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Date : 20001011


Dossier : IMM-4558-99


Ottawa (Ontario), le mercredi 11 octobre 2000

DEVANT : Madame le juge Dawson

ENTRE :

     AHMAD NOMAN SAYED

     demandeur

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     JUGEMENT

     IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :


1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      La question ci-après énoncée est certifiée :

Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration, la section du statut de réfugié est-elle autorisée à tenir compte des éléments de preuve dont le tribunal initial ne disposait pas et qui étayeraient la revendication du statut de réfugié de la demanderesse?

                                 « Eleanor R. Dawson »

                                         Juge


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.





Date : 20001011


Dossier : IMM-4558-99


ENTRE :


     AHMAD NOMAN SAYED


     demandeur


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


     défendeur


     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE DAWSON


[1]      Cette demande résulte de l'annulation du statut de réfugié au sens de la Convention qui avait été reconnu au demandeur.

[2]      Le demandeur Ahmad Noman Sayed est un citoyen pakistanais âgé de 29 ans dont le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu le 18 juin 1996. Cette reconnaissance était fondée sur l'assertion selon laquelle M. Sayed craignait avec raison d'être persécuté en sa qualité de musulman Ahmadi.

[3]      Le 6 août 1998, le ministre a présenté une demande ex parte au président de la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en vertu de l'article 69.2 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, dans sa forme modifiée (la Loi) en vue d'obtenir l'autorisation de demander à la Commission de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée à M. Sayed et d'annuler cette reconnaissance. La demande du ministre était fondée sur ce que la reconnaissance avait été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important.

[4]      L'autorisation a été accordée au ministre, qui a alors signifié à M. Sayed un avis de demande de réexamen et d'annulation de la reconnaissance initiale. Une formation de trois membres de la Commission a entendu la demande. Le 13 août 1999, la Commission a accueilli la demande. Elle a en outre conclu que M. Sayed n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[5]      M. Sayed présente une demande de contrôle judiciaire de cette décision et sollicite une ordonnance annulant la décision et renvoyant l'affaire pour réexamen par une formation différente de la Commission.

LES FAITS

[6]      Au début de l'audience, la Commission a défini les questions qui devaient être examinées au cours de l'audience. Voici ce qu'elle a dit :

[TRADUCTION]
     Cette demande soulève les questions suivantes, à savoir en premier lieu, s'il existe une preuve crédible et digne de foi montrant que le défendeur a obtenu le statut de réfugié au Canada par une fausse indication et en second lieu s'il restait suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance.

[7]      Au cours de l'audience, la Commission n'a jamais fait savoir qu'elle examinerait la question de savoir si M. Sayed était un réfugié au sens de la Convention.

[8]      À la fin de l'audience, le représentant du ministre a soutenu devant la Commission que la demande d'annulation du statut ne voulait pas dire qu'[TRADUCTION] « il sera[it] conclu que M. Sayed n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Elle v[oulait] uniquement dire que son statut existant sera[it] annulé et qu'il sera[it] en théorie du moins possible de présenter une nouvelle revendication » .

[9]      Après avoir entendu tous les arguments, la Commission a répété qu'elle avait deux questions à examiner, à savoir en premier lieu s'il existait une preuve crédible et digne de foi montrant que le statut de réfugié avait été obtenu par une fausse indication et en second lieu, dans l'affirmative, s'il restait suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance.

[10]      Après avoir reporté sa décision, la Commission a conclu que M. Sayed avait obtenu le statut de réfugié par une fausse indication sur un fait important et par la dissimulation d'un fait important; elle a en outre conclu que les autres éléments non contredits n'auraient pas pu justifier la reconnaissance initiale du statut de réfugié au sens de la Convention de M. Sayed.

[11]      La Commission a ensuite conclu son analyse en faisant remarquer ce qui suit :

[TRADUCTION]
     La formation a décidé de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire qu'elle possède en vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration.
     La section du statut de réfugié approuve donc la demande que le ministre a présentée et annule par les présentes la reconnaissance antérieure du statut de réfugié au sens de la Convention accordée au défendeur. En outre, la section du statut de réfugié conclut que le défendeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention7.
     __________________________
     7 MCI c. Bayat, Mohammad Farhad (C.F.A., no A-338-95), juges Stone, Linden, Robertson (dissident), 10 juin 1999.

