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Date : 20220628

Dossier : IMM-4193-21

Référence : 2022 CF 962

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 28 juin 2022

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

MANOMANI SELVAJOTHY KADIRAVELUPILLAI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 4 juin 2021 par un agent principal en application du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Elle demande à la Cour d’annuler la décision de l’agent au motif qu’elle est déraisonnable au regard des principes énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.

[1] Pour les motifs qui suivent, la demande sera accueillie.

I. Les faits et les événements à l’origine de la demande

[2] La demanderesse est une citoyenne du Sri Lanka âgée de 59 ans. Sa vie a été radicalement bouleversée par la mort de son mari et de ses deux fils. Son fils aîné a été tué en 1993, à l’âge de huit ans, pendant qu’il traversait la rue au Sri Lanka. À cette époque, la demanderesse était à l’extérieur du pays au Koweït, où elle travaillait, et son fils avait été confié à des membres de la famille. Ces derniers ne lui ont pas immédiatement dit ce qui s’était passé. Ils ont plutôt demandé à un moine d’aller la voir pour lui faire part de l’incident, environ deux mois plus tard.

[3] Environ deux ans plus tard, le mari de la demanderesse s’est enlevé la vie, incapable d’accepter la perte de son fils.

[4] Le fils cadet de la demanderesse est décédé de la leucémie en 2003, après une année passée à l’hôpital, à l’âge de 13 ans. À cause des règles de l’hôpital, la demanderesse n’a pu être à son chevet lorsqu’il est décédé.

[5] En 2009, la demanderesse a quitté le Sri Lanka pour travailler à Chypre comme aide familiale résidente. Ce travail l’a aidée à échapper aux souvenirs quotidiens de la perte de sa famille.

[6] Le 4 juillet 2015, la demanderesse est venue au Canada pour devenir aide familiale résidente à Winnipeg. Son nouvel employeur avait présenté une étude d’impact sur le marché du travail (l’EIMT), qui avait été approuvée en mars 2014. Elle a travaillé pour cet employeur pendant quelques mois, jusqu’à ce que le patient n’ait plus besoin de ses services. Par la suite, le cousin de la demanderesse, qui vivait lui aussi à Winnipeg, l’a soutenue financièrement.

[7] En octobre 2017, la demanderesse s’est trouvé un nouvel emploi comme aide familiale résidente. Une EIMT a été approuvée en juin 2017 pour une période de deux ans. La demanderesse a toutefois été victime d’exploitation financière. Son employeur ne l’a pas payé correctement entre novembre 2017 et juillet 2018. Son salaire ne lui était pas versé régulièrement, et elle faisait des heures supplémentaires et travaillait les fins de semaine sans être rémunérée en conséquence. Finalement, elle a dû porter plainte au gouvernement provincial, qui a conclu qu’on lui devait une somme d’environ 36 500 $. Elle a tenté de demander un statut au Canada dans le cadre de programmes gérés par le gouvernement provincial, mais n’a pas été en mesure de réussir le test de langue.

[8] En décembre 2020, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR. La décision défavorable de l’agent fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire en l’espèce.

[9] L’agent a examiné la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en fonction des facteurs suivants : l’établissement au Canada, l’intérêt supérieur des enfants, l’état de santé, les difficultés liées au retour au Sri Lanka ainsi que les conditions défavorables dans le pays.

[10] Devant notre Cour, la demanderesse soulève les questions générales suivantes pour contester le caractère raisonnable de la décision :

  • l’agent a commis une erreur dans l’appréciation de son état de santé;

  • l’agent n’a pas examiné convenablement l’ensemble de la preuve qu’elle avait présentée.

[11] La demanderesse soulève également la question de l’équité procédurale.

II. Analyse

A. Les principes de droit

[12] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable : Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909 au para 44.

[13] La norme de la décision raisonnable est décrite dans l’arrêt Vavilov. Le contrôle selon cette norme consiste en un examen empreint de déférence et rigoureux de la question de savoir si la décision administrative est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 12‑13 et 15. Le contrôle effectué par la Cour s’intéresse au raisonnement suivi et au résultat : Vavilov, aux para 83 et 86.

[14] La cour de révision se penche d’abord sur les motifs du décideur, qui doivent être interprétés de façon globale et contextuelle, en corrélation avec le dossier dont disposait ce dernier : Vavilov, aux para 84, 91‑96, 97 et 103; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes, 2019 CSC 67 aux para 28‑33. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, plus particulièrement aux para 85, 99, 101, 105‑106 et 194.

[15] Le paragraphe 25(1) de la LIPR confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de dispenser un étranger du respect des exigences habituelles de la loi et de lui accorder le statut de résident permanent au Canada s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire le justifient. Le pouvoir discrétionnaire fondé sur les considérations d’ordre humanitaire que prévoit le paragraphe 25(1) se veut donc une exception souple et sensible à l’application habituelle de la LIPR, visant à mitiger la sévérité de la loi selon le cas : Kanthasamy, au para 19.

[16] Le pouvoir discrétionnaire conféré au paragraphe 25(1) doit être exercé de manière raisonnable. Les agents appelés à se prononcer sur l’existence de considérations d’ordre humanitaire doivent véritablement examiner tous les faits et les facteurs pertinents portés à leur connaissance et leur accorder du poids : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 74‑75; Kanthasamy, aux para 25 et 33.

B. La décision de l’agent concernant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était‑elle déraisonnable?

[17] L’issue de la demande en l’espèce repose sur la question de savoir si l’évaluation de l’agent de « l’état de santé » de la demanderesse était raisonnable, notamment si elle respectait les normes juridiques imposées par l’arrêt Kanthasamy de la Cour suprême et par les décisions de notre Cour concernant l’évaluation de la preuve sur la santé mentale dans des demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire.

[18] L’agent a reconnu que la demanderesse avait [traduction] « connu un passé douloureux, ayant perdu ses deux fils et son mari de manière très traumatisante ». Après avoir décrit la perte de sa famille immédiate, l’agent a conclu que la demanderesse s’était retrouvée veuve et sans famille et que, « à ce jour, elle était toujours en deuil ».

[19] L’agent a conclu que la demanderesse avait rencontré un thérapeute, qui avait diagnostiqué chez elle divers symptômes de trouble de stress post‑traumatique (TSPT). Il a fait remarquer que le thérapeute avait affirmé que son renvoi du Canada [traduction] « exacerberait ses symptômes puisque son retour au pays raviverait ses souvenirs ». Toutefois, l’agent a conclu que le thérapeute avait indiqué que les symptômes ne perturbaient pas ses activités quotidiennes et que des lettres de soutien indiquaient qu’elle était en mesure de mener « une vie normale et faire son travail efficacement malgré ses symptômes ». Selon l’agent, rien n’indiquait que la demanderesse recevait actuellement des soins ou qu’elle en aurait besoin pour traiter ses symptômes, ni que ces soins ne seraient pas offerts dans son pays d’origine. L’agent a conclu que « l’obligation de quitter le Canada entraînera inévitablement des difficultés, mais le fait que la demanderesse estime que le Canada est un endroit plus agréable pour vivre que le Sri Lanka n’est pas déterminant quant à l’issue d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ». L’agent a donc accordé « peu de poids à ce facteur ».

[20] Plus loin, dans la section concluant ses motifs, l’agent a résumé son évaluation de la question :

[traduction]
La demanderesse a également enduré beaucoup de traumatismes émotionnels dans son pays d’origine. Elle a perdu ses deux enfants et son mari en très peu de temps. En conséquence, elle a montré des signes de TSPT selon l’évaluation de son thérapeute. Elle est toutefois en mesure de mener ses activités quotidiennes, comme travailler, faire du bénévolat et aller à l’église. Au vu de la preuve au dossier, la demanderesse ne reçoit aucun soin pour traiter son TSPT. Il n’est pas clair quelles seraient les conséquences pour la demanderesse si elle retournait dans son pays d’origine étant donné qu’elle ne reçoit aucun soin constant ici pour traiter sa maladie. Par conséquent, j’accorde peu de poids à ce facteur.

[21] Dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême a examiné les questions soulevées dans une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire concernant un diagnostic de TSPT et la question de savoir si l’agente avait adéquatement tenu compte des conséquences du renvoi au Sri Lanka. Les juges majoritaires de la Cour ont conclu, aux paragraphes 46 à 49, que l’agente avait indûment limité son pouvoir discrétionnaire dans son analyse des conséquences d’un renvoi au Sri Lanka sur la santé mentale de M. Kanthasamy. La Cour a conclu que l’agente avait fait abstraction du diagnostic et du préjudice subi par M. Kanthasamy au Sri Lanka, notamment en exigeant une preuve supplémentaire quant à savoir s’il avait ou non cherché à obtenir des soins au Canada, ou quant aux soins qui existaient ou non au Sri Lanka. La Cour a conclu qu’une fois que l’agente avait reconnu le diagnostic, exiger en sus la preuve de l’existence de soins au Canada ou au Sri Lanka, « met à mal le diagnostic » et a l’effet discutable d’en faire « un facteur conditionnel plutôt qu’important » dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire.

[22] Dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême a également conclu que « le fait même que Jeyakannan Kanthasamy verrait, selon toute vraisemblance, sa santé mentale se détériorer s’il était renvoyé au Sri Lanka constitue une considération pertinente qui doit être retenue puis soupesée, peu importe la possibilité d’obtenir au Sri Lanka des soins susceptibles d’améliorer son état » : Kanthasamy, au para 48. Devant notre Cour, voir Mitchell c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 87 au para 9; Montero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 776 aux para 27‑29; Rainholz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 121 au para 46; Sanabria c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1076 au para 43; Febrillet Lorenzo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 925 au para 22; Esahak-Shammas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 461 au para 26; Sitnikova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1081 aux para 28‑30; Jang c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 996 aux para 31‑32.

[23] En l’espèce, l’agent a admis les faits qui ont principalement mené la demanderesse à solliciter une dispense pour considérations d’ordre humanitaire (la perte de sa famille immédiate au Sri Lanka) – que l’agent a qualifié deux fois de [traduction] « traumatisants ». L’agent a conclu qu’elle était toujours en deuil. De plus, il a pris acte de la déclaration de son thérapeute selon laquelle elle montrait des symptômes de TSPT et que son renvoi du Canada « exacerberait ses symptômes puisque son retour au pays raviverait [l]es souvenirs » de la perte de son mari et de ses fils.

[24] Toutefois, l’agent a conclu que [traduction] « rien dans le dossier n’indiqu[ait] que la demanderesse recevait actuellement des soins ou qu’elle en aurait besoin pour traiter ses symptômes, ni que ces soins ne seraient pas offerts dans son pays d’origine ». Plus loin dans ses motifs, l’agent a souligné qu’elle ne recevait aucun soin pour traiter son TSPT et a conclu qu’il n’était « pas clair quelles seraient les conséquences pour [elle] si elle retournait dans son pays d’origine étant donné qu’elle ne reçoit aucun soin constant ici pour traiter sa maladie » [non souligné dans l’original].

[25] Dans ses motifs, l’agent a donc invoqué l’absence de soins tant pour minimiser l’existence des symptômes du TSPT dont souffre la demanderesse que pour tirer la conclusion selon laquelle il n’était pas clair quelles seraient les conséquences pour elle d’un retour au Sri Lanka. Ce faisant, l’agent a commis une erreur puisqu’il avait reconnu que la demanderesse souffrait actuellement de symptômes du TSPT : Kanthasamy, au para 47; Rainholz, au para 68; Sitnikova, au para 30; Apura, au para 28; A.B. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 498 au para 92.

[26] De plus, l’ensemble de la preuve examinée par l’agent se rapportait à la situation de la demanderesse au Canada, plutôt qu’à ce qui arriverait si elle retournait au Sri Lanka. L’agent a tenu compte de la capacité de la demanderesse à mener ses activités quotidiennes (comme travailler à l’entreprise de nettoyage, faire du bénévolat et aller à l’église) et à vivre « une vie normale » – toutes des activités qui concernaient sa vie au Canada. Toutefois, l’agent aurait dû tenir compte des conséquences d’un retour au Sri Lanka sur ses symptômes de TSPT, soit à l’endroit même où elle a vécu des événements traumatisants qui ont mené à ses symptômes. Dans son évaluation de l’état de santé de la demanderesse, l’agent n’a pas examiné la preuve et n’a tiré aucune conclusion sur cette question fondamentale.

[27] Dans son raisonnement, l’agent a ensuite minimisé les symptômes de TSPT de la demanderesse en affirmant qu’elle désirait simplement rester au Canada. À mon sens, ce commentaire était illogique et n’avait aucun rapport avec l’évaluation des conséquences de son renvoi au Sri Lanka sur sa santé mentale.

[28] Enfin, dans son résumé, l’agent a affirmé que l’effet d’un renvoi n’était pas clair, mais, comme je l’ai déjà dit, ce raisonnement était vicié puisque contraire à l’arrêt Kanthasamy.

[29] Le défendeur a fait valoir que rien dans la preuve du thérapeute ne détaillait les conséquences d’un retour au Sri Lanka pour la demanderesse. Dans la décision Jesuthasan, l’agent avait estimé que le renvoi de Mme Jesuthasan au Sri Lanka « pourrait empirer davantage son bien‑être psychologique ». Le juge en chef a conclu que l’agent n’avait pas pris acte du fait que la santé mentale de la demanderesse pouvait « empirer » si elle retournait au Sri Lanka : Jesuthasan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 142 aux para 44-45. De plus, notre Cour a conclu que l’agent peut tirer des conclusions raisonnables d’un rapport qui soulève des problèmes de santé mentale, y compris un TSPT, et que si les répercussions au retour ne sont pas précisément analysées, l’agent peut tirer ses propres conclusions raisonnables en se fondant sur l’ensemble de la preuve : Apura c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 762 au para 29. Dans cette décision, le juge Ahmed a conclu que le défaut de l’agent de tirer ses propres conclusions était déraisonnable.

[30] En l’espèce, la décision relative à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire devrait‑elle être annulée? À mon avis, oui. Les conséquences d’un renvoi au Sri Lanka étaient essentielles à la thèse de la demanderesse dans sa demande : Vavilov, au para 128. Dans sa lettre à Immigration Canada du 5 juin 2020, la demanderesse affirmait qu’elle sollicitait une dispense pour considérations d’ordre humanitaire principalement pour éviter de vivre avec les souvenirs douloureux de ses pertes au Sri Lanka. Cette difficulté était également un facteur important dans les observations écrites de son avocat.

[31] De plus, les erreurs commises par l’agent dans son évaluation des problèmes de santé de la demanderesse étaient fondamentales à sa décision dans son ensemble de rejeter la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire : Vavilov, au para 100.

[32] Je fais également remarquer que l’agent a conclu qu’il était dans l’intérêt supérieur du très jeune enfant du cousin de la demanderesse que cette dernière reste au Canada.

[33] Dans les circonstances, l’issue de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire de la demanderesse aurait pu être différente si l’agent avait évalué les conséquences du renvoi sur sa santé mentale en suivant un raisonnement juste. Un autre agent sera chargé d’effectuer cette évaluation dans le cadre du réexamen. Cela dit, il ne faudrait pas comprendre des présents motifs que j’approuve la nouvelle décision qui sera rendue au terme du réexamen, quelle qu’elle soit.

[34] Par conséquent, je conclus que la décision était déraisonnable, compte tenu des principes de l’arrêt Vavilov et des exigences selon lesquelles il convient d’évaluer la preuve sur la santé mentale énoncées dans l’arrêt Kanthasamy et les décisions qui l’ont suivi.

[35] La décision sera annulée. En raison de cette conclusion, il m’est inutile d’examiner le reste des observations de la demanderesse.

[36] La demanderesse sollicite d’autres mesures de réparation. Elle fait valoir que la Cour devrait prendre les mesures suivantes :

  • a) accueillir sa demande de résidence permanente (demandée à l’audience seulement);

  • b) interdire son renvoi du Canada dans l’attente du réexamen de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire;

  • c) adjuger les dépens en sa faveur.

[37] Pour les motifs qui suivent, ces mesures proposées ne feront pas partie de l’ordonnance de la Cour.

[38] La demanderesse a raison de dire que la Cour est habilitée à rendre une ordonnance de la nature d’un bref de mandamus : Vavilov, aux para 139‑142. Blue c Canada (Procureur général), 2021 CAF 211 aux para 49‑51; Fono c Société canadienne d’hypothèques et de logement, 2021 CAF 125 au para 13. Toutefois, il ne convient pas en l’espèce de rendre une telle ordonnance. Le législateur a confié au ministre ou à son délégué la tâche de rendre les décisions visées au paragraphe 25(1) de la LIPR. Les circonstances de l’espèce n’exigent pas une réparation urgente, et les circonstances de la demande ne mènent pas à un résultat « inévitable » : Vavilov, au para 142.

[39] Quant à la deuxième mesure demandée, le défendeur souligne qu’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’a pas automatiquement pour effet de surseoir à la mesure de renvoi du demandeur : voir par exemple, Ledshumanan c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 1463 aux para 46 et 76. Si son renvoi est sollicité avant le prononcé de la nouvelle décision, la demanderesse peut demander un sursis à la mesure de renvoi de la manière habituelle.

[40] Enfin, aucune raison spéciale ne justifie l’adjudication de dépens au titre de l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22. Voir Amanuel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 662 au para 63; Garcia Balarezo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 841 au para 49; Dukuzeyezu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1017 aux para 37‑38.

III. Conclusion

[41] La demande est accueillie. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et aucune ne sera énoncée.

 

JUGEMENT dans le dossier IMM-4193-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est accueillie. La décision de l’agent principal datée du 4 juin 2021 est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. La demanderesse est autorisée à mettre à jour sa demande ou à la compléter au moyen d’éléments de preuve ou d’observations supplémentaires.

  1. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel au titre de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4193-21

 

INTITULÉ :

MANOMANI SELVAJOTHY KADIRAVELUPILLAI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 avril 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE A.D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 juin 2022

 

COMPARUTIONS :

David H. Davis

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brendan Friesen

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David H. Davis

Davis Immigration Law Office

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brendan Friesen

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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