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Date : 20030130

Dossier : T-2124-02

Référence neutre : 2003 CFPI 102

                        DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

ENTRE :

                                                          LOUIS-PIERRE LAPOINTE

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et

ALAIN DION, EN SA QUALITÉ DE GESTIONNAIRE,

RECOUVREMENT DES RECETTES,

BUREAU DES SERVICES FISCAUX DE MONTRÉAL,

MINISTÈRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                     défendeurs

et

BANQUE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                              mise-en-cause

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE LEMIEUX

[1]                 Louis-Pierre Lapointe recherche un sursis d'exécution, et ce, jusqu'à ce que jugement final soit rendu dans l'instance principale, afin que la Banque Royale du Canada (la Banque) ne réponde pas à la demande péremptoire de production de renseignements et de documents en date du 25 novembre 2002 émise par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'Agence) en vertu de l'article 231.2 de la Loi sur l'impôt sur le revenu (la Loi) qui se lit comme suit :

231.2. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l'application et l'exécution de la présente loi, y compris la perception d'un montant payable par une personne en vertu de la présente loi, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d'une personne, dans le délai raisonnable que précise l'avis:

a) qu'elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

b) qu'elle produise des documents.

231.2. (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act, including the collection of any amount payable under this Act by any person, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

(b) any document.

[2]                 Dans sa déclaration, monsieur Lapointe demande à cette Cour de déclarer la demande péremptoire nulle et dénuée de tout effet aux motifs : (1) en raison de son caractère « beaucoup trop vaste qui fait en sorte qu'elle constitue en réalité une véritable expédition de pêche où on recherche à l'aveuglette dans les affaires du demandeur » et (2) l'article 231.2(1)a) et b) ne permettent pas à l'Agence d'obtenir tout document ou information sans que ce pouvoir « ne soit encadré par certaines limitations, dont leur pertinence et la restriction temporelle » .


Faits

[3]                 La demande de l'Agence à la succursale Place Ville-Marie de la Banque, exige que la Banque fournisse :

a) « un relevé de toutes les écritures effectuées dans tous les comptes, à votre succursale, que l'on sait être ou avoir été maintenus ou contrôlés par ou pour [Louis-Pierre Lapointe] ... et dans tous les comptes conjoints ... et de toutes les écritures que l'on sait concerner ou avoir concerné les affaires de [Louis-Pierre Lapointe] dans tout autre compte tenu à votre succursale y compris les comptes divers et autres comptes semblables. »

b) « un état détaillé de toutes les opérations effectuées, y compris les emprunts, les escomptes et les valeurs données en nantissement, la location de coffrets de sûreté, la garde et les opérations sur titres à votre succursale mettant en cause [Louis-Pierre Lapointe] ... »

c) « tous les documents, y compris les autorisations, les procurations, les transferts par la poste ou par télégramme ... que l'on sait concerner ou avoir concerné les écritures et les opérations figurant dans les relevés exigés aux alinéas a) et b) ci-dessus. »

[4]                 La demande péremptoire du 25 novembre 2002 comporte une annexe qui se lit comme suit :

La présente annexe fait partie intégrante de la Demande péremptoire concernant la fourniture et la production de documents ci-jointe.


Sans restreindre la portée générale de ce qui précède, nous désirons plus précisément être informés sur les questions suivantes :

- La personne citée en rubrique a un prêt portant le numéro 291246832 pour lequel vous avez délivré le 16 mars 2001 "Une confirmation de paiements de capital et intérêts pour l'année 2000" dont une copie est jointe à la présente.

- Nous aimerions recevoir :

a) La copie du contrat d'emprunt signé par le client

b) La copie des pièces justificatives des six derniers paiements effectués par le client.

Nous vous remercions à l'avance de votre collaboration.