LES POINTS LITIGIEUX

[12]      M. Sayed a soulevé trois questions au sujet de cette demande de contrôle judiciaire :

1.      La Commission a-t-elle donné à M. Sayed avis de son intention d'examiner la question de savoir s'il est un réfugié au sens de la Convention?
2.      M. Sayed avait-il le droit de présenter une preuve et de soulever des arguments au sujet de la question de savoir si, à ce moment-là, il était selon la définition un « réfugié au sens de la Convention » ?
3.      La Commission a-t-elle violé l'équité procédurale en refusant à M. Sayed la possibilité de présenter une preuve et de soulever des arguments au sujet de la question de savoir si, selon la définition, il était un « réfugié au sens de la Convention » ?

ANALYSE

[13]      Les dispositions législatives pertinentes figurent aux paragraphes 69.2(2) et 69.3(5) de la Loi, qui prévoient ce qui suit :


69.2(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.

[...]

69.3(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.

69.2(2) The Minister may, with leave of the Chairperson, make an application to the Refugee Division to reconsider and vacate any determination made under this Act or the regulations that a person is a Convention refugee on the ground that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, whether exercised or made by that person or any other person.


...

69.3(5) The Refugee Division may reject an application under subsection 69.2(2) that is otherwise established if it is of the opinion that, notwithstanding that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, there was other sufficient evidence on which the determination was or could have been based.

[14]      Dans la présente demande, le ministre ne s'oppose pas à la prétention de M. Sayed selon laquelle la Commission ne l'a pas avisé qu'elle examinerait la question de savoir s'il était un réfugié au sens de la Convention et qu'elle statuerait sur cette question. De fait, le ministre a fait remarquer qu'au moment où la Commission a tenu son audience, l'avis prédominant, qui était fondé sur la décision que cette cour a rendue dans l'affaire Bayat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 96 F.T.R. 76 (C.F. 1re inst.), était que dans le cadre de pareille audience, la Commission n'était pas habilitée à conclure que la personne visée par l'enquête n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
[15]      Toutefois, le ministre a soutenu que cette cour a toujours statué qu'une audience visant au réexamen et à l'annulation de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée à une personne n'est pas une nouvelle audience, mais qu'elle est limitée à un examen de la preuve dont disposait le décideur initial.
[16]      Le ministre a soutenu qu'il n'existait donc aucun droit de présenter de nouveaux éléments et que la Commission devait se limiter à déterminer si la décision initiale avait été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important et, dans l'affirmative, s'il restait malgré tout suffisamment d'éléments justifiant la décision.
[17]      Le ministre a soutenu que la Commission ne pouvait donc pas être tenue de donner avis de son intention d'examiner le statut de M. Sayed et de fournir à ce dernier la possibilité de présenter une preuve ou de soulever des arguments au sujet de la question de savoir s'il était, selon la définition, un « réfugié au sens de la Convention » .
[18]      La décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Bayat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 4 C.F. 343 (C.A.F.) représente le prononcé le plus récent se rapportant à la compétence que possède la Commission lorsqu'elle entend une demande fondée sur le paragraphe 69.2(2) de la Loi. Dans l'arrêt Bayat, la Cour d'appel a infirmé la décision de la Section de première instance, qui avait statué que dans le cadre de pareille demande, la Commission n'était pas habilitée à conclure qu'un demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Le juge Stone, qui parlait au nom de la majorité de la Cour, a plutôt statué que lorsqu'elle entend une demande fondée sur le paragraphe 69.2(2) de la Loi, la Commission a notamment la compétence voulue pour annuler la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée à une personne.
[19]      Au paragraphe 22 du jugement, la majorité de la Cour a dit ce qui suit :
[22] Je suis d'avis que la formulation du paragraphe 69.3(4) ne doit pas être interprétée séparément de son contexte. La « demande » dont il y est fait mention se réfère manifestement à la « demande » décrite plus en détails au paragraphe 69.2(2). Il ressort clairement de la lecture conjointe de ces deux paragraphes que la demande du ministre visait à faire réexaminer et à faire annuler la décision de l'agent des visas en date du 18 avril 1989, et qu'il s'agit précisément de cette demande que la section du statut de réfugié est habilitée à « accepte[r] ou rejete[r] » . Ainsi, la compétence de la section du statut de réfugié ne se limitait pas seulement à « annuler » cette décision, mais aussi à la « réexaminer » 11 . [...] L'objectif semble plutôt être que la section du statut de réfugié puisse être saisie de la décision contestée pour en faire un nouvel examen en vue de l'infirmer. J'estime que la compétence relative au réexamen ne fait que s'ajouter à celle relative à « l'annulation » de la décision. [Renvoi omis; je souligne]

