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Date : 20220623


Dossier : IMM-5376-20

Référence : 2022 CF 952

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

TIGIST ASSEFA GEDA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire interjetée à l’encontre de la décision du 30 septembre 2020 par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté l’appel de la demanderesse porté contre la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR). Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la présente demande.

II. Contexte

[2] La demanderesse est une citoyenne éthiopienne âgée de 52 ans. Elle est arrivée au Canada en octobre 2017 et a demandé l’asile en décembre de la même année au motif qu’elle craignait d’être persécutée en Éthiopie en raison de ses opinions politiques réelles ou présumées.

[3] La demanderesse a affirmé qu’elle habitait à Dubaï avec sa famille en 2017 et qu’en octobre de cette même année, alors qu’elle et son mari se rendaient en Éthiopie pour visiter de la famille, les autorités aéroportuaires les ont arrêtés et détenus. En détention, la demanderesse a avoué qu’elle était membre du Parti bleu et son mari a admis son appartenance au parti Ginbot 7. Il s’agissait de deux partis d’opposition actifs en Éthiopie à l’époque. La demanderesse a été libérée après trois jours de détention. Le 18 octobre, elle s’est rendue au Canada. Le 20 octobre, elle a appris que son mari avait aussi été relâché et qu’il était rentré à Dubaï.

[4] Le 22 mai 2019, la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse en invoquant principalement la question de la crédibilité.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[5] Le 30 septembre 2020, la SAR a rejeté l’appel de la demanderesse.

[6] La SAR a commencé par refuser d’admettre une série de documents présentés par la demanderesse à titre de nouveaux éléments de preuve. Elle a examiné chacun des documents avant de conclure qu’aucun d’entre eux ne satisfaisait aux exigences énoncées au paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Compte tenu du fait qu’aucune preuve n’avait été admise, la SAR a conclu que les exigences relatives à la tenue d’une audience n’avaient pas été satisfaites non plus. Ces conclusions ne sont pas contestées.

[7] La SAR s’est ensuite penchée sur les questions soulevées en appel par la demanderesse et a énuméré celles qu’elle jugeait déterminantes, parmi lesquelles seules deux questions sont toujours contestées, notamment la crédibilité et le profil politique de la demanderesse à la lumière des changements survenus en Éthiopie depuis qu’elle a quitté le pays.

[8] La SAR a réalisé une évaluation indépendante de la preuve, notamment en visionnant l’audience devant la SPR et en examinant la décision de cette dernière, les observations écrites de la demanderesse, son formulaire Fondement de la demande d’asile, ainsi que les autres documents figurant au dossier.

[9] La SAR a conclu que la SPR avait commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse parce qu’elle avait attendu sept semaines avant de présenter sa demande d’asile. La SAR a aussi conclu que la SPR avait commis une erreur en contestant la crédibilité de la demanderesse relativement à ses échanges avec sa famille à Dubaï, des considérations que la SAR avait jugées accessoires et sans rapport avec ses opinions politiques. Encore une fois, la demanderesse ne conteste pas ces conclusions.

[10] En revanche, la SAR a souscrit aux inférences défavorables tirées par la SPR en matière de crédibilité relativement à l’absence de preuve de la détention de la demanderesse en Éthiopie. Elle a accepté la conclusion de la SPR selon laquelle les déclarations de la demanderesse sur la question de savoir si elle avait signé un document relatif aux conditions de sa mise en liberté étaient incohérentes. La SAR ne s’est pas prononcée à cet égard, mais a conclu que l’explication de la demanderesse, quant à la question de savoir pourquoi on ne lui a pas fourni de copie de ce document, à laquelle elle a répondu que cela aurait causé des problèmes à la police compte tenu de la durée de sa détention, était invraisemblable. La SAR a fait remarquer que la police éthiopienne détient et torture les personnes en toute impunité et qu’elle est peu susceptible d’avoir à répondre des tribunaux.

