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Date : 20220610


Dossier : T‑1404‑20

Référence : 2022 CF 848

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 juin 2022

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

DALE RICHARDSON

demandeur

et

L’ÉGLISE ADVENTISTE DU SEPTIÈME JOUR, LA COMMISSION CIVILE D’EXAMEN ET DE TRAITEMENT DES PLAINTES (CCETP), LA GRAND LODGE OF SASKATCHEWAN, LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN, LE JUGE CALDWELL, LES SERVICES DE CITOYENNETÉ ET D’IMMIGRATION DES ÉTATS‑UNIS, LE SERVICE DE L’IMMIGRATION ET DE L’APPLICATION DES MESURES DOUANIÈRES DES ÉTATS‑UNIS, LE SERVICE DES DOUANES ET DE LA PROTECTION DES FRONTIÈRES DES ÉTATS‑UNIS, LE DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE DES ÉTATS‑UNIS, CORECIVIC, DEREK ALLCHURCH, LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, LE GENDARME BURTON ROY, LA BATTLEFORDS SEVENTH‑DAY ADVENTIST CHURCH, JAMES KWON, MAZEL HOLM, GARY LUND, DAWN LUND, CIPRIAN BOLAH, JEANNIE JOHNSON, LA MANITOBA‑SASKATCHEWAN CONFERENCE, MICHAEL COLLINS, LE MATRIX LAW GROUP, CLIFFORD HOLM, PATRICIA J. MEIKLEJOHN, CHANTELLE THOMPSON, JENNIFER SCHMIDT, MARK CLEMENTS, CHAD GARTNER, BRAD APPEL, IAN MCARTHUR, BRYCE BOHUN, KATHY IRWIN, JASON PANCHYSHYN, CARY RANSOME, LA RÉGIE DE LA SANTÉ DE LA SASKATCHEWAN, DR ALABI, RIKKI MORRISSON, CORA SWERID, DR ELEKWEM, DR SUNDAY, LA COUR DU BANC DE LA REINE DE LA SASKATCHEWAN, JILL COOK, GLEN METIVER, LE JUGE R.W. ELSON, LA JUGE CROOKS, OWZW LAWYERS LLP, VIRGIL A. THOMSON, LA COUR PROVINCIALE DE LA SASKATCHEWAN, LE JUGE M. PELLETIER, RAYMOND HEBERT, LINDA HEBERT, EMI HOLM, CHAR BLAIR, COMMUNITY FUTURES, LISA CIMMER et KIMBERLEY RICHARDSON

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

I. Nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une requête présentée pour le compte des défenderesses la Régie de la santé de la Saskatchewan [la RSS] et Cora Swerid, ci‑après appelées collectivement la « RSS », qui, ayant obtenu le consentement du procureur général du Canada [le PGC], visent à obtenir une ordonnance en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 [la Loi] [la requête fondée sur l’article 40]. Le demandeur, Dale Richardson, agit pour son propre compte et présente des demandes en son nom et au nom de son entreprise, DSR Karis Consulting Inc. et de sa fille, Kaysha Dery. Le PGC est une partie à l’affaire puisqu’il a consenti à ce que la présente requête soit introduite, comme le prévoit le paragraphe 40(2) de la Loi.

[2] Les groupes suivants de défendeurs ont présenté des observations écrites et orales relativement à la présente requête, sollicitant la même réparation que la RSS :

  • 1) Me Chantelle E. Eisner pour la Régie de la santé de la Saskatchewan et Cora Swerid;

  • 2) Me Lindsay Oliver pour Chantelle Thompson, Jennifer Schmidt, Mark Clements, Chad Gartner, Brad Appel, Ian McArthur, Bryce Bohun, Kathy Irwin, Jason Panchyshyn, Cary Ransome, OWZW Lawyers LLP et Virgil A. Thomson;

  • 3) Me Annie M. Alport pour l’Église adventiste du septième jour, la Battlefords Seventh‑Day Adventist Church, la Manitoba‑Saskatchewan Conference, le Matrix Law Group, James Kwon, Mazel Holm, Gary Lund, Dawn Lund, Ciprian Bolah, Jeannie Johnson, Michael Collins, Clifford Holm, Patricia Meiklejohn et Kimberley Richardson;

  • 4) Me Justin Stevenson pour Jill Cook, Glen Metivier, le juge M. Pelletier, Emi Holm et Char Blais;

  • 5) Me Heather Liang, c.r. pour le juge Caldwell et la juge Crooks;

  • 6) Mes Marie Stack et Laura Sayer pour le juge R.W. Elson;

  • 7) Me Jessica Karam pour le procureur général du Canada et la Gendarmerie royale du Canada.

[3] Je précise que la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] n’a pas été désignée défenderesse dans le dossier no T‑1404‑21; toutefois, elle l’a été dans une autre affaire portée devant la Cour fédérale par le même demandeur, Dale Richardson, soit le dossier no T‑1367‑20. Je souligne ce point en raison des motifs de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c Fabrikant, 2019 CAF 198 [motifs du juge Stratas] aux paragraphes 44 à 47 [Fabrikant].

[4] La requête, telle que la RSS souhaite la modifier, vise ce qui suit :

[traduction]

A. Une ordonnance portant que le demandeur, Dale Richardson (DSR Karis Consulting Inc. et Robert Cannon), est un plaideur quérulent au sens du paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales et qu’il lui est interdit d’intenter d’autres actions devant la Cour fédérale sans l’autorisation de cette dernière;

B. Une ordonnance interdisant à tout intermédiaire d’agir en tant que représentant ou d’intenter autrement une instance au nom du demandeur, Dale Richardson, ou au nom de son entreprise, DRS Karis Consulting Inc., sans l’autorisation de la Cour;

C. Une ordonnance d’adjudication des dépens contre le demandeur en faveur de la RSS et de Cora Swerid;

D. Toute autre réparation que l’avocate peut demander et que la Cour peut juger juste et indiquée.

[5] Les motifs de la requête dont la modification est proposée sont les suivants :

[traduction]

A. Au cours de la dernière année, le demandeur, son entreprise DSR Karis Consulting Inc. et Robert Cannon, et d’autres parties (les mandataires ou représentants du demandeur) ont intenté de nombreuses poursuites qui font double emploi et qui sont dénuées de fondement contre des personnes associées au système judiciaire et d’autres personnes ou entités avec lesquelles ils ont un différend. Chacune de ces actions a été accompagnée de multiples actes de procédure inutiles ainsi que de longs affidavits et observations incompréhensibles au nom du demandeur ou de ses mandataires. Les allégations formulées dans cette action sont simplement le prolongement de ces revendications sans fondement.

B. Il est nécessaire de limiter la faculté du demandeur d’ester devant la Cour.

C. Une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 40(1) empêchera raisonnablement le demandeur d’intenter d’innombrables poursuites vexatoires qui accaparent des ressources administratives et judiciaires de même que les ressources des défendeurs.

[6] Concernant cette modification proposée, la RSS a invoqué l’arrêt Canada (Procureur général) c Fabrikant, 2019 CAF 198. Dans cet arrêt, le juge Stratas traite de l’emploi de « représentants » pour intenter une poursuite de même que de la nécessité de restreindre le recours à de telles parties par des déclarations de plaideur quérulent :

[45] Dans les cas semblables à l’espèce, une déclaration de plaideur quérulent doit viser les objectifs suivants :

Interdire au plaideur quérulent d’intenter une poursuite en personne ou par le ministère d’un représentant et d’aider un autre plaideur.

Décider s’il y a lieu de mettre fin aux autres instances du plaideur quérulent; si c’est le cas, exposer la façon par laquelle il sera possible de les faire revivre et instruire.

Éviter que le greffe perde son temps en communications inutiles et à traiter des actes de procédure irrecevables.

Permettre d’ester devant la Cour sur autorisation, uniquement dans les circonstances restreintes permises par [la] loi lorsque c’est nécessaire et que le défendeur a respecté les règles de procédure et les ordonnances antérieures de la Cour, auquel cas, il faut veiller à ce que les intéressés aient la possibilité de présenter leurs observations.

Donner au greffe le pouvoir de prendre rapidement des mesures administrativement simples pour la protection du greffe, de la Cour et des autres justiciables contre les comportements vexatoires.

Protéger le pouvoir de la Cour d’apporter des modifications ultérieures à l’ordonnance s’il y a lieu, mais seulement en conformité avec les principes d’équité procédurale.

Veiller à ce que les autres jugements, ordonnances et directives demeurent applicables, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec l’ordonnance.

[46] Il peut être difficile et long d’atteindre tous ces objectifs par le truchement d’un seul jugement ou d’une seule ordonnance, surtout si on en rédige le texte pour la première fois. L’expérience démontre que certains plaideurs quérulents feront de leur mieux pour contourner l’ordonnance déclaratoire : voir notamment l’arrêt Virgo c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 167. La Cour qui rend une telle ordonnance doit anticiper et prévenir toutes les voies illégitimes. En outre, la faculté de la Cour de durcir son ordonnance au besoin et de punir les manquements tout en préservant les droits issus de l’équité procédurale doit être protégée.

