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Date: 20220613


Dossier : IMM-3466-21

Référence : 2022 CF 875

Ottawa (Ontario), le 13 juin 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

DIMITRI HARDING TCHUIEKOU TCHOUASSI

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR), confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle le demandeur n’a ni la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

[2] Le demandeur prétend que sa vie est menacée par son frère aîné qui veut accaparer de l’argent et des biens que le demandeur a reçus en héritage, et par les autres membres de sa famille à qui son frère a affirmé qu’il était homosexuel. Le demandeur est citoyen du Cameroun et il craint aussi d’être pris pour cible par le public et les autorités camerounaises en raison du risque auquel sont exposées les personnes perçues comme étant homosexuelles.

[3] À l’instar de la SPR, la SAR a jugé que le récit du demandeur était véridique, mais a rejeté sa demande d’asile après avoir déterminé qu’il possédait une possibilité de refuge interne (PRI) viable.

[4] Je suis d’avis que la décision de la SAR est déraisonnable parce que la SAR n’a pas traité les allégations du demandeur concernant le risque auquel il serait exposé en tant que personne perçue comme étant homosexuelle au Cameroun, et parce que la SAR n’a pas tenu compte de la preuve documentaire objective qui indique que la police dans ce pays est une source importante de la persécution et de la violence perpétrée contre les personnes homosexuelles.

I. Contexte

[5] Le demandeur est citoyen du Cameroun. À la suite du décès de son père en 1996, il a été désigné comme le seul héritier de son père alors qu’il était toujours mineur. Quatre ans plus tard, les fonds de l’héritage ont permis au demandeur de poursuivre des études au Canada, ce qui a déplu à ses frères qui s’inquiétaient du sort du patrimoine de leur père. Son frère aîné s’est alors autoproclamé comme étant le seul héritier de leur père et s’est approprié les biens et fonds de l’héritage.

[6] En janvier 2017, le demandeur a été forcé d’abandonner ses études parce qu’il n’avait plus assez d’argent. Six mois plus tard, son frère aîné a menacé de le tuer pour obtenir le plein pouvoir sur l’héritage. Il a aussi fait circuler une rumeur au sein de la famille que le demandeur était homosexuel, une fausse rumeur selon le demandeur.

[7] Le 8 novembre 2017, le demandeur a déposé sa demande d’asile au Canada, alléguant trois craintes : les menaces de son frère aîné ; les menaces de sa famille à cause de la fausse rumeur voulant qu’il soit homosexuel ; et le risque de persécution au Cameroun lié au fait qu’il serait perçu comme un homosexuel.

[8] La SPR a jugé le récit du demandeur crédible, mais a conclu qu’il disposait d’une PRI à Yaoundé. Selon la SPR, le risque auquel le demandeur est exposé dans la ville où habitent son frère et les membres de sa famille qui croient qu’il est homosexuel est minimal. La SPR a convenu qu’il y a peu de chance qu’ils seraient capables de le retracer s’il s’établissait à Yaoundé, une ville de près de quatre millions d’habitants, localisée à plusieurs heures de route de sa ville natale, Douala. De plus, puisque le demandeur a affirmé ne pas être homosexuel et que la rumeur à cet effet n’a pas circulé à Yaoundé, il ne s’exposerait pas à une possibilité sérieuse d’y être persécuté. Ainsi, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur, concluant que Yaoundé est une PRI viable pour lui.

[9] La SAR a rejeté l’appel du demandeur, concluant qu’il « n’existe pas une possibilité sérieuse que la famille [du demandeur] puisse le retrouver dans une ville aussi vaste et peuplée que Yaoundé » (Décision SAR au para 2). Selon la SAR, si le demandeur faisait tout pour éviter les membres de sa famille habitant à Yaoundé, il y aurait peu de chance qu’ils tomberaient un jour sur lui, notant que le demandeur avait témoigné qu’il n’était pas proche d’eux.

