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Date : 20220527


Dossiers : IMM-3005-20

IMM-3008-20

Référence : 2022 CF 779

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 27 mai 2022

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

KARAN SHARMA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de deux décisions rendues par des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] le 19 mars 2020. Dans la première décision [la décision relative au permis], un agent de l’ASFC a rejeté la demande de permis de travail postdiplôme [PTPD] présentée par le demandeur parce qu’il n’a pas respecté les exigences prévues à l’alinéa 220.1(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002-227 [RIPR]. Cette décision a donné lieu à la délivrance d’un rapport d’interdiction de territoire. La décision relative au permis fait l’objet du dossier numéro IMM-3008-20.

[2] Après avoir examiné le rapport d’interdiction de territoire de l’agent et la documentation présentée par le demandeur et après avoir mené une autre entrevue, un autre agent de l’ASFC [le délégué du ministre] a pris une mesure d’exclusion [la décision relative à la mesure d’exclusion] au titre du sous-alinéa 228(1)c)(iii) du RIPR. La décision relative à l’exclusion fait l’objet du dossier numéro IMM-3005-20.

[3] Comme il a été confirmé à l’audition des demandes, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile doit être désigné défendeur dans le cadre des présentes demandes. L’intitulé a été modifié en conséquence.

[4] Le 24 février 2022, le juge Heneghan a ordonné que les deux demandes de contrôle judiciaire soient entendues en même temps. Je traite les deux demandes dans le présent jugement, et une copie de celui-ci sera versée au dossier de chaque demande auprès de la Cour.

[5] À titre préliminaire, le défendeur affirme que les demandes sont en fait théoriques puisque le demandeur a quitté le Canada, ce qui a entraîné l’exécution de la mesure d’exclusion et également compliqué la situation du demandeur parce qu’il est maintenant plus difficile pour lui de revenir au Canada ou d’obtenir un PTPD. Toutefois, à la lumière du dossier dont je dispose, je ne peux pas conclure que, parce que le demandeur a quitté le Canada, l’issue favorable des demandes sous-jacentes est sans importance en ce qui concerne sa demande de PTPD ou sa capacité d’obtenir un visa de résident temporaire [VRT]. Pour cette raison, cet argument préliminaire est rejeté.

[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale. Par conséquent, les décisions sous-jacentes sont annulées et la demande de PTPD est renvoyée à un autre agent de l’ASFC pour un nouvel examen.

I. Le contexte

[7] Le demandeur est un citoyen de l’Inde qui est arrivé au Canada en 2016 muni d’un visa d’étudiant.

[8] Le demandeur a suivi un programme de deux ans en secrétariat au Collège de comptabilité et de secrétariat du Québec [CCSQ]. Il a commencé le cours le 3 février 2017 et il devait le terminer le 5 octobre 2018. Pendant cette période, le demandeur est apparemment tombé malade de la typhoïde. En raison de sa maladie, il a interrompu ses études du 16 novembre 2017 à la première semaine de février 2018. Le demandeur allègue qu’il a obtenu l’autorisation verbale de prendre ce congé médical et qu’il a envoyé divers courriels au CCSQ à propos de son absence en novembre et en décembre. Il a ensuite été suspendu parce qu’il n’avait pas assisté à ces cours, mais il affirme que cette suspension a, par la suite, été retirée. Le demandeur a finalement terminé le programme le 31 mai 2019.

[9] En juillet 2019, le demandeur a tenté à deux reprises d’obtenir un PTPD à deux postes frontaliers différents. Lors de la deuxième tentative, la demande a été rejetée et une mesure d’exclusion a été prise. Après avoir demandé un contrôle judiciaire de cette décision, le défendeur a proposé de régler l’affaire et la demande de PTPD a été renvoyée pour un nouvel examen.

II. Les décisions faisant l’objet du contrôle

[10] Dans le cadre du nouvel examen, le demandeur a présenté à l’agent un grand nombre de documents préparés par son avocat, notamment une lettre dans laquelle il était indiqué que le demandeur avait pris sept mois additionnels pour terminer le programme d’études. Il y avait également des copies de documents médicaux portant sur la maladie du demandeur et des courriels avec le CCSQ pendant la période où le demandeur était malade. Pendant l’entrevue, l’agent a demandé au demandeur s’il pouvait démontrer qu’il avait obtenu l’autorisation du CCSQ d’interrompre ses études du 16 novembre 2017 à la première semaine de février 2018, et ainsi établir qu’il avait maintenu le statut d’étudiant à temps plein dans le programme pendant cette période.

