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Date : 20220606


Dossier : T-871-20

Référence : 2022 CF 826

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2022

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

GARY CURTIS

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI, DU DÉVELOPPEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET DE L’INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES, EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA, LE MINISTRE DU TRAVAIL, LE MINISTRE DE LA JUSTICE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE PREMIER MINISTRE DU CANADA, LA BANQUE SCOTIA, LE PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE L’AUTORITÉ HYPOTHÉCAIRE SCOTIA DE LA BANQUE SCOTIA, LE PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE LA BANQUE SCOTIA ET LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA BANQUE SCOTIA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, qui n’est pas représenté par un avocat, travaillait pour la défenderesse, la Banque Scotia (BS), à titre de directeur du développement hypothécaire.

[2] Selon la décision rendue le 30 décembre 2019 par le protonotaire C. Wiebe de la Cour supérieure de justice (CSJ) de l’Ontario, le demandeur a démissionné de son poste au sein de la BS par lettre datée du 30 avril 2012. Le protonotaire Wiebe a conclu que le demandeur avait rédigé cette lettre de démission après avoir été suspendu par la BS, qui était préoccupée par de présumés documents frauduleux contenus dans 17 dossiers relatifs à des hypothèques que le demandeur avait obtenues pour la BS.

[3] Le 5 août 2020, le demandeur a déposé à la Cour une déclaration introductive d’instance dans laquelle il désignait à titre de défendeurs la Banque Scotia, le président et chef de la direction de l’Autorité hypothécaire Scotia et de la Banque Scotia, ainsi que le procureur général du Canada et plusieurs ministres fédéraux.

[4] Par souci de concision, j’utiliserai ci-après l’appellation « la BS » pour désigner l’ensemble des parties nommées dans l’intitulé de la cause visant la BS. De même, j’utiliserai ci‑après l’appellation « le PGC » pour désigner l’ensemble des parties nommées dans l’intitulé de la cause visant le procureur général du Canada (PGC).

[5] La déclaration a été modifiée le 10 août 2020.

[6] La déclaration a de nouveau été modifiée, le 4 septembre 2020, par la présentation d’une deuxième déclaration modifiée.

II. Requêtes en radiation

[7] La BS et le PGC ont chacun déposé une requête en vue d’obtenir la radiation de la deuxième déclaration modifiée.

[8] Les motifs invoqués à l’appui de chacune de ces requêtes sont essentiellement les mêmes : la deuxième déclaration modifiée ne révèle aucune cause d’action valable, car (1) la Cour n’a pas compétence; (2) les allégations sont scandaleuses, frivoles et vexatoires, et (3) la déclaration constitue un abus de procédure selon les alinéas 221(1)a), 221(1)c) et 221(1)f) des Règles des Cours fédérales (les Règles).

III. Allégations visant le PGC

[9] Dans la deuxième déclaration modifiée, il est demandé qu’il soit déclaré que le PGC et [traduction] « des ministres, des commissaires et des représentants ont fait preuve de négligence et continuent de faire preuve systématiquement de négligence et d’illégalité dans le financement, la surveillance, le fonctionnement, la supervision, le contrôle et le soutien de leurs représentants, et qu’ils ont omis de mettre en place des mécanismes visant à empêcher les ministres et leurs représentants de faire ouvertement abstraction des lois, des procédures et des règles prescrites par le Code canadien du travail, et qu’ils ont ainsi causé préjudice au demandeur et violé les droits qui lui sont reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés » (la Charte).

[10] Le demandeur affirme également que le PGC [traduction] « a exercé sa charge publique de manière abusive par le financement, la surveillance, la mise en place, la supervision, le contrôle, le maintien et l’appui d’un appareil judiciaire défaillant composé de juges de nomination fédérale au sein de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, d’arbitres, de juges de la Cour fédérale ainsi que de commissaires de la Commission canadienne des droits de la personne qui, par une importante injustice judiciaire, ont de manière délibérée et insouciante privé le demandeur d’un accès à la justice en enfreignant les Règles des procédures civiles et en le privant de son droit à la justice naturelle et de la possibilité de comparaître en cour, et lui ont causé d’importantes pertes financières ».

[11] Le demandeur allègue que le PGC a comploté avec la BS afin de le priver [traduction] « de ses droits garantis par la Charte et de son droit à l’emploi dans le secteur bancaire au Canada ». Il ajoute que [traduction] « les actions délibérées et insouciantes de ces défendeurs ont privé le demandeur, un citoyen canadien, de son droit à l’emploi ».

IV. Allégations visant la BS

[12] En plus de prétendre que la BS a comploté avec le PGC, le demandeur allègue que [traduction] « la Banque Scotia (une banque canadienne de compétence fédérale) et ses partenaires ont fait preuve de négligence, n’ont pas respecté les lois du Canada (et ont enfreint le Code canadien du travail) et ont porté atteinte aux droits qui lui sont reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés en le privant à vie de son droit de travailler dans le secteur bancaire (interdiction à vie), au Canada et partout dans le monde. La Banque Scotia a également manqué à son obligation contractuelle d’exécution honnête envers le demandeur ».

