Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220726


Dossiers : IMM‑3763‑21

IMM‑3783‑21

Référence : 2022 CF 1102

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2022

En présence de monsieur le juge Zinn

Dossier : IMM‑3763‑21

ENTRE :

RAHAT Samuel

ASHMARA Samuel

JASSICA Samuel

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’ IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM‑3783‑21

ET ENTRE :

HAROON ALEXANDER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’ IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour doit statuer sur deux demandes de contrôle judiciaire visant deux décisions datées du 14 avril 2021, dans lesquelles un agent de migration a rejeté les demandes de résidence permanente au Canada des demandeurs en tant que membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières et de la catégorie de personnes de pays d’accueil. Les demandeurs appartiennent tous à la même famille.

[2] Le dossier de la Cour IMM‑3763‑21 concerne la demande de Rahat Samuel, qui est la mère des autres demandeurs. Cette demande ne faisait pas mention de ses filles, Ashmara et Jassica, qui étaient incluses dans la demande de résidence permanente de leur mère. L’intitulé sera modifié avec effet immédiat pour que leurs noms soient ajoutés à titre de demanderesses. Le dossier de la Cour IMM‑3783‑21 concerne la demande d’Haroon Alexander, qui est le fils de Rahat Samuel.

[3] Les deux demandes de résidence permanente ont été examinées ensemble, et la Cour a ordonné qu’elles soient entendues conjointement. Une seule série de motifs sera produite pour les deux demandes et sera versée dans chacun des dossiers de la Cour.

[4] Pour les motifs qui suivent, il sera fait droit aux deux demandes.

Contexte

[5] Tous les demandeurs sont des citoyens du Pakistan qui vivent actuellement en Thaïlande sans statut. Ils affirment être exposés à un risque de persécution au Pakistan en raison des activités de Mme Samuel pour la défense des droits des femmes et en raison de leur foi chrétienne.

[6] Au Pakistan, Mme Samuel a fait du bénévolat au sein du Comité national pour la paix et l’harmonie interconfessionnelles, où elle affirme avoir occupé le poste de présidente de l’aile féminine. Dans le cadre de son travail pour ce groupe, elle aurait aidé une femme musulmane, Razia, à porter plainte à la police contre son époux pour agression sexuelle. L’époux de Razia a été libéré par la suite et s’est mis à menacer Mme Samuel. Cette dernière allègue que, le 15 juin 2012, l’époux en question et ses amis ont tenté de la kidnapper. Par conséquent, elle a mis fin à ses activités au Comité national pour la paix et l’harmonie interconfessionnelles et s’est fait conseiller de rester discrète. Elle a changé de numéro de téléphone et les menaces ont cessé.

[7] En mars 2013, des extrémistes musulmans ont attaqué le quartier chrétien appelé colonie de Saint‑Joseph et ont tenté d’incendier plusieurs maisons, apparemment parce qu’un résident était accusé de blasphème. Les demandeurs vivaient dans la colonie ou tout près. À la suite de cette attaque, Mme Samuel a participé à une manifestation dénonçant la violence envers les Chrétiens et a donné une entrevue aux médias. Les menaces contre elle ont alors repris.

[8] Mme Samuel s’est enfuie en Thaïlande, où ses enfants l’ont rejointe plusieurs mois plus tard. Elle et ses enfants vivent dans ce pays sans statut et dépendent de la générosité de l’église locale. Son époux, Samuel Victor, se trouve encore au Pakistan. Il soutient qu’il y est resté pour liquider les affaires de la famille, mais qu’il n’a pas été en mesure par la suite d’obtenir l’autorisation d’entrer en Thaïlande et d’y retrouver sa famille.

[9] En septembre 2019, Mme Samuel et M. Alexander ont présenté des demandes séparées de résidence permanente. Ces demandes étaient parrainées par l’archidiocèse catholique romain de Toronto. Ashmara et Jassica avaient respectivement 21 et 16 ans à l’époque, et ont été incluses dans la demande de leur mère. M. Alexander était âgé de 23 ans.