[11] La SAR a également convenu avec la SPR que l’explication de la demanderesse quant à la question de savoir pourquoi elle n’avait pas présenté de lettre de son mari relativement à sa détention, à laquelle elle a répondu que cela n’était pas nécessaire, était déraisonnable. Elle n’était pas d’accord avec la demanderesse pour dire que cette question était sans importance.

[12] La SAR a également souscrit à l’inférence défavorable en matière de crédibilité tirée par la SPR relativement à la documentation présentée par la demanderesse à l’appui de sa demande de visa de résident temporaire (VRT), plus précisément la lettre de soutien de sa fille datée du 29 septembre 2017. La SAR a signalé que la demanderesse avait affirmé, dans son témoignage, avoir dit à sa fille le 26 septembre 2017 qu’elle ne souhaitait plus la visiter au Canada, mais qu’elle avait changé d’avis après avoir été détenue en Éthiopie entre le 1er et le 3 octobre 2017. La SAR a conclu qu’aucune explication n’avait été présentée pour justifier la divergence dans la chronologie relative aux documents à l’appui et à son témoignage indiquant qu’elle avait dit à sa fille ne plus avoir l’intention de la visiter. Elle a conclu que la SPR avait eu raison de tirer une conclusion défavorable en matière de crédibilité pour ce motif.

[13] Enfin, en ce qui concerne le plus récent cartable national de documentation (CND) pour l’Éthiopie, la SAR a souligné qu’un nouveau premier ministre a été élu depuis que la demanderesse a quitté le pays et que les partis d’opposition auxquels la demanderesse et son mari étaient membres ont été dissous et ont fusionné avec cinq autres partis pour en former un nouveau. La SAR a signalé qu’elle avait donné à la demanderesse l’occasion de présenter des commentaires et des observations supplémentaires, ce à quoi celle‑ci a principalement répondu au moyen de documents sur la situation dans le pays selon lesquels les partis d’opposition s’exposent encore à des problèmes en Éthiopie. La demanderesse a aussi présenté une preuve selon laquelle elle a participé à une manifestation d’opposition à Toronto en novembre 2019.

[14] La SAR a fait remarquer que rien ne prouvait que la demanderesse est membre du parti Citoyens éthiopiens pour la justice sociale (EZEMA), qui a remplacé son ancien parti. Elle a aussi conclu que la participation de la demanderesse à une manifestation d’opposition au Canada ne suffisait pas pour indisposer les autorités éthiopiennes.

[15] La SAR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, et compte tenu du profil politique discret de la demanderesse ainsi que de ses problèmes de crédibilité, elle ne risquait pas sérieusement d’être persécutée et n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger. La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision au titre de l’article 72 de la Loi.

IV. Questions en litige et analyse

[16] La seule question en litige dans le cadre du présent contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision était raisonnable. La Cour qui effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable examine de près la décision du décideur pour établir si elle possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si elle est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 99). Les lacunes ou insuffisances ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, et la cour doit être convaincue qu’elles sont suffisamment capitales ou importantes pour rendre la décision déraisonnable (Vavilov, au para 100).

[17] La demanderesse soutient que la décision était déraisonnable pour trois motifs. Premièrement, parce que la SAR a très mal interprété la preuve lorsqu’elle a confirmé les conclusions de la SPR en matière de crédibilité. Deuxièmement, parce que l’absence de preuve corroborante de son mari concernant sa détention en Éthiopie n’aurait pas dû être retenue contre elle. Troisièmement, parce que la SAR a surestimé le changement de circonstances survenu en Éthiopie, qui s’est avéré de courte durée et superficiel. J’examinerai chacun de ces arguments à tour de rôle.