[13] Le demandeur allègue en outre que la BS [traduction] « a enfreint la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) en inscrivant illégalement son nom sur une liste de surveillance contre le crime bancaire du Bureau de prévention et d’enquête du crime bancaire (BPECB) de l’Association des banquiers canadiens (ABC) pendant sept (7) ans, sans qu’il en soit informé et qu’il y consente, ce qui l’empêche de travailler dans le secteur bancaire au Canada ».

V. Allégations visant le PGC et la BS

[14] Le demandeur fait valoir que les deux défendeurs [traduction] « ont porté atteinte aux droits que lui confèrent la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés, ce qui lui a causé un préjudice important du fait qu’ils ont systématiquement violé et qu’ils continuent de violer [ses] droits et libertés garantis par les articles 7, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, et ce, d’une manière qui, selon l’article 1 de la Charte, ne peut se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique ».

[15] Le demandeur a formulé quatre allégations fondées sur le paragraphe 24(1) de la Charte.

[16] La première allégation porte sur le fait que les défendeurs ont violé et continuent de violer les droits et libertés qui lui sont garantis par les articles 7, 12 et 15 de la Charte, en [traduction] « le privant délibérément, et à vie, de son droit de faire le choix fondamental de travailler dans le secteur bancaire au Canada ».

[17] En deuxième lieu, le demandeur allègue que les défendeurs ont violé et continuent de violer les droits et libertés que lui confèrent les articles 7, 12 et 15 de la Charte, en lui refusant le droit [traduction] « à un processus équitable, impartial et ouvert sur le plan de la procédure et du fond, ce qui va à l’encontre des règles de droit et de justice fondamentale, tout en l’exposant à un traitement cruel et déraisonnable qui lui a causé une souffrance intolérable ».

[18] En troisième lieu, le demandeur allègue que [traduction] « les défendeurs ont illégalement fait preuve de discrimination à son égard du fait qu’il est noir, ce qui va à l’encontre de l’article 15 de la Charte, en le privant de son droit à un traitement égal et à un processus juste et équitable en droit ».

[19] Enfin, il allègue que les défendeurs [traduction] « sont responsables des dommages subis par le demandeur, car ils ont enfreint les articles 7, 12 et 15 de la Charte » par leurs actions, « et que la conduite des juges de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, qui ont manqué à leurs obligations et privé le demandeur de son droit à la justice, lui a causé un préjudice important sur les plans financier, émotionnel et psychologique ».

VI. Dommages-intérêts réclamés

[20] Le demandeur réclame au PGC et à la BS 30 millions de dollars à titre de dommages‑intérêts ou d’indemnité pour :

  1. faute dans l’exercice d’une charge publique;

  2. violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

  3. négligence, enquête négligente ou supervision et formation négligentes;

  4. violation des articles 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

  5. violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE);

  6. violation des articles 7, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés;

  7. complot par des moyens licites ou illicites;

  8. pertes et préjudice résultant d’une infliction intentionnelle de trouble émotionnel et de souffrance morale et psychologique, d’une atteinte à sa réputation, à sa carrière et à sa dignité, ainsi que de la perte de revenu et de jouissance de la vie;

  9. manquement à l’obligation contractuelle d’exécution honnête ou à l’obligation d’exécution honnête;

  10. violation du Code canadien du travail.

[21] En plus de réclamer des dommages‑intérêts de 30 millions de dollars, le demandeur réclame de la BS et du PGC :

  1. des dommages-intérêts punitifs et exemplaires de 10 millions de dollars;

  2. des dommages-intérêts spéciaux pour perte de revenu et perte de capacité de gagner un revenu;

  3. les intérêts accumulés avant et après le jugement, conformément à la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7;

  4. les dépens afférents à la présente action, déterminés sur la base d’une indemnisation substantielle, ou une somme correspondant à une indemnisation intégrale;

  5. les coûts liés à la communication des avis et à l’administration du plan de distribution des réparations obtenues dans la présente action, plus les taxes applicables, en application de l’article 334.38 des Règles;

  6. toute autre réparation que la Cour estime convenable et juste compte tenu des circonstances.

[22] J’aimerais mentionner à ce stade que le demandeur ne peut avoir droit aux coûts demandés au titre de l’article 334.38 des Règles, car cette disposition ne s’applique qu’aux recours collectifs, ce que la deuxième déclaration modifiée n’est pas.

VII. Principes applicables aux requêtes en radiation

[23] Les requêtes en radiation sont régies par l’article 221 des Règles :

Requête en radiation

221 (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

Preuve

(2) Aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête invoquant le motif visé à l’alinéa (1)a).