[10] Le 10 mars 2021, Mme Samuel et M. Alexander ont reçu des lettres séparées leur demandant de se présenter le 8 avril 2021 pour une entrevue qui se déroulerait par Zoom. La lettre de Mme Samuel enjoignait aussi à Ashmara, qui avait alors 22 ans, d’être présente à l’entrevue. Jassica avait alors 18 ans mais n’a pas été obligée d’y assister.

[11] En entrevue, l’agent de migration a posé plusieurs questions à Mme Samuel. Aucune question n’a été adressée à M. Alexander et à Ashmara.

[12] Durant l’entrevue, l’agent a informé Mme Samuel qu’il avait des doutes sur la crédibilité de son exposé circonstancié. Il a souligné plusieurs incohérences et a demandé à Mme Samuel de les expliquer.

[13] Le 14 avril 2021, l’agent a fait parvenir deux lettres de décision aux demandeurs : une à Mme Samuel [la décision Samuel] rejetant sa demande et une autre à M. Alexander [la décision Alexander] rejetant sa demande à lui.

La décision Samuel

[14] La décision Samuel précise que Mme Samuel a été interviewée le 8 avril 2021. Elle décrit les exigences pertinentes relatives à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières (article 145 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑277 [le Règlement] et article 96 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]) et à la catégorie de personnes de pays d’accueil (article 147 du Règlement).

[15] La décision Samuel est libellée comme suit :

[traduction]

Après avoir soigneusement analysé tous les facteurs liés à votre demande, je ne suis pas convaincu, tout bien considéré, que vous avez prouvé que vous craignez avec raison d’être persécutée ou que vous avez subi des conséquences graves et personnelles en raison d’une guerre civile, d’un conflit armé ou d’une violation massive des droits de la personne. Je ne suis donc pas convaincu qu’il existe une possibilité raisonnable ou des motifs solides permettant de conclure que vous appartenez à l’une des catégories réglementaires.

[16] L’agent exprime plusieurs doutes en matière de crédibilité à l’égard du témoignage de Mme Samuel. Il souligne l’incapacité de celle‑ci à expliquer en détail son rôle au sein du Comité national pour la paix et l’harmonie interconfessionnelles. Selon l’agent, l’explication donnée par Mme Samuel pour justifier son absence de suivi auprès de Razia, soit qu’elle ne se sentait pas en sécurité de le faire et qu’on lui avait enjoint de rester discrète, est incompatible avec le fait d’avoir donné une entrevue dans les médias durant la manifestation contre l’attaque visant la colonie de Saint‑Joseph. L’agent mentionne aussi que Mme Samuel n’a pas pu expliquer les incohérences entre son exposé circonstancié et celui de son époux.

La décision Alexander

[17] La décision Alexander commence de la même façon que la décision Samuel. L’agent y souligne, ce qui est faux, que l’entrevue de M. Alexander s’est déroulée le 8 avril 2021, puis énumère les dispositions légales pertinentes et précise qu’il n’est pas convaincu que M. Alexander satisfait aux exigences énoncées dans ces dispositions. La décision Alexander expose les motifs suivants pour justifier cette conclusion :

[traduction]

Le fondement de votre demande d’asile est relié à votre mère. Étant donné les incohérences qui ont été relevées dans l’exposé circonstancié pendant l’entrevue, on a jugé que votre mère ne correspondait pas à la définition d’un membre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de la catégorie de personnes de pays d’accueil. Par conséquent, vous ne répondez pas aux exigences de cet alinéa.

Questions en litige

[18] Les demandeurs soulèvent huit points dans la présente instance. La question de savoir s’il faut faire droit aux demandes en l’espèce peut être tranchée en fonction d’un seul élément : y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

[19] Notre Cour éprouve également vis‑à‑vis des décisions Samuel et Alexander certaines réserves auxquelles je vais m’attarder. Plus précisément, je vais déterminer si l’agent a omis, de façon déraisonnable, d’examiner pleinement la question de savoir si les demandeurs sont des réfugiés ou appartiennent à la catégorie de personnes de pays d’accueil. Mes observations sur ce deuxième point visent à aider l’agent qui va statuer à nouveau sur l’affaire, vu que les demandes en l’espèce seront renvoyées pour nouvelle décision.