[18] La demanderesse avance un quatrième argument, soit que la SAR n’a pas examiné la preuve dans son ensemble et que, si elle l’avait fait, elle aurait conclu que sa crainte de persécution était bien fondée. Je ne vois aucune raison de conclure que la SAR n’a pas examiné la preuve dans son ensemble, et je ne suis pas disposé à soupeser de nouveau le bien-fondé de l’appel comme la demanderesse m’invite à le faire dans la cadre du présent contrôle judiciaire. Je n’en dirai pas plus sur ce point.

A. Conclusions en matière de crédibilité

[19] La demanderesse cite des extraits des transcriptions de son témoignage (DD, aux p 39 et 43-44/331) pour avancer qu’elle n’a fait aucune déclaration incohérente au sujet des documents qu’elle a signés relativement aux conditions de sa mise en liberté, et que la SAR a mal compris la preuve en parvenant à une autre conclusion. Selon la demanderesse, les transcriptions partielles indiquent clairement qu’elle a toujours affirmé avoir signé un document par lequel elle acceptait les conditions de sa mise en liberté, mais qu’on ne lui avait pas remis une copie papier.

[20] Comme je l’ai déjà mentionné, la SAR, contrairement à la SPR, n’a pas fondé sa conclusion en matière de crédibilité sur la question de savoir si la demanderesse avait fait des déclarations contradictoires. Dans une section de la décision portant sur l’absence de preuve quant à la détention de la demanderesse, la SAR a plutôt commenté l’invraisemblance de son explication à savoir pourquoi on ne lui a pas remis une copie du document qu’elle a signé au sujet des conditions de sa mise en liberté.

[21] En outre, la demanderesse a mentionné la preuve figurant dans son dossier, qui est fondée sur la réponse à la demande d’information du 3 février 2017 de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, selon laquelle les rapports de police ne sont pas fournis. Toutefois, cette preuve sur la situation dans le pays concerne les rapports de police relatifs à la perpétration de crimes et aux poursuites intentées contre ceux‑ci. La situation en cause découlait des préoccupations de la SAR quant à la vraisemblance de l’explication de la demanderesse selon laquelle la police ne lui avait pas remis de document énonçant les conditions de sa mise en liberté. Il s’agit d’une question différente, et la réponse à la demande d’information est sans rapport avec celle‑ci.

[22] En fin de compte, la demanderesse ne m’a pas convaincu que la conclusion de la SAR en matière de vraisemblance, qui porte sur la raison pour laquelle elle n’était pas en mesure de présenter un document précisant les conditions de sa mise en liberté, était déraisonnable. Par conséquent, puisque la conclusion de la SAR quant à la vraisemblance est justifiée et transparente, et qu’il lui était loisible de conclure ainsi, (Jean c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 838 au para 17) je ne vois aucune raison de m’en écarter.

[23] En ce qui concerne la date de la lettre d’invitation de la fille de la demanderesse, soit le 29 septembre 2017, cette dernière cite encore une fois son témoignage (DD, aux p 42/133) et signale que, bien qu’elle ait affirmé avoir décidé de ne pas venir au Canada autour du 26 septembre, on ne lui a pas demandé à quel moment elle a communiqué cette décision à sa fille. Par conséquent, elle soutient que la SAR a tiré sa conclusion en matière de crédibilité à cet égard sans tenir compte de la preuve, et que la conclusion devrait être annulée. Je ne suis pas d’accord.

[24] L’extrait partiel de la transcription indique clairement la question et la réponse suivantes, données au cours du témoignage de la demanderesse devant la SPR :

[traduction]

Commissaire - Parce que votre fille a envoyé un affidavit le 29 septembre 2017 dans lequel elle vous demandait de venir au Canada

Demanderesse - Oui, c’est ce qu’elle a fait, mais je lui ai dit que je ne venais pas. J’avais du travail, j’avais du travail à faire en Éthiopie

(Transcription partielle, dossier de la demanderesse, à la p 41.)