[5]                 Au soutien de son opposition au sursis, les défendeurs soumettent l'affidavit de Wilfrid Edmond, agent de recouvrement à l'Agence qui dépose :

1. que monsieur Lapointe est au recouvrement depuis avril 1997 d'une dette d'impôt importante pour plusieurs années d'impôt.

2. dans le cadre de ses démarches en vue du recouvrement de cette dette d'impôt, l'Agence a entrepris certaines procédures : demande de paiement, vérification des déclarations de revenu de monsieur Lapointe ou celui-ci réclamait des déductions pour frais financiers relativement à un prêt auprès de la Banque Royale.

3. le but de la demande de renseignements est de trouver des informations pouvant lui permettre de trouver des actifs au nom de monsieur Lapointe en vue du recouvrement de la créance due au Ministre.

Analyse et conclusion


[6]                 Le fardeau qu'avait à surmonter la procureure du demandeur était lourd parce que cette Cour, en première instance et en appel, dans l'affaire Jean-Alain Bisaillon et autres et Sa Majesté la Reine et autres (dossier T-291-99, 12 mai 1999, le juge Denault en première instance et dossier A-315-99, 21 septembre 1999, CAF) a refusé un sursis d'exécution d'une demande de renseignements et production de documents émise par le Ministre en vertu de l'article 231.2(1) de la Loi.

[7]                 J'ai examiné la demande péremptoire émise dans l'affaire Bisaillon, précité, par le ministère du Revenu national le 26 janvier 1999 à la Banque Laurentienne du Canada, succursale 1100 ouest, boulevard René-Lévesque et je l'ai comparée avec celle au présent dossier. Les deux demandes sont identiques dans leur paragraphes a) et b) et c) et pour ce qui est du reste sont presque identiques. Elles diffèrent dans les détails de leur annexe.

[8]                 Dans Bisaillon, précité, le juge Denault écarte les prétentions des demandeurs « que la demande péremptoire de renseignements et de production de documents est indûment vague et ne constitue en fait qu'une expédition de pêche » .

[9]                 En appel, la décision du juge Denault est maintenue. Le juge Létourneau écrit :

[10] De même, nous sommes d'avis qu'il n'y a aucun mérite dans cette prétention des appelants que la demande de renseignements adressée à la Banque Laurentienne du Canada n'est rien d'autre qu'une "partie de pêche" illégale. Les arrêts McKinlay Transport Ltd., déjà cité, et Richardson c. Le Ministre du Revenu National reconnaissent qu'il est souvent difficile pour le Ministre qui fait une demande de renseignements ou de production de documents de connaître avec exactitude les documents qu'il recherche et, en conséquence, de les décrire avec grande spécificité et moult détails.

[11] D'une part, la Banque Laurentienne du Canada, à qui l'obligation est imposée de produire les documents, ne s'est pas plainte que la demande était vague et imprécise au point où elle aurait de la difficulté ou serait dans l'impossibilité de s'y conformer. D'autre part, dans le cas présent, la demande péremptoire de paiement adressée à Hypnat Ltée, Courtier équivaut à une saisie-arrêt en mains tierces, Revenu Canada exerçant alors les droits de Hypnat Ltée à l'égard de Hypnat Ltée, Courtier. La demande de renseignements qui a suivi vise donc à établir la situation financière et la solvabilité de la tierce-partie et, vu sous cet angle et celui du recouvrement de la créance fiscale, elle n'est ni vague, ni abusive.


[12] Enfin, la demande de renseignements en vertu du paragraphe 231.2(1) rencontre chacun des critères de validité établis dans l'arrêt Richardson:

a) le Ministre agit dans un but légitime prévu et autorisé par la Loi, soit le recouvrement d'une créance fiscale due et exigible;

b) la demande de renseignements porte sur l'assujettissement à l'impôt d'une personne (Hypnat Ltée), cet assujettissement fait l'objet d'une enquête administrative et l'obtention des renseignements est nécessaire pour assurer d'une manière générale le respect de la Loi et plus spécifiquement la perception des sommes dues à Revenu Canada;

c) la personne de qui les renseignements sont requis n'a pas à être une personne dont l'assujettissement à l'impôt fait l'objet d'une enquête; et

d) la demande demeure valide même si les renseignements fournis peuvent divulguer des opérations confidentielles mettant en cause des personnes qui ne font pas l'objet d'une enquête et qui peuvent ne pas être assujetties à l'impôt.

