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Date : 20220718

Dossier : IMM‑258‑21

Référence : 2022 CF 1062

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

AHMED IBRAHIM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENTS ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Ahmed Ibrahim, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] portant que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger La SAR et la SPR ont conclu que le demandeur n’était pas parvenu à établir son identité, surtout en raison de divergences dans les éléments de preuve documentaire qu’il a fournis.

[2] Le demandeur soutient qu’il est citoyen du Ghana et dit craindre d’être persécuté en raison de sa sexualité perçue au Ghana. La SAR a admis de nouveaux éléments de preuve soumis par le demandeur, y compris deux déclarations provenant de citoyens du Ghana et attestant de son identité et un article décrivant l’attaque subie par un homme homosexuel aux mains de justiciers dans ce pays. Cependant, la SAR n’a pas convoqué d’audience, puisque le demandeur n’en avait pas fait la demande et que les nouveaux éléments de preuve ne soulevaient pas de question importante en ce qui concernait la crédibilité de celui‑ci. Les exigences législatives justifiant la tenue d’une audience n’étaient donc pas respectées.

[3] Selon le demandeur, la SAR l’avait privé de son droit à l’équité procédurale lorsqu’elle a accepté les nouveaux éléments de preuve, mais n’a pas convoqué une audience qui aurait permis à celui‑ci de répondre aux questions à l’égard de ses pièces d’identité. Cet argument ne me convainc pas. La SAR a jugé que, comme les nouveaux éléments de preuve ne visaient pas la question cruciale de la date de naissance du demandeur, aucune audience n’était requise. Rien ne permet de remettre en cause cette décision. Les audiences ne sont tenues qu’à titre exceptionnel et la SAR a appliqué le cadre réglementaire permettant de déterminer s’il y a lieu de tenir une audience (voir le paragraphe 110(6) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 au para 48). Je suis d’avis que la procédure était équitable dans les circonstances.

[4] Quant à la question de fond, la SAR a examiné les éléments de preuve relatifs à l’identité du demandeur, a abordé en détail chaque document fourni et a expliqué pourquoi elle n’était pas convaincue que le demandeur s’était acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir son identité.

[5] La SAR a relevé plusieurs problèmes liés aux éléments de preuve. Le premier problème qui soulevait d’ailleurs sa plus grande préoccupation concernait l’année de naissance du demandeur. Toutes les pièces indiquaient le 18 octobre comme le jour et le mois de naissance du demandeur, mais certaines d’entre elles indiquaient 1975 comme année de naissance et d’autres, 1980.

[6] Dans son témoignage, le demandeur a déclaré qu’il était né en 1975. Il a aussi présenté un acte de naissance qui indiquait cette année comme son année de naissance. Or, dans son plus récent passeport qu’il a fourni et son formulaire Fondement de la demande d’asile initial, l’année de naissance était 1980. Le demandeur n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas pris de mesures pour faire corriger l’erreur dans son passeport, même s’il savait que l’année était erronée depuis, au moins, la communication de la décision de la SPR. La SAR a fait remarquer que le demandeur avait eu près de deux ans pour tenter de faire corriger le document, mais qu’il ne l’avait pas fait.

[7] La SAR a également relevé d’autres problèmes concernant les éléments de preuve documentaire.

[8] Le deuxième problème important soulevé par la SAR concerne l’inscription de naissance du demandeur. Celui‑ci a fourni une copie du document, car il aurait perdu le document original. Son frère aurait cependant été en mesure d’obtenir une nouvelle copie auprès d’un hôpital au Ghana. La SAR s’est fiée au processus de délivrance d’actes de naissance décrit dans le cartable national de documentation (CND) pour le Ghana afin d’apprécier le format de la copie et a rapidement remarqué quelques divergences. Par exemple, il y était indiqué que le père du demandeur était le déclarant de l’inscription en 2018, mais celui‑ci est décédé en 2005. Par ailleurs, l’inscription de naissance était datée de 2018, plutôt que de l’année de naissance du demandeur.

[9] Le troisième problème avec la preuve du demandeur qui a été soulevé par la SAR porte sur une copie de la carte électorale du demandeur, qui présente des incohérences par rapport à l’exemple de carte figurant dans le CND et à d’autres exemples qui accompagnaient les déclarations soumises par le demandeur comme nouveaux éléments de preuve. La SAR a conclu que la carte électorale n’était pas un élément de preuve fiable à l’égard de l’identité du demandeur.

[10] À la lumière de son examen des éléments de preuve documentaire et en l’absence d’explications adéquates du demandeur, la SAR a confirmé la décision de la SPR et conclu que le demandeur n’avait pas établi son identité.

[11] Le demandeur estime que la décision n’est pas raisonnable et conteste le rejet par la SAR de son explication concernant l’année erronée indiquée sur son passeport. Selon le demandeur, cette conclusion fautive aurait entaché le traitement des autres éléments de preuve documentaire. En outre, il met en évidence des éléments de preuve concernant la disponibilité d’actes de naissance qui, selon lui, contredisent les conclusions de la SAR. Il maintient qu’il n’y avait pas de fondement suffisant permettant de réfuter la présomption de la validité des documents et particulièrement des documents officiels. Enfin, le demandeur soutient que, compte tenu des nombreuses pièces d’identité qu’il a fournies, le rejet par la SAR de sa demande au motif qu’il n’a pas établi son identité est déraisonnable.

[12] Je ne suis pas convaincu. La SAR a évalué les éléments de preuve à la lumière du cadre juridique applicable et noté que l’identité est au cœur de toute demande d’asile et qu’il incombe au demandeur de l’établir. La SAR a procédé à un examen exhaustif des éléments de preuve et a expliqué en détail ses conclusions globales concernant les documents et, plus particulièrement, les divergences relatives à l’année de naissance. Ses conclusions reposent aussi sur les éléments de preuve. Les doutes de la SAR au sujet de l’origine de la copie de l’inscription de naissance et de la validité de la carte électorale sont attribuables aux éléments de preuve au dossier ainsi qu’à l’incapacité du demandeur à fournir une explication adéquate justifiant les divergences. L’analyse de la SAR est intelligible et transparente.

[13] Comme le soutient le défendeur, les préoccupations de la SAR ne visaient pas le caractère suffisant des éléments de preuve soumis, mais plutôt leur validité, ainsi que le peu d’efforts déployés par le demandeur pour aplanir les divergences dans ces documents, surtout dans le cas des documents jugés les plus probants par le tribunal : l’inscription de naissance et le passeport. Les arguments qu’invoque le demandeur reviennent essentiellement à demander à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve, mais ce n’est pas le rôle d’un tribunal dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[14] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑258‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑258‑21

INTITULÉ :

AHMED IBRAHIM c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VidÉoconfÉrence

DATE DE L’AUDIENCE :

le 26 octobre 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge PENTNEY

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

le 18 juillet 2022

COMPARUTIONS :

Khesrau Ahmadi

POUR LE DEMANDEUR

Neeta Logsetty

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

NK Lawyers

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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