[25] Il était logique et raisonnable pour la SPR et la SAR de conclure que la demanderesse avait annoncé sa décision de ne pas venir au Canada à sa fille avant sa détention, précisément parce qu’elle a aussi affirmé, dans son témoignage, que c’est à ce moment‑là qu’elle a de nouveau changé d’avis et décidé de fuir vers le Canada. Par conséquent, il était également raisonnable pour la SAR de s’intéresser à la date de l’affidavit de la fille, lequel a été préparé et envoyé quelques jours après que sa mère lui aurait annoncé qu’elle ne viendrait pas. Cette préoccupation était justifiée en l’absence d’explication raisonnable.

[26] Je souscris à la conclusion de la SAR selon laquelle il ne s’agissait pas d’une question mineure, puisque la demande d’asile de la demanderesse reposait sur le fait qu’elle avait recouru à son visa de visiteur pour fuir l’Éthiopie.

[27] À la lumière de ce qui précède, je conclus que les deux conclusions de la SAR en matière de crédibilité sont raisonnables.

B. Corroboration de la preuve

[28] La demanderesse conteste aussi la conclusion de la SAR concernant l’absence de preuve corroborante relative à sa détention ou à celle de son mari en Éthiopie. La SAR a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que le mari de la demanderesse présente une lettre à l’appui de la demande de sa femme et que, compte tenu du fait que celle‑ci était représentée par un avocat, son explication selon laquelle elle jugeait que cela n’était pas nécessaire n’était simplement pas raisonnable.

[29] En se fondant sur la présomption de véracité inhérente au témoignage sous serment et sur le principe selon lequel il n’existe aucune exigence générale de corroboration (Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 162, la demanderesse soutient que la SAR a commis une erreur en lui imposant une telle exigence en l’absence de motifs valables de mettre en doute sa crédibilité.

[30] Je ne suis pas d’accord dans la mesure où j’ai conclu que les conclusions défavorables de la SAR en matière de crédibilité, à savoir i) l’incapacité de la demanderesse à expliquer la chronologie relative à la lettre d’appui de sa fille; ii) la conclusion relative à la vraisemblance concernant le document qu’elle a signée sur sa mise en liberté, sont raisonnables. Compte tenu de ces conclusions défavorables en matière de crédibilité, la SAR n’a donc pas tiré de telles conclusions en se fondant uniquement sur l’absence de preuve corroborante. Elle aurait commis une erreur si elle avait agi ainsi (Chen, au para 28) puisque, comme l’a souligné le juge Grammond dans la décision Senadheerage c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 968 [Senadheerage] au para 26), citant Ortega Ayala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 611 au para 20, l’absence de corroboration ne doit pas « justifie[r] l’absence de crédibilité ».

[31] Cependant, en l’espèce, il était raisonnable pour le tribunal de tirer une conclusion défavorable en raison de l’absence de preuve corroborante du mari, qui aurait été emprisonné et dont l’allégeance politique constituait aussi l’un des fondements de la demande de la demanderesse. Il en est ainsi parce que la SAR i) a clairement établi deux motifs indépendants pour mettre en doute la crédibilité de la demanderesse (comme je l’ai mentionné au précédent paragraphe); ii) a conclu qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il y ait corroboration et que, après avoir été invitée à le faire, la demanderesse a omis de donner une explication raisonnable pour ne pas avoir pu l’obtenir (Senadheerage, au para 36).

[32] La décision de la SAR quant à savoir si la preuve est suffisante pour étayer la demande de la demanderesse constitue un jugement au cas par cas à l’égard duquel il faut faire preuve d’une grande retenue en contexte de contrôle judiciaire (Magonza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 14 aux para 33-35). Pour ces motifs, il était loisible à la SAR d’exiger une preuve corroborante relative à la détention de la demanderesse en Éthiopie ou, du moins, une explication raisonnable pour justifier l’absence d’une telle preuve. Puisque la demanderesse n’a fait ni l’un ni l’autre, il était loisible à la SAR de conclure comme elle l’a fait. C’est particulièrement vrai compte tenu du fait que la preuve donne à penser qu’au moment de la procédure, le mari était rentré à Dubaï et qu’il ne courrait donc aucun risque en appuyant la demande de sa femme.