Motion to Strike

221 (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

Evidence

(2) No evidence shall be heard on a motion for an order under paragraph (1)(a).

[24] L’article 174 des Règles précise ce que doit contenir l’acte de procédure. Il dispose que « [t]out acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits ».

[25] L’article 181 des Règles exige que l’acte de procédure contienne des précisions sur chaque allégation, notamment sur toute allégation de fausse déclaration, de fraude, d’abus de confiance, de manquement délibéré ou d’influence indue, ainsi que sur toute allégation portant sur l’état mental d’une personne.

[26] Dans la décision Premakumaran c Canada, 2003 CFPI 635, le protonotaire Hargave, saisi d’une requête en radiation, a cité les observations du protonotaire Sandler dans la décision Copland v Commodore Business Machines Ltd, 52 OR (2d) 586, qui, à la page 588, a présenté en ces termes la différence entre la notion de « faits substantiels » et celles de « preuves » et de « détails » :

[traduction]
Entre la notion de « faits substantiels » et la notion de « preuves », il y a la notion de « détails ». Il s’agit d’éléments additionnels d’information, ou de données, qui étoffent les « faits substantiels », mais ils ne sont pas détaillés au point d’équivaloir à des « preuves ».

[27] Plusieurs principes fondamentaux doivent être pris en compte pour décider si une requête en radiation doit être accueillie.

[28] Premièrement, il faut interpréter la déclaration « de manière aussi libérale que possible et [...] remédier à tout vice de forme, imputable à une carence rédactionnelle, qui aurait pu se glisser dans les allégations » : Operation Dismantle Inc c La Reine, [1985] 1 RCS 441 à la p 451 [Operation Dismantle].

[29] Deuxièmement, le critère applicable à une requête en radiation consiste à déterminer s’il est évident et manifeste, à supposer que les faits invoqués soient vrais, que l’acte de procédure ne révèle aucune cause d’action valable ou que la demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie. Le demandeur doit plaider clairement les faits sur lesquels il fonde sa demande : R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42 aux para 17, 22.

[30] Les actes de procédure ont deux fonctions principales, soit définir les questions en litige avec clarté et aviser raisonnablement la partie adverse de la preuve à réfuter : Sivak c Canada, 2012 CF 272 au para 11.

[31] Cela dit, le seuil à atteindre pour la radiation d’une demande est élevé et lorsque la demande a une possibilité raisonnable d’être accueillie, il faut permettre qu’elle soit instruite. La Cour doit se demander si l’acte de procédure peut raisonnablement être modifié de manière à révéler une question qui n’est pas vouée à l’échec : Société des loisirs de l’Atlantique c Babstock, 2020 CSC 19 au para 90.

VIII. Requête du PGC

[32] Dans sa requête, le PGC demande que la deuxième déclaration modifiée soit entièrement radiée, sans autorisation de la modifier, le tout avec dépens. Si cette requête n’est pas accueillie, le PGC demande que le délai prévu pour signifier et déposer sa défense soit de 60 jours à partir de la date de l’ordonnance de la Cour.

[33] Le PGC fait valoir que la présente action tient principalement à un différend entre le demandeur et la BS et que le demandeur allègue que le PGC n’a pas empêché la BS de contrevenir à des lois fédérales.

[34] Le PGC invoque trois motifs pour demander la radiation de la deuxième déclaration modifiée. Cette déclaration ne révèle aucune cause d’action valable contre le PGC. Elle est, dans l’ensemble, scandaleuse et vexatoire, et les allégations qu’elle contient constituent un abus de procédure.

[35] Comme nous le verrons plus loin, le PGC invoque la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50, ainsi que les Règles des Cours fédérales, plus précisément les articles 3, 174 et 181 et les alinéas 221(1)a), 221(1)c) et 221(1)f) des Règles, afin de démontrer qu’il n’existe aucune cause d’action valable contre lui.

[36] S’agissant du caractère scandaleux, frivole et vexatoire de la deuxième déclaration modifiée, le PGC fait valoir que cette déclaration est dans son ensemble frivole et vexatoire, et ce, pour deux raisons : (1) elle ne contient pas d’exposé des faits substantiels pertinents, de sorte que le PGC ne sait pas comment y répondre; et (2) elle est trop longue, compliquée et répétitive.

[37] Le PGC prétend que la deuxième déclaration modifiée ne satisfait pas non plus à l’exigence énoncée à l’article 174 des Règles, selon laquelle un acte de procédure doit contenir un exposé concis des faits substantiels sur lesquels le demandeur se fonde.

[38] La deuxième déclaration modifiée compte 80 pages et 423 paragraphes. Ce n’est pas, selon moi, ce que l’on peut qualifier de concis. Il est tout simplement impossible de renvoyer à chacune des allégations formulées par le demandeur. Ce dernier soulève, pour l’essentiel, les mêmes questions dans l’ensemble de cette déclaration.

