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Date : 20220708

T-252-19

T-254-19

T-258-19

T-259-19

T-261-19

T-262-19

Référence : 2022 CF 1010

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2022

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

Dossier : T-252-19

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

NADER GHERMEZIAN

défendeur

ET ENTRE :

Dossier : T-254-19

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

MARC VATURI

défendeur

ET ENTRE :

Dossier : T-258-19

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

GHERFAM EQUITIES INC

défenderesse

ET ENTRE :

Dossier : T-259-19

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

PAUL GHERMEZIAN

défendeur

ET ENTRE :

Dossier : T-261-19

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

RAPHAEL GHERMEZIAN

défendeur

ET ENTRE :

Dossier : T-262-19

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

JOSHUA GHERMEZIAN

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

I. Aperçu

[1] Le 23 février 2022, la Cour a rendu son jugement et ses motifs [le jugement] dans le cadre des six demandes en l’espèce présentées par le ministre du Revenu national [le ministre], en vue d’obtenir des ordonnances en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supplément) [la Loi]. Les défendeurs sont cinq particuliers, tous membres de la famille Ghermezian élargie, et une société apparentée, Gherfam Equities Inc. [Gherfam]. Chacune des demandes du ministre vise à obtenir une ordonnance enjoignant au défendeur concerné de produire les documents et/ou les renseignements précédemment demandés par le ministre en vertu des articles 231.1 et/ou 231.2 de la Loi.

[2] Dans son jugement, la Cour a accueilli les demandes d’ordonnance du ministre, sous réserve des dernières étapes décrites aux présentes, quant à la prise en compte des conclusions de la Cour sur certains des arguments avancés par les défendeurs, avec succès, dans l’élaboration du type d’ordonnance à rendre dans chaque demande. Ces étapes sont maintenant franchies, et la Cour rend les ordonnances à la même date que les présents motifs supplémentaires. Ceux-ci ont pour objet d’expliquer les conclusions de la Cour sur les principaux différends irrésolus entre les parties, concernant la forme des ordonnances dans le cadre des six demandes, tels qu’ils ont été déterminés par les parties dans les observations écrites qu’elles ont fournies à la suite du prononcé du jugement.

II. Le contexte

[3] Conformément à la terminologie utilisée dans le jugement, pour les besoins des présents motifs, j’utiliserai le terme « requête » quand il sera question de l’article 231.1 et le terme « demande péremptoire » quand il sera question de l’article 231.2, ainsi que le terme « demandes formelles » pour désigner de façon générique les requêtes et les demandes péremptoires.

[4] Tel qu’il a été expliqué dans le jugement, le ministre a en grande partie réfuté les arguments soulevés par les défendeurs dans les demandes en l’espèce. Toutefois, j’ai reconnu que certaines parties des requêtes, très peu, manquaient de précision. Plus important encore, les parties ont obtenu partiellement gain de cause sur la question de l’interprétation de la portée du paragraphe 231.1(1). En bref, j’ai conclu que les défendeurs avaient raison de soutenir que l’article 231.1 de la Loi permet au ministre de contraindre le destinataire d’une requête à fournir des documents, mais pas des réponses écrites à des questions.

[5] La Cour doit donc se prononcer sur la façon d’appliquer les conclusions en matière d’interprétation législative aux différents éléments des requêtes ou à quelques-uns d’entre eux et elle doit ainsi décider lesquels de ces éléments sont valides parce qu’ils visent à obtenir des documents et lesquels ne le sont pas parce qu’ils visent à obtenir des renseignements non écrits. À cet égard, le jugement a donné l’occasion aux parties de tenter de parvenir à une entente sur un projet d’ordonnance pour chacune des six demandes, lequel préciserait les éléments que le défendeur concerné devrait fournir selon l’issue de la demande. À défaut d’une telle entente, les parties à chaque demande devaient déposer leurs projets d’ordonnance, accompagnés d’observations écrites faisant état des derniers points de désaccord et de leur point de vue à cet égard.