C. Situation en Éthiopie

[33] Finalement, la demanderesse conteste l’évaluation réalisée par la SAR concernant la situation dans le pays et soutient que, peu importe les changements qui seraient survenus en Éthiopie, ils ne satisfont pas au critère permettant d’annuler une demande dont le bien-fondé a été établi par le passé. À l’appui de son argument, elle se fonde sur les directives de la Cour au sujet du critère à appliquer en cas de changements dans la situation du pays : i) le changement doit être d’une importance politique substantielle; ii) il doit y avoir lieu de croire que le changement politique substantiel est vraiment efficace; iii) on doit prouver que le changement de circonstances est durable (Winifred c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 827 aux para 31-32).

[34] La demanderesse soutient que, puisqu’elle a présenté une preuve abondante selon laquelle ce critère ne peut être satisfait en ce qui concerne l’Éthiopie, et qu’elle a démontré que le gouvernement a connaissance de ses opinions politiques dissidentes et du fait qu’elle a enfreint les conditions de sa mise en liberté en venant au Canada, la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte du risque qu’elle soit de nouveau détenue à son retour au pays.

[35] Je ne suis pas d’accord avec la demanderesse en ce qui concerne ces observations sur la situation dans le pays, et je formule deux remarques à cet égard. Premièrement, comme le signale le défendeur, aucune demande dont le bien-fondé a déjà été établi n’a été présentée. La SPR et la SAR ont conclu que la demanderesse manquait de crédibilité et n’avait pas établi le bien-fondé de sa demande.

[36] Deuxièmement, la SAR a expressément mentionné la preuve de la demanderesse selon laquelle il y a des problèmes persistants en Éthiopie et que les partis d’opposition ne peuvent exercer leurs activités librement. Il ressort clairement de cette observation que la SAR était bien consciente du fait que, même si certains changements étaient survenus dans la situation politique en Éthiopie, sa conclusion relative au risque que la demanderesse y soit persécutée n’était pas fondée sur une constatation selon laquelle des changements substantiels, efficaces et durables avaient été réalisés dans le pays, de telle sorte que les dissidents politiques n’y sont plus persécutés.

[37] Cependant, la SAR a bien examiné le risque que la demanderesse attire l’attention des autorités. Ce faisant, elle a tenu compte du rôle minime que la demanderesse a joué au sein d’un parti qui n’existe plus, auquel s’ajoutent l’absence de preuve quant à son appartenance ou sa participation à un parti d’opposition existant, sa participation à une seule manifestation au Canada, ainsi que les questions de crédibilité que j’ai déjà abordées. Compte tenu de tout ce qui précède, la SAR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse ne risquait pas sérieusement d’être persécutée dans son pays d’origine.

[38] Je conviens que la détention antérieure de la demanderesse et le fait qu’elle a enfreint les conditions de sa mise en liberté en Éthiopie auraient constitué des considérations pertinentes pour parvenir à une telle conclusion. Ces faits étaient au centre de l’examen de la SAR relatif à la crédibilité de la demanderesse. Par conséquent, et compte tenu du fait que la SAR a expressément mentionné la question de la crédibilité pour arriver à sa conclusion relative au profil de risque faible de la demanderesse, je ne puis souscrire à l’affirmation de cette dernière selon laquelle ces risques n’ont pas été pris en considération.

[39] Je conclus donc que la décision de la SAR est justifiée, transparente et intelligible à la lumière du dossier dont elle disposait.

V. Conclusion

[40] Pour ces motifs, je conclus que la décision est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-5376-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5376-20

 

INTITULÉ :

TIGIST ASSEFA GEDA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 juin 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 juin 2022

 

COMPARUTIONS :

Daniel Tilahun Kebede

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Alex C. Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The Law Office of Daniel Tilahun Kebede

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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