[39] Le PGC soutient que la deuxième déclaration modifiée ne présente pas, d’une manière suffisamment détaillée, les faits substantiels nécessaires pour satisfaire à chacun des éléments des causes d’action alléguées. Renvoyant à l’article 174 des Règles, le PGC mentionne que la deuxième déclaration modifiée n’expose pas les faits pertinents indiquant « par qui, quand, où, comment et de quelle façon sa responsabilité a été engagée », lesquels sont nécessaires pour qu’il puisse comprendre les questions en litige, connaître les faits qui se rapportent à chaque question en litige et dégager le fondement juridique invoqué par le demandeur pour prétendre que le PGC est responsable envers lui : Mancuso c Canada (Santé Nationale et Bien-être Social), 2015 CAF 227 aux paras 16, 19.

[40] Le demandeur soutient que le PGC [traduction] « n’a présenté aucune preuve par affidavit pour étayer ses arguments relatifs à l’abus de procédure et au caractère frivole et vexatoire des actes de procédure; par conséquent, ses arguments non fondés doivent être écartés et rejetés et la demande doit être instruite ».

[41] Les arguments du PGC reposent sur la deuxième déclaration modifiée, les Règles et la jurisprudence. Aucun affidavit n’est exigé pour appuyer ces arguments.

[42] Le demandeur prétend en outre que [traduction] « des faits suffisants montrent que des préposés des défendeurs ont délibérément fait preuve d’abus de pouvoir dans l’exercice de leurs fonctions, et qu’ils l’ont fait dans le but de lui causer délibérément préjudice ». Des déclarations semblables sont faites à l’égard des diverses allégations de manquement, de faute dans l’exercice d’une charge, de négligence et de complot fondées sur la Charte qu’il formule.

[43] Lorsqu’on plaide la mauvaise foi ou l’abus de pouvoir, il ne suffit pas d’utiliser des formulations laconiques et catégoriques telles que « délibérément ou négligemment », « indifférence complète » ou « s’est procuré illégalement par le vol ou la fraude » : Merchant Law Group c Canada Agence du revenu, 2010 CAF 184 [Merchant Law] au para 34.

[44] Le demandeur affirme, tout au long de ses observations écrites, qu’il y a suffisamment de faits substantiels pour que le PGC puisse présenter une défense. Toutefois, il ne précise pas à la Cour de quels faits il s’agit. En ce qui concerne, par exemple, les allégations portées contre le PGC sur le fondement de la Charte, le demandeur dit être en désaccord avec le PGC. Il affirme que [traduction] « les faits substantiels sont suffisants pour que les défendeurs puissent présenter une défense relativement aux violations des articles 7, 12 et 15 de la Charte, et que le procureur général (l’État) est responsable envers le demandeur des préjudices que ces manquements à la Charte lui ont causés ».

[45] Quant aux allégations de délits commis par les divers ministres et le PGC, le demandeur a omis de plaider les trois éléments constitutifs du délit, à savoir : (1) l’intention de lui porter préjudice; (2) l’atteinte, par des moyens illicites, à la manière dont autrui gagne sa vie ou exerce une activité commerciale; et (3) le préjudice économique qui en découle : Carten c Canada, 2009 CF 1233 [Carten] au para 43.

[46] Le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique, que le PGC aurait commis, exige que les allégations sur l’état mental de la personne concernée soient précisées : Succession Odhavji c Woodhouse, 2003 CSC 69 au para 32; Al Omani c Canada, 2017 CF 786 au para 51. L’article 181 des Règles exige en outre que des précisions soient données sur toute allégation d’« abus de confiance », de « manquements délibérés », d’« intention malicieuse » ou « frauduleuse », ainsi que sur toute allégation portant sur « l’état mental d’une personne ». La deuxième déclaration modifiée ne fournit aucune de ces précisions.

[47] Les allégations de complot exigent que l’on identifie les parties concernées et que l’on décrive les liens qui existent entre elles et les actes constituant le complot : Lauer c Canada (Procureur général), 2017 CAF 74 au para 24. De telles allégations doivent être plaidées de manière précise, ce que n’a pas fait le demandeur.

[48] Selon l’examen que j’en ai fait, la deuxième déclaration modifiée est truffée d’allégations laconiques, d’affirmations catégoriques et d’allégations non fondées de négligence, qui sont suivies de conclusions. Au paragraphe 26, par exemple, le demandeur affirme que [traduction] « les défendeurs l’ont privé, d’une manière délibérée et insouciante, de ses droits et libertés garantis par la Charte de travailler dans le secteur financier et bancaire au Canada [...] Le ministre du Travail a permis à la BS d’enfreindre les lois sur les relations de travail au Canada sans qu’elle en soit tenue responsable ».