[6] Bien que ce processus semble avoir permis de réduire les points de désaccord dans une certaine mesure, les parties ne sont pas parvenues à s’entendre complètement sur la forme des ordonnances. Par conséquent, le ministre a proposé des formes d’ordonnance, accompagnées d’observations écrites datées du 4 mai 2022, et les défendeurs ont fourni des versions « comparatives » de ces projets d’ordonnance montrant leurs ajouts et leurs suppressions, accompagnées d’observations écrites datées du 18 mai 2022.

III. Les questions en litige

[7] À la lumière de mon examen des observations écrites des parties, je conclus que les questions suivantes représentent les principaux points de désaccord quant à la forme des ordonnances :

  1. La distinction des termes relatifs aux documents et aux renseignements

  2. L’ampleur de l’obligation de production des documents et des renseignements

  3. Le délai accordé aux défendeurs pour se conformer aux ordonnances

  4. Les questions propres à la demande visant Marc Vaturi (T-254-19)

  5. Les questions propres à la demande visant Gherfam Equities Inc. (T-258-19)

  6. Les questions propres aux demandes visant Nader et Raphael Ghermezian (T-252-19 et T-261-19)

IV. Analyse

A. La distinction des termes relatifs aux documents et aux renseignements

[8] Comme je l’ai mentionné, l’une des principales questions sur lesquelles le jugement a statué concernait l’interprétation de la portée du paragraphe 231.1(1). En vertu de cette disposition, le ministre peut exiger la production de documents, mais pas de réponses écrites à des questions. À cet égard, les défendeurs font maintenant valoir que certains termes contenus dans les ordonnances proposées par le ministre sont ambigus et potentiellement non conformes à la décision de la Cour. Ils demandent que des modifications soient apportées aux ordonnances proposées par le ministre pour qu’elles indiquent de façon parfaitement claire qu’en réponse aux requêtes présentées au titre du paragraphe 231.1(1), ils ne sont tenus de produire que des documents qui existent déjà.

[9] À titre d’exemple, les défendeurs renvoient aux demandes formelles visant la production de [traduction] « listes » et [traduction] « [d’]organigrammes ». Ils soutiennent que, lorsque le ministre a délivré les requêtes visant ces éléments, celles-ci ne se limitaient pas aux documents existants, car le ministre croyait alors que le paragraphe 231.1(1) l’autorisait à contraindre les défendeurs à fournir des réponses écrites et s’imaginait donc qu’ils produiraient les listes et les organigrammes demandés dans les requêtes. Les défendeurs ne contestent pas le pouvoir du ministre d’exiger la production de listes et d’organigrammes dans la mesure où ces documents existent déjà. Cependant, étant donné que les requêtes ont été rédigées initialement sans tenir compte de cette précision, les défendeurs font valoir que les ordonnances, auxquelles les requêtes seront annexées, doivent préciser ce point.

[10] Je conclus que cette observation est fondée. Je n’irais pas jusqu’à conclure que, de façon générale, les ordonnances rendues en vertu du paragraphe 231.1(1) doivent contenir une précision qui traduit le principe voulant que seuls les documents qui existent déjà puissent être exigés au titre de cette disposition. Toutefois, dans le contexte précis des demandes d’ordonnance en l’espèce, pour ce qui est des requêtes qui n’ont pas été rédigées en tenant compte de ce principe, je juge appropriée, et conforme aux motifs du jugement, la proposition des défendeurs qui veulent faire ajouter la mention « s’ils existent » aux parties des ordonnances relatives au paragraphe 231.1(1).

[11] À cet égard, les défendeurs craignent que les termes proposés par le ministre les obligent à produire [traduction] « des documents et des renseignements écrits » au titre du paragraphe 231.1(1). Les défendeurs remettent en question le sens de l’expression « renseignements écrits » dans ce contexte et craignent qu’elle soit interprétée comme un nouveau type d’obligation, qui se distingue de l’obligation relative aux documents, prévue au paragraphe 231.1(1).