[11] Après l’entrevue, l’agent a communiqué avec une adjointe administrative du CCSQ qui a déclaré que le congé du demandeur n’avait pas été approuvé. L’agent n’a pas discuté de cette conversation avec le demandeur, mais il a demandé à celui-ci de communiquer avec le CCSQ afin d’obtenir des documents à l’appui, notamment, pour confirmer qu’il était en congé médical autorisé. Le demandeur n’a pas été en mesure de fournir cette documentation.

[12] Se fondant en partie sur sa discussion avec l’adjointe administrative du CCSQ, l’agent a conclu que le congé du demandeur n’était pas conforme à la définition de prise de congé d’études dans les lignes directrices d’Immigration, Réfugiés, Citoyenneté Canada [IRCC] puisque le demandeur ne pouvait pas démontrer qu’il avait reçu l’autorisation du CCSQ. Ainsi, le demandeur ne se conformait pas aux exigences prévues à l’alinéa 220.1(1)b) du RIPR et n’était pas admissible à l’obtention d’un PTPD. Un rapport a été établi au titre du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et l’affaire a été renvoyée au délégué du ministre pour examen.

[13] À la suite d’un nouvel examen, y compris une entrevue qui a permis d’obtenir essentiellement les mêmes faits et preuves, le délégué du ministre a rendu la décision relative à l’exclusion contre le demandeur.

[14] Le 23 octobre 2021, le demandeur est retourné volontairement en Inde.

III. Les questions en litige et la norme de contrôle

[15] Les questions suivantes ont été soulevées :

  1. Les demandes sont-elles théoriques parce que le demandeur a quitté le Canada pour l’Inde?

  2. Y a-t-il eu un manquement à l’équité procédurale : a) parce que l’agent s’est fondé sur une preuve extrinsèque dont il n’a pas fait part au demandeur; b) parce que la conduite de l’agent a suscité une crainte raisonnable de partialité; c) parce que l’agent a enfreint la doctrine des attentes légitimes en refusant au demandeur une entrevue équitable?

  3. L’agent a-t-il commis une erreur : a) en imputant au demandeur un retard qui était indépendant de sa volonté; b) en omettant de tenir compte que l’absence du demandeur était implicitement autorisée et en ne l’acceptant pas; c) en ne tenant pas compte de l’incidence négative de la décision relative au permis sur le demandeur, ce qui rendrait la décision déraisonnable?

[16] La norme de contrôle applicable aux questions relatives à l’équité procédurale se reflète au mieux dans la norme de la décision correcte, même si ces questions ne sont pas assujetties, à strictement parler, à une analyse de la norme de contrôle. À la place, ces questions doivent être contrôlées en se demandant si la procédure suivie par le décideur était équitable : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35; Sangha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 95 au para 13.

[17] La norme de contrôle du fond des décisions est celle de la décision raisonnable. Aucune des situations permettant de réfuter la présomption selon laquelle toutes les décisions administratives sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne s’applique : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 SCS 65 [Vavilov] aux para 9-10, 16-17.

[18] Une décision raisonnable est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, aux para 85-86; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes, 2019 CSC 67 aux para 2, 31. Une décision est raisonnable si, lorsqu’elle est lue dans son ensemble et que le contexte administratif est pris en compte, elle possède les caractéristiques de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité : Vavilov, aux para 85, 91‑95, 99‑100.

IV. Analyse

A. Les demandes sont-elles théoriques parce que le demandeur a quitté le Canada pour l’Inde?

[19] La doctrine relative au caractère théorique est bien établie : une affaire est théorique lorsque la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire, sauf s’il existe une bonne raison de l’entendre en dépit de son caractère théorique : Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 [Borowski] à la p 353.