[49] En contravention des articles 174 et 181 des Règles, ces allégations de même que toutes les autres allégations de violation de la Charte n’exposent aucun fait substantiel ni ne fournissent aucune précision. Elles ne révèlent donc aucune cause d’action valable.

[50] Qui plus est, le demandeur tient des propos diffamatoires envers les ministres fédéraux et les juges. Aux paragraphes 40 et 41 de la deuxième déclaration modifiée, par exemple, le demandeur allègue notamment que la juge Heneghan [traduction] « a abusé de son rôle en supprimant des éléments de preuve qui confirmaient les infractions commises par la Banque et en énonçant des faits erronés lorsqu’elle a écrit que la Banque Scotia avait établi qu’il y avait eu fraude alors qu’elle savait que ce n’était pas vrai et qu’il n’y avait eu aucune conclusion de fraude ».

[51] Le demandeur formule des déclarations comparables au sujet du juge Dow de la Cour supérieure de justice de l’Ontario et des juges Hoy, Simmons et Lauwers de la Cour d’appel de l’Ontario en déclarant que [traduction] « tous ont abusé de leur rôle [...] en rendant des décisions qui ne relevaient pas de leur compétence et qui allaient à l’encontre des lois de la Cour d’appel de l’Ontario et de la Cour suprême du Canada, afin de soutenir le juge Dow qui a rendu de nombreuses ordonnances ne relevant pas de sa compétence ni des lois de la cour, ainsi qu’en privant le demandeur d’un accès à la justice afin que sa cause puisse être entendue sur le fond. Ces juges ont agi de mauvaise foi pour aider Andrew Pinto à devenir juge à la Cour supérieure ».

[52] Le demandeur fait valoir que les juges et les ministres qu’il a désignés se sont rendus coupables de fautes dans l’exercice d’une charge publique. La faute dans l’exercice d’une charge publique est un délit qui requiert un état d’esprit particulier. Il peut s’agir, par exemple, d’un comportement délibéré que le juge ou le ministre savait incompatible avec les obligations de sa fonction. L’article 181 des Règles exige que des précisions soient fournies sur chaque élément constitutif de ce délit : Merchant Law, au para 35.

[53] Plutôt que de fournir des précisions sur l’état d’esprit des juges et des ministres, le demandeur ne fait que répéter qu’ils ont [traduction] « abusé de leur rôle » ou « de leur pouvoir » ou encore qu’ils « ont été négligents » et qu’ils ont « délibérément outrepassé leur compétence ». Les faits et les détails pertinents sont absents.

[54] Quoi qu’il en soit, le simple fait que les juges ont été nommés par la Couronne fédérale n’autorise pas le demandeur à instituer une action devant la Cour fédérale : Carten, au para 73.

[55] La Cour d’appel fédérale a conclu que le législateur n’avait pas attribué à notre Cour, une cour d’origine législative, la compétence pour statuer sur la conduite délictuelle des juges : Crowe c Canada (Procureur général), 2008 CAF 298 au para 18. Puisqu’elle n’a pas compétence, la Cour fédérale ne peut statuer sur les allégations formulées par le demandeur à l’encontre des divers juges qu’il a nommés. Il s’ensuit qu’aucune cause d’action valable n’a été présentée à la Cour contre ces juges. La Cour n’a pas non plus compétence pour statuer sur la conduite délictuelle de ministres fédéraux.

[56] Les paragraphes 20 à 22 de la deuxième déclaration modifiée nomment les parties liées au PGC et précisent que chacune d’elles – à savoir les divers ministres et le PGC – est responsable envers le demandeur des délits commis par ses employés, que ce soit en lien avec l’emploi, des manquements au Code canadien du travail (CCT) ou des violations de droits garantis au demandeur par la Charte. Aucun délit n’est attribué au Premier ministre, mais celui‑ci serait responsable envers le demandeur de la violation de ses droits garantis par la Charte.

[57] Selon le sous‑alinéa 3b)(i) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C-50 (la LRCECA), l’État est responsable du fait d’autrui pour les dommages découlant d’un délit commis par un de ses préposés. Le Premier ministre n’est pas l’État et ne peut donc pas être tenu responsable du fait d’autrui envers le demandeur pour quelque violation des droits qui lui sont garantis par la Charte.

[58] Le demandeur a omis de préciser quel ou quels préposés de l’État auraient participé aux prétendues activités répréhensibles. Par conséquent, faute de délit civil qui aurait été commis par un préposé de l’État et dont l’État serait responsable du fait d’autrui, la demande ne révèle aucune cause d’action valable : Swarath c Canada, 2014 CF 75 au para 10.

[59] Le demandeur allègue des manquements à la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 (la LCDP), ainsi qu’un manquement de la part de la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP). Il prétend que le ministre de la Justice et le procureur général du Canada sont responsables envers lui des manquements ainsi commis. Il allègue également qu’un cadre supérieur de la CCDP a délibérément désigné une personne non qualifiée pour faire enquête sur sa plainte.