[12] Je conclus encore une fois que cette observation est fondée. Dans ses explications de l’analyse de la question de l’interprétation législative par la Cour, le jugement établit une distinction entre les renseignements écrits et non écrits, seuls les premiers pouvant être requis au titre du paragraphe 231.1(1). Cependant, je ne vois aucun avantage à ce que les ordonnances établissent une distinction entre l’exigibilité des renseignements écrits et des documents. Dans l’éventualité où le ministre envisagerait une telle distinction, ce point devra être tranché dans le cadre d’une affaire future et être étayé par des arguments détaillés.

[13] Avant de conclure sur cette question, je souligne que les observations du ministre étaient essentiellement axées sur un sujet qu’il jugeait litigieux, soit la question de savoir si les dossiers électroniques pouvaient être considérés comme des documents exigibles en vertu du paragraphe 231.1(1). Cependant, dans leurs observations, les défendeurs confirment qu’ils ne contestent pas l’exigibilité des dossiers électroniques.

B. L’ampleur de l’obligation de production de documents et de renseignements

[14] Les défendeurs soutiennent que la plupart des documents et des renseignements à produire sont liés à des tiers, ce qui les oblige à prendre des mesures pour se les procurer. Par conséquent, ils font valoir que les ordonnances doivent expressément indiquer l’ampleur des efforts qu’ils doivent déployer. Ils proposent que les ordonnances leur enjoignent de faire preuve de diligence raisonnable à cet égard.

[15] Le ministre s’oppose à un tel libellé, soutenant que le jugement n’exige pas une telle qualification des obligations que les ordonnances imposeront aux défenseurs. Il soutient que la question de savoir si les défendeurs ont déployé des efforts raisonnables pour se conformer aux ordonnances devra être tranchée dans le cadre d’une future procédure pour outrage, s’il y a lieu, où ils pourront alors produire des éléments de preuve sur cette question.

[16] Sur ce point, je souscris à la position du ministre. La question de l’ampleur de l’obligation de conformité n’a pas été soulevée lors des audiences principales portant sur les demandes d’ordonnance et n’est donc pas abordée dans le jugement. Je ne considère pas que cette question fait partie des points qu’il reste à trancher pour déterminer la forme des ordonnances dans les demandes en l’espèce.

C. Le délai accordé aux défendeurs pour se conformer aux ordonnances

[17] Le ministre propose que les ordonnances accordent un délai de 30 jours aux défendeurs pour s’y conformer, à partir de la date où elles sont rendues. Il fait valoir que les défendeurs ont eu des années pour recueillir les documents et les renseignements pertinents et qu’ils n’ont fourni aucun élément de preuve quant à l’état des dossiers ou à la manière dont ils sont conservés qui démontrerait qu’un délai de plus de 30 jours est nécessaire pour se conformer aux ordonnances. Le ministre souligne également que certains documents et renseignements que les défendeurs devront fournir sont les mêmes dans certaines des demandes.

[18] Précisant que le jugement fait l’objet d’un appel, les défendeurs indiquent qu’ils jugeraient acceptable un délai de 30 jours s’il commençait à la date de l’issue de l’appel et de l’appel incident. Ils expliquent qu’ils ont présenté une demande de sursis d’exécution du jugement à la Cour d’appel fédérale, demande qui a été rejetée, au motif qu’elle était prématurée et que la Cour fédérale devait pouvoir mener à terme ses processus. Ils soutiennent qu’il existe une pratique bien établie consistant à surseoir à l’exécution d’une ordonnance pendant un appel, habituellement avec le consentement du ministre. Subsidiairement, les défendeurs demandent un délai de 120 jours à partir de la date des ordonnances, au motif que les demandes formelles requièrent la production de quantités volumineuses de documents et de renseignements.

[19] Les défendeurs ne m’ont pas convaincu, en l’absence du consentement du ministre, qu’il existe un quelconque fondement permettant à notre Cour d’accorder ce qui équivaudrait à un sursis de facto des ordonnances en attendant l’issue de l’appel. Il n’y a pas non plus de fondement probatoire permettant à la Cour de conclure que les défendeurs ont besoin de plus de 30 jours pour se confirmer aux ordonnances. Plus important encore, je remarque que les défendeurs connaissent l’issue du jugement depuis le 23 février 2022, et les questions litigieuses qui restent à trancher à l’égard de la forme des ordonnances, sur lesquelles je statue dans les présents motifs supplémentaires, sont relativement limitées. Ainsi, depuis un certain temps, les défendeurs sont très bien au fait des documents et des renseignements qu’ils doivent fournir, et en ont une idée de plus en plus précise. Je considère qu’un délai de 30 jours à partir de la délivrance des ordonnances est raisonnable pour réaliser ce processus.