[20] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Cependant, la norme qui s’applique aux questions d’équité procédurale s’apparente à celle de la décision correcte. Pour ces questions, le tribunal de révision « doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54).

Analyse et discussion

1. L’équité procédurale

[21] L’omission de convoquer M. Alexander en entrevue constituait une violation claire de ses droits en matière d’équité procédurale. La conduite de l’agent a relégué M. Alexander au rôle de simple spectateur dans l’audience qui le concernait, sans qu’il ait la possibilité de répondre aux doutes soulevés par l’agent sur la crédibilité. Ces doutes résident à la base du rejet de la demande de M. Alexander.

[22] Le défendeur admet que M. Alexander était présent à l’audience et qu’aucune question ne lui a été posée. Il fait valoir que ce n’était pas une erreur de ne pas interroger M. Alexander, étant donné que sa demande d’asile reposait entièrement sur l’expérience vécue par sa mère au Pakistan et que son avenir était lié au sien. Le défendeur demande ce qu’aurait pu dire le demandeur [M. Alexander] pour bonifier le témoignage de sa mère.

[23] On peut répondre à cette question en soulignant qu’il est impossible de le savoir puisque M. Alexander n’a pas été interrogé. Même s’il n’avait rien à ajouter, M. Alexander avait droit à une procédure équitable et adéquate, ce qui incluait le droit de se faire poser des questions.

[24] Le juge Manson énonce clairement dans Ismailzada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 67 [Ismailzada] que l’agent est tenu, lorsque plusieurs demandeurs participent à l’entrevue, de donner à chacun la possibilité de répondre aux doutes concernant la crédibilité. Il ne s’agit pas ici uniquement de M. Alexander, dont la demande était séparée de celle de sa mère. Ashmara aurait dû aussi être interrogée.

[25] En outre, je constate que la conduite de l’agent ne correspond pas aux propres lignes directrices du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Les deux parties fondent leurs arguments sur le guide opérationnel OP 5 intitulé : Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outrefrontières et de personnes protégées à titre humanitaire outrefrontières [le guide OP 5].

[26] L’article 13.3 du guide OP 5 est libellé comme suit :

Si la demande du demandeur principal n’est pas recevable à titre de membre de la catégorie de réfugié au sens de la Convention outre‑frontières, l’agent doit évaluer la recevabilité [sic] et l’admissibilité de l’époux, du conjoint de fait et de tout membre de la famille. Il ne peut tenir pour acquis qu’un époux, un conjoint de fait ou un enfant, tout particulièrement un enfant plus âgé, n’a pas sa propre histoire à raconter. Chaque membre de la famille doit avoir l’occasion de relater son histoire; l’agent doit explorer toutes les avenues. Lorsque la demande d’un des membres d’une famille est recevable, son statut s’applique à tous les autres membres de cette famille. Si la demande d’aucun membre d’une famille n’est recevable, passez à la Section 27, Rejet d’une demande.

[27] L’agent était obligé d’évaluer la recevabilité de la demande de chacun. S’il avait des inquiétudes quant à la crédibilité des demandes, chacun des demandeurs présents à l’entrevue devaient avoir la possibilité de se faire entendre à ce sujet.

[28] Il est révélateur que la décision Samuel ne mentionne ni Ashmara ni Jassica. L’agent semble avoir l’impression que la recevabilité de leurs demandes, comme celle de M. Alexander, était inextricablement liée à celle de Mme Samuel.

[29] À mon avis, l’agent aurait dû convoquer Jassica à l’entrevue pour que sa demande puisse être évaluée. Je reconnais que Jassica était mineure à l’époque où les demandes ont été présentées. Toutefois, au moment de l’entrevue, elle avait 18 ans et était donc une adulte. Je souligne encore une fois la section 13.3 du guide OP 5, qui précise ce qui suit : « [l’agent] ne peut tenir pour acquis qu’un époux, un conjoint de fait ou un enfant, tout particulièrement un enfant plus âgé, n’a pas sa propre histoire à raconter » [non souligné dans l’original].

