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Date : 20220630


Dossier : IMM‑4485‑21

Référence : 2022 CF 972

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2022

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

ZORAN LALIC

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] M. Zoran Lalic (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent (l’agent) a rejeté sa demande de résidence permanente présentée depuis le Canada pour considérations d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2] Le demandeur est un citoyen de la Croatie. Il est entré au Canada en 1987 en tant que demandeur d’asile. Sa demande d’asile a été rejetée en 1988. Il est demeuré au Canada depuis 1987.

[3] En 1992, le demandeur a présenté une demande de statut au Canada dans le cadre du programme de mesures spéciales pour la Yougoslavie du ministre (le programme spécial), un programme spécial pour le réétablissement de ressortissants de l’ancienne Yougoslavie.

[4] En annexe à l’affidavit qu’il a présenté à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a joint, en tant que pièce, l’affidavit qu’il avait présenté dans le cadre de sa demande de dispense pour considérations d’ordre humanitaire. L’affidavit présenté en pièce jointe a été souscrit le 26 mars 2021. Dans cet affidavit, le demandeur a déclaré qu’on lui avait dit, en 1994, que sa demande présentée dans le cadre du programme spécial ne pouvait être retrouvée. Il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Lorsque j’ai parlé avec l’agente au sujet de ma demande de résidence permanente en suspens, elle a affirmé qu’il n’y avait aucune trace de la demande de résidence permanente présentée dans le cadre du programme de mesures spéciales pour la Yougoslavie.

Après lui avoir montré la lettre que j’avais reçue de Vegreville et après qu’elle a reconnu que les autorités de l’Immigration avaient en effet perdu ma demande, l’agente m’a donné les formulaires pertinents pour la présentation d’une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des considérations d’ordre humanitaire.

Ce que j’ai compris, c’est que l’on m’offrait un autre moyen d’y parvenir en raison de l’erreur commise relativement à la demande que j’avais présentée dans le cadre du programme de mesures spéciales pour la Yougoslavie.

[5] Selon les renseignements qu’il a obtenus au moyen d’une demande d’accès à l’information présentée en 2016 (la demande d’accès), le demandeur a appris qu’aucune décision n’avait été rendue quant à la demande qu’il avait présentée dans le cadre du programme spécial.

[6] En 1994, le demandeur a présenté sa première demande pour considérations d’ordre humanitaire. La demande a été rejetée, car il n’a pas répondu à une demande qui lui avait été adressée dans le but d’obtenir des renseignements supplémentaires. Selon l’affidavit joint en annexe, le demandeur a déclaré que [traduction] « [i]l est possible que cette lettre ait été envoyée à une adresse où [il] n’habitait plus, ou à [s]on représentant en immigration de l’époque ».

[7] Un agent a rejeté la demande au motif que le demandeur avait [traduction] « des liens familiaux solides à l’étranger » et qu’il n’était pas [traduction] « désireux ou capable » de subvenir à ses besoins au Canada.

[8] Dans l’affidavit joint en annexe, le demandeur a déclaré que, en 1998, à la suite du rejet de la première demande pour considérations d’ordre humanitaire, il avait demandé des renseignements au sujet de sa demande présentée dans le cadre du programme de mesures spéciales pour la Yougoslavie, qui était en suspens. Il a déclaré en outre n’avoir reçu aucune autre information au sujet de cette demande présentée dans le cadre du programme spécial jusqu’à ce qu’il reçoive une réponse à sa demande d’accès à l’information en 2016.

[9] Le demandeur a appris, par une réponse qui lui a été fournie à la suite de sa demande d’accès à l’information, qu’une lettre lui avait apparemment été envoyée en 1998, laquelle l’informait qu’une recherche était [traduction] « en cours » relativement à la demande présentée et qu’il serait [traduction] « informé des résultats en temps opportun ».

[10] Le demandeur a présenté sa deuxième demande pour considérations d’ordre humanitaire en 2020. La demande a été rejetée le 30 juin 2021 et est visée par la présente instance.

[11] En rejetant la demande pour considérations d’ordre humanitaire présentée par le demandeur, l’agent a accordé un poids négligeable à l’établissement du demandeur au Canada, aux conditions actuelles en Croatie et à l’intérêt supérieur de l’enfant.

[12] Le demandeur soutient maintenant que l’agent a appliqué le mauvais critère juridique en ce qui concerne les difficultés, dans le contexte d’une demande pour considérations d’ordre humanitaire, a tiré des conclusions de fait déraisonnables et a écarté de façon déraisonnable sa capacité à réintégrer la vie en Croatie.

[13] Selon le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur), l’agent n’a pas commis d’erreur qui justifie une intervention de la Cour.

[14] La décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, d’après l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (CSC).

[15] Dans son examen du caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision faisant l’objet du contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, précité, au para 99).

[16] Le demandeur soulève trois arguments. Cependant, il n’est pas nécessaire de tous les examiner. Il suffit d’examiner les arguments selon lesquels l’agent a tiré des conclusions de fait déraisonnables.

[17] Le demandeur soutient que les motifs invoqués par l’agent comportaient une [traduction] « grave erreur quant aux faits » liés à la demande présentée dans le cadre du programme spécial.

[18] Dans la décision, l’agent a affirmé que la demande dans le cadre du programme spécial avait été « rejetée » et que le demandeur avait présenté une demande de « réexamen ». Or, le demandeur soutient que la demande présentée dans le cadre du programme spécial n’avait fait l’objet d’aucune décision et qu’il n’y avait donc aucune demande de réexamen.

[19] Selon le demandeur, l’agent a invoqué à tort ces conclusions de fait erronées au moment d’évaluer son établissement au Canada.

[20] Je suis d’accord avec les arguments du demandeur.

[21] La réponse à la demande d’accès à l’information de 2016 établit la séquence chronologique de l’historique d’immigration du demandeur. D’après la réponse à la demande d’accès à l’information, la dernière activité dont il est fait état est indiquée en ces termes :

[traduction]

1998‑11‑04 – « lettre à l’intention du demandeur d’asile selon laquelle une recherche est en cours ‑ il sera informé des résultats en temps opportun »

1998‑11‑13 – Dossier reçu du Centre d’exécution de la Loi de la région du Toronto métropolitain (le CELRTM) et donné à « SCT » aux fins d’examen

1998‑11‑16 – « SRC »

2003‑01‑27 – Notes « dernière date d’accès »; et date à laquelle le dossier a été envoyé aux archives

[22] À mon avis, l’agent a invoqué à tort des conclusions de fait erronées ce qui mine le caractère raisonnable de la décision.

[23] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4485‑21

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B, trad.a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4485‑21

 

INTITULÉ :

ZORAN LALIC c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 AVRIL 2022

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 30 JUIN 2022

COMPARUTIONS :

Aleksandar Jeremic

POUR LE DEMANDEUR

Charles J. Jubenville

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anchor Law

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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