[60] L’essentiel de cette allégation semble reposer sur le fait que, après six ans, la CCDP a rejeté la plainte déposée par le demandeur à l’encontre de la Banque Scotia, sans faire enquête sur son licenciement, que le demandeur qualifie de [traduction] « multiples violations du Code commises par la BS, ainsi qu’il est énoncé dans la plainte modifiée qu’il a déposée le 12 juillet 2017 ».

[61] S’agissant du ministre de la Justice et du procureur général du Canada, le demandeur allègue qu’ils ont omis d’instaurer des politiques, des procédures et des mécanismes pour empêcher la CCDP [traduction] « de produire toujours et encore les mêmes rapports d’opposition fondés sur les articles 40 et 41, ce qui a eu pour effet de retarder le traitement de sa plainte pendant plus de six ans ». Le demandeur dit avoir subi de ce fait d’importants préjudices et dommages, ainsi que d’importantes pertes de revenu, d’emploi et d’intérêt ou atteintes à sa réputation dans le secteur bancaire, dont le ministre de la Justice et le procureur général du Canada sont responsables.

[62] Cependant, aucune précision n’est fournie sur les préjudices causés, de sorte qu’il est là encore impossible pour le PGC de connaître la preuve à réfuter ou de préparer une défense en réponse aux allégations.

[63] Bien que les allégations susceptibles d’être prouvées doivent être tenues pour avérées, cette règle n’exige pas que les allégations fondées sur des hypothèses et des conjectures soient considérées comme vraies; il ne faut pas accepter sans réserve de simples allégations ou des allégations de fait qui peuvent être considérées comme scandaleuses, frivoles ou vexatoires, ou encore des arguments juridiques déguisés en allégations factuelles : Committee for Monetary and Economic Reform c Canada, 2014 CF 380 au para 48.

[64] La deuxième déclaration modifiée est prolixe et répétitive. Le demandeur n’y expose pas les faits essentiels sur lesquels reposent les causes d’action. Cet élément suffit à lui seul pour la radier, car elle ne révèle aucune cause d’action valable. Le fait qu’elle soit « scandaleuse, frivole et vexatoire » au sens de l’alinéa 221(1)c) des Règles suffit également pour la radier. Un acte de procédure truffé de simples allégations et de simples conclusions de droit est normalement considéré comme un acte de procédure scandaleux, frivole et vexatoire : Pelletier c Canada, 2016 CF 1356 [Pelletier] au para 23.

[65] La deuxième déclaration modifiée contient des propos injurieux. Elle est scandaleuse, frivole et vexatoire au sens de la jurisprudence. Elle est truffée d’affirmations et d’allégations laconiques, mais fournit peu de précisions. Faire des déclarations laconiques ou catégoriques qui ne reposent sur aucun élément de preuve constitue un abus de procédure : AstraZeneca Canada Inc c Novopharm Limited, 2010 CAF 112 au para 5.

IX. Pour tous les motifs qui précèdent, le demandeur ne m’a pas convaincue qu’une cause d’action valable pouvait être opposée aux requêtes du PGC et de la BS

[66] Il existe un chevauchement important entre les diverses allégations visant le PGC et la BS. Le demandeur allègue que les deux ont violé la Charte, ainsi que diverses lois fédérales dont le CCT, la LPRPDE et la LCDP.

[67] La BS fait valoir que l’ensemble des allégations formulées contre elle excède la compétence de la Cour.

[68] Le critère visant à déterminer si la Cour a compétence a été confirmé dans l’arrêt Windsor (City) c Canadian Transit Co, 2016 CSC 54 [Windsor]. Pour que la Cour ait compétence, trois exigences essentielles doivent être établies. Celles-ci sont énoncées au paragraphe 34 de l’arrêt Windsor :

  1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

  2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

  3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[69] La raison d’être de ces exigences est que le rôle de la Cour fédérale se limite constitutionnellement à administrer « les lois du Canada ». Afin de déterminer si une demande satisfait à ces trois exigences, de sorte à ne pas outrepasser le rôle limité qui lui incombe, la Cour doit d’abord dégager la nature essentielle de la demande en faisant une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur. La « déclaration ne doit pas être prise au pied de la lettre ». Le tribunal doit « aller au‑delà des termes employés, des faits allégués et de la réparation demandée, et il doit s’assurer que la déclaration ne constitue pas une tentative déguisée visant à obtenir devant la Cour fédérale un résultat qui ne peut par ailleurs pas être obtenu de cette cour » : Windsor, au para 26 (citations internes omises).

[70] Bien que la Loi sur les banques soit une loi fédérale qui confère compétence exclusive en matière bancaire, cela ne permet pas, en soi, de conclure à la compétence de notre Cour. La question pertinente est de savoir si la demande repose dans une mesure essentielle sur une loi fédérale. C’est la nature de la demande, et non des engagements concernés, qui importe : 744185 Ontario Inc c Canada, 2020 CAF 1, communément appelé Air Muskoka, au para 54.

