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Date : 20220726

Dossier : T-953-20

Référence : 2022 CF 1111

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2022

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

NAVARATNAM KANDASAMY

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, M. Navaratnam Kandasamy, présente une demande de révision [la demande], au titre de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [la LAI], de la décision rendue le 3 avril 2019 par la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] en réponse à sa demande de renseignements. M. Kandasamy soutient que la GRC a commis une erreur en ne lui communiquant pas les renseignements personnels qu’il avait demandés. Il sollicite maintenant une ordonnance de la Cour afin que la GRC communique ces renseignements.

[2] M. Kandasamy n’a pas soulevé d’erreurs précises de la part de la GRC, mais affirme plutôt que celle-ci possède des dossiers à son sujet, parce qu’il avait déposé des plaintes auprès d’autres services de police et/ou de la GRC et que, à son avis, la GRC tient des dossiers sur toutes les interactions avec les organismes d’application de la loi au Canada et à l’étranger.

[3] M. Kandasamy déclare avoir demandé ses renseignements personnels, parce qu’il croit qu’il a été suivi et a subi du harcèlement criminel au Canada et dans des pays étrangers, que ses communications ont été piratées et/ou supprimées, et que des renseignements erronés à son sujet ont été communiqués à d’autres pays. Il affirme qu’il continue d’être sous la surveillance constante de plusieurs organismes. Il allègue avoir été maltraité lorsqu’il a voyagé à l’étranger entre 2008 et 2010; toutefois, il n’a fourni aucun détail sur le mauvais traitement allégué. Il affirme également avoir été [traduction] « pénétré par des armes à énergie ». M. Kandasamy affirme de façon plus générale qu’il fait face à la torture ainsi qu’à des préjudices physiques et mentaux, et que les représentants du gouvernement n’ont pas répondu à ses préoccupations.

[4] M. Kandasamy atteste qu’il a déposé des plaintes auprès des services de police de son quartier, qui n’ont pas répondu.

[5] M. Kandasamy sollicite également la révision de deux autres décisions qui ont été rendues en réponse à des demandes de renseignements personnels. Dans le dossier T-1814-19, il conteste la décision du ministère de la Sécurité publique [la Sécurité publique] et, dans le dossier T-167-20, il conteste la décision du Service canadien du renseignement de sécurité [le SCRS]. Les trois demandes ont été instruites ensemble. M. Kandasamy a demandé à la Sécurité publique et au SCRS des renseignements personnels similaires, en se fondant sur des allégations semblables selon lesquelles ces organismes avaient conservé des dossiers à son sujet. Il a également présenté des arguments similaires dans les trois demandes de révision, en réitérant ses allégations selon lesquelles il avait été maltraité et personne n’avait répondu à ses plaintes.

[6] Comme il a été mentionné dans le dossier T-1814-19 (2022 CF 1100), M. Kandasamy aurait bénéficié de conseils juridiques indépendants ou d’une représentation pour mieux lui expliquer l’objectif de la LAI, notamment la façon dont elle s’applique à la fois lorsque des renseignements sont fournis et lorsqu’ils sont exemptés de la communication, ainsi que la portée d’une demande de révision. M. Kandasamy a soulevé plusieurs préoccupations qui dépassent la portée de la présente demande de révision, y compris en ce qui concerne ses craintes de surveillance et de piratage, qui ne semblent être étayées par aucun élément de preuve.

I. Le contexte

[7] Le 24 janvier 2019, M. Kandasamy a déposé un formulaire de demande de renseignements personnels auprès du coordonnateur de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de la GRC pour demander tous les dossiers, datés du 4 avril 1991 à janvier 2019, qui étaient sous le contrôle de la GRC et qui contenaient des renseignements personnels de M. Kandasamy.

[8] Plus précisément, dans ses propres mots, sa demande mentionnait ce qui suit :

[traduction française]
Je demande tous les dossiers qui contiennent mes renseignements personnels, définis [à l’article] 3 de la Loi, datés du 4 avril 1991 à janvier 2019. Tout dossier qui contient mes renseignements personnels sous le contrôle de la Gendarmerie royale du Canada. Une partie du fichier/document PPU055

Système d’incidents et de rapports de police lié aux services aux victimes

Fichier des renseignements concernent les menaces possibles et les victimes de menaces

Centre d’information de la police canadienne (CIPC, No ADD : 91/015 et 96/023)

Messages narratifs en formats électronique et papier, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sous sécurité

Directives ministérielles relatives à Sécurité nationale et aux renseignements

Renseignements communiqués au monde et aux partenaires (Sri Lanka, Inde, Royaume-Uni, mai 2008-juin 2008, décembre 2009 à mai 2010

Habilitation de sécurité

[Traduit selon ce qui a été reproduit dans la version anglaise.]

[9] Comme il est mentionné dans l’affidavit de Kelly Jetté, analyste principale de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels à la GRC [l’analyste], cette dernière a communiqué avec M. Kandasamy pour tenter de clarifier le langage peu clair de sa demande, mais il a refusé de modifier celle-ci. M. Kandasamy n’a pas mentionné de lieu précis pour la recherche. L’analyste a donc mené une recherche basée sur l’adresse résidentielle de M. Kandasamy et a demandé que des collègues de la police fédérale effectuent les recherches liées à la sécurité nationale.

[10] Le ou vers le 2 avril 2019, la GRC a informé M. Kandasamy par lettre qu’elle avait effectué des recherches dans les banques de données pertinentes et qu’elle n’avait pas trouvé de documents répondant à sa demande.

[11] M. Kandasamy a ensuite déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information.