[10] La SAR a également conclu que la preuve n’a pas établi un risque important que « d’autres personnes ou même les autorités [s’en prennent] à lui parce qu’ils s’imagineraient à tort qu’il est homosexuel ». Puisque le demandeur « affirme ne pas être homosexuel, il devrait pouvoir bénéficier de la protection des autorités si jamais il devait connaître des ennuis découlant de fausses impressions que d’autres pourraient avoir » et les autorités camerounaises devraient être en mesure de le protéger contre toute tentative de son frère ou d’autres membres de sa famille de s’en prendre à lui (Décision SAR au para 9).

[11] Avant de traiter le fond de la demande de contrôle judiciaire, il y a un point procédural à discuter.

II. Demande de remise de l’audience

[12] La veille de la date prévue pour l’audience du présent contrôle judiciaire, la Cour a reçu une lettre écrite de la stagiaire en droit de l’avocat représentant le demandeur, dans laquelle elle a demandé une remise de l’audience. La justification pour la demande est la suivante :

L’audience dans cette cause était prévue pour le 21 avril 2022, mais malheureusement, nous ne pourrons être présents. En effet, Me Alain Moriba Koné, avocat du demandeur est présentement absent du pays et Me Christine Brou qui devrait le remplacer doit être demain […] devant la cour [sic] du Québec, chambre civile du palais de Granby pour une conférence de règlement à l’amiable et qui plus est n’a pas encore eu l’occasion de rencontrer le client qui vit à l’extérieur de Montréal.

[13] La Cour a refusé la demande, et il faut rappeler l’historique de l’affaire pour expliquer la raison de ce refus.

[14] La date de l’audience en l’instance a été fixée par Ordonnance de la Cour le 24 janvier 2022. Le demandeur ne s’est pas prévalu de l’occasion de déposer un mémoire supplémentaire, comme le lui permettait l’Ordonnance, mais le défendeur l’a fait. Le plumitif de la Cour n’indique aucune autre activité de la part du demandeur entre l’Ordonnance du 24 janvier 2022 et la lettre du 20 avril 2022 reçue la veille de l’audience. Par ailleurs, l’avocat du défendeur a déposé une lettre en date du 7 février 2022 qui indique qu’il a eu des difficultés à communiquer avec Me Koné, notant que « de multiples tentatives de communications avec la partie adverse au sujet de discussions de règlements se sont avérées infructueuses, le procureur du demandeur n’ayant pas donné suite à nos courriels […] ».

[15] Le 29 mars 2022, l’agent du greffe a informé la Cour qu’il avait été informé que l’avocat du demandeur, Me Koné, avait été nommé ministre de la Justice en Guinée, un fait que l’agent a vérifié par une recherche sur Internet. L’agent a également indiqué à la Cour que Me Koné apparaissait toujours comme l’avocat inscrit au dossier. La Cour a demandé à l’agent du greffe de confirmer auprès de Me Koné qu’il continuerait à représenter le demandeur dans le cadre de ce contrôle judiciaire, afin de tenter d’éviter qu’une demande de remise d’audience soit déposée à la dernière minute.

[16] L’agent du greffe a essayé de contacter Me Koné à maintes reprises, soit par courriel et par téléphone, incluant des courriels datés du 4 avril, 7 avril et 13 avril. L’agent a été en mesure de contacter la stagiaire en droit qui l’a informé que Me Koné était « en déplacement ». La stagiaire a déclaré qu’elle allait téléphoner Me Koné afin de l’aviser de prendre connaissance de ses courriels. Cependant, Me Koné n’a communiqué avec la Cour que la veille de l’audience par l’entremise de son assistante qui a appelé l’agent du greffe pour lui indiquer qu’il prévoyait déposer une demande de remise d’audience. Enfin, c’est la stagiaire de Me Koné qui a signé et déposé la lettre demandant une remise d’audience et celle-ci n’a été déposée qu’après les heures d’ouverture de la Cour, c’est-à-dire vers 18 heures, le 20 avril 2022.