D. Les questions propres à la demande visant Marc Vaturi (T-254-19)

[20] Les défendeurs font valoir que le projet d’ordonnance du ministre dans le cadre de la demande visant Marc Vaturi (T-254-19) comprend, à la disposition 1d), des renseignements qui figuraient initialement dans la requête A-MV-0144, mais qui n’étaient plus demandés par le ministre au moment de l’audience portant sur cette demande. Le dossier soumis à la Cour appuie la position des défendeurs selon laquelle, au moment de l’audience, en ce qui concerne la requête A-MV-0144, le ministre ne demandait qu’un nombre limité de renseignements manquants en réponse aux questions no 1 et no 8 de la requête. Je conviens avec les défendeurs que le projet d’ordonnance du ministre est plus général et que la disposition 1d) s’y trouvant est comparable à la question no 8 dans sa forme initiale. Je rendrai donc une ordonnance qui exclut la disposition 1d).

[21] Toutefois, en ce qui a trait à la partie de l’ordonnance applicable à la requête A-MV-0144, les défendeurs demandent également l’ajout de termes qui restreignent l’obligation de production en référence à une lettre de M. Vaturi datée du 20 mars 2020 qui relevait les documents manquants à cette époque. Compte tenu du retrait de la disposition 1d), je ne vois pas l’utilité d’ajouter ces termes.

[22] En ce qui concerne la portion de l’ordonnance applicable à la demande péremptoire A-MV-0137, les défendeurs demandent la suppression du passage introductif suivant : [traduction] « pour les entités du Gibraltar gérées et contrôlées par Nader Ghermezian et Marc Vaturi, seuls ou conjointement avec d’autres personnes ». Je conviens avec les défendeurs que ce passage est sans rapport avec la demande péremptoire formulée initialement, qu’il est inutile et qu’il doit donc être supprimé.

E. Les questions propres à la demande visant Gherfam Equities Inc. (T-258-19)

[23] Le projet d’ordonnance du ministre dans le cadre de la demande visant Gherfam (T-258-19) comprend, au sujet de la requête GEI-20 et, plus particulièrement, de certains comptes désignés, un passage exigeant la production [traduction] « d’un sommaire de l’ensemble des opérations enregistrées sur ces comptes (c.-à-d. le sommaire du grand livre général) » pour une période prescrite. Les défendeurs demandent la suppression de ce passage et du texte connexe, vraisemblablement parce qu’il a pour objet d’exiger la production de renseignements plutôt que de documents. Le ministre est d’avis que ce passage précise un document particulier, soit le sommaire du grand livre général. Je souscris à la position du ministre et, compte tenu de l’ajout de l’expression « s’il existe » (expliquée précédemment dans les présents motifs) que demandaient les défendeurs, il n’y a aucun risque que l’ordonnance soit interprétée comme exigeant la création d’un document.

[24] Le projet d’ordonnance du ministre relativement à la requête GEI-28 comprend un passage prévoyant la production de ce qui suit :

  1. [traduction]
    tous les autres placements détenus par Regent International Fund, LLC ;

  2. les modalités, les droits et les caractéristiques des actions/obligations achetées ou vendues;

  3. les coordonnées du fonds et de son gestionnaire.

[25] Les défendeurs demandent la suppression de ce texte, vraisemblablement parce qu’il a pour objet d’exiger la production de renseignements plutôt que de documents. Le ministre est d’avis que, si ces renseignements existent en format électronique, il peut en exiger la production sous cette forme. Tel qu’il a été mentionné, les défendeurs ne s’opposent pas à la production de dossiers qui existent déjà sous forme électronique. À mon avis, le problème concernant le libellé litigieux relatif à la requête GEI-28 est que, lors de sa délivrance, elle n’exigeait pas la production de documents sous quelque forme que ce soit (en format papier ou électronique). Le libellé exigeait plutôt la production de renseignements et, conformément aux conclusions de l’interprétation législative dans le jugement, ne devait pas être inclus dans l’ordonnance visée.