[12] Le commissaire à l’information a répondu à la plainte de M. Kandasamy par une lettre datée du 29 juillet 2020 et l’a informé qu’il avait demandé à la GRC de plus amples renseignements sur les activités opérationnelles, le mandat et les secteurs de programme de celle-ci, afin de contextualiser la réponse qu’elle avait donné à M. Kandasamy, et que la GRC avait fourni cette information. Le commissaire à l’information a conclu que la GRC avait effectué une recherche raisonnable et qu’elle s’était acquittée de ses obligations sous le régime de la LAI. Le Commissaire à l’information a conclu que la plainte de M. Kandasamy n’était pas fondée.

II. Les observations du demandeur

[13] Dans ses observations écrites, M. Kandasamy déclare que la Cour devrait déterminer si la GRC a commis une erreur en gardant ses renseignements personnels secrets et en refusant de confirmer l’existence d’autres renseignements personnels. Toutefois, cette observation ne se rapporte pas à la réponse de la GRC, à savoir qu’elle n’avait pas trouvé de documents répondant à la demande; elle n’avait pas répondu qu’elle refusait de confirmer ou de nier l’existence de documents, ou que des documents n’étaient pas communiqués, conformément à la LAI.

[14] Les autres observations écrites de M. Kandasamy, comme celles dans les demandes connexes, comprennent des extraits d’articles de presse et de sites Web, ainsi que d’autres réflexions et opinions sur les techniques de surveillance, le contrôle de l’esprit, l’intelligence artificielle et les armes à micro-ondes. Cette information ne traite pas des questions dont la Cour est saisie concernant la réponse de la GRC à sa demande de renseignements personnels.

[15] Lors de l’audition de la présente demande, la Cour a rappelé à M. Kandasamy que l’objet de la demande était limité à la décision faisant l’objet de la révision — celle de la GRC — et que la Cour n’était pas la tribune convenable pour examiner son vaste éventail d’allégations de mauvais traitements. M. Kandasamy a réitéré sa conviction que la GRC recueillait des renseignements sur de nombreuses personnes, et il reste d’avis que la GRC possède des renseignements à son sujet. Il soutient que la réponse de la GRC voulant qu’aucun dossier n’ait été trouvé n’est pas possible. Il a également réitéré sa préoccupation selon laquelle il était sous surveillance.

III. Les observations du défendeur

[16] Le défendeur soutient que la question est de savoir s’il est raisonnable de conclure que les renseignements demandés n’existent pas. Il soutient qu’il est raisonnable de tirer une telle conclusion. Le défendeur reconnaît que la présente demande, présentée au titre de la LAI, nécessite une révision de novo par la Cour, mais soutient que, dans les circonstances, le seul résultat possible est que la réponse de la GRC est également raisonnable et conforme à la LAI.

[17] Le défendeur reconnaît également que, conformément à l’article 48 de la LAI, la charge d’établir que la GRC était autorisée à rendre sa décision, à savoir qu’elle n’avait pas trouvé de documents répondant à la demande, incombe au défendeur.

[18] Le défendeur renvoie à l’affidavit de l’analyste, qui décrit la recherche qu’elle a effectuée et sa conclusion qu’aucun dossier n’a été trouvé en réponse à la demande de M. Kandasamy. Le défendeur soutient qu’il s’agit du seul élément de preuve dont la Cour dispose sur lequel celle-ci peut s’appuyer pour trancher la présente demande.

IV. La GRC a respecté ses obligations sous le régime de la LAI

[19] Aux paragraphes 60 à 68 de la décision Suncor Énergie Inc c Office Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers, 2021 CF 138 [Suncor], la Cour a examiné la norme de contrôle prévue à l’article 44 de la LAI, à la lumière de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La Cour a conclu que la LAI énonçait clairement que la révision devait être effectuée comme une nouvelle affaire, appelée « révision de novo » (Suncor, au para 62). La Cour a souligné, en citant l’arrêt Vavilov, qu’il existait une distinction entre un contrôle selon la norme de la décision raisonnable et un examen de novo.

[20] Comme il a été conclu dans la décision Suncor, dans le cadre d’une demande de révision présentée au titre des articles 41 ou 44 de la LAI, le libellé clair de l’article 44.1 prévaut :

44.1 Il est entendu que les recours prévus aux articles 41 et 44 sont entendus et jugés comme une nouvelle affaire.

44.1 For greater certainty, an application under section 41 or 44 is to be heard and determined as a new proceeding.

[21] En l’espèce, la Cour est donc tenue de procéder à une révision de novo, c’est-à-dire de trancher à nouveau la question de savoir si les renseignements demandés doivent être communiqués. Cependant, la Cour ne se présente pas à la GRC et n’effectue pas une autre recherche. La Cour doit s’appuyer sur l’unique élément de preuve dont elle dispose, c’est-à-dire celui de l’analyste, qui atteste qu’elle a effectué la recherche des dossiers demandés, conformément à la LAI, ainsi qu’aux politiques et aux procédures pertinentes, et qu’elle n’a pas trouvé de dossiers répondant à la demande. Par conséquent, la Cour conclut, tout comme la GRC et le commissaire à l’information, que la GRC s’est conformée à la LAI et qu’aucun dossier ne répond à la demande.

[22] Le défendeur demande la somme de 750 $ au titre des dépens pour les trois affaires (T-1814-19, T-167-20 et la présente demande), ou 250 $ pour chaque demande. Pour les motifs mentionnés dans le dossier T-1814-19, le défendeur a droit à des dépens de 250 $.


JUGEMENT dans le dossier T-953-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de révision est rejetée.

  2. Le demandeur doit payer au défendeur la somme de 250 $ au titre des dépens.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christopher Cyr


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-953-20

 

INTITULÉ :

NAVARATNAM KANDASAMY c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 juillet 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 juillet 2022

 

COMPARUTIONS :

Navaratnam Kandasamy

 

Pour son propre compte

 

Jacob Blackwell

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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