[17] Ce sont ces circonstances qui ont amené la Cour à refuser la demande de remise d’audience. De plus, la demande ne respectait pas les procédures énoncées dans la Règle 36 (Règles des Cours fédérales, DORS/98-106) ni la jurisprudence de la Cour.

[18] Selon la jurisprudence de la Cour :

[L]es parties pour lesquelles une date d’audience a été fixée n’obtiendront un ajournement que dans des cas exceptionnels. Les facteurs qui sont pris en compte pour savoir s’il convient ou non d’accorder un ajournement sont les suivants : le préjudice que l’ajournement causerait à l’une ou plusieurs des parties, le préjudice résultant pour la Cour de la perte d’un créneau prévu pour une audience, enfin l’intérêt public pour une conclusion rapide du litige et pour un emploi rationnel des ressources affectées aux procès.

(Canada (Citoyenneté et Immigration) c Megally, 2008 CF 743 au para 5 ; voir aussi UHA Research Society c Canada (Procureur général), 2014 CAF 134).

[19] La politique de la Cour en ce qui concerne les demande d’ajournements était expliqué de façon clair dans une Avis à la Communauté Juridique datée le 8 mai 2013 :

La Cour fédérale fonctionne selon un système de dates fixes garanties. Lorsque la Cour a fixé une date pour un procès ou pour une audience, elle s’attend à ce que les parties soient en mesure de procéder à cette date. Les ajournements occasionnent des inconvénients et des frais. Les ressources de la Cour ne sont pas utilisées de façon efficace, parce que souvent, il n’y a plus suffisamment de préavis pour qu’une audience pour une autre instance soit fixée en remplacement de l’audience ajournée.

[20] En l’espèce, la Cour est d’avis que l’avocat du demandeur, Me Koné, a manqué, de façon flagrante, à ses obligations envers son client et envers la Cour. Me Koné n’a pas répondu aux courriels de l’avocate du défendeur et ni aux demandes répétées de l’agent du greffe pour qu’il confirme qu’il assistera à l’audience. Bien qu’il était informé de la date de l’audience depuis le 24 janvier 2022, Me Koné n’a pas pris les mesures nécessaires afin de pouvoir assister à l’audience. De plus, le fait que l’audience soit virtuelle lui offrait la possibilité de respecter ses obligations professionnelles même s’il se trouvait à l’extérieur du pays. Il n’avait qu’à cliquer sur un lien Zoom transmis par l’agent du greffe pour rejoindre l’audience par vidéoconférence, mais il ne l’a pas fait et n’a offert aucune explication pour justifier son absence.

[21] Pour l’ensemble de ces motifs, la Cour a rejeté la demande de remise de l’audience soumise tardivement.

[22] Je note que la stagiaire en droit de Me Koné a assisté à l’audience, mais qu’elle n’était pas en mesure de faire les représentations pour le demandeur. J’ai souligné à l’audience, et je répète ici que mes commentaires sur le manque de professionnalisme de Me Koné n’est pas une critique envers les actions de la stagiaire, qui a répondu de façon professionnelle et appropriée aux demandes de l’agent du greffe. Il faut ajouter que l’avocate pour le défendeur a rempli ses obligations d’une façon professionnelle aussi.

[23] Ceci étant dit, je vais traiter le fond de la demande de contrôle judiciaire fondée sur les représentations écrites déposées par Me Koné au nom du demandeur, ainsi que les représentations écrites et orales du défendeur.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[24] La seule question en litige soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

[25] La norme de contrôle qui s’applique pour la révision d’une décision de la SAR et celle de la décision raisonnable (Sadiq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 430 au para 32 ; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 13, 24, 30 ; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Postes Canada] au para 28).

[26] En résumé, suivant le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov, la cour de révision qui procède à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit « examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et […] déterminer si la décision est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes » (Postes Canada au para 2). Il incombe au demandeur de convaincre la Cour que « la lacune ou la déficience [invoquée] […] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, au para 100, cité avec approbation dans Postes Canada, au para 33).

