Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220808


Dossier : IMM-3897-21

IMM-3898-21

Référence : 2022 CF 1178

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 août 2022

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

HIMANSHU BISHT

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Himanshu Bisht, est un citoyen de l’Inde qui est entré au Canada muni d’un permis d’études qui a été prorogé à deux reprises. Il a ensuite obtenu une fiche de visiteur, qui a été prorogée une fois. Une deuxième demande de prorogation de la fiche de visiteur et une demande de permis de travail ont été refusées. Les lettres de refus ont informé le demandeur que, si ses attestations de statut avaient expiré, ce qui était le cas, il devait quitter le Canada sur-le-champ, sinon des mesures d’application de la loi seraient prises contre lui.

[2] Le demandeur a par la suite obtenu une étude d’impact sur le marché du travail [l’EIMT] favorable. Suivant les conseils du consultant en immigration qui le représentait à l’époque, le demandeur s’est rendu aux États-Unis et a tenté de revenir au Canada immédiatement et de demander à la frontière un permis de travail lié à un employeur en s’appuyant sur son EIMT favorable. Lorsque la personne est titulaire d’un visa valide, (ce qui n’était pas le cas du demandeur à ce moment-là), cette stratégie est appelée « faire le tour du poteau » et, d’après mes informations, elle présente généralement peu de risque pour le demandeur de permis de travail disposant d’une EIMT.

[3] Toutefois, comme le demandeur en l’espèce n’avait plus de statut, quand il a cherché à rentrer au Canada à partir des États-Unis, il a été interrogé par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC], qui a établi un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Après que ce rapport eut été transmis au délégué du ministre, ce délégué a interrogé le demandeur et a pris une mesure d’exclusion conformément à l’article 41 de la LIPR en raison d’un manquement à l’alinéa 20(1)b) de la LIPR. La mesure d’exclusion interdit au demandeur de revenir au Canada pendant un an.

[4] Même si les décisions d’établir un rapport en vertu de l’article 44 et de prendre une mesure d’exclusion font l’objet des présentes demandes de contrôle judiciaire, le demandeur sollicite l’annulation de la décision du délégué du ministre en invoquant un seul motif, soit le non-respect de l’équité procédurale découlant de l’incompétence de son représentant autorisé (le consultant en immigration). Le demandeur reconnaît sinon le caractère raisonnable des décisions au regard des faits et du dossier dont disposaient alors l’agent de l’ASFC et le délégué du ministre.

[5] Le 11 août 2021, la Cour a ordonné que les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur soient réunies, le dossier de la Cour no IMM-3897-21 devenant le dossier principal aux fins de la signification et du dépôt des documents des parties.

[6] Le renvoi du demandeur était prévu pour le 25 août 2021. La Cour a fait droit à la requête en sursis de la mesure de renvoi et, par la suite, a accueilli les demandes d’autorisation.

[7] Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que les demandes de contrôle judiciaire doivent être accueillies en raison de l’incompétence dont le consultant en immigration a fait preuve lorsqu’il a représenté le demandeur, ce qui a entraîné un manquement à l’équité procédurale ou un déni de justice naturelle. Mon analyse ci-dessous concerne une question préliminaire ayant trait à une preuve présentée par affidavit sur laquelle le défendeur souhaitait se fonder dans les présentes, puis j’examine la question relative à l’équité procédurale soulevée par le demandeur.

II. Autres éléments contextuels

[8] Le demandeur a étudié au Manitoba Institute of Trades and Technology [MITT] entre janvier 2018 et août 2019. Il a abandonné ses études en août 2019 parce qu’il était malade et avait échoué à un cours. Durant ses