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Date : 20220802


Dossier : IMM‑6091‑21

Référence : 2022 CF 1152

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 août 2022

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

YU QIN WU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Yu Qin Wu, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 17 août 2021, par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la « SAI ») a confirmé le rejet de sa demande présentée en vue de parrainer son époux afin qu’il obtienne la résidence permanente. La demande de parrainage de la demanderesse a été rejetée au motif que son époux n’avait pas l’autorisation de revenir au Canada, car une mesure d’expulsion avait été prise contre lui. La SAI a conclu qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales dans le cas de la demanderesse.

[2] La demanderesse soutient que la décision de la SAI est déraisonnable, car la SAI n’a pas raisonnablement tenu compte des motifs d’ordre humanitaire qu’elle avait invoqués.

[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SAI est raisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Les faits

A. La demanderesse

[4] La demanderesse est une citoyenne canadienne âgée de 41 ans. Elle est arrivée au Canada en 2007, après avoir été parrainée par son ex‑époux. Le couple a divorcé en 2010.

[5] Le 4 mai 2018, la demanderesse s’est mariée avec son époux actuel, Fei Lian (« M. Lian »), un citoyen chinois. Ils sont les parents d’un enfant né en Chine en 2019 qui est citoyen canadien. Leur enfant vit en Chine avec les parents de la demanderesse. M. Lian a un autre enfant né d’un mariage précédent qui est âgé de 14 ans et qui vit avec sa mère en Chine.

[6] Le 15 janvier 2008, M. Lian est entré au Canada à l’aide de faux documents et a par la suite demandé l’asile. Sa demande d’asile a été rejetée le 10 novembre 2009. Sa demande d’examen des risques avant renvoi a également été rejetée le 11 janvier 2011.

[7] M. Lian est retourné en Chine en décembre 2016 sans signaler son départ à l’Agence des services frontaliers du Canada. Un mandat d’arrestation a été lancé contre lui, mais a par la suite été annulé lorsque l’Agence a découvert qu’il avait quitté le Canada.

[8] En avril 2019, la demanderesse a présenté une demande en vue de parrainer M. Lian afin qu’il obtienne la résidence permanente au Canada. M. Lian a également demandé l’autorisation de revenir au Canada afin de faire annuler la mesure d’expulsion qui avait été prise contre lui. Le 8 mai 2020, la demande d’autorisation de revenir au Canada de M. Lian a été rejetée.

[9] Par une décision datée du 8 mai 2020, un agent des visas du bureau d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada à Hong Kong (« l’agent ») a rejeté la demande de parrainage conjugal de la demanderesse. L’agent a conclu que l’époux de la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences pour immigrer au Canada parce qu’il n’avait pas l’autorisation de revenir au Canada, laquelle autorisation doit être obtenue conformément au paragraphe 52(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et au paragraphe 226(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, lorsqu’une mesure d’expulsion a été prise.

[10] La demanderesse a par la suite interjeté appel de la décision de l’agent auprès de la SAI.

B. La décision faisant l’objet du contrôle

[11] Par une décision datée du 17 août 2021, la SAI a rejeté l’appel de la demanderesse et a conclu qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. L’authenticité du mariage de la demanderesse et de M. Lian n’était pas contestée.

[12] La SAI a conclu que M. Lian a fait preuve d’un certain mépris à l’égard des lois canadiennes sur l’immigration en utilisant de faux documents d’identité pour entrer au Canada, en ne quittant pas le Canada et en ne signalant pas son départ du Canada. La SAI a jugé que ces infractions n’étaient pas graves et qu’elles ne constituaient qu’un facteur légèrement défavorable dans le cadre de l’appel.

[13] En ce qui concerne le facteur de l’établissement, la SAI a conclu que la demanderesse et M. Lian avaient un faible degré d’établissement au Canada. Même si M. Lian a vécu au Canada pendant huit ans, il a été sans emploi pendant la majeure partie de cette période, il ne possédait aucune propriété, il a acquis peu de compétences en anglais, et rien n’indique qu’il a établi des relations sociales durables. De plus, aucun membre de sa famille, sauf son épouse, ne vivait au Canada. Par contre, M. Lian est bien établi en Chine, où vit son fils aîné et où il occupe actuellement un emploi. De même, la SAI a conclu que le degré d’établissement de la demanderesse était faible, même si elle vit au Canada depuis longtemps.