2. Un examen complet des demandes

[30] Les demandeurs font valoir que l’agent n’a pas procédé à un examen complet de tous les motifs de persécution auxquels ils sont exposés au Pakistan. Ils affirment plus particulièrement que l’agent a commis une erreur en évaluant seulement si Mme Samuel risquait d’être persécutée à cause de ses activités au sein du Comité national pour la paix et l’harmonie interconfessionnelles, sans tenir compte de la persécution qu’elle et les membres de sa famille étaient exposés en tant que Chrétiens.

[31] Les demandeurs soulignent que des observations et des éléments de preuve sur les conditions dans le pays présentés à l’agent portaient sur le traitement réservé aux Chrétiens au Pakistan et que leur exposé circonstancié décrivait la persécution dont ils étaient victimes dans ce pays. Les demandeurs rappellent en particulier que leur maison dans la colonie de Saint‑Joseph a été incendiée à cause de leur religion et de la manifestation où Mme Samuel a donné une entrevue sur la violence faite à la minorité chrétienne au Pakistan.

[32] Les demandeurs soutiennent en outre que l’agent a complètement négligé d’évaluer s’ils étaient admissibles au titre de la catégorie de personnes de pays d’accueil.

[33] En réplique, le défendeur affirme que les conclusions de l’agent reposaient sur les réponses données par Mme Samuel lors de l’entrevue. Quand l’agent lui a demandé d’expliquer pourquoi elle avait quitté le Pakistan, elle n’avait pas mentionné la persécution religieuse. Selon le défendeur, même si les documents sur les conditions dans le pays mettent en lumière les problèmes que vivent les femmes chrétiennes au Pakistan, les demandeurs n’ont pas souligné qu’ils faisaient face personnellement à ces défis.

[34] Le défendeur estime que l’agent a bien pris en considération la catégorie de personnes de pays d’accueil. Il souligne que l’agent, dans les décisions Samuel et Alexander, a mentionné les catégories pertinentes puis a déclaré qu’il n’était pas convaincu qu’il existait [traduction] « une possibilité raisonnable ou des motifs solides permettant de conclure que [les demandeurs appartiennent] à l’une des catégories prescrites. »

[35] Le défendeur est d’avis qu’il était raisonnable pour l’agent de rejeter les demandes parce que certains aspects fondamentaux de la preuve n’étaient pas crédibles. Il fait valoir que l’agent [traduction] « n’étant pas en mesure d’établir que Mme Samuel était crédible, était obligé de rejeter la demande. » D’après le guide OP 5, selon le défendeur, l’évaluation suit un processus à quatre étapes, dont la première consiste à évaluer la recevabilité de la demande, tandis que l’appartenance à des catégories précises est analysée à la troisième.

[36] Les décisions Samuel et Alexander sont déraisonnables. Non seulement l’agent a négligé de déterminer si les demandeurs risquaient la persécution pour des motifs religieux, mais il n’a pas expliqué non plus pourquoi les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de personnes de pays d’accueil.

[37] L’agent a tiré une seule conclusion, soit que Mme Samuel n’était pas crédible. L’argument du défendeur suivant lequel cette conclusion était déterminante est erroné. Contrairement à l’identité d’un demandeur, la crédibilité n’est pas déterminante dans le cas d’une demande d’asile (ou d’une demande au titre de la catégorie de personnes de pays d’accueil). Même si le témoignage de Mme Samuel n’est pas crédible, elle et sa famille peuvent néanmoins appartenir aux catégories pertinentes.

[38] Mme Samuel pourrait quand même avoir qualité de réfugiée sur la base de la preuve objective admise par l’agent ou des parties de son témoignage qui n’étaient pas contestées. Par exemple, l’agent ne remet aucunement en question la preuve relative au traitement des Chrétiens au Pakistan ni le fait que les demandeurs soient chrétiens.

[39] D’après le défendeur, les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils subissaient le genre de traitement décrit dans les documents sur les conditions dans le pays, mais cette conclusion n’a pas été exprimée par l’agent. Le conseil vient étayer ici indûment les motifs de l’agent. De surcroît, les demandeurs ont allégué que leur quartier avait été attaqué pour des raisons religieuses. L’agent n’explique pas en quoi cet incident ne démontre pas qu’il y a persécution.

