directement auprès de la demanderesse (au para 21).

[17] La décision Bao fait référence à l’obligation d’équité procédurale à laquelle sont tenus les agents des visas, qui se situe à l’extrémité inférieure du spectre (au para 22), et la demanderesse renvoie également la Cour à la jurisprudence récente portant sur l’obligation d’accorder un degré élevé d’équité procédurale aux personnes qui pourraient faire face à une conclusion d’interdiction de territoire (voir, p. ex., la décision Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1284 au para 25). Cependant, même en appliquant cette norme plus élevée, je conviens avec le défendeur que les faits de l’espèce ne font pas en sorte que l’agent avait l’obligation de donner à la demanderesse une possibilité supplémentaire de répondre.

[18] La lettre d’équité procédurale a donné à la demanderesse l’occasion de répondre à la fausse déclaration présumée qui préoccupait l’agent. La conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse n’a pas été sincère concerne cette fausse déclaration, et non les nouvelles informations fournies par la demanderesse dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale. Après que la demanderesse a fourni sa réponse, les principes d’équité procédurale n’exigeaient pas que l’agent l’informe qu’il n’acceptait pas l’explication et lui donne une autre occasion de faire des commentaires avant de prendre sa décision. La lettre d’équité procédurale était suffisante pour mettre la demanderesse au courant du point en question, y compris de la possibilité que sa réponse ne soit pas acceptée (voir la décision Alalami c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 328 [Alalami] au para 13).

B. La décision est-elle raisonnable?

[19] En contestant le caractère raisonnable de la décision, la demanderesse fait d’abord valoir que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’application de l’exception de l’erreur de bonne foi aux conclusions d’interdiction de territoire pour fausses déclarations. Comme il est expliqué dans la décision Baro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299, bien qu’une omission innocente de fournir des renseignements importants puisse mener à une conclusion d’interdiction de territoire, il y a toutefois une exception si les demandeurs peuvent montrer qu’ils croyaient honnêtement et raisonnablement ne pas dissimuler des renseignements importants (au para 15). Comme l’affirme à juste titre la demanderesse, le fait pour un agent des visas de ne pas procéder à une analyse significative de l’exception de l’erreur de bonne foi peut constituer une erreur susceptible de contrôle lorsque des éléments de preuve appuient son application (voir, p. ex., la décision Berlin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1117 [Berlin] au para 22).

[20] Cependant, en l’espèce, l’agent n’a pas accepté l’explication de la demanderesse selon laquelle elle croyait honnêtement qu’elle ne dissimulait pas de fait important. Cela ressort clairement de la conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse n’était pas sincère dans sa demande. Si l’explication de la demanderesse avait été acceptée, l’agent aurait peut-être dû tenir compte de l’exception de l’erreur de bonne foi pour évaluer le caractère raisonnable de cette explication. Cependant, l’exception n’a aucune application potentielle en l’absence de conclusion selon laquelle l’erreur était effectivement de bonne foi. Par conséquent, rien ne me permet de conclure que l’agent a commis une erreur de la manière relevée dans la décision Berlin (voir Alalami, au para 16).

[21] Bien entendu, la Cour doit également évaluer le caractère raisonnable du refus de l’agent d’accepter l’explication de la demanderesse. Elle soutient qu’elle n’avait rien à gagner en dissimulant le rejet de sa demande de visa antérieure aux É-U et affirme que les antécédents positifs de son mari en matière d’immigration au Canada, ce dernier ayant obtenu des permis de travail et d’études et une prolongation subséquente de son permis d’études, auraient dû avoir une incidence positive sur sa propre demande.

[22] Bien qu’il s’agisse d’éléments de preuve qui pourraient appuyer la conclusion selon laquelle la fausse déclaration avait été faite de bonne foi, les décideurs ne sont pas obligés de se référer à chaque élément de preuve pertinent dans le dossier. Ils sont plutôt présumés avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont ils disposaient pour prendre leur décision (voir, p. ex., la décision Nshogoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 au para 47). Dans une affaire où des éléments de preuve contraires à la conclusion du décideur n’ont pas été mentionnés dans les motifs, plus les éléments de preuve contradictoires sont importants, plus il peut être facile de réfuter la présomption selon laquelle tous les éléments de preuve ont été pris en compte et de déduire que les éléments de preuve contradictoires n’ont pas été examinés (voir la décision Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF 53 aux para 16-17). Toutefois, les éléments de preuve sur lesquels s’appuient les observations de la demanderesse ne sont pas suffisamment convaincants pour que l’absence de référence expresse à ces éléments dans la décision porte atteinte au caractère raisonnable de celle-ci.

[23] Enfin, la demanderesse conteste le caractère raisonnable de l’analyse de la notion de fait important réalisée par l’agent. Comme elle le fait valoir à juste titre, l’omission de procéder à une analyse de l’importance d’une fausse déclaration alléguée peut constituer une erreur susceptible de contrôle (voir, p. ex., la décision Koo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 931 aux para 29 et 38).