[26] Le projet d’ordonnance du ministre relativement à la requête BUST-21 contient un libellé exigeant la production de certains extraits de compte, relevés bancaires et autres documents, y compris un passage indiquant que la production de cette documentation a pour objet [traduction] « de démontrer que ces sommes ne sont pas liées à Royce Holdings LLC ». Je conviens avec les défendeurs que ce libellé doit être supprimé, car il ne sert pas à élargir, à restreindre ou à préciser par ailleurs la portée de la demande formelle de documents.

F. Les questions propres aux demandes visant Nader et Raphael Ghermezian (T-252-19 et T-261-19)

[27] En ce qui a trait au projet d’ordonnance du ministre, dans le cadre de la demande visant Nader Ghermezian (T-252-19), les défendeurs proposent des modifications relativement à la requête A-NG-0125. À la disposition a)(vi), ils proposent de modifier le texte, pour faire un renvoi à une autre disposition de l’ordonnance, et de remplacer les mots [traduction] « une balance de vérification détaillée » par « la balance de vérification ». J’approuve ces modifications, de même que les changements similaires que proposent les défendeurs relativement aux requêtes NUST-22 et NUST-23, dans le dossier T-252-19, et relativement aux requêtes RUST-22 et RUST-23 dans le dossier T-261-19 visant Raphael Ghermezian.

[28] Plus fondamentalement, à la disposition a)(xviii) concernant la requête A-NG-0125 dans le dossier T-252-19, les défendeurs proposent de supprimer l’extrait suivant : [traduction] « dont la production est exigée conjointement avec la déclaration de revenus 97GFT pour sa première année d’imposition, tel qu’il est indiqué à la sous-disposition b)(i) de cette définition, et toute pièce justificative à l’appui de tels choix ». Les défendeurs soutiennent que ce passage doit être supprimé, car il ne sert pas à élargir, à restreindre ou à préciser par ailleurs la portée de la demande formelle de documents. Je ne suis pas d’accord, car ce passage aide à déterminer les documents à fournir.

[29] Le projet d’ordonnance du ministre relativement à la requête BUST-21 (dans les dossiers T-252-19 et T-261-19) contient un libellé exigeant la production de certains extraits de compte, relevés bancaires et autres documents, y compris un passage indiquant que la production de cette documentation a pour objet [traduction] « de démontrer que ces sommes ne sont pas liées à Royce Holdings LLC ». Je conviens avec les défendeurs que ce libellé doit être supprimé, car il ne sert pas à élargir, à restreindre ou à préciser par ailleurs la portée de la demande formelle de documents.

[30] En ce qui concerne la requête GG-24 (dans les dossiers T-252-19 et T-261-19), les défendeurs proposent de remplacer les mots [traduction] « identifier chacun de ces arrangements en fournissant » par le mot « produire », vraisemblablement pour tenir compte du fait que l’obligation consiste à produire des documents, et non à fournir des renseignements. J’approuve cette modification.

[31] En ce qui a trait aux requêtes NUST-22 et NUST-23 (dans le dossier T-252-19 visant Nader Ghermezian) ainsi qu’aux requêtes RUST-22 et RUST-23 (dans le dossier T-261-19 visant Raphael Ghermezian), les défendeurs proposent de supprimer les mots de la disposition a)(i) du ministre qui ne modifient pas de façon utile l’obligation de produire certains états financiers. J’approuve cette modification.