[71] Dans la deuxième déclaration modifiée, sous la rubrique [traduction] « La nature de l’action », le demandeur allègue que [traduction] « les défendeurs l’ont privé, d’une manière délibérée et insouciante, de ses droits et libertés garantis par la Charte de travailler dans le secteur financier et bancaire au Canada, et que la BS a abusé de ses pouvoirs et de son statut en exploitant un système d’emploi défaillant ». Le demandeur affirme que la BS a été autorisée à le priver [traduction] « à vie de son droit à l’emploi dans le secteur bancaire au Canada, en lui imposant une interdiction professionnelle à vie ». Il est évident et manifeste que la demande porte essentiellement sur l’ancien emploi du demandeur au sein de la BS et que le résultat concret que le demandeur cherche à obtenir est d’être indemnisé pour la perte de cet emploi.

[72] Le demandeur a d’abord intenté une action contre la BS en vertu du CCT. La plainte déposée à la CCDP portait sur son congédiement ou sa démission de la Banque Scotia. L’une des allégations formulées à l’encontre de la BS porte sur le défaut de payer le salaire du demandeur. Une autre allégation importante visant la BS porte sur le fait que le demandeur a été forcé de démissionner. Il est évident que la nature essentielle de la deuxième déclaration modifiée est liée à une question d’emploi entre un employeur et un ancien employé.

[73] Il ne fait aucun doute que l’action intentée par le demandeur contre la BS repose sur la perte de son emploi au sein de cette banque. Le demandeur affirme que la BS, en inscrivant son nom sur la liste de surveillance du crime SIFT ALERT, établie par le Bureau de prévention et d’enquête du crime bancaire (BPECB) de l’ABC, l’a empêché – à vie – de travailler dans le secteur bancaire.

[74] Le demandeur estime que la Loi sur les banques, en tant que loi fédérale, confère à la Cour compétence pour statuer sur la perte de son emploi au sein de la BS. Cependant, ni la Loi sur les banques ni quelque autre loi fédérale, y compris la Loi sur les Cours fédérales, le Code canadien du travail ou la Loi canadienne sur les droits de la personne, ne confèrent à la Cour fédérale compétence pour instruire en première instance des demandes liées à l’emploi.

[75] Il est évident et manifeste que notre Cour n’a pas compétence pour instruire la présente action contre la BS. Il est également évident et manifeste, ainsi qu’il est exposé dans les présents motifs, que le demandeur ne s’est pas conformé aux articles 174 et 181 ni aux alinéas 221(1)a), 221(1)c) et 221(1)f) des Règles. Par conséquent, il n’y a aucune cause d’action valable.

X. Nouvelle déclaration modifiée

[76] Peu après l’audition de la présente requête, le demandeur a présenté une nouvelle déclaration modifiée au greffe de la Cour. Cette déclaration n’avait pas été déposée au moment de l’audition de la présente requête. Le demandeur a versé la nouvelle déclaration modifiée non déposée à son dossier de requête et il a fait valoir, lors de l’audience, que c’est cette nouvelle déclaration modifiée, et non la deuxième déclaration modifiée, qui devrait être prise en compte, car elle figurait dans la documentation. Le demandeur a soutenu que cela signifiait que la nouvelle déclaration modifiée était [traduction] « devant la Cour ». J’ai rejeté cette hypothèse lors de l’audience et je la rejette de nouveau. Un acte de procédure est un document qui est déposé : article 171 des Règles. Pour entamer un procédure contre la Couronne, il faut déposer au greffe l’original et deux copies de l’acte introductif d’instance et acquitter la somme de deux dollars comme droit correspondant : Loi sur les Cours fédérales, art 48.

[77] Durant l’audition des présentes requêtes, il a été indiqué au demandeur que, s’il n’avait pas gain de cause, il ne serait pas autorisé à déposer une nouvelle demande dans laquelle seraient invoqués des motifs déjà mentionnés dans la deuxième déclaration modifiée ou dans quelque autre déclaration précédemment déposée en l’espèce. Bien qu’en réalité je n’aie pas été saisi de la nouvelle déclaration modifiée, le demandeur a indiqué, et je le reconnais, que cette nouvelle déclaration montre de quelle manière il modifierait sa déclaration.

[78] Pour déterminer si le demandeur devrait être autorisé à modifier la deuxième déclaration modifiée, j’ai donc examiné si les lacunes qu’elle contient pourraient être corrigées par la nouvelle déclaration modifiée.