[7] La requête en modification a été déposée le vendredi 27 mai 2022. Le demandeur a ensuite présenté sa réponse par courriel, qui n’était pas éclairante selon moi, accompagnée de quelque 1 400 pages de pièces jointes le dimanche 29 mai 2022. L’audience devait débuter à 10 h 30, heure d’Ottawa (8 h 30 heure de Saskatchewan) le lundi 30 mai. La requête en modification n’a fait l’objet d’aucune opposition étant donné que le demandeur a pris le parti de ne pas comparaître à l’audience, une décision qui, à mon avis, s’inscrit dans la stratégie de poursuite vexatoire du demandeur. La requête a été appuyée par tous les défendeurs qui étaient présents à l’audience. Par conséquent, j’autorise la modification puisqu’elle cadre pleinement avec les motifs du jugement du juge Stratas dans Fabrikant.

[8] J’accueille également la requête visant à faire déclarer quérulents le demandeur et ses représentants, et j’accorderai la réparation connexe suivant l’arrêt Fabrikant et les conclusions formulées dans l’ordonnance et les motifs du juge en chef dans Birkich c Monashee Land Surveying and Geomatics Ltd., 2021 CF 1278 [Birkich] et dans les présents motifs et jugement.

II. Contexte

[9] Comme il est indiqué ci‑après, le demandeur a intenté quelque 40 instances, ce qui comprend des instances originales, des appels et d’autres actes de procédure, devant la Cour et d’autres tribunaux au cours des deux dernières années environ. Six actes de procédure avaient été notés lorsque la présente requête en déclaration de plaideur quérulent a été introduite en septembre 2021; les autres instances ont été introduites entre ce moment et aujourd’hui. Les actes de procédure du demandeur sont, entre autres, longs, prolixes, décousus, parfois incohérents, insultants, scandaleux et répétitifs.

[10] Y figurent généralement des prétentions contre des entités gouvernementales fédérales et provinciales, contre des juges de cour provinciale ou supérieure au Canada et contre divers départements du gouvernement des États‑Unis d’Amérique, y compris des agences responsables des demandes d’asile. Il semble que les prétentions du demandeur sont motivées ou causées par divers facteurs, dont les suivants : (1) le fait que son épouse a demandé et obtenu un divorce ordonné par le tribunal et une réparation relevant du droit de la famille, y compris la garde d’un enfant en bas âge, ainsi que le rejet de sa demande subséquente en habeas corpus; (2) la prétendue expertise du demandeur en matière de COVID‑19 et son insatisfaction quant au traitement qu’il a reçu à cet égard par la RSS et d’autres parties; (3) des différends avec diverses entités du secteur privé; (4) des différends avec une coopérative de crédit et son insatisfaction quant au traitement qu’il a reçu; et (5) son insatisfaction quant au traitement qu’il a reçu de professionnels de la santé. Cette liste n’est pas exhaustive : ses actes de procédure font également état de violations du droit d’auteur concernant un ouvrage dont il serait l’auteur; de mentions et d’accusations visant de prétendus prédateurs d’enfants; d’allégations de trahison, de détention illégale, de torture, de traitement inhumain, de racisme, de misogynie et de corruption contre une multitude de défendeurs et d’autres parties; ainsi que de nombreuses mentions de terrorisme, notamment le terrorisme maçonnique. Il fait référence à des demandes d’asile aux États‑Unis, et il se peut qu’il ait présenté des revendications à la Cour pénale internationale et à la Cour suprême des États‑Unis. Fait notable, il a fait l’objet d’une détention involontaire pour des raisons de santé mentale et d’une évaluation de 30 jours en vertu d’une ordonnance d’une cour provinciale.

[11] Parmi les défendeurs figurent des juges de cour provinciale ou supérieure qui ont rendu une décision défavorable à son sujet, des membres du personnel du greffe de divers tribunaux, des avocats qui ont représenté des parties s’étant opposées à ses allégations ou qui y étaient associés, ainsi que des travailleurs de la santé qui ont tenté de l’aider avec les difficultés avec lesquelles il semble être aux prises. Son modus operandi consiste, semble‑t‑il, à ajouter à la liste de défendeurs les personnes qui ont le plus récemment rendu une décision qui lui est défavorable ou avec lesquelles il a maille à partir, le tout en enchaînant les litiges.

[12] À l’heure actuelle, les actes de procédure comprennent la déclaration du demandeur et deux défenses.

[13] Le résumé suivant est tiré de l’ordonnance du 20 octobre 2021 de la juge Rochester dans laquelle elle rejette la requête présentée par le demandeur afin d’appeler de l’ordonnance fixant l’échéancier rendue le 31 août 2021 par la protonotaire Tabib, la juge responsable de la gestion de l’instance :

[5] Le 18 novembre 2020, le demandeur a déposé une demande introductive d’instance [la demande] contre cinquante‑sept (57) défendeurs [les défendeurs], dont divers départements du gouvernement des États‑Unis, plusieurs églises, la Gendarmerie royale du Canada [la GRC], la Régie de la santé de la Saskatchewan, la Cour provinciale de la Saskatchewan, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, la Cour d’appel de la Saskatchewan et plusieurs membres de la magistrature.

[6] Dans la demande, le demandeur sollicite une déclaration portant que le Grand Lodge of Saskatchewan, qu’il appelle les maçons, [traduction] « est responsable des actes de tous ses représentants, en particulier de ceux qui travaillent comme mandataire ou fonctionnaire de l’État dans » diverses entités mentionnées, dont des autorités de santé publique, une assemblée législative provinciale, la GRC, les cours provinciales de la Saskatchewan, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, l’Agence du revenu du Canada et le ministère de la Justice du Canada. Le demandeur sollicite également une déclaration selon laquelle lesdits représentants maçons travaillent en tant que mandataires ou fonctionnaires des États‑Unis au sein des diverses entités gouvernementales mentionnées, sont des [traduction] « agents malfaisants des églises chrétiennes », sont des [traduction] « agents malfaisants des banques » et d’autres entités.

[7] Le demandeur sollicite en outre des déclarations selon lesquelles les diverses entités et personnes mentionnées, qu’il définit comme étant des [traduction] « terroristes maçonniques canadiens », ont, entre autres choses, i) [traduction] « participé à des activités terroristes canadiennes, les ont dissimulées ou ont autrement donné des instructions à d’autres personnes relativement à ces activités », ii) [traduction] « pratiqué l’apartheid », iii) [traduction] « se sont livrés à un génocide » et iv) [traduction] « ont sanctionné la torture en commettant des crimes contre l’humanité ». Le demandeur sollicite des déclarations semblables à l’égard des entités qu’il définit comme étant des [traduction] « conspirateurs maçonniques américains » et des [traduction] « terroristes maçonniques transnationaux ».

[8] Le demandeur sollicite de nombreuses déclarations selon lesquelles il a subi des contraintes, des sanctions, des punitions, des actes de torture et qu’il a été victime d’oppression systémique. Il avance aussi de nombreuses allégations relativement à des crimes présumés qu’auraient commis [traduction] « l’État profond et l’Église profonde ». Parmi les réparations réclamées par le demandeur figure une déclaration selon laquelle [traduction] « les défendeurs sont responsables envers le demandeur des dommages causés par un manquement à leurs obligations prévues par la Constitution, les lois, les traités et la common law, et que le procureur général est responsable de la confiscation des biens de l’État profond et de l’Église profonde et, par conséquent, de l’indemnisation du demandeur... » et du versement de dommages pécuniaires d’un montant de 1 000 000 $.

[9] Comme je l’ai déjà mentionné, la protonotaire Tabib est la juge responsable de la gestion de l’instance. Depuis le dépôt de la demande, de nombreuses requêtes et demandes informelles ont été déposées par les parties, dont une requête en injonction présentée par le demandeur. La requête en injonction devait être entendue initialement le 29 avril 2021, mais le demandeur a appelé le greffe la veille de l’audience pour faire savoir qu’il était entré aux États‑Unis en vue d’y demander l’asile et qu’il y était détenu dans un centre de détention. Par conséquent, l’audition de la requête a été ajournée. Après l’ajournement, certains défendeurs ont écrit à la Cour concernant la fixation d’une nouvelle date pour l’audition de la requête en injonction et ont demandé, entre autres, la tenue d’une conférence de gestion de l’instance afin d’établir un échéancier pour les requêtes en radiation de l’action et la requête visant à faire déclarer le demandeur plaideur quérulent.

[10] La requête en injonction présentée par le demandeur a été entendue le 10 juin 2021 par vidéoconférence. Le demandeur était présent et y a participé. La requête a été rejetée le 15 juin 2021. Un avis d’appel relatif à la requête en injonction a été déposé à la Cour d’appel le 30 août 2021.