[24] À l’appui de sa thèse, la demanderesse souligne que l’agent était manifestement au courant de ses antécédents en matière d’immigration aux É-U, comme le montrent les notes du SMGC, apparemment à la suite d’un échange de renseignements avec les É-U. Elle fait donc valoir que rien ne permettait de conclure que la fausse déclaration alléguée a empêché les autorités canadiennes de l’immigration de faire des recherches. Cet argument n’est pas fondé, car la jurisprudence indique clairement que l’importance d’une fausse déclaration n’est pas minée par le fait que les autorités canadiennes ont la capacité de découvrir, ou qu’elles découvrent effectivement, la fausse déclaration (voir, p. ex., la décision Goburdhan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971 [Goburdhan] au para 43).

[25] La demanderesse fait également valoir que la décision ne comporte aucune analyse rationnelle leur permettant, à elle ou à la Cour, de comprendre le contexte dans lequel l’agent a rendu sa conclusion fondée sur la notion de fait important. Comme le fait remarquer la demanderesse, l’agent a conclu que les fausses déclarations auraient pu convaincre un agent qu’elle satisfaisait aux exigences de la LIPR en ce qui a trait à l’existence d’un véritable motif temporaire pour le voyage au Canada et au respect des conditions d’entrée au Canada. La demanderesse soutient que la présente affaire est comparable à l’affaire Gill v Canada (Citizenship and Immigration), 2021 FC 1441 [Gill], où la Cour a conclu que l’agent des visas n’avait pas expliqué de manière adéquate comment l’omission de mentionner qu’un visa de touriste pour les É-U avait été refusé aurait pu affecter le processus ou l’administration de la LIPR (au para 29).

[26] Toutefois, dans ses observations écrites, la demanderesse souligne que la conclusion de la Cour dans la décision Gill, selon laquelle les motifs de l’agent n’expliquaient pas de manière adéquate l’importance du refus de visa de tourisme pour les É-U, s’exprime dans un contexte où le demandeur dans cette affaire avait divulgué six refus de visa canadien antérieurs (au para 29). En d’autres termes, étant donné que le demandeur avait informé les autorités d’immigration que plusieurs autres demandes de visa avaient été rejetées, la Cour a estimé que l’agent n’avait pas fourni d’explication compréhensible sur la manière dont l’omission de divulguer ce refus supplémentaire aurait pu affecter le processus ou l’administration de la LIPR.

[27] Conformément à cette analyse, la Cour a rejeté l’affirmation du ministre dans la décision Gill selon laquelle le refus d’accorder un visa étranger est invariablement important pour une demande de visa (au para 30), quelles que soient les circonstances factuelles. J’accepte cette proposition. Cependant, la présente affaire se distingue de l’affaire Gill, dans la mesure où l’omission par la demanderesse de mentionner qu’un visa lui avait été refusé précédemment par les É-U dans sa demande ne s’inscrit pas dans un contexte similaire où d’autres refus avaient été communiqués.

[28] En revanche, le défendeur s’appuie sur la décision Goburdhan, où la Cour a admis que le fait de ne pas divulguer une demande de visa antérieure rejetée par les É-U était important. Dans la décision Goburdhan, le juge explique qu’une fausse déclaration ne doit pas nécessairement être décisive ou déterminante pour être considérée comme importante. Elle sera importante si elle est en mesure d’affecter le processus (aux para 39-40). En examinant l’argument du défendeur selon lequel la fausse déclaration aurait pu empêcher l’agent d’entreprendre un processus d’enquête et de vérification approprié, la Cour a souligné dans la décision Goburdhan que l’agent n’avait pas précisé quel processus d’enquête et de vérification aurait pu être contourné, mais elle a conclu que l’absence d’une telle explication détaillée n’était pas fatale à la décision (aux para 42-43).

[29] En m’appuyant sur la décision Goburdhan et la jurisprudence de notre Cour selon laquelle les agents des visas ne sont pas tenus de motiver avec détail leurs conclusions relatives aux fausses déclarations (voir, p. ex., He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 33 au para 39), je suis satisfait du caractère raisonnable de la conclusion de l’agent sur la notion de fait important.

VI. Conclusion

[30] Après avoir examiné les arguments soulevés par la demanderesse, rien ne me permet de conclure que la décision est déraisonnable ou qu’elle a été prise sans lui accorder l’équité procédurale à laquelle elle avait droit. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[31] Aucune des parties n’a proposé de question en vue d’un appel et aucune n’est énoncée.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2968-20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question en vue d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2968-20

INTITULÉ :

JENNIFER RAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 MAI 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 31 MAI 2022

COMPARUTIONS :

Ji Won Chun

POUR LA DEMANDERESSE

Nicole Rahaman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bellissimo Law Group PC

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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