[32] Pour ce qui est de la requête NUST2-01 (dans le dossier T-252-19 visant Nader Ghermezian) et la requête RUST2-01 (dans le dossier T-261-19 visant Raphael Ghermezian), les défendeurs relèvent divers endroits où les requêtes demandaient des détails, par exemple en matière de rémunération; et les dispositions dans les ordonnances proposées par le ministre ont pour objet d’exiger la documentation de tels détails. Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que, dans les cas où la requête demandait clairement des renseignements plutôt que des documents, le ministre ne peut, en se fondant sur celle-ci, exiger la production de documents susceptibles de contenir de tels renseignements. En ce qui a trait aux mêmes requêtes, les défendeurs proposent de supprimer le passage exigeant la production de certains documents en fonction de l’année d’imposition. J’approuve cette modification, car les mots liés à l’année d’imposition semblent faire référence à la manière dont le ministre souhaitait que les défendeurs structurent les réponses aux demandes de renseignements.

[33] En ce qui concerne la portion de l’ordonnance applicable à la demande péremptoire A-NG-0127 visant Nader Ghermezian, les défendeurs demandent la suppression du passage introductif suivant : [traduction] « pour les entités du Gibraltar gérées et contrôlées par Nader Ghermezian et Marc Vaturi, seuls ou conjointement avec d’autres personnes ». Je conviens avec les défendeurs que ce passage est sans rapport avec la demande péremptoire formulée initialement, qu’il est inutile et qu’il doit donc être supprimé.

[34] Enfin, pour ce qui est des dossiers T-252-19 et T-261-19, les défendeurs sont préoccupés par les formes d’ordonnance proposées par le ministre qui requièrent expressément la production d’avis juridiques. En ce qui a trait à l’une des requêtes applicable à chacune des demandes (visant respectivement Nader et Raphael Ghermezian, NUST2-01 et RUST2-01), le projet d’ordonnance mentionne la production de tous les documents associés à la liquidation/cessation d’une fiducie particulière, y compris les avis juridiques.

[35] Tel qu’il a été expliqué dans le jugement, conformément au libellé du paragraphe 231.7(1) de la Loi, avant de rendre une ordonnance, la Cour doit être convaincue que trois conditions sont remplies, notamment que le privilège des communications entre client et avocat ne peut être invoqué à l’égard des documents ou des renseignements demandés par le ministre (voir Canada (Ministre du Revenu National) c Lee, 2016 CAF 53 au para 6). Cependant, le privilège est pris en compte dans l’analyse seulement s’il est invoqué par le défendeur, à qui il incombe d’en faire la preuve (voir Redhead Equipment Ltd v Canada (Attorney General), 2016 SKCA 115 au para 31; Canada (Revenu national) c Atlas Tube Canada ULC, 2018 CF 1086 au para 32).

[36] Lors de l’audience portant sur les demandes d’ordonnance, les arguments soulevés par les défendeurs quant à l’existence d’un privilège se sont limités à l’emploi de termes précis dans certaines demandes formelles. Toutefois, j’ai jugé qu’aucun élément de preuve ne permettait de conclure que ces demandes formelles visaient à obtenir des documents privilégiés. J’ai également expliqué que je n’étais pas convaincu que les ordonnances rendues en l’espèce, s’il en est, devraient être formulées en fonction d’un argument de la défense dont le bien-fondé n’a pu être établi par la preuve présentée à la Cour.

[37] Les requêtes NUST2-01 et RUST2-01 ne faisaient pas partie des demandes formelles à l’égard desquelles les défendeurs avaient auparavant soulevé des préoccupations liées au privilège. Cependant, ils les soulèvent à ce stade-ci, dans le contexte de la formulation que le ministre propose d’intégrer dans le corps même de l’ordonnance. La Cour ne requiert pas d’éléments de preuve pour conclure que le privilège s’applique à un avis juridique comme elle en exigeait à l’égard des arguments relatifs au privilège, que les défendeurs avaient précédemment avancés sans succès. De prime abord, un tel document est privilégié, et ne doit pas être visé par une ordonnance. Par conséquent, les mots « avis juridiques » seront retirés de la forme d’ordonnance proposée pour les demandes visant Nader et Raphael Ghermezian.

V. Les dépens

[38] J’ai indiqué dans mon jugement que je réservais ma décision sur les dépens pour accorder aux parties, fortes des conclusions de la Cour sur les questions de fond tranchées dans le jugement, la possibilité de parvenir à un accord à cet égard. Dans les observations écrites qu’elles ont fournies par la suite, les parties ont expliqué qu’elles n’étaient pas parvenues à une entente.