[20]      Cette décision constitue le point de départ de l'argument de M. Sayed. En effet, M. Sayed a soutenu qu'étant donné que lorsqu'une audience est tenue conformément au paragraphe 69.2(2) de la Loi, la Commission a compétence pour conclure qu'une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention, cette personne doit avoir la possibilité de présenter une preuve et de soulever des arguments au sujet de la question de savoir si, à ce moment-là, elle est, selon la définition, un « réfugié au sens de la Convention » .

[21]      M. Sayed a soutenu que la Commission ne peut pas fonder son appréciation du bien-fondé de la revendication uniquement sur des éléments qui ont été présentés il y a plusieurs années, car ces éléments seraient vraisemblablement désuets. M. Sayed a plutôt affirmé qu'étant donné que la définition de « réfugié au sens de la Convention » vise l'avenir, la Commission doit donner au demandeur la possibilité de présenter une preuve et de soulever des arguments montrant qu'il craint avec raison d'être persécuté.

[22]      Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (C.S.C.), la Cour suprême du Canada a fait des remarques au sujet du contenu de l'obligation d'équité et du droit à une audience. Voici ce qu'a dit Madame le juge L'Heureux-Dubé, au nom de la Cour, au paragraphe 33 de ses motifs : « [...] on ne peut pas dire non plus qu'une audience est toujours nécessaire pour garantir l'audition et l'examen équitables des questions en jeu. La nature souple de l'obligation d'équité reconnaît qu'une participation valable peut se faire de différentes façons dans des situations différentes. »

[23]      En examinant l'obligation d'équité dans le contexte d'une audience tenue en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi, il faut se rappeler que la personne en cause a déjà bénéficié d'une audience devant la section du statut au sujet de sa revendication.

[24]      En outre, comme il en sera fait mention d'une façon plus détaillée ci-dessous, l'avis prédominant de cette cour est qu'une audience visant au réexamen et à l'annulation de la reconnaissance du statut de réfugié n'équivaut pas à une nouvelle audience portant sur la revendication de la personne en cause. À plusieurs reprises, cette cour a statué que le pouvoir discrétionnaire que possède la Commission en vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi, lorsqu'il s'agit de tenir compte « d'éléments justifiant la reconnaissance du statut » , est limité à la preuve dont disposait le décideur initial.

[25]      Dans la décision Bayat, supra, au paragraphe 7, le juge Richard (tel était alors son titre) a conclu qu'il était raisonnable « que le texte du paragraphe 69.3(5) indique clairement que le tribunal ne devrait examiner que la preuve dont était saisi [le décideur initial] » . Cette conclusion n'a pas été annulée en appel.

[26]      Dans la décision Guruge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 47 Imm. L.R. (2d) 213 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein (tel était alors son titre) a suivi la décision rendue par le juge Richard dans l'affaire Bayat; il a fait les remarques suivantes aux paragraphes 11 et 12 de son jugement :