[14] En outre, la SAI a conclu que la demanderesse était évasive dans ses déclarations. Elle n’a pu expliquer de façon raisonnable pourquoi elle s’était rendue en Chine lorsque M. Lian y est retourné en décembre 2016, alors qu’elle avait déclaré qu’ils n’étaient pas en couple à cette époque. Elle n’a pas non plus expliqué sa situation financière de façon crédible, et la SAI a conclu que, à l’évidence, elle avait une autre source de revenus qu’elle cachait.

[15] En ce qui a trait aux difficultés, la SAI a conclu que M. Lian n’est pas confronté à des difficultés en Chine, et que M. Lian et la demanderesse éprouveraient fort probablement des difficultés plus grandes au Canada qu’en Chine. La demanderesse et M. Lian ont tous deux de la famille en Chine. La SAI a conclu qu’ils n’avaient pas de plan viable concernant la façon dont ils allaient vivre au Canada, étant donné le modeste revenu de la demanderesse. M. Lian n’a pas fréquenté l’école au-delà du niveau du premier cycle de l’enseignement secondaire, a peu d’expérience sur le marché du travail canadien et ne parle couramment ni l’anglais ni le français. La SAI a jugé difficile de comprendre comment le couple pourrait se permettre d’envoyer leur enfant à la garderie, même s’ils travaillaient tous les deux au Canada. La SAI a reconnu que la demanderesse et sa famille se heurteraient à certaines difficultés si l’appel était rejeté et si la demanderesse restait au Canada, mais elle a conclu que ces difficultés pourraient être évitées, car aucun obstacle important ne l’empêchait de retourner en Chine.

[16] En ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, la SAI a conclu que l’intérêt supérieur des enfants touchés par la décision serait mieux servi si M. Lian restait en Chine et si la demanderesse y déménageait. La SAI a noté que la demanderesse et son époux bénéficient du soutien de leur famille élargie en Chine, qui pourrait leur offrir de l’aide si la demanderesse et M. Lian travaillaient. Ils ne bénéficient pas d’un tel soutien au Canada. Il serait également dans l’intérêt supérieur du fils aîné de M. Lian, qui demeure en Chine, d’avoir un contact régulier en personne avec son père.

III. La question en litige et la norme de contrôle applicable

[17] La seule question en litige en l’espèce est de savoir si la décision de la SAI est raisonnable et, plus particulièrement, si la SAI a commis une erreur dans son appréciation des motifs d’ordre humanitaire.

[18] Les deux parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique à la décision de la SAI. Je suis du même avis. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (« Vavilov »), la Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de contrôle applicable est présumée être celle de la décision raisonnable lorsqu’une cour se penche sur le fond d’une décision administrative, et je suis d’avis que la question soulevée en l’espèce ne justifie pas de déroger à cette présomption (aux para 10, 16).

[19] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de déférence, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12‑13). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[20] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer que la décision comporte une lacune suffisamment capitale ou importante (Vavilov, au para 100). Ce ne sont pas toutes les erreurs ou réserves au sujet des décisions qui justifieront une intervention. Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier ses conclusions de fait (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

IV. Analyse

A. Les motifs d’ordre humanitaire pertinents

[21] La demanderesse soutient que la SAI n’a pas tenu compte de motifs d’ordre humanitaire pertinents et qu’elle a adopté une approche indûment étroite dans son appréciation. Elle affirme également que, puisque l’obstacle juridique qui l’empêche de parrainer M. Lian était peu élevé, elle n’aurait pas dû être tenue de démontrer qu’elle avait un degré d’établissement exceptionnel ou qu’elle subirait des difficultés exceptionnelles. Selon elle, le fait qu’il serait dans l’intérêt de son fils que sa famille vive au Canada aurait dû suffire.

[22] Je souscris à l’argument du défendeur selon lequel la SAI a tenu compte de tous les facteurs et de toutes les circonstances invoqués et n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a apprécié les motifs d’ordre humanitaire. Je conclus que la demanderesse n’a pas indiqué avec précision les facteurs ou les éléments de preuve dont la SAI n’a pas tenu compte. À mon avis, les arguments de la demanderesse concernant ce point trahissent un désaccord quant au poids accordé aux motifs d’ordre humanitaire, et ce, malgré le fait que la SAI a le pouvoir discrétionnaire de décider quel poids accorder à ces éléments.

B. L’établissement

[23] La demanderesse affirme que l’évaluation du degré d’établissement effectuée par la SAI était déraisonnable. Elle fait valoir qu’elle n’a pas présenté d’éléments de preuve concernant son établissement social au Canada parce que son témoignage visait à démontrer l’authenticité de son mariage. Elle soutient que la SAI n’a pas tenu compte du fait que, en retournant en Chine, elle ne pourrait pas gagner le même revenu ni jouir des avantages et des possibilités que lui procure sa vie au Canada. Elle soutient également que la SAI n’a pas tenu compte du statut de demandeur d’asile de M. Lian lorsqu’elle a évalué son degré d’établissement et qu’il est normal pour les demandeurs d’asile qui s’établissent dans un nouveau pays d’être sans emploi pendant une certaine période.