[39] Le ministre est d’avis qu’il a eu entièrement ou en grande partie gain de cause dans chacune des demandes et que les dépens devraient lui être adjugés dans chaque affaire. Il souhaite pouvoir signifier et déposer des observations écrites sur les dépens après la délivrance des ordonnances.

[40] Les défendeurs soutiennent que les six demandes devraient être considérées collectivement pour la détermination des dépens et que, dans l’ensemble, les parties ont partiellement obtenu gain de cause. Pour cette raison et d’autres motifs, ils sont d’avis qu’aucuns dépens ne doivent être adjugés. Subsidiairement, ils font valoir les points suivants :

  1. un seul mémoire de dépens doit être accordé au ministre dans le cadre des demandes visant Paul Ghermezian et Joshua Ghermezian, car ces causes étaient quasiment identiques et ont été présentées et plaidées ensemble;

  2. aucuns dépens ne doivent être adjugés dans le cadre des demandes visant Gherfam, Raphael Ghermezian et Nader Ghermezian, étant donné qu’ils ont eu partiellement gain de cause;

  3. des dépens doivent être adjugés contre le ministre dans le cadre de la demande visant Marc Vaturi, étant donné que le ministre a abandonné la majeure partie du contenu de cette demande à la veille de l’audience, et à titre de sanction concernant l’affidavit supplémentaire du déposant du ministre, Andrew Bowe, qui est décrit comme trompeur dans le jugement.

[41] La Cour a reconnu dans le jugement que, si les parties ne parvenaient pas à s’entendre sur les dépens, elles pourraient présenter des observations à ce sujet après avoir pris connaissance de la décision quant à tout désaccord sur la forme des ordonnances. Les défendeurs ont présenté des observations de fond pour expliquer si, selon eux, des dépens devraient être adjugés, et à qui, mais aucune observation sur leur montant. Le ministre, à part indiquer que les dépens devraient lui être adjugés à l’égard de l’ensemble des demandes, n’a formulé aucune observation de fond sur les dépens ou sur leur montant, et a proposé des échéances pour le dépôt d’observations supplémentaires par les parties. Étant donné que le jugement prévoyait que les parties pourraient présenter d’autres observations sur les dépens une fois les ordonnances rendues, je ne me prononcerai pas sur l’adjudication des dépens ou leur montant pour le moment.

[42] Chaque ordonnance donnera la possibilité aux parties de signifier et de déposer de brèves observations écrites sur les dépens ainsi que les documents justificatifs. Dans le but de conclure rapidement les affaires en l’espèce, et compte tenu des contraintes de temps de la Cour, l’échéancier pour le dépôt de ces observations sera quelque peu accéléré par rapport à celui proposé par les demandeurs. La Cour s’attend à ce que les observations des parties traitent de l’adjudication des dépens et de leur montant. Les parties sont invitées à proposer des montants forfaitaires, étayés par des précédents, pour les dépens qui seront ultimement adjugés.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Philippe Lavigne-Labelle


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-252-19, T-254-19, T-258-19, T-259-19, T-261-19 et T-262-19

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL C NADER GHERMEZIAN; MINISTRE DU REVENU NATIONAL C MARC VATURI; MINISTRE DU REVENU NATIONAL C GHERFAM EQUITIES INC; MINISTRE DU REVENU NATIONAL C PAUL GHERMEZIAN; MINISTRE DU REVENU NATIONAL C RAPHAEL GHERMEZIAN; MINISTRE DU REVENU NATIONAL C JOSHUA GHERMEZIAN

CONFORMÉMENT AUX OBSERVATIONS ÉCRITES

 

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 8 JUILLET 2022

COMPARUTIONS :

Rita Araujo

Peter Swanstrom

Jesse Epp-Fransen

Allene Kilpatrick

POUR LE DEMANDEUR

Bobby J. Sood

Stephen S. Ruby

Michael H. Lubetsky

Sarah Cormack

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Davies Ward Phillips

& Vineberg LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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