IV. Analyse

[27] Le demandeur soutient qu’il craint de retourner au Cameroun pour trois raisons : les menaces à sa vie de son frère aîné ; les menaces de sa famille en raison de la fausse rumeur propagée par son frère voulant qu’il soit homosexuel ; et le risque de persécution par les autorités camerounaises et par la population générale lié au fait qu’il serait perçu comme un homosexuel. La SAR a accepté le récit du demandeur, mais a convenu qu’il avait une PRI viable à Yaoundé.

[28] L’analyse de la SAR portant sur la motivation et les moyens des agents persécuteurs est raisonnable. La SAR a conclu que le demandeur avait établi que son frère et les autres membres de sa famille avaient la motivation de tenter de le retracer, mais n’a pas été convaincu qu’ils avaient les moyens pour le faire. Il n’y a aucune preuve au dossier des connexions entre sa famille immédiate et les membres de sa famille élargie qui habitent à Yaoundé. Il n’y a aucune preuve que sa famille immédiate a des liens avec les autorités, ou qu’il existait d’autres moyens qu’ils pourraient utiliser pour le localiser dans une aussi si grande ville que Yaoundé. L’analyse de la SAR sur ce point est claire et reflète l’application du test établi par la jurisprudence. L’analyse de ce point est raisonnable.

[29] Par contre, la SAR n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants se trouvant au dossier dans son analyse des risques de persécution par les autorités camerounaises et la population en général, soit la preuve soumise par le demandeur et la preuve documentaire objective se trouvant dans le Cartable national de documentation (CND) auquel la SAR fait référence dans les motifs de sa décision.

[30] La SAR commence son analyse en abordant la situation des minorités sexuelles au Cameroun. La SAR a reconnu que « la situation des minorités sexuelles et de genre au Cameroun est particulièrement difficile, notamment puisque l’homosexualité est illégale et n’est pas acceptée par une partie importante de la population » (Décision SAR au para 9). Cette conclusion est amplement appuyée par la preuve, notamment dans la Réponse aux demandes d’information de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada citée par la SAR trouvée dans le CND du 16 avril 2021 sur le Cameroun, à l’onglet 6.1, intitulée « Information sur la situation des minorités sexuelles et de genre, y compris sur les lois, le traitement réservé par les autorités et la société, la protection offerte par l’État et les services de soutien (2017 — août 2020) ».

[31] Cependant, la SAR a poursuivi son analyse en ajoutant ce qui suit : « Par contre, puisque l’appelant affirme qu’il n’est pas homosexuel, il devrait pouvoir bénéficier de la protection des autorités si jamais il devait connaître des ennuis découlant de fausses impressions que d’autres pourraient avoir » (Décision SAR au para 9).

[32] Il n’y a pas de preuve au dossier démontrant que les autorités camerounaises auraient connaissance de la rumeur propagée par le frère du demandeur voulant qu’il soit homosexuel. Toutefois, le demandeur a témoigné qu’il craignait d’être perçu ainsi et a expliqué le fondement de sa crainte. Dans ses soumissions devant la SAR, le demandeur a affirmé qu’il serait « très facile de faire croire [qu’il] est homosexuel compte tenu de son profil de jeune célibataire de 26 ans sans enfant, bien éduqué et bien portant ».

[33] De plus, dans son témoignage devant la SPR, le demandeur a décrit que la relation entre lui et sa cousine, avec qui il était très proche auparavant, s’est détériorée après qu’elle ait entendu la rumeur, et après qu’elle ait vu des images de lui avec les oreilles percées. Il affirme que la rumeur propagée par son frère a été crue par sa famille en partie à cause de ses oreilles percées. Selon lui, ce préjugé envers lui est une indication de l’attitude de la plupart des Camerounais envers les minorités sexuelles, et est établie dans le document cité par la SAR provenant du CND sur le Cameroun cité ci-dessus. Le demandeur affirme également que c’est suffisant pour démontrer que sa crainte est réelle et est basée sur des éléments de preuve.