[13] Vu l'absence de questions de droit sérieuses à résoudre dans le litige intenté par les appelants dans le dossier T-291-99, nous sommes d'avis que le juge des requêtes était justifié de refuser la demande de sursis des appelants et que le présent appel doit être rejeté avec dépens.

[10]            La procureure de monsieur Lapointe allègue au soutien de l'octroi d'un sursis intérimaire que la demande péremptoire de l'Agence (1) n'est pas utile et est vexatoire considérant l'ampleur de ce qui est exigé comme renseignements et productions; (2) les renseignements et les productions exigés n'ont aucun encadrement dans le temps; (3) représente une recherche à l'aveuglette.

[11]            Je note que dans cette cause il n'y a aucun allégué que la demande péremptoire vise recueillir des éléments de preuve pour fonder une accusation criminelle comme allégué dans Bisaillon, précité.


[12]            Je considère que les prétentions du demandeur ne soulèvent aucune question sérieuse. La demande péremptoire dans cette cause est identique à celle étudiée par la Cour dans Bisaillon, précité. La substance des moyens invoqués par les demandeurs dans les deux causes sont semblables. Elles ont déjà été rejetées dans Bisaillon, précité.

[13]            J'ajoute qu'il est clair que ce qui intéresse l'Agence c'est le prêt délivré en 2001 et le but des renseignements recherchés vise la poursuite des actifs de monsieur Lapointe. Cette perspective encadre la demande dans le temps ainsi que l'obligation de la Banque de ne maintenir sa documentation que pour quinze ans (voir l'article 74, Loi sur les banques, SRC 1985, ch. B-1).

[14]            De plus, le demandeur n'a fourni aucun élément de preuve qu'il subirait un préjudice irréparable si le sursis n'était pas accordé.

[15]            Pour ces motifs, cette demande de sursis est rejetée avec frais.

    

                                                                                   François Lemieux                

                                                                                                            juge                              

Montréal (Québec)

Le 30 janvier 2003


                                                                                                

                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

  

Date : 20030130

Dossier : T-2124-02

Entre :

                                                                       LOUIS-PIERRE LAPOINTE

                                                                                                                                                                               demandeur

                                                                                                et

                                                                         SA MAJESTÉ LA REINE

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et

ALAIN DION, EN SA QUALITÉ DE GESTIONNAIRE,

RECOUVREMENT DES RECETTES,

BUREAU DES SERVICES FISCAUX DE MONTRÉAL,

MINISTÈRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                                               défendeurs

et

BANQUE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                                                        mise-en-cause

                                                                                                                                                                                         

                                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

  

                                                                                                                                                                                         


                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                

DOSSIER :                                                        T-2124-02

INTITULÉ :

                                                                       LOUIS-PIERRE LAPOINTE

                                                                                                                                                                               demandeur

                                                                                                et

                                                                         SA MAJESTÉ LA REINE

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et

ALAIN DION, EN SA QUALITÉ DE GESTIONNAIRE,

RECOUVREMENT DES RECETTES,

BUREAU DES SERVICES FISCAUX DE MONTRÉAL,

MINISTÈRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                                               défendeurs

et

BANQUE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                                                        mise-en-cause

   

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 27 janvier 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                   30 janvier 2003


COMPARUTIONS :

Me Josée Cavalancia                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Me Maria-Grazia Bittichesu                                                           POUR LES DÉFENDEURS

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brouillette, Charpentier, Fortin                                                     POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

  
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