[11] La protonotaire Tabib a tenu une conférence de gestion de l’instance le 31 août 2021 par vidéoconférence afin de fixer les prochaines étapes de la procédure. Le demandeur a participé à cette conférence. Comme il ressort du procès‑verbal de l’audience, au cours de la conférence de gestion de l’instance, certains défendeurs ont demandé que la requête en radiation et la requête visant à faire déclarer le demandeur plaideur quérulent soient entendues ensemble. La Cour a fait remarquer qu’entendre les requêtes ensemble pourrait être accablant pour le demandeur, qui agit pour son propre compte en l’espèce. Le demandeur a informé la Cour qu’il s’attendait à quitter l’établissement où il était détenu dans un délai d’un à six mois. Le demandeur a également informé la Cour qu’il s’est rendu aux États‑Unis pour y demander une protection contre la torture. Le reste de la conférence de gestion de l’instance a été consacré à l’établissement des échéances des différentes étapes à suivre avant de fixer une date pour l’audition de la requête en jugement déclaratoire fondée sur l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales (Procédures vexatoires).

[12] La protonotaire Tabib a rendu l’ordonnance à la suite de la conférence de gestion de l’instance.

[13] Selon le dossier de requête du demandeur, ce dernier a été expulsé par le département de la sécurité intérieure des États‑Unis vers le Canada par avion le 1er septembre 2021. Ses ordinateurs et son téléphone cellulaire lui ont été restitués par les États‑Unis le 18 septembre 2021.

[14] Le 29 septembre 2021, le demandeur a interjeté appel de l’ordonnance rendue le 31 août 2021 par la protonotaire Tabib, juge responsable de la gestion de l’instance, sollicitant les mesures de réparation suivantes :

A. Une ordonnance de prorogation du délai pour interjeter appel à l’encontre d’une ordonnance interlocutoire rendue par la protonotaire Mireille Tabib le 31 août 2021;

B. Une ordonnance accueillant l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire Mireille Tabib datée du 31 août 2021;

C. Toute autre ordonnance que la Cour estime juste.

[15] Le 20 octobre 2021, la juge Rochester a rejeté l’appel et ordonné ce qui suit :

1. L’appel du demandeur fondé sur l’article 51 des Règles des Cours fédérales à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire Tabib datée du 31 août 2021 est rejeté;

2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

[16] Le 26 octobre 2021, à la suite d’une conférence de gestion de l’instance tenue le 25 octobre 2021, la protonotaire Tabib, juge responsable de la gestion de l’instance, a rendu une deuxième ordonnance fixant l’échéancier, laquelle : 1) établit les dates limites des prochaines étapes à franchir avant de fixer la date de l’audition de la requête fondée sur l’article 40 des défendeurs; 2) accueille la requête présentée par l’un des défendeurs en vue d’être autorisé à intervenir dans la requête fondée sur l’article 40 au motif qu’il est déjà désigné comme défendeur dans l’action; et 3) ordonne que toutes les autres procédures dans cette action restent en suspens jusqu’à ce que la Cour rende une ordonnance ou présente des directives supplémentaires.

[17] Le 29 octobre 2021, le demandeur a interjeté appel de l’ordonnance rendue le 26 octobre 2021 par la protonotaire Tabib, juge responsable de la gestion de l’instance, sollicitant les mesures de réparation suivantes :

A. Une ordonnance annulant les ordonnances rendues par la protonotaire Tabib le 26 octobre 2021;

B. Une ordonnance fixant une date de séance spéciale pour trancher sur le fond la question de la torture du demandeur par des agents malfaisants du département de la sécurité intérieure des ÉtatsUnis ainsi que toute autre action qui emporte complicité;

C. Une ordonnance fixant une date de séance spéciale pour entendre des questions constitutionnelles découlant du dossier no T‑1404‑20;

D. Une ordonnance autorisant le dépôt de questions constitutionnelles en dépit des règles en vigueur compte tenu du caractère impérativement public de la trahison et du préjudice extrême subi par le demandeur;

E. Une ordonnance mettant la gestion de l’instance sur pause jusqu’à la conclusion d’une enquête approfondie et impartiale portant uniquement sur le fond de l’affaire.

[18] Le 30 novembre 2021, la juge Rochester a rejeté l’appel et ordonné ce qui suit :

1. L’appel du demandeur fondé sur l’article 51 des Règles des Cours fédérales à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire Tabib du 26 octobre 2021 est rejeté;

2. La demande du demandeur en vue d’obtenir des ordonnances fixant des dates de séances spéciales pour « a) trancher [...] la question de la torture du demandeur par des agents malfaisants du département de la sécurité intérieure des ÉtatsUnis » et b) entendre des questions constitutionnelles découlant de la présente action est rejetée;

3. La requête du demandeur visant à obtenir une ordonnance permettant le dépôt de questions constitutionnelles est rejetée;

4. La requête du demandeur en vue de mettre fin à la gestion de l’instance est rejetée;

5. Aucuns dépens ne sont adjugés.

[19] Le demandeur a déposé à la Cour d’appel fédérale des avis d’appel à l’encontre des ordonnances rendues le 20 octobre 2021 et le 30 novembre 2021 par la juge Rochester.

[20] Le 15 décembre 2021, suivant une directive particulière du juge en chef, l’administrateur judiciaire désigné par ordonnance de la Cour a établi que l’instruction de cette requête fondée sur l’article 40 aurait lieu [traduction] « péremptoirement devant la Cour par vidéoconférence Zoom le mardi 1er mars 2022 à 9 h 30 (heure de l’Est) et durera une (1) journée ». [En italique dans l’original.]

[21] Le 18 janvier 2022, le demandeur a interjeté appel devant la Cour d’appel fédérale de l’ordonnance rendue le 15 décembre 2021 par l’administrateur judiciaire selon la directive du juge en chef.

[22] Depuis, le demandeur a intenté quantité d’autres poursuites devant des tribunaux en Saskatchewan et en Alberta et devant la Cour suprême du Canada. Par exemple, tout récemment, la Cour a été contrainte d’ajourner une audience prévue le 1er mars 2022 au 30 mai 2022, et ce, de façon péremptoire. Nonobstant le fait que l’audience avait alors été réinscrite au rôle de façon péremptoire, le 1er avril 2022, le demandeur a présenté une requête en vue d’ajourner l’audience ayant déjà été reportée, requête que j’ai rejetée en ma qualité de juge saisi de celle‑ci par voie d’une ordonnance rendue le 27 avril 2022 au motif que la preuve n’étayait pas sa requête. Le demandeur n’en a pas appelé.

A. Le demandeur ne s’est pas présenté à l’audience du 30 mai 2022

[23] Comme je l’ai déjà souligné, l’instruction de cette affaire a été reportée par l’administrateur judiciaire et devait avoir lieu de façon péremptoire le 30 mai 2022. Le demandeur n’était pas sans le savoir vu sa requête infructueuse d’ajournement de l’audience. Le lundi 30 mai 2022, tous les avocats étaient présents, mais le demandeur n’a pas comparu. Il n’a offert aucune explication pour son absence. Comme la pratique le veut, la Cour et toutes les autres parties ont attendu de 10 à 15 minutes au cas où il aurait été simplement retardé. Ainsi, en son absence, la Cour a procédé au traitement de la requête visant à faire déclarer quérulents le demandeur et ses représentants. L’audience a duré deux heures et demie. Le demandeur n’était présent ni au début ou à la fin ni pendant les observations des défendeurs.

[24] Comme le demandeur n’a pas depuis tenté de contacter la Cour ou d’expliquer son absence, et eu égard à sa tentative infructueuse de faire ajourner l’audience et au fait qu’il n’a pas interjeté appel de ce rejet, je conclus que son absence était délibérée, qu’elle constitue un affront à la Cour et qu’elle s’inscrit elle aussi dans la stratégie de poursuite vexatoire du demandeur.

III. Questions en litige

[25] Les questions en litige sont les suivantes :

  • a) Le demandeur et ses représentants devraient‑ils être déclarés plaideurs quérulents?

  • b) Le jugement de la Cour devrait‑il s’appliquer uniquement au demandeur ou bien au demandeur et à ses représentants, que ceux‑ci soient des avocats ou des profanes?

IV. Le droit

[26] Le paragraphe 40(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Poursuites vexatoires

Vexatious proceedings

40 (1) La Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d’une requête qu’une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d’une instance, lui interdire d’engager d’autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

40 (1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

[27] Dans l’arrêt Canada c Olumide, 2017 CAF 42 [Olumide], le juge Stratas fournit des orientations concernant l’interprétation du terme « vexatoire » dans la portée de la réparation sollicitée en vertu de l’article 40 de la Loi :

[31] La conduite vexatoire est un concept qui tire principalement son sens de l’objet de l’article 40. Lorsque la réglementation de l’accès continu du plaideur aux cours de justice au titre de l’article 40 est appuyée par l’objet de cet article, la réparation doit être accordée. En d’autres mots, la réparation prévue doit être accordée lorsque l’accès continu et illimité d’un plaideur aux cours de justice sape l’objet de l’article 40. À mon avis, toutes les décisions rendues par la Cour relativement à l’article 40 sont conformes à ce principe.