[24] Selon le défendeur, la SAI a raisonnablement conclu que le degré d’établissement de la demanderesse au Canada était faible, compte tenu des éléments de preuve présentés. Si les éléments de preuve ne reflétaient pas la réalité de la demanderesse, il lui incombait de présenter d’autres éléments de preuve. Le défendeur fait valoir que M. Lian a vécu de l’aide sociale pendant six ans et demi, une période sans doute plus longue que la période habituelle durant laquelle les demandeurs d’asile sont sans emploi. Néanmoins, la SAI a tenu compte de plusieurs facteurs dans son évaluation du degré d’établissement de M. Lian, dont son manque de compétences en anglais, le fait qu’il ne possédait pas de propriété et l’absence de relations sociales durables.

[25] Je partage l’avis du défendeur. Il incombait à la demanderesse « de fournir la preuve et la justification qui permettront à la SAI d’exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur » (Latif c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 104 au para 56). Il était certes nécessaire que la demanderesse démontre l’authenticité de son mariage, mais la SAI a conclu que ce point n’était pas contesté et que la demanderesse devait tout de même démontrer qu’il y avait des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. On ne peut reprocher à la SAI l’insuffisance de la preuve qui lui a été présentée (Daniels c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 463 au para 32).

[26] En outre, même si la demanderesse affirme que la SAI n’a pas tenu compte du fait que le principal obstacle qui l’empêche de retourner en Chine est qu’elle ne serait pas en mesure d’y gagner le même revenu que celui qu’elle touche au Canada, elle ne s’est appuyée sur aucun des éléments de preuve présentés pour faire valoir cet argument. La SAI a pris en considération le statut d’emploi de la demanderesse au Canada et l’emploi qu’occupait M. Lian en Chine. Je conclus également que la SAI était en droit de tenir compte du fait que M. Lian avait été sans emploi pendant plus de six ans pendant son séjour au Canada. Les arguments de la demanderesse concernant l’évaluation du degré d’établissement de M. Lian faite par la SAI révèlent aussi un désaccord quant au poids que la SAI a accordé à ce facteur.

C. Les difficultés

[27] La demanderesse affirme que la SAI a commis une erreur en ne reconnaissant pas que M. Lian avait des liens étroits avec le Canada étant donné que son épouse et son fils ont tous deux la citoyenneté canadienne. La demanderesse fait en outre valoir que la SAI a commis une erreur en concluant que M. Lian et elle auraient probablement de la difficulté à gagner leur vie et à s’occuper de leur fils au Canada. Plus précisément, elle soutient qu’il était déraisonnable de la part de la SAI de conclure que M. Lian et elle n’auraient pas les moyens de payer une garderie s’ils travaillaient tous les deux, sans chercher à savoir comment elle prévoyait payer la garderie, notamment son admissibilité potentielle à une allocation de frais de garde. La demanderesse affirme qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter des éléments de preuve, par exemple au sujet des allocations pour familles à faible revenu, pour contester cette conclusion.

[28] Le défendeur soutient que la SAI a expressément reconnu que la demanderesse et son fils avaient la citoyenneté canadienne, mais qu’elle a raisonnablement conclu qu’aucun membre de la famille de M. Lian, sauf son épouse, ne vivait au Canada. En outre, après avoir interrogé la demanderesse sur ce qu’elle ferait si M. Lian et son fils déménageaient au Canada, la SAI a conclu que la demanderesse ne semblait pas avoir de plan viable pour sa famille. Si la demanderesse prévoyait bénéficier des allocations de frais de garde, il lui incombait de le mentionner à la SAI.

[29] Je partage l’avis du défendeur. Je conclus que l’argument de la demanderesse selon lequel la SAI n’a pas tenu compte des liens qu’avait M. Lian avec le Canada par l’intermédiaire de son épouse et de leur fils relève également d’un simple désaccord quant au poids qu’a accordé la SAI à ce facteur. De plus, la décision de la SAI indique que la demanderesse a eu l’occasion de répondre à ses questions concernant la garde de son fils dans l’éventualité où M. Lian et elle travailleraient. Je conclus qu’il était raisonnable pour la SAI de conclure que l’explication fournie n’était pas satisfaisante.