[20] Afin de décider si les demandes sont théoriques, il faut d’abord chercher à savoir s’il reste un litige actuel. S’il ne reste pas de litige actuel, il incombe ensuite à la partie qui souhaite que l’affaire soit entendue de justifier, pour le deuxième volet du critère, pourquoi la Cour devrait tout de même exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire. Dans le cadre du deuxième volet du critère, la Cour tiendra compte de facteurs comme i) le débat contradictoire; ii) l’économie des ressources; et iii) le rôle de la Cour : Borowski, aux p 358, 360 et 362; Saskatchewan (Ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la revitalisation rurale) c Canada (Procureur général), 2005 CF 1027 aux para 25-29.

[21] Le défendeur affirme qu’il n’existe plus de litige actuel en ce qui concerne la décision relative à l’exclusion puisque la mesure d’exclusion a été exécutée par le départ volontaire du demandeur du Canada le 23 octobre 2021. Le défendeur soutient qu’à cause de ce renvoi, le demandeur ne peut pas chercher à revenir au Canada avant l’expiration de la mesure d’exclusion en octobre 2022 (un an après son départ) et qu’il aura besoin d’un VRT pour revenir au Canada. Selon le défendeur, même si les demandes de contrôle judiciaire sont accueillies, un nouvel examen ne peut avoir lieu que lorsque le demandeur peut être présent à un point d’entrée, ce qui nécessitera un VRT. De plus, le défendeur affirme que, compte tenu du temps écoulé depuis la fin des études du demandeur le 31 mai 2019, le demandeur pourrait ne pas répondre aux critères établis par IRCC pour la délivrance d’un PTPD. Il soutient que la situation est davantage compliquée parce que le fait que les VRT sont délivrés par IRCC et non par l’ASFC.

[22] Le demandeur soutient que l’argument du défendeur est hypothétique. Selon le défendeur, même si les demandes de contrôle judiciaire étaient accueillies, le demandeur pourrait être obligé d’obtenir un VRT pour revenir au Canada. Même si c’était le cas, il n’y a aucune raison de penser qu’une demande de VRT ne serait pas approuvée ou qu’elle ne pourrait pas être traitée en temps opportun. Le demandeur soutient en outre qu’il n’y a aucune raison de conclure que la demande de PTPD ne peut pas se poursuivre. De plus, il affirme que la Cour pourrait substituer sa propre décision à celle de l’ASFC et éviter le renvoi de l’affaire pour un nouvel examen (Vavilov, au para 142).

[23] Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que l’argument sur le caractère théorique est hypothétique. Le fait que le demandeur ait quitté le Canada n’a aucune incidence sur sa capacité de donner suite aux demandes de contrôle judiciaire, et ne rend pas nécessairement futile l’obtention d’un PTPD. À mon avis, le fait que le demandeur puisse être obligé d'obtenir un VRT pour être présent au port d’entrée ne constitue pas une complication si grande qu’elle rend l’issue des présents contrôles judiciaires dénuée de sens pour les parties. Comme l’a reconnu l’avocat du défendeur au cours de l’interrogatoire pendant les observations orales, au minimum, un gain de cause pour le demandeur dans les contrôles judiciaires pourrait être pertinent en ce qui concerne toute prochaine demande de VRT ou de PTPD que présente le demandeur. Pour ces raisons, je conclus que l’argument préliminaire est rejeté et que la Cour doit trancher les demandes de contrôle judiciaire sur le fond.

B. Y a-t-il eu manquement à l’obligation d’équité procédurale?

(1) Le recours de l’agent à des éléments de preuve extrinsèques

[24] La décision relative au permis stipule qu’à la suite de l’entrevue avec le demandeur, l’agent a communiqué avec le CCSQ et a parlé à l’adjointe administrative, Jocelyne Paré, pour savoir si le congé du demandeur était autorisé. Elle a répondu qu’il n’avait pas obtenu d’autorisation. L’agent poursuit ainsi :

[traduction] Afin de permettre au sujet de répondre à mes préoccupations, je lui ai demandé de communiquer avec l’école en vue d’obtenir les documents suivants :

˗ Une lettre de l’école confirmant le congé autorisé;

˗ Son bulletin;

˗ La date à laquelle son dernier cours du programme à l’école a commencé;

˗ La preuve que le sujet a terminé le stage et les dates du stage;

[Non souligné dans l’original.]