[32] Pour définir le terme « vexatoire », il est préférable d’éviter la précision. La conduite vexatoire prend des formes et des aspects multiples. Elle tient parfois au nombre d’instances et de requêtes sans fondement ou à la remise en litige d’instances et de requêtes déjà tranchées. Elle tient parfois aux visées du plaideur, souvent révélées par les parties poursuivies, par la nature des allégations qui leur sont opposées et par le langage employé. D’autres fois, elle tient à la manière dont les instances et les requêtes sont engagées, par exemple, le dépôt d’affidavits et d’observations multiples, inutiles, prolixes, incompréhensibles ou immodérés, et le harcèlement ou la victimisation des parties adverses.

[33] De nombreux plaideurs quérulents ont des visées inacceptables et engagent des litiges pour causer un préjudice. Certains, par contre, ont de bonnes intentions et ne veulent faire de mal à personne. Ceux‑là peuvent aussi néanmoins être qualifiés de quérulents s’ils engagent des litiges de telle sorte à mettre en jeu l’objet de l’article 40 : voir, à titre d’exemple, les décisions Olympia Interiors (C.F. et C.A.F.), précitées.

[34] Dans quelques décisions, les « caractéristiques » des plaideurs quérulents ou certains signes de la conduite vexatoire ont été relevés : voir, par exemple, la décision Olumide c. Canada, 2016 CF 1106, aux paragraphes 9 et 10, dans laquelle la Cour fédérale a accordé la réparation visée à l’article 40 à l’encontre du défendeur, et voir le paragraphe 32 des présents motifs. Pour autant que nous gardions à l’esprit l’objet de l’article 40 et que les caractéristiques ou signes ne soient pris que comme des indices non contraignants de la conduite vexatoire, ils peuvent nous être très utiles.

[28] Dans Olumide, le juge Stratas a donné d’autres orientations utiles sur la raison d’être de l’article 40 :

[17] L’article 40 traduit le fait que les Cours fédérales sont un bien collectif dont la mission est de servir tout un chacun, et non une ressource privée qui peut être exploitée à tort pour promouvoir les intérêts d’une personne.

[18] Les cours de justice, à titre de bien collectif, ouvrent par défaut leurs portes à tous, sans restrictions : toute personne ayant qualité pour agir peut engager une instance. Mais les personnes qui abusent de cet accès illimité d’une manière préjudiciable doivent être freinées. Ainsi, les cours de justice ne sont pas différentes d’autres biens collectifs comme les parcs publics, les bibliothèques, les salles communautaires et les musées.

[19] Les Cours fédérales disposent de ressources limitées qui ne peuvent pas être dilapidées. Chaque moment consacré à un plaideur quérulent n’est pas consacré à un plaideur méritant. L’accès illimité aux tribunaux par ceux qui devraient se voir imposer des restrictions compromet l’accès d’autres personnes qui ont besoin de cet accès et qui le méritent. L’inaction à l’égard des premiers porte préjudice aux seconds.

[20] Ceci ne se résume pas simplement à un jeu à somme nulle où un seul plaideur quérulent porte préjudice à un seul plaideur innocent. Un seul plaideur quérulent engloutit les maigres ressources du tribunal et du greffe, et entraîne ainsi un préjudice à des dizaines de plaideurs innocents, voire même davantage. Le préjudice se traduit de nombreuses façons, notamment par la réduction de la capacité du greffe à assister les plaideurs bien intentionnés, mais non représentés et qui ont besoin d’aide, par la réduction de la capacité de la Cour à gérer les instances qui doivent être prises en charge, et par les retards que tous les plaideurs doivent subir avant d’obtenir des audiences, des directives, des ordonnances, des jugements et des motifs.

[21] Il arrive à l’occasion que des parties innocentes, dont certaines ont peu de ressources, soient visées par les instances sans fondement engagées par un plaideur quérulent. Ces parties pourraient bien être les plus affectées. Certes, les instances seront fort probablement radiées par voie de requête, mais peut‑être seulement après que le plaideur quérulent eut présenté de multiples requêtes dans le cadre de cette requête et d’autres encore. Entre‑temps, la partie innocente peut être traînée devant d’autres tribunaux dans le contexte d’autres instances, avec en prime toujours plus de requêtes, de requêtes dans les requêtes, et peut‑être d’autres encore.

[22] L’article 40 vise les plaideurs qui introduisent une ou plusieurs instances par lesquelles ils poursuivent, intentionnellement ou non, des fins illégitimes, comme le fait de causer du tort aux parties ou à la Cour, ou d’exercer des représailles contre elles. Cette disposition vise également les plaideurs incontrôlables : ceux qui font fi des règles de procédure, qui font abstraction des ordonnances et des directives de la Cour et qui remettent en litige des questions ou des requêtes ayant déjà été tranchées.

[29] Le juge Stratas traite en détail de la portée réparatrice d’une ordonnance rendue en vertu de l’article 40 de la Loi :

[27] Il faut toutefois faire attention de ne pas exagérer la portée de l’article 40. Un jugement déclarant qu’un plaideur est quérulent n’a pas pour effet de lui barrer l’accès aux tribunaux. Il l’assujettit plutôt à un contrôle : le plaideur en question doit seulement obtenir une autorisation avant d’engager ou de poursuivre une instance.

[28] La Cour l’a bien expliqué en 2000 :

[…] Une ordonnance fondée sur le paragraphe 40(1) ne met pas fin à une demande ou au droit de poursuivre une demande. Le paragraphe 40(1) s’applique uniquement aux plaideurs qui se sont prévalus d’un accès illimité aux tribunaux d’une façon vexatoire (au sens qu’a ce terme en droit); une ordonnance fondée sur le paragraphe 40(1) vise uniquement à assurer que les demandes présentées par pareils plaideurs soient poursuivies d’une façon ordonnée, sous une supervision plus étroite de la part de la Cour que dans le cas des autres plaideurs.

(arrêt Canada (Procureur général) c. Mishra, [2000] A.C.F. no 1734, 101 A.C.W.S. (3d) 72.)

[29] De cette perspective, l’article 40 n’est pas si draconien. Le plaideur visé peut encore avoir accès aux cours de justice et y introduire une instance, à la condition que la cour de justice à laquelle il s’adresse lui en donne l’autorisation. La Cour, lorsque saisie d’une demande d’autorisation, doit agir impartialement et rapidement, en tenant compte des normes juridiques, de la preuve favorable à l’octroi de l’autorisation et de l’objet de l’article 40. La Cour peut très bien accorder cette autorisation à un plaideur quérulent qui a une bonne raison d’intenter une action ni futile ni vexatoire au sens de la jurisprudence relative aux actes de procédure.

[30] Je souligne également que le juge Russell a confirmé dans Badawy c 1038482 Alberta Ltd. (IntelliView Technologies Inc.), 2019 CF 504 [Badawy] que « les principaux indicateurs d’une conduite vexatoire » sont les suivants, que je constate tous en l’espèce en ce qui concerne le demandeur :

i) Une tendance à porter à nouveau devant les tribunaux des questions pour lesquelles une décision a déjà été rendue;

ii) L’entreprise d’actions ou de requêtes futiles;

iii) Le fait de soutenir des allégations d’actes irréguliers sans fondement contre une partie opposée, des avocats ou la cour;

iv) Le refus de se plier aux règles et aux ordonnances de la cour;

v) Le fait de tenir des propos scandaleux pendant les actes de procédure ou devant la cour;

vi) L’incapacité ou le refus de régler les dépens des actes de procédure antérieurs et l’incapacité de poursuivre le litige dans les délais prescrits.

[31] En ce qui concerne le traitement des cas de recours à un représentant pour soumettre un litige, le juge Stratas a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Fabrikant :

[44] Il est possible de prononcer divers types d’ordonnances visant un plaideur quérulent. Il faut rédiger soigneusement l’ordonnance de façon à protéger le droit légitime du plaideur quérulent d’ester en justice tout en protégeant le plus possible la Cour et ses justiciables : voir les objectifs examinés dans l’arrêt Olumide, aux paragraphes 17 à 34.

[45] Dans les cas semblables à l’espèce, une déclaration de plaideur quérulent doit viser les objectifs suivants :

Interdire au plaideur quérulent d’intenter une poursuite en personne ou par le ministère d’un représentant et d’aider un autre plaideur.

Décider s’il y a lieu de mettre fin aux autres instances du plaideur quérulent; si c’est le cas, exposer la façon par laquelle il sera possible de les faire revivre et instruire.

Éviter que le greffe perde son temps en communications inutiles et à traiter des actes de procédure irrecevables.

Permettre d’ester devant la Cour sur autorisation, uniquement dans les circonstances restreintes permises par [la] loi lorsque c’est nécessaire et que le défendeur a respecté les règles de procédure et les ordonnances antérieures de la Cour, auquel cas, il faut veiller à ce que les intéressés aient la possibilité de présenter leurs observations.

Donner au greffe le pouvoir de prendre rapidement des mesures administrativement simples pour la protection du greffe, de la Cour et des autres justiciables contre les comportements vexatoires.

Protéger le pouvoir de la Cour d’apporter des modifications ultérieures à l’ordonnance s’il y a lieu, mais seulement en conformité avec les principes d’équité procédurale.

Veiller à ce que les autres jugements, ordonnances et directives demeurent applicables, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec l’ordonnance.

[46] Il peut être difficile et long d’atteindre tous ces objectifs par le truchement d’un seul jugement ou d’une seule ordonnance, surtout si on en rédige le texte pour la première fois. L’expérience démontre que certains plaideurs quérulents feront de leur mieux pour contourner l’ordonnance déclaratoire : voir notamment l’arrêt Virgo c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 167. La Cour qui rend une telle ordonnance doit anticiper et prévenir toutes les voies illégitimes. En outre, la faculté de la Cour de durcir son ordonnance au besoin et de punir les manquements tout en préservant les droits issus de l’équité procédurale doit être protégée.

[47] Comme la présente est une demande, c’est un jugement plutôt qu’une ordonnance qui sera rendu. Le texte juridique du jugement est forcément compliqué. Cependant, pour la gouverne du défendeur, le jugement atteindra tous les objectifs fixés au paragraphe 45 des présents motifs. Pour l’essentiel, la faculté d’ester du défendeur à la Cour est restreinte, et les communications avec le greffe sont limitées aux seules instances définies au paragraphe 4(2) du jugement.

[48] Il faut échanger avec d’autres juridictions sur les moyens utiles de traiter les plaideurs quérulents. À cet égard, la Cour aimerait reconnaître les travaux innovants réalisés dans ce domaine par les autres tribunaux, notamment ceux de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta : voir p. ex. Unrau v. National Dental Examining Board, 2019 ABQB 283 (décision du juge en chef adjoint Rooke).

V. Analyse

A. Est‑ce que M. Richardson est un plaideur quérulent?

[32] La RSS et les avocats de six autres groupes de défendeurs soutiennent que la requête soumise en vue de faire déclarer quérulents le demandeur et ses représentants devrait être accueillie.

[33] Je suis d’accord. À mon avis, les actes du demandeur et de ses représentants et mandataires sont « vexatoires » vu le grand nombre de poursuites sans fondement qu’ils ont intentées devant des tribunaux de la Saskatchewan et de l’Alberta ainsi que devant la Cour fédérale. S’ajoutent à la présente affaire les poursuites en justice suivantes intentées par le demandeur ou par son entreprise DSR Karis Consulting Inc. ou ses représentants en son nom, et cette liste est loin d’être exhaustive :

i. CF T‑1367‑20 (en attente)

ii. CF T‑1115‑20 (affaire radiée)

iii. QBG 921 de 2020 (Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan)

iv. CF T‑1403‑20 (affaire considérée comme abandonnée par la Cour le 8 décembre 2020)

v. CF T‑1229‑20 (affaire radiée sans autorisation de modifier)

vi. Dossier no 39759 de la Cour suprême du Canada (demande d’autorisation d’appel rejetée avec dépens)

vii. CACV3708, Cannon v Saskatchewan (Court of Queen’s Bench), 2021 SKCA 77 (appel rejeté avec dépens)

viii. CF T‑1404‑20, Richardson c Église adventiste du septième jour, 2021 CF 609 (le juge Pentney a ordonné le 15 juin 2021 que la requête présentée par le demandeur pour obtenir une injonction interlocutoire soit rejetée avec dépens)

[34] Il est également à noter que des poursuites vexatoires mettant en cause M. Richardson ont été intentées en Alberta et que les décisions suivantes ont été rendues :

a) 2022 ABQB 235

b) 2022 ABQB 247

c) 2022 ABQB 274

d) 2022 ABQB 317

[35] Plus d’une vingtaine d’autres procédures, comprenant des appels, des actes de procédure et des observations, ont été engagées par le demandeur depuis que les actes initiaux reprochés dans la présente requête fondée sur l’article 40 ont été notés en septembre 2021. La documentation et les observations orales en ont fait mention.

[36] Pour l’essentiel, ces demandes soulèvent les mêmes questions et allégations, mais, généralement, de nouvelles parties sont ajoutées à la liste des défendeurs chaque fois qu’une nouvelle demande est présentée. Toutes ces actions ont été intentées au cours de la dernière année et, à mon humble avis, aucune ne consistait en une utilisation judicieuse des ressources de la Cour. Chacune était assortie d’une multitude d’actes de procédure inutiles ainsi que d’affidavits et d’observations incompréhensibles et immodérés. Le grand nombre et la nature des parties désignées par le demandeur et ses mandataires et représentants pour chacune des actions viennent appuyer la nécessité de restreindre sa capacité d’intenter des actions judiciaires, lesquelles accaparent et, à mon humble avis, gaspillent inexcusablement le précieux temps de la Cour, des avocats et des parties.

[37] Les défendeurs soutiennent, et je suis d’accord avec eux, que sans l’intervention de la Cour, le demandeur et ses mandataires et représentants continueront d’intenter des actions futiles, gaspillant les ressources de la Cour de même que le temps et l’argent de toutes les parties concernées. La demande du demandeur n’est que le plus récent ajout à une longue liste d’actions futiles.

[38] L’avocate de la RSS a présenté des observations, lesquelles sont analogues aux observations justificatives des avocats des six autres groupes de défendeurs et ont été acceptées par la Cour.

[39] En particulier, les observations soumises par l’un des défendeurs, le Matrix Law Group, font état de raisons pour lesquelles chacune des actions susmentionnées qui ont été intentées par le demandeur ou son entreprise DSR Karis Consulting Inc. ou en leur nom constitue une instance vexatoire.

[40] Deux défendeurs, le juge Caldwell de la Cour d’appel de la Saskatchewan et la juge Crooks de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, déclarent qu’ils [traduction] « souscrivent pleinement aux observations écrites formulées par la RSS et Mme Swerid et les autres défendeurs qui ont déposé des dossiers de requête en réponse ». Ils soulignent par ailleurs qu’ils ont droit à la protection de l’immunité judiciaire et, j’en conviens, il ne s’agit là que d’un autre aspect de la stratégie de poursuite vexatoire déficiente du demandeur dont il est question en l’espèce.

[41] La portée de l’immunité judiciaire a été examinée par la Cour d’appel fédérale dans Taylor c Canada (Procureur général), [2003] 3 CF 298. Le juge Sexton a souligné que l’immunité judiciaire est nécessaire pour permettre aux juges d’appliquer la loi sans crainte des conséquences :

[25] Les justiciables se tournent vers les juges et les tribunaux pour obtenir le règlement de problèmes difficiles lorsque toutes les autres voies de règlement d’un litige sont épuisées. En conséquence, comme la Cour suprême des États‑Unis l’a constaté dans Bradley v. Fisher24, les tribunaux doivent souvent décider d’affaires qui [traduction] « mettent non seulement en cause des intérêts financiers importants, mais aussi la liberté et la réputation des parties, suscitant ainsi des émotions fortes »25. Elle a aussi noté que de tels litiges se soldent inévitablement par le fait qu’il y a un perdant, qui sera vraisemblablement déçu du résultat.

[26] Voyons ce qui pourrait arriver si on pouvait poursuivre les juges pour leurs décisions en cas de déception. Une des conséquences possibles est que l’un des principaux avantages de recourir aux tribunaux pour régler les différends, savoir la finalité de leurs décisions, disparaîtrait. Si la poursuite contre un juge était rejetée par un autre juge, ce dernier pourrait très bien devenir partie à la poursuite et ainsi de suite. Cette conséquence est mentionnée expressément dans Bradley v. Fisher, où le juge Field a déclaré qu’un juge d’appel qui décidait qu’un juge d’instance inférieure était protégé par l’immunité judiciaire [traduction] « aurait un fardeau similaire, puisqu’à son tour il pourrait être tenu responsable par le perdant »26.

[27] De la même façon, si les justiciables déçus pouvaient poursuivre les juges en dommages‑intérêts pour des décisions qu’ils considèrent erronées, chaque juge devrait garder [traduction] « un dossier complet de toute la preuve qui lui a été présentée dans toutes les affaires qu’il a entendues, ainsi que de la jurisprudence citée et des arguments avancés, afin de pouvoir démontrer à un juge saisi par la partie qui n’a pas eu gain de cause [. . .] que sa décision respectait l’intégrité judiciaire »27. Si une telle poursuite était engagée contre un juge, une bonne partie du temps et de l’énergie de ce dernier devrait être consacrée à sa défense, plutôt qu’à son travail judiciaire. On se priverait ainsi de ressources judiciaires, qui sont déjà rares, et les affaires devant les tribunaux mettraient encore plus de temps à se rendre à l’audience et au jugement.

[28] Finalement, la conséquence la plus grave d’autoriser les poursuites contre les juges suite à leurs décisions est que l’indépendance judiciaire serait sérieusement battue en brèche. Si les juges savaient qu’on peut les poursuivre suite à leurs décisions, celles‑ci ne seraient peut‑être pas fondées sur un examen objectif des faits et du droit en cause. Elles pourraient peut‑être plutôt être influencées par la réalisation que l’une des parties serait plus disposée que l’autre à engager une poursuite si elle était déçue du résultat, ou par l’idée qu’une approche juste, mais innovatrice, à un problème juridique difficile pourrait être contestée par la suite dans une poursuite en dommages‑intérêts contre le juge. Tout cela à cause d’une simple menace de procès. Comme le dit lord Denning, un juge devrait [traduction] « feuilleter ses recueils en tremblant et en se demandant: "Si je prends ce parti, suis‑je exposé à une action en responsabilité?" »28.

[29] En conséquence, l’immunité judiciaire est fondée sur le besoin de protéger le public et non les juges. En d’autres mots, comme lord Denning l’a expliqué dans Sirros v. Moore, l’immunité judiciaire n’existe pas parce qu’un [traduction] « juge a le droit de se tromper ou de commettre un impair »29. Plutôt, il a conclu que les juges devraient être immunisés contre toute poursuite en dommages‑intérêts afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs fonctions [traduction] « en toute indépendance et sans crainte »30. De la même façon, on a expliqué dans Scott v. Stansfield31 que l’immunité judiciaire n’a pas pour but de protéger les juges malveillants ou corrompus, mais bien les membres du public:

[traduction]

Dans toutes les cours, il est essentiel que les juges qui ont pour fonction d’appliquer la loi puissent le faire sous la protection de la loi, en toute indépendance et en toute liberté, sans préférence et sans crainte. Cette disposition de la loi n’a pas pour objectif de protéger les juges malveillants ou corrompus, mais bien de protéger le public, dont l’intérêt est que les juges aient toute liberté pour exercer leurs fonctions avec indépendance et sans crainte des conséquences32.

[42] Ainsi, je souscris aux observations des juges Caldwell et Crooks selon lesquelles, sans l’intervention de la Cour, le demandeur et ses mandataires et représentants continueront d’intenter contre eux des actions vexatoires et futiles qui entraveront de manière vexatoire l’exercice de leurs fonctions et indépendance judiciaires.

[43] Le juge Elson de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, défendeur, a lui aussi présenté des observations au sujet de la conduite vexatoire du demandeur et de ses mandataires et représentants, de même que des observations sur l’immunité judiciaire. Il fait valoir que le principe bien établi de l’immunité judiciaire sert à [traduction] « s’assurer que les juges sont libres d’exercer leurs fonctions avec indépendance et sans crainte des conséquences : "libres d’esprit et indépendants de pensée" », faisant renvoi à Baryluk (Wyrd Sisters) v Campbell, 2008 CanLII 55134 (ONSC) au paragraphe 25. En toute déférence, je retiens les observations du juge Elson selon lesquelles outre la présente affaire, le demandeur, ou l’un de ses mandataires et représentants, a intenté ou poursuivi d’autres actions judiciaires contre lui et [traduction] « sans l’intervention de la Cour, le demandeur et ses mandataires continueront d’intenter des poursuites futiles et de dilapider les ressources des tribunaux ».

[44] De surcroît, les défendeurs Jill Cook, Glen Metivier, le juge M. Pelletier de la Cour provinciale de la Saskatchewan, Emi Holm et Char Blais soutiennent que la conduite du demandeur présente bon nombre des caractéristiques d’un comportement vexatoire énoncées dans Badawy et Olumide, dont sa nette propension à remettre en litige des affaires ayant déjà été tranchées. Ces défendeurs font valoir ce qui suit :

[traduction]

19. Toutes les actions et requêtes portées devant les tribunaux fédéraux et de la Saskatchewan par le demandeur, DSR Karis Consulting Inc. et Robert Cannon dont ont connaissance les défendeurs ont été dénuées de fondement et sont pleines de propos scandaleux et d’allégations de torture, de terrorisme, d’extorsion, de fraude et de complot impliquant l’« État profond » et la franc‑maçonnerie.

20. Le demandeur est également enclin à soutenir des allégations d’actes irréguliers sans fondement contre des avocats, des membres de la magistrature et d’autres participants au système de justice. Sa pratique consiste à intenter des poursuites contre des intervenants au sein du système de justice lorsqu’il n’a pas gain de cause. Ainsi ont été ajoutés aux poursuites les juges suivants qui ont rendu un jugement qui lui était défavorable : les juges Caldwell, Elson, Pelletier, Crooks et Barnes. Voici deux exemples d’actes répréhensibles qu’ils auraient commis :

a. À l’alinéa 1(y) de la demande, le demandeur prétend que le juge Elson l’a torturé ainsi que sa fille en bas âge et qu’il a facilité la réalisation d’un attentat terroriste.

b. L’introduction du mémoire de Robert Cannon devant la Cour d’appel de la Saskatchewan mentionne simplement que [traduction] « la juge Crooks est une terroriste » (voir la pièce B de l’affidavit de Pamela Heinrichs).

21. Le demandeur a également inclus divers avocats et registraires locaux dans ses poursuites, y compris Kathleen Christopherson, Jill Cook, Glen Metivier, le Matrix Law Group, Clifford Holm, Patricia Meiklejohn, OWZW Lawyers LLP et Virgil Thomson.

22. Les juges défendeurs soutiennent en toute déférence que la Cour devrait voir dans l’inclusion de toutes ces personnes des tentatives de la part du demandeur de harceler, d’intimider et d’importuner des participants au système de justice, une situation qui milite fortement en faveur de la formulation d’une déclaration de plaideur quérulent.

[45] Je souscris aux observations des défendeurs voulant que l’inclusion de ces personnes (avocats, membres de la magistrature et participants au système de justice) consiste en une tentative de la part du demandeur [traduction] « de harceler, d’intimider et d’importuner des participants au système de justice » et qu’elle justifie fortement que la Cour conclue que le demandeur est un plaideur quérulent.

[46] En réponse à la requête fondée sur l’article 40, le demandeur affirme [traduction] « qu’il est impossible que le défendeur soit un plaideur quérulent ». Toutefois, la majeure partie de ses observations portent sur des questions ayant déjà été tranchées par la Cour ou un autre tribunal, un énième exemple de tentative de remettre des affaires en litige devant des tribunaux de la Saskatchewan, la Cour fédérale et des tribunaux des États‑Unis.

[47] Qui plus est, le demandeur manifeste une propension à soutenir des allégations d’actes irréguliers sans fondement contre des parties et leurs avocats, tout en tenant des propos scandaleux, comme en témoigne sa déclaration dans laquelle il présente les demandes suivantes à la Cour (pour ne citer que quelques exemples) :

[traduction]

b) Une déclaration portant que les croyances de l’Église adventiste du septième jour sont diamétralement opposées à celles des maçons, la liste suivante ne se voulant pas exhaustive :

i. le dieu de l’Église adventiste du septième jour est éternellement en conflit avec le dieu des maçons, soit Lucificer, aussi appelé Satan ou le diable; […]

e) Une déclaration portant que les terroristes maçonniques canadiens ont pratiqué l’apartheid avec l’assentiment de la Couronne en contravention avec la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid de 1973 des Nations Unies (ci‑après appelée la « Convention sur l’apartheid ») dans le cadre des activités terroristes canadiennes susmentionnées; […]

p) Une déclaration portant que les terroristes maçonniques transnationaux ont fait subir des contraintes et des punitions au demandeur, à ses mandataires et à ses associés, les torturant en violation de la Convention contre la torture, pour avoir commis les actes suivants :

i. Dénoncer les violations de la Convention sur l’apartheid en Saskatchewan et au Canada en ce qui a trait au racisme systémique qui opprime les Noirs canadiens, les Autochtones, les Métis et les personnes biraciales issues de ces communautés;

ii. Chercher à atténuer le racisme systémique au nom de DSR Karis Consulting Inc. par ses relations d’affaires avec la société Battlefords Agency Tribal Chiefs Inc., le Northwest College et la Saskatchewan Polytechnic en vue d’éduquer des Autochtones et des Métis et de les employer dans le secteur de l’ingénierie. […]

y) Une déclaration portant que le juge R.W. Elson de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a torturé le demandeur ainsi que sa fille en bas âge et qu’il a facilité la réalisation d’un attentat terroriste le 23 juillet 2020, […]

ac) Une déclaration portant que la torture du demandeur aux mains d’éléments maçonniques de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, qui fait partie de l’État profond, était due à sa race, à sa religion, à sa fille autochtone et à la mauvaise gestion de l’urgence liée à la COVID; […]

[48] Je suis d’accord avec les défendeurs lorsqu’ils disent que, sans l’intervention de la Cour, le demandeur et ses mandataires et représentants, dont DSR Karis Consulting Inc. et Robert Cannon, continueront d’intenter des actions futiles et de gaspiller les ressources de la Cour de même que le temps et l’argent de toutes les parties concernées. Cela est intolérable. La demande du demandeur n’est que le plus récent ajout à une longue liste d’actions futiles, une situation qui milite fortement en faveur de la formulation d’une déclaration de plaideur quérulent.

[49] Par conséquent, le dossier en l’espèce m’a convaincu que le demandeur répond à toutes les conditions énoncées par le juge Russell dans Badawy.

B. Le jugement de la Cour devrait‑il s’appliquer uniquement au demandeur ou bien au demandeur et à ses représentants, que ceux‑ci soient des avocats ou des profanes?

[50] Cette question a été examinée par le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale dans Fabrikant, aux paragraphes 44 à 48 :

[44] Il est possible de prononcer divers types d’ordonnances visant un plaideur quérulent. Il faut rédiger soigneusement l’ordonnance de façon à protéger le droit légitime du plaideur quérulent d’ester en justice tout en protégeant le plus possible la Cour et ses justiciables : voir les objectifs examinés dans l’arrêt Olumide, aux paragraphes 17 à 34.

[45] Dans les cas semblables à l’espèce, une déclaration de plaideur quérulent doit viser les objectifs suivants :

Interdire au plaideur quérulent d’intenter une poursuite en personne ou par le ministère d’un représentant et d’aider un autre plaideur.

Décider s’il y a lieu de mettre fin aux autres instances du plaideur quérulent; si c’est le cas, exposer la façon par laquelle il sera possible de les faire revivre et instruire.

Éviter que le greffe perde son temps en communications inutiles et à traiter des actes de procédure irrecevables.

Permettre d’ester devant la Cour sur autorisation, uniquement dans les circonstances restreintes permises par [la] loi lorsque c’est nécessaire et que le défendeur a respecté les règles de procédure et les ordonnances antérieures de la Cour, auquel cas, il faut veiller à ce que les intéressés aient la possibilité de présenter leurs observations.

Donner au greffe le pouvoir de prendre rapidement des mesures administrativement simples pour la protection du greffe, de la Cour et des autres justiciables contre les comportements vexatoires.

Protéger le pouvoir de la Cour d’apporter des modifications ultérieures à l’ordonnance s’il y a lieu, mais seulement en conformité avec les principes d’équité procédurale.

Veiller à ce que les autres jugements, ordonnances et directives demeurent applicables, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec l’ordonnance.

[46] Il peut être difficile et long d’atteindre tous ces objectifs par le truchement d’un seul jugement ou d’une seule ordonnance, surtout si on en rédige le texte pour la première fois. L’expérience démontre que certains plaideurs quérulents feront de leur mieux pour contourner l’ordonnance déclaratoire : voir notamment l’arrêt Virgo c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 167. La Cour qui rend une telle ordonnance doit anticiper et prévenir toutes les voies illégitimes. En outre, la faculté de la Cour de durcir son ordonnance au besoin et de punir les manquements tout en préservant les droits issus de l’équité procédurale doit être protégée.

[47] Comme la présente est une demande, c’est un jugement plutôt qu’une ordonnance qui sera rendu. Le texte juridique du jugement est forcément compliqué. Cependant, pour la gouverne du défendeur, le jugement atteindra tous les objectifs fixés au paragraphe 45 des présents motifs. Pour l’essentiel, la faculté d’ester du défendeur à la Cour est restreinte, et les communications avec le greffe sont limitées aux seules instances définies au paragraphe 4(2) du jugement.

[48] Il faut échanger avec d’autres juridictions sur les moyens utiles de traiter les plaideurs quérulents. À cet égard, la Cour aimerait reconnaître les travaux innovants réalisés dans ce domaine par les autres tribunaux, notamment ceux de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta : voir p. ex. Unrau v. National Dental Examining Board, 2019 ABQB 283 (décision du juge en chef adjoint Rooke).

[51] Selon le dossier dont je dispose, je suis convaincu que, sans une intervention judiciaire, le demandeur poursuivra sa conduite vexatoire par l’intermédiaire de profanes ou même d’avocats.

[52] Il serait inutile de déclarer le demandeur quérulent par voie d’ordonnance sans l’empêcher de contourner cette ordonnance en recourant à des alter ego, à des représentants, à des mandataires, à des avocats ou à d’autres parties qui reproduisent ou répètent la même activité vexatoire que le demandeur, entraînant les mêmes préjudices pour toutes les autres parties concernées. De tels représentants ne peuvent se voir accorder un traitement différent de celui du demandeur étant donné que la Cour déclare ce dernier quérulent.

[53] À ce chapitre, je souligne que j’interdis à tout avocat d’intenter une action pour le demandeur déclaré quérulent en l’espèce ou en son nom sans avoir d’abord demandé et obtenu l’autorisation de la Cour ainsi que le demandeur ou l’un de ses représentants aurait à le faire. Cette situation est voulue. Je ne vois pas pourquoi un avocat devrait avoir davantage le droit de se livrer à une conduite vexatoire que le demandeur lui‑même. Évidemment, dans une situation appropriée, un avocat pourrait se voir accorder l’autorisation de procéder pourvu qu’il ne soulève pas de questions qui, si elles étaient soulevées par le demandeur lui‑même, pourraient être considérées comme vexatoires.

[54] Enfin, à l’instar du juge Stratas dans Fabrikant, je traiterai également des autres instances introduites par le demandeur, Dale Richardson, qui sont actuellement devant la Cour fédérale. Encore une fois, il serait inutile d’imposer les restrictions d’une déclaration de plaideur quérulent à un demandeur devant la Cour – ainsi que je le fais en l’espèce – pour ensuite permettre à la même personne d’aller de l’avant en toute impunité avec d’autres instances introduites devant la Cour. Cette situation pourrait contraindre d’autres défendeurs à répéter les démarches entreprises par les avocats en l’espèce, avec le consentement du PGC, pour obtenir eux aussi la déclaration qui est formulée aujourd’hui, le tout encore une fois accompagné d’une perte considérable de temps et d’argent pour toutes les parties concernées.

[55] Par conséquent, j’ordonne, comme l’ont fait le juge Stratas dans Fabrikant et le juge en chef dans Birkich, qu’il soit mis fin aux autres instances de ce type, et ce, immédiatement. Le dossier no T‑1367‑20 de la Cour concerne une pareille instance, deux autres dossiers ayant déjà été clos (T‑1115‑20 et T‑1229‑20).

VI. Conclusion

[56] Je conclus que la conduite de Dale Richardson satisfait à la définition d’une « conduite vexatoire » qui ne peut pas être dûment contrôlée par des mesures moins contraignantes. À mon sens, Dale Richardson est un plaideur quérulent. En outre, les mesures de réparation connexes mentionnées ci‑dessus seront accordées en ce qui concerne ses représentants et le désistement des autres instances.

VII. Dépens

[57] À l’exception des juges Caldwell, Crooks et Elson, les défendeurs qui ont pris part à la présente instance ont proposé qu’advenant l’accueil de la demande de déclaration de plaideur quérulent, des dépens de 5 000 $ soient adjugés à chaque groupe de défendeurs.

[58] Les juges Caldwell, Crooks et Elson, défendeurs, sont d’avis que les dépens devraient suivre l’issue de la cause de la façon ordinaire et laissent la question des dépens à la discrétion de la Cour.

[59] Selon les défendeurs, eu égard à la nature odieuse des allégations formulées par M. Richardson et à sa tentative de reporter la présente instance, l’adjudication de dépens serait à la fois appropriée et raisonnable. Les défendeurs informent la Cour qu’à ce jour, M. Richardson n’a nullement payé les dépens adjugés contre lui.

[60] À mon humble avis, les dépens devraient être supérieurs à la moitié du troisième tarif, particulièrement en raison de la multitude de documents déposés et des allégations odieuses, immodérées, déplorables et, parfois, pour ne pas dire invariablement, blessantes lancées par le demandeur. À mon sens, des dépens d’un montant forfaitaire global de 4 000 $ seraient raisonnables; le demandeur devra payer cette somme sans délai conformément au paragraphe 401(2) des Règles des Cours fédérales aux avocats représentant chaque groupe de défendeurs ayant soumis des observations écrites et comparu lors de la présente requête fondée sur l’article 40, soit :

  • 1) Me Chantelle E. Eisner pour la Régie de la santé de la Saskatchewan et Cora Swerid;

  • 2) Me Lindsay Oliver pour Chantelle Thompson, Jennifer Schmidt, Mark Clements, Chad Gartner, Brad Appel, Ian McArthur, Bryce Bohun, Kathy Irwin, Jason Panchyshyn, Cary Ransome, OWZW Lawyers LLP et Virgil A. Thomson;

  • 3) Me Annie M. Alport pour l’Église adventiste du septième jour, la Battlefords Seventh‑Day Adventist Church, la Manitoba‑Saskatchewan Conference, le Matrix Law Group, James Kwon, Mazel Holm, Gary Lund, Dawn Lund, Ciprian Bolah, Jeannie Johnson, Michael Collins, Clifford Holm, Patricia Meiklejohn et Kimberley Richardson;

  • 4) Me Justin Stevenson pour Jill Cook, Glen Metivier, le juge M. Pelletier, Emi Holm et Char Blais;

  • 5) Me Heather Liang, c.r. pour le juge Caldwell et la juge Crooks;

  • 6) Mes Marie Stack et Laura Sayer pour le juge R.W. Elson;

  • 7) Me Jessica Karam pour le procureur général du Canada et la Gendarmerie royale du Canada.


JUGEMENT dans le dossier T‑1404‑20

LA COUR STATUE :

  1. La requête présentée par la Régie de la santé de la Saskatchewan et Cora Swerid, défenderesses, en vue de modifier leur avis de requête est accueillie.

  2. Le demandeur, Dale Richardson, et les personnes qui agissent comme ses représentants ou mandataires ou qui représentent ses intérêts, dont DSR Karis Consulting Inc. et Robert Cannon, sont déclarés plaideurs quérulents en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7.

  3. Il est interdit au demandeur Dale Richardson et aux personnes qui agissent comme ses représentants ou mandataires ou qui représentent ses intérêts, dont DSR Karis Consulting Inc. et Robert Cannon, d’introduire d’autres instances devant la Cour, sauf avec l’autorisation de cette dernière.

  4. Il est interdit au demandeur et aux personnes qui agissent comme ses représentants ou mandataires ou qui représentent ses intérêts, dont DSR Karis Consulting Inc. et Robert Cannon, de poursuivre les instances qu’ils ont introduites devant la Cour, sauf avec l’autorisation de cette dernière.

  5. Il est entendu qu’il est interdit au demandeur et aux personnes qui agissent comme ses représentants ou mandataires ou qui représentent ses intérêts, dont DSR Karis Consulting Inc. et Robert Cannon, de déposer des documents ou des procédures, que ce soit en leur nom ou par l’entremise d’un représentant, sauf avec l’autorisation de la Cour.

  6. Le demandeur devra verser sans délai aux parties suivantes des dépens d’un montant forfaitaire global de 4 000 $ :

  • 1) Me Chantelle E. Eisner pour la Régie de la santé de la Saskatchewan et Cora Swerid;

  • 2) Me Lindsay Oliver pour Chantelle Thompson, Jennifer Schmidt, Mark Clements, Chad Gartner, Brad Appel, Ian McArthur, Bryce Bohun, Kathy Irwin, Jason Panchyshyn, Cary Ransome, OWZW Lawyers LLP et Virgil A. Thomson;

  • 3) Me Annie M. Alport pour l’Église adventiste du septième jour, la Battlefords Seventh‑Day Adventist Church, la Manitoba‑Saskatchewan Conference, le Matrix Law Group, James Kwon, Mazel Holm, Gary Lund, Dawn Lund, Ciprian Bolah, Jeannie Johnson, Michael Collins, Clifford Holm, Patricia Meiklejohn et Kimberley Richardson;

  • 4) Me Justin Stevenson pour Jill Cook, Glen Metivier, le juge M. Pelletier, Emi Holm et Char Blais;

  • 5) Me Heather Liang, c.r. pour le juge Caldwell et la juge Crooks;

  • 6) Mes Marie Stack et Laura Sayer pour le juge R.W. Elson;

  • 7) Me Jessica Karam pour le procureur général du Canada et la Gendarmerie royale du Canada.

  1. Une copie des présents jugement et motifs modifiés sera versée au dossier no T‑1367‑20 de la Cour fédérale, Dale Richardson c Procureur général du Canada.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1404‑20

 

INTITULÉ :

DALE RICHARDSON c L’ÉGLISE ADVENTISTE DU SEPTIÈME JOUR, LA COMMISSION CIVILE D’EXAMEN ET DE TRAITEMENT DES PLAINTES (CCETP), LA GRAND LODGE OF SASKATCHEWAN, LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN, LE JUGE CALDWELL, LES SERVICES DE CITOYENNETÉ ET D’IMMIGRATION DES ÉTATS‑UNIS, LE SERVICE DE L’IMMIGRATION ET DE L’APPLICATION DES MESURES DOUANIÈRES DES ÉTATS‑UNIS, LE SERVICE DES DOUANES ET DE LA PROTECTION DES FRONTIÈRES DES ÉTATS‑UNIS, LE DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE DES ÉTATS‑UNIS, CORECIVIC, DEREK ALLCHURCH, LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, LE GENDARME BURTON ROY, LA BATTLEFORDS SEVENTH‑DAY ADVENTIST CHURCH, JAMES KWON, MAZEL HOLM, GARY LUND, DAWN LUND, CIPRIAN BOLAH, JEANNIE JOHNSON, LA MANITOBA‑SASKATCHEWAN CONFERENCE, MICHAEL COLLINS, LE MATRIX LAW GROUP, CLIFFORD HOLM, PATRICIA J. MEIKLEJOHN, CHANTELLE THOMPSON, JENNIFER SCHMIDT, MARK CLEMENTS, CHAD GARTNER, BRAD APPEL, IAN MCARTHUR, BRYCE BOHUN, KATHY IRWIN, JASON PANCHYSHYN, CARY RANSOME, LA RÉGIE DE LA SANTÉ DE LA SASKATCHEWAN, DR ALABI, RIKKI MORRISSON, CORA SWERID, DR ELEKWEM, DR SUNDAY, LA COUR DU BANC DE LA REINE DE LA SASKATCHEWAN, JILL COOK, GLEN METIVER, LE JUGE R.W. ELSON, LA JUGE CROOKS, OWZW LAWYERS LLP, VIRGIL A. THOMSON, LA COUR PROVINCIALE DE LA SASKATCHEWAN, LE JUGE M. PELLETIER, RAYMOND HEBERT, LINDA HEBERT, EMI HOLM, CHAR BLAIR, COMMUNITY FUTURES, LISA CIMMER et KIMBERLEY RICHARDSON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 MAI 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 8 JUIN 2022

DATE DES MODIFICATIONS :

LE 10 JUIN 2022

COMPARUTIONS :

Me Chantelle Eisner

POUR LES DÉFENDERESSES

(RÉGIE DE LA SANTÉ DE LA SASKATCHEWAN ET

CORA SWERID)

 

Me Lindsay Oliver

POUR LES DÉFENDEURS

(CHANTELLE THOMPSON, JENNIFER SCHMIDT

MARK CLEMENTS, CHAD GARTNER,

BRAD APPEL, IAN MCARTHUR, BRYCE BOHUN,

KATHY IRWIN, JASON PANCHYSHYN,

CARY ROANSOME, OWZW LAWYERS LLP

ET VIRGIL A. THOMSON)

 

Me Annie M. Alport

POUR LES DÉFENDEURS

(L’ÉGLISE ADVENTISTE DU SEPTIÈME JOUR, LA

BATTLEFORDS SEVENTH‑DAY ADVENTIST

CHURCH, LA MANITOBA‑SASKATCHEWAN

CONFERENCE, LE MATRIX LAW GROUP,

JAMES KWON, MAZEL HOLM, GARY LUND,

DAWN LUND, CIPRIAN BOLAH,

JEANNIE JOHNSON, MICHAEL COLLINS,

CLIFFORD HOLM, PATRICIA MEKLEJOHN ET

KIMBERLY RICHARDSON)

 

Me Justin Stevenson

POUR LES DÉFENDEURS

(JILL COOK, GLEN METIVIER, LE

JUGE M. PELLETIER, EMI HOLM ET CHAR BLAIS)

 

Me Heather J. Laing

POUR LES DÉFENDEURS

(LE JUGE CALDWELL ET LA JUGE CROOKS)

 

Me Marie K. Stack

Me Laura Sayer

POUR LE DÉFENDEUR

(LE JUGE R.W. ELSON)

 

Me Jessica Karam

POUR LES DÉFENDEURS

(LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McDougall Gauley LLP

Avocats

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LES DÉFENDERESSES

(RÉGIE DE LA SANTÉ DE LA SASKATCHEWAN ET

CORA SWERID)

 

Olive Waller Zinkhan & Waller LLP

Regina (Saskatchewan)

POUR LES DÉFENDEURS

(CHANTELLE THOMPSON, JENNIFER SCHMIDT

MARK CLEMENTS, CHAD GARTNER,

BRAD APPEL, IAN MCARTHUR, BRYCE BOHUN,

KATHY IRWIN, JASON PANCHYSHYN,

CARY ROANSOME, OWZW LAWYERS LLP

ET VIRGIL A. THOMSON)

 

Miller Thomson LLP

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(L’ÉGLISE ADVENTISTE DU SEPTIÈME JOUR, LA

BATTLEFORDS SEVENTH‑DAY ADVENTIST

CHURCH, LA MANITOBA‑SASKATCHEWAN

CONFERENCE, LE MATRIX LAW GROUP,

JAMES KWON, MAZEL HOLM, GARY LUND,

DAWN LUND, CIPRIAN BOLAH,

JEANNIE JOHNSON, MICHAEL COLLINS,

CLIFFORD HOLM, PATRICIA MEKLEJOHN ET

KIMBERLY RICHARDSON)

 

Procureur général du Canada

Regina (Saskatchewan)

POUR LES DÉFENDEURS

(JILL COOK, GLEN METIVIER, LE

JUGE M. PELLETIER, EMI HOLM ET CHAR BLAIS)

 

McDougall Gauley LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LES DÉFENDEURS

(LE JUGE CALDWELL ET LA JUGE CROOKS)

 

McKercher LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LE DÉFENDEUR

(LE JUGE R.W. ELSON)

 

Procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LES DÉFENDEURS

(LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA)

 

 

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