11      En l'espèce, la preuve que la demanderesse a cherché à produire visait à convaincre le tribunal que, sur la base des éléments de preuve exacts, il devrait toujours être conclu qu'elle était une réfugiée au sens de la Convention. Je ne pense pas qu'une telle preuve soit visée par le paragraphe 69.3(5). Le texte de ce paragraphe est très clair et on peut facilement en comprendre le but. Les mots pertinents sont « il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut » . L'expression « il reste » indique que la preuve en question est celle dont était saisi le tribunal qui avait rendu la décision initiale. Le raisonnement de cette interprétation n'est pas obscur. Malgré la fraude, la fausse indication sur un fait important, la suppression ou la dissimulation d'un fait important, il reste peut-être encore d'autres éléments de preuve dignes de foi pouvant, indépendamment de cette fraude, suppression, dissimulation ou fausse indication, justifier la conclusion quant au statut de réfugié. Le paragraphe 69.3(5) a clairement été destiné à conférer à la section du statut de réfugié le pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande du ministre fondée sur le paragraphe 69.2(2) si ces éléments de preuve suffisaient à étayer une conclusion quant au statut de réfugié tirée par le tribunal initial.
12      Le paragraphe 69.3(5) n'est pas une disposition en vertu de laquelle la section du statut reçoit un nouveau mandat pour déclarer qu'un individu est réfugié au sens de la Convention. Cependant, si des éléments de preuve additionnels visant à étayer la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention devaient être admis, c'est ce que le paragraphe 69.3(5) deviendrait. Je conviens avec le juge Richard dans l'affaire Bayat que la preuve mentionnée au paragraphe 69.3(5) doit être la preuve dont était saisi le tribunal initial. De nouveaux éléments de preuve visant à étayer la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention ne sont pas visés par ce paragraphe. Le tribunal n'a pas eu tort en l'espèce de refuser d'admettre le FRP de la demanderesse et de nouveaux éléments de preuve relatifs au statut de réfugié au sens de la Convention. [Je souligne]

[27]      Dans la décision Onesimo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 F.T.R. 262 (C.F. 1re inst.), le juge Sharlow (tel était alors son titre) a fait remarquer, au paragraphe 4, qu'en exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 69.3(5) de la Loi, la Commission ne doit tenir compte que des éléments de preuve considérés dans le cadre de la revendication initiale du statut de réfugié.

[28]      Le juge Tremblay-Lamer a examiné la même question dans l'affaire Ray c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 849, IMM-2818-99 (9 juin 2000) (C.F. 1re inst.); elle a dit ce qui suit aux paragraphes 12 à 14 de sa décision :

[12]      En l'espèce, la formation a conclu qu'aucun élément de preuve crédible ne permettait de conclure que malgré les fausses observations, il y avait suffisamment de preuve pour accorder aux demandeurs le statut de réfugiés.
[13]      Bien qu'il ne reste aucun élément de preuve crédible permettant à une formation de conclure qu'une personne est une réfugiée au sens de la Convention, on peut certainement déduire qu'un demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
[14]      La prétention des demandeurs selon laquelle ils ont droit à une nouvelle audition n'est pas compatible avec le régime que la Loi établit. Le revendicateur débouté qui a dit la vérité n'a pas droit à une nouvelle audition. Il est clair que la Loi ne vise pas à accorder plus de droits à une partie qui a fait de fausses déclarations sur des faits importants.

[29]      J'adopte et j'applique l'analyse et les conclusions figurant dans les arrêts susmentionnés. Je conclus donc qu'en l'espèce, la Commission n'était pas tenue d'accorder à M. Sayed une nouvelle audience portant sur son statut existant de réfugié. M. Sayed pouvait plutôt uniquement présenter des arguments au sujet de la question de savoir si, compte tenu de la preuve non viciée dont disposait la section du statut lors de l'audience initiale, il y avait suffisamment d'éléments permettant de lui reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention.

[30]      La Commission a fourni cette possibilité à M. Sayed et, après avoir entendu les arguments, elle a examiné la question et a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments lui permettant de reconnaître à M. Sayed le statut de réfugié au sens de la Convention.

[31]      Compte tenu de ce droit restreint et de son exercice, je ne puis conclure que la Commission a violé les principes de justice naturelle comme l'affirme M. Sayed.