[34] La SAR doit examiner la situation du demandeur et les risques auxquels il ferait face advenant un retour dans son pays natal en tenant compte des différences culturelles et juridiques entre le Canada et le Cameroun. La SAR est tenue aussi de prendre en considération la preuve documentaire objective se trouvant dans le CND concernant l’attitude de la police camerounaise envers les minorités sexuelles. C’est l’absence d’une telle analyse qui est le nœud du problème de la décision de la SAR.

[35] La SAR a conclu que le demandeur « devrait pouvoir bénéficier de la protection des autorités si jamais il devait connaître des ennuis découlant de fausses impressions que d’autres pourraient avoir » sur son orientation sexuelle (Décision de la SAR au para 9). Cette conclusion n’est pas étayée par le document du CND que la SAR a cité dans la décision. En ce qui concerne l’attitude des autorités envers les minorités sexuelles, la preuve documentaire objective indique que :

  1. Des « arrestations et poursuites se font sur la base de soupçons […] [et sont] “régulièrement basées sur la dénonciation d’un voisin ou d’un inconnu [et] les stéréotypes tels que les habillements et les démarches rentrent dans les preuves de l’accusation de pratiques homosexuelles” » (p. 3) ;
  2. « des minorités sexuelles sont la cible de harcèlement de la part de la police et des gendarmes […] en 2016, la police aurait été responsable de 67 cas d’extorsion et de chantage liés à l’orientation sexuelle, réelle ou présumée […] [et] les minorités sexuelles ne peuvent pas s’adresser à la police si elles sont victimes de violations, car même si ce sont elles les plaignants [sic], une fois que l’orientation sexuelle est portée à la connaissance des enquêteurs, les victimes deviennent coupables et lorsqu’elles ne sont pas victimes d’arnaques de la part des officiers de police judiciaire, le motif de la plainte est transformé en “homosexualité” et elles sont incarcérées » (p. 4) ; et
  3. diverses organisations au Cameroun « offrent […] l’accompagnement juridique aux personnes impliquées dans les procédures judiciaires du fait de leur orientation sexuelle supposée ou réelle […] » (p. 10).

[36] La SAR a fait référence à ce document provenant du CND dans ses motifs pour soutenir son analyse de la situation des minorités sexuelles au Cameroun, mais elle n’a pas fait référence à ces passages qui contredisent sa conclusion sur la possibilité du demandeur d’obtenir la protection des autorités s’il est perçu comme homosexuelle. Compte tenu de la crainte du demandeur et du témoignage qu’il a rendu sur le fondement de la crainte, il n’était pas raisonnable pour la SAR de rejeter l’appel sans analyser la preuve concernant l’attitude générale et les actions des autorités camerounaises envers les minorités sexuelles.

[37] La crainte d’être perçu comme homosexuel au Cameroun est un élément essentiel de la plainte du demandeur et l’absence d’analyse de la preuve soumise par le demandeur et de la preuve documentaire objective se trouvant dans le CND rend la décision de la SAR déraisonnable.

[38] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, car une conclusion de la SAR portant sur un élément central de la plainte du demandeur n’est pas justifiée et manque de transparence.

[39] Les parties n’ont pas soulevé de question à certifier, et la Cour est d’accord que le présent dossier ne soulève aucune question à certifier.

 


JUGEMENT au dossier IMM-3466-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de la Section d’appel des réfugiés datée du 3 mai 2021 est annulée.

  3. L’affaire est renvoyée à la Section d’appel des réfugiés pour une nouvelle détermination par un tribunal différemment constitué.

  4. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3466-21

INTITULÉ :

DIMITRI HARDING TCHUIEKOU TCHOUASSI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 AVRIL 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

PENTNEY J.

DATE DES MOTIFS :

LE 13 juin 2022

COMPARUTIONS :

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Annie Flamand

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Kone Moriba Alain Koné

Avocat

Montréal, Québec

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal, Québec

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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