[40] Si les enfants de Mme Samuel avaient eu la possibilité de témoigner, au moins un d’entre eux aurait pu être déclaré appartenir à la catégorie pertinente. Les observations du défendeur sur l’équité procédurale soulignent que les doutes de l’agent relatifs à la crédibilité se rapportaient à des événements qui ne touchaient pas M. Alexander et qui se sont produits quand il était mineur. M. Alexander vivait dans la colonie de Saint‑Joseph quand le quartier a été attaqué. Bien qu’il ait été mineur à l’époque, il était tout de même adolescent. Ces événements, s’ils sont véridiques, auraient vraisemblablement été traumatisants, et il se peut que M. Alexander en ait des souvenirs indélébiles. Son témoignage, s’il avait été admis, aurait servi à établir que lui‑même et sa famille risquent de subir de la persécution religieuse au Pakistan.

[41] Comme pour la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières, l’agent n’explique à aucun moment en quoi les demandeurs ne satisfont pas aux exigences de la catégorie de personnes de pays d’accueil. Il est possible que les demandeurs ne fassent pas partie de cette catégorie, mais l’agent était tenu d’expliquer pourquoi.

[42] Je rejette l’observation du défendeur suivant laquelle le guide OP 5 permet de croire que la crédibilité constitue une question fondamentale et que l’enquête prend fin dès que l’agent détermine qu’un demandeur n’est pas crédible. Cette interprétation ne concorde pas avec le guide OP 5 lui‑même. Il est vrai que la section 13 établit une procédure en quatre étapes, dont la première consiste à évaluer la crédibilité. Toutefois, à la troisième étape, quand il doit déterminer si le demandeur fait partie de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières, l’agent doit notamment tenir compte de la « crédibilité du demandeur » (voir le guide OP 5, section 13.3). Si une conclusion défavorable en matière de crédibilité était déterminante, il ne serait pas nécessaire que l’agent évalue la crédibilité à une étape ultérieure de son analyse.

[43] En dernier lieu, je voudrais commenter l’observation du défendeur suivant laquelle Mme Samuel n’a pas mentionné la persécution religieuse durant son entrevue.

[44] L’agent n’est pas censé évaluer une demande seulement à partir de l’entrevue. Cette dernière sert à compléter la demande d’asile et offre aux agents la possibilité d’obtenir des détails et d’évaluer la crédibilité des demandeurs. Le seul fait que Mme Samuel n’ait pas invoqué la persécution religieuse de son propre chef lors de l’entrevue ne signifie pas qu’elle renonçait à ce motif comme fondement de sa demande d’asile. Si l’agent éprouvait des doutes sur la sincérité de la croyance religieuse des demandeurs, il aurait dû les questionner sur ce point. Les éléments de preuve présentés par les demandeurs confirmant leur identité n’ont pas été contestés.

[45] Pour ces motifs, il est fait droit aux deux demandes. Aucune question à certifier n’a été proposée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3763‑21

LA COUR ORDONNE :

  1. L’intitulé est modifié avec effet immédiat pour que Ashmara Samuel et Jassica Samuel soient ajoutées comme demanderesses;

  2. Il est fait droit à la demande;

  3. La demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières et de celle de personnes de pays d’accueil doit être réexaminée par un autre agent conformément aux présents motifs;

  4. Aucune question n’est certifiée.

JUGEMENT dans le dossier IMM‑3783‑21

LA COUR ORDONNE :

  1. Il est fait droit à la demande;

  2. La demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières et de celle de personnes de pays d’accueil doit être réexaminée par un autre agent conformément aux présents motifs;

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3763‑21

 

INTITULÉ :

RAHAT SAMUEL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

ET DOSSIER :

IMM‑3783‑21

 

INTITULÉ :

HAROON ALEXANDER c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 MAI 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE :

LE 26 JUILLET 2022

 

COMPARUTIONS :

Adela Crossley

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Crossley Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.