[32]      En ce qui concerne l'argument de M. Sayed selon lequel la définition de « réfugié au sens de la Convention » vise l'avenir, je retiens l'argument qui a été invoqué pour le compte du ministre, à savoir que chaque demandeur du statut de réfugié au sens de la Convention se voit accorder une audience au sujet de sa revendication. À la date de cette audience, l'appréciation de la revendication d'un demandeur vise l'avenir. Tout changement qui survient par la suite dans la situation existant dans un pays, ou dans celle du demandeur, peut être examiné, le cas échéant, non par la Commission dans l'exercice de la compétence qui lui est conférée en vertu de l'article 69.3 de la Loi, mais au moyen d'une demande fondée sur le paragraphe 114(2) de la Loi ou d'une demande visant à l'obtention d'une décision portant que le demandeur est membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada.

[33]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[34]      Le demandeur a sollicité la certification de la question de savoir si la Commission est tenue de prendre en considération de nouveaux éléments de preuve ou de nouvelles circonstances lorsqu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi.

[35]      Le ministre s'est opposé à la certification de la question pour le motif que dans l'arrêt Bayat, supra, la Cour d'appel a confirmé la décision que la Section de première instance avait rendue au sujet de la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire que possède la Commission en vertu du paragraphe 69.3(5) est limité à l'examen de la preuve dont disposait le tribunal initial.

[36]      Toutefois, dans ses motifs, voici ce que le juge Richard a dit sur ce point :

En outre, ils ont eu raison de conclure que le texte du paragraphe 69.3(5) ne fait manifestement référence qu'à la preuve effectivement produite devant l'agent des visas chargé de prendre la décision, que la section du statut ne devrait pas présumer de la preuve documentaire qui aurait pu être à la disposition de l'agent des visas. Après avoir procédé à l'analyse recommandée par le juge Gibson dans la décision Mahdi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [voir note 2 ci-dessous], les membres majoritaires ont refusé d'exercer le pouvoir discrétionnaire que leur confère le paragraphe 69.3(5) de rejeter la demande visant à annuler la décision de l'agent des visas.
______________________________________________________________________
     Note 2 : (15 novembre 1994), no IMM-1600-94 (C.F. 1re inst.). [Voir [1994] A.C.F. no 1691].
______________________________________________________________________

[37]      Dans la décision Mahdi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) susmentionnée, le juge Gibson a conclu qu'en exerçant sa compétence en vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi, la section du statut de réfugié aurait dû effectuer l'analyse pour déterminer si « compte tenu des faits, tels qu'ils étaient alors connus, la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de la requérante au Canada pouvait être maintenue » [je souligne]. La décision qui a été rendue dans l'affaire Mahdi a été confirmée par la Cour d'appel, [1995] A.C.F. no 1623 (C.A.).

[38]      Par conséquent, puisque le juge Richard a mentionné la décision Mahdi, je ne puis retenir l'argument qui a été invoqué pour le compte du ministre, selon lequel la Cour d'appel a statué d'une façon définitive sur la question de savoir si la Commission peut tenir compte d'éléments subséquents.

[39]      Je note en outre que c'est en se fondant sur la décision Mahdi que le juge Rothstein a certifié, dans la décision Guruge, supra, la question suivante aux fins de l'appel : « Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration, la section du statut de réfugié est-elle autorisée à tenir compte des éléments de preuve dont le tribunal initial ne disposait pas et qui étayeraient la revendication du statut de réfugié de la demanderesse? »

[40]      Même si cette question avait été certifiée, l'appel interjeté contre la décision du juge Rothstein a été abandonné le 6 juin de l'année en cours.

[41]      Compte tenu de ces arrêts, je conclus que cette question est une question grave de portée générale et je certifie donc la question suivante :

Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration, la section du statut de réfugié est-elle autorisée à tenir compte des éléments de preuve dont le tribunal initial ne disposait pas et qui étayeraient la revendication du statut de réfugié de la demanderesse? »




                                 « Eleanor R. Dawson »

                                         Juge


Ottawa (Ontario)

Le 11 octobre 2000


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  IMM-4558-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          AHMAD NOMAN SAYED ET MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 29 AOÛT 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE MADAME LE JUGE DAWSON EN DATE DU 11 OCTOBRE 2000.


ONT COMPARU :

Michael Korman                  POUR LE DEMANDEUR
Ian Hicks                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Otis & Korman                  POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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