[79] Le demandeur affirme que la nouvelle déclaration modifiée porte uniquement sur ses allégations fondées sur le CCT et la LCDP, et qu’il a supprimé toutes les autres allégations. J’ai conclu que la Cour fédérale n’a pas compétence en première instance, que ce soit au titre du CCT ou de la LCDP; ces allégations formulées dans la nouvelle déclaration modifiée ne relèvent donc pas de la compétence de notre Cour, et ces modifications ne corrigent pas les lacunes de la deuxième déclaration modifiée.

[80] Je souligne par ailleurs qu’en plus des allégations qu’il formule au titre du CCT et de la LCDP, le demandeur continue d’alléguer dans sa nouvelle déclaration modifiée que ses droits garantis par la Charte ont été violés du fait d’un complot entre le PGC et la BS. Les défendeurs demeurent le PGC, auquel s’ajoute Sa Majesté la Reine du chef du Canada, et la BS, mais aucun des défendeurs désignés à titre personnel dans la deuxième déclaration modifiée n’y est mentionné. Les allégations fondées sur la Charte ne s’appliquent qu’aux actions gouvernementales : Hill c Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 RCS 1130, au para 68. Les allégations fondées sur la Charte, exposées dans la nouvelle déclaration modifiée, ne révèlent donc aucune cause d’action valable contre la BS, et les modifications proposées ne corrigent pas les lacunes de la deuxième déclaration modifiée.

[81] Je conclus que les modifications proposées dans la nouvelle déclaration modifiée ne révèlent aucun droit de recours valable contre l’un ou l’autre des défendeurs.

XI. Conclusion

[82] Bien que les allégations susceptibles d’être prouvées doivent être tenues pour avérées, cette règle n’exige pas que les allégations fondées sur des hypothèses et des conjectures soient considérées comme vraies; il ne faut pas accepter sans réserve de simples allégations ou des allégations de fait qui peuvent être considérées comme scandaleuses, frivoles ou vexatoires, ou encore des arguments de droit déguisés en allégations factuelles : Committee for Monetary and Economic Reform c Canada, 2014 CF 380 au para 48, renvoyant à Operation Dismantle, au para 27, et à Carten, au para 31.

[83] Le demandeur n’a pu démontrer qu’il existe une cause d’action valable contre l’un ou l’autre des défendeurs. Il n’a pas non plus démontré que la Cour avait compétence pour statuer sur quelque affaire concernant la BS ou affaire délictuelle mettant en cause les juges ou ministres désignés.

[84] Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, chaque requête est accueillie.

[85] Les actions contre la BS et le PGC sont rejetées et la deuxième déclaration modifiée est radiée dans son intégralité, sans autorisation de la modifier.

[86] Les dépens sont accordés à chaque défendeur.

[87] La BS demande des dépens de 3 400 $, tout compris.

[88] Le PGC demande des dépens de 500 $, tout compris.

 


JUGEMENT dans le dossier T-871-20

LA COUR ORDONNE :

  1. La deuxième déclaration modifiée est radiée dans son intégralité, sans autorisation de la modifier.

  2. Les actions contre la BS et le PGC sont rejetées.

  3. Des dépens de 3 400 $, tout compris, sont accordés à la BS.

  4. Des dépens de 500 $, tout compris, sont accordés au PGC.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-871-20

 

INTITULÉ :

GARY CURTIS c LE MINISTRE DE L’EMPLOI, DU DÉVELOPPEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET DE L’INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES, EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA, LE MINISTRE DU TRAVAIL, LE MINISTRE DE LA JUSTICE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE PREMIER MINISTRE DU CANADA, LA BANQUE SCOTIA, LE PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE L’AUTORITÉ HYPOTHÉCAIRE SCOTIA DE LA BANQUE SCOTIA, LE PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE LA BANQUE SCOTIA ET LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA BANQUE SCOTIA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 juillet 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 juin 2022

 

COMPARUTIONS :

Gary Curtis

 

Pour le demandeur

POUR SON PROPRE COMPTE

 

David Rankin

 

Pour les défendeurs

LA BANQUE SCOTIA, LE PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE L’AUTORITÉ HYPOTHÉCAIRE SCOTIA DE LA BANQUE SCOTIA, LE PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE LA BANQUE SCOTIA ET LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA BANQUE SCOTIA

 

Teza Lwin

 

Pour les défendeurs

LE MINISTRE DE L’EMPLOI, DU DÉVELOPPEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET DE L’INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES, EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA, LE MINISTRE DU TRAVAIL, LE MINISTRE DE LA JUSTICE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les défendeurs

LA BANQUE SCOTIA, LE PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE L’AUTORITÉ HYPOTHÉCAIRE SCOTIA DE LA BANQUE SCOTIA, LE PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE LA BANQUE SCOTIA ET LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA BANQUE SCOTIA

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour les défendeurs

LE MINISTRE DE L’EMPLOI, DU DÉVELOPPEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET DE L’INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES, EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA, LE MINISTRE DU TRAVAIL, LE MINISTRE DE LA JUSTICE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

 

 

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