[25] L’agent fait remarquer que le demandeur n’a pu produire que le document de renseignements sur le stage et un document dans lequel il était indiqué qu’il avait dû recommencer certains de ses cours et que c’était la raison de son retard dans l’achèvement de son programme. Il n’a fourni aucun document provenant de l’école concernant l’autorisation de son congé.

[26] Lorsqu’il a rejeté la demande de PTPD, l’agent s’est fondé en partie sur les demandes de renseignements faites auprès de l’adjointe administrative du CCSQ et la réponse selon laquelle il n’y avait aucune autorisation de congé enregistrée au dossier étudiant du demandeur.

[27] La preuve déposée par le demandeur indique que l’agent n’a jamais informé le demandeur de la conversation qu’il a eue avec l’adjointe administrative ou des questions qu’il lui a posées. Le demandeur affirme qu’il ne connaît pas l’adjointe administrative ou le rôle qu’elle joue à l’école et qu’il ne connaît pas le rang qu’elle occupe à l’école ni l’ampleur de sa connaissance des dossiers scolaires. Selon le demandeur, la nature de la discussion et le rôle de l’adjointe administrative sont pertinents en ce qui concerne l’examen de sa réponse. Il affirme que, s’il avait été informé de la demande de renseignements menée auprès de l’adjointe administrative, il aurait posé un certain nombre de questions, y compris comment il avait été en mesure de terminer ses études si le congé n’avait pas été autorisé.

[28] Le demandeur renvoie la Cour à la décision Mehta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1073 [Mehta], dans laquelle la Cour a conclu qu’une agente des visas qui s’était fondée sur un appel téléphonique à la société où travaillait le demandeur pour rendre sa décision et qui n’avait pas communiqué ses préoccupations au demandeur avait violé l’équité procédurale. La Cour a décrit dans la décision Mehta :

[8] Lorsqu’un agent des visas s’appuie sur des éléments de preuve extrinsèques, on conclura qu’une erreur a été commise si le demandeur n’a pas eu la possibilité de répondre aux éléments de preuve fournis : voir à cet égard l’arrêt Shah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.), la décision Sorkhabi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 89 F.T.R. 224 (1re inst.), la décision John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 36 Imm. L.R. (2d) 192, et la décision Chou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 2001 CFPI 996 (CanLII), 211 F.T.R. 90 (1re inst.).

[9] Il ressort clairement de la lettre de refus que la conversation téléphonique que l’agente des visas avait eue avec le péon était l’un des motifs sur lesquels sa décision était fondée. L’agente n’a pas informé le demandeur du contenu de cette conversation téléphonique et son omission de le faire, selon la jurisprudence précédemment mentionnée, constitue une violation de l’équité procédurale. L’agente aurait peut-être tiré la même conclusion de toute façon, mais il n’est pas évident ou certain que tel était le cas. Ainsi, on ne peut pas dire qu’il s’agit de l’une de ces affaires rares dans lesquelles la violation n’est pas déterminante. [...]

[29] Le défendeur fait valoir que la présente affaire se distingue de l’affaire Mehta puisqu’en l’espèce, le demandeur était clairement au courant de la principale préoccupation de l’agent quant à la question de savoir si son congé avait été autorisé par le CCSQ. L’agent a enjoint au demandeur de communiquer avec le CCSQ pour obtenir des documents qui démontrent que le congé était autorisé. Toutefois, il n’a pas été en mesure de fournir cette preuve.

[30] Je conviens avec le défendeur qu’en donnant cette directive, l’agent demandait en fait au demandeur d’effectuer les mêmes démarches que lui; toutefois, puisque l’agent n’a pas expliqué ses démarches et ne lui a pas dit à qui il avait parlé au CCSQ, il était impossible pour le demandeur d'effectuer les mêmes démarches et d’obtenir les réponses directement.