[30] Durant l’audience, l’avocate de la demanderesse a fait valoir que la SAI a tiré une conclusion sans fondement lorsqu’elle a conclu que la demanderesse et M. Lian auraient de la difficulté au Canada étant donné que la demanderesse avait démontré qu’elle gérait bien ses finances, puisqu’elle envoyait de l’argent en Chine et avait accumulé des économies. Toutefois, comme l’a fait remarquer l’avocat du défendeur, la décision de la SAI indique que les dépenses mensuelles de la demanderesse s’élevaient à environ 900 $, et que son revenu annuel était de 13 819 $ en 2020 et de moins de 9 970 $ en 2019. En dépit de son faible revenu, la demanderesse a été en mesure de se rendre en Chine à quatre reprises sur une période de cinq ans, d’envoyer de l’argent en Chine et d’accumuler des économies. À mon avis, à la lumière de la preuve dont elle disposait, il était raisonnable que la SAI conclue qu’il était « difficile de comprendre comment [la demanderesse et M. Lian] pourraient se permettre [la garderie] », même s’ils travaillaient tous les deux. Comme l’a affirmé à juste titre le défendeur, même si, dans les observations qu’elle a présentées à la Cour, la demanderesse a fait valoir qu’elle pourrait faire garder son fils dans une garderie subventionnée, la SAI ne disposait pas de ces éléments de preuve et la demanderesse n’avait pas mentionné à la SAI qu’elle compterait sur des allocations de frais de garde. En conséquence, la demanderesse ne peut pas maintenant affirmer qu’il était déraisonnable pour la SAI de ne pas soulever la possibilité d’obtenir des allocations de frais de garde. Il lui incombait de présenter à la SAI des éléments de preuve à cet égard et d’avancer ses « meilleurs arguments » (Nhengu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 913 au para 6). Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’il n’appartient pas au décideur de combler les lacunes dans le dossier des demandeurs (Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 366 au para 30; Brambilla c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1137).

D. L’intérêt supérieur de l’enfant

[31] La demanderesse fait valoir que, même si la SAI a beaucoup insisté sur les conséquences qu’aurait la séparation de M. Lian d’avec son fils aîné qui vit en Chine, elle n’a pas tenu compte du fait que son fils à elle subirait un préjudice s’il ne vivait pas au Canada. Elle prétend en outre que la SAI n’a pas tenu compte du fait que, si l’appel était rejeté, sa situation actuelle demeurerait inchangée, c’est‑à‑dire qu’elle resterait au Canada et qu’elle continuerait d’être séparée de sa famille, ou que son fils la rejoindrait au Canada et qu’elle éprouverait des difficultés comme mère seule sans le soutien de son époux.

[32] Le défendeur soutient que, dans sa décision, la SAI reconnaît qu’il serait dans l’intérêt supérieur du fils de la demanderesse de vivre avec ses deux parents au Canada ou en Chine. La SAI a raisonnablement conclu que, compte tenu du faible degré d’établissement de la demanderesse au Canada, du fait qu’aucun obstacle important ne l’empêchait de retourner en Chine, de l’emploi de M. Lian en Chine et de la présence de membres de la famille dans ce pays, il serait dans l’intérêt supérieur du fils de la demanderesse de rester en Chine. Le défendeur affirme en outre que la SAI a reconnu les difficultés que pourrait présenter le maintien de la situation actuelle, mais qu’elle a conclu que cette situation relevait de la volonté de la demanderesse. Dans ces circonstances, il était raisonnable de la part de la SAI de conclure que l’intérêt supérieur du fils de la demanderesse serait mieux servi si toute la famille vivait en Chine.

[33] Je suis d’accord avec le défendeur. Je ne suis pas non plus d’avis que la SAI a commis une erreur lorsqu’elle a comparé l’intérêt supérieur du fils de la demanderesse à celui du fils aîné de M. Lian. La SAI a dûment tenu compte de ce qui était dans l’intérêt supérieur des deux enfants touchés par la présente demande.

[34] Dans l’ensemble, les observations de la demanderesse ne font qu’exprimer un désaccord quant à l’appréciation qu’a faite la SAI de la preuve. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve (Vavilov, au para 125). Je conclus que la SAI a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en concluant que, à la lumière de l’appréciation de l’ensemble des facteurs en l’espèce, il n’était pas justifié de prendre des mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire.

V. Conclusion

[35] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de la SAI est raisonnable. Les parties n’ont soulevé aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑6091‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Nathalie Ayotte, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6091‑21

 

INTITULÉ :

YU QIN WU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 JUIN 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 AOÛT 2022

 

COMPARUTIONS :

Anna Aazam

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anna Aazam

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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