[31] Il n’est pas écrit dans la décision relative au permis si l’agent a parlé à Mme Paré avant d’enjoindre au demandeur de communiquer avec le CCSQ ou s’il a effectué ses propres démarches pendant qu’il attendait la réponse du demandeur. Dans un cas ou dans l’autre, l’agent aurait dû faire preuve de transparence et informer le demandeur des démarches qu’il a effectuées. C’est particulièrement troublant puisque la conversation est l’un des quatre motifs sur lesquels l’agent se fonde pour conclure que le congé n’était pas autorisé et qu’il a présentés comme un motif distinct du défaut du demandeur de produire des documents pour confirmer l’autorisation du CCSQ.

[32] Comme l’a indiqué l’agent :

[traduction] [...] la question est de savoir si l’établissement d’enseignement désigné (EED) avait autorisé le congé en question :

Lorsque j’ai communiqué directement avec l’école, j’ai été avisé qu’aucun congé autorisé n’était enregistré dans le dossier étudiant du sujet;

Le sujet ne demande nulle part dans les 3 courriels qu’il a envoyés à l’école d’autoriser un congé. Il déclare simplement qu’il est malade et qu’il doit manquer ses cours à cause de sa maladie;

Le sujet n’a pu produire aucun document indiquant que son congé d’études a été autorisé par l’établissement d’enseignement;

Le sujet a déclaré précédemment dans sa déclaration solennelle (pièce H de la demande de contrôle judiciaire) du 30 juillet 2019 que l’école l’avait suspendu à peu près pendant la même période que son congé et qu’elle lui avait remboursé le solde de ses frais de scolarité. Pendant l’entrevue, en réponse à des questions, le sujet a déclaré que l’école l’avait suspendu en raison de son absentéisme, mais qu’elle avait par la suite annulé sa suspension. Il ne pouvait toutefois fournir aucune preuve à cet égard.

Pour les motifs qui précédent, je suis d’avis, selon la prépondérance des probabilités, que l’EED n’a pas autorisé le congé d’études du sujet et, à ce titre, que le sujet ne répond pas à la définition d’étudiant à temps plein selon les guides d’IRCC sur la délivrance des permis de travail postdiplôme.

[33] Bien que le demandeur ait eu l’occasion de traiter les trois autres points relevés par l’agent dans sa décision, il n’a pas eu l’occasion de s’attaquer pleinement à la preuve de Mme Paré et d’y répondre. L’agent aurait quand même pu conclure que le CCSQ n’avait pas autorisé le congé sans avoir obtenu les renseignements de Mme Paré; toutefois, à mon avis, le demandeur aurait dû avoir le droit de s’attaquer pleinement à cette preuve et d’y répondre : Qurban c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 724 aux para 2, 7-15.

[34] Pour cette raison, je conclus qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale. Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas besoin d’examiner les autres questions.

[35] Le demandeur soutient que la Cour ne devrait pas renvoyer la présente affaire pour un nouvel examen, mais qu’elle devrait plutôt substituer sa propre décision à celle de l’ASFC. Toutefois, la Cour ne peut substituer son opinion à celle du décideur que, dans les cas où, par exemple, le résultat du nouvel examen est inévitable (Vavilov, au para 142). Je ne considère pas que les faits dans la présente demande tombent dans cette catégorie. Les décisions sous-jacentes doivent donc être annulées et l’affaire relative au permis est renvoyée à l’ASFC pour un nouvel examen par un autre agent.

[36] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et il ne s’en pose aucune en l’espèce.

 


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS IMM-3005-20 ET IMM-3008-20

LA COUR STATUE :

  1. L’intitulé est modifié afin que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile soit désigné comme défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et les décisions du 19 mars 2020 de l’agent et du délégué du ministre sont annulées.

  3. La demande de permis de travail d’études postdiplôme est renvoyée à l’ASFC pour un nouvel examen par un autre agent.

  4. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Angela Furlanetto »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

IMM-3005-20 ET IMM-3008-20

 

DOSSIER :

IMM-3005-20

 

INTITULÉ :

KARAN SHARMA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

ET DOSSIER :

IMM-3008-20

 

INTITULÉ :

KARAN SHARMA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 mai 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 mai 2022

COMPARUTIONS :

Jaswant Mangat

 

Pour le demandeur

 

Prathima Prashad

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mangat Law Professional Corporation

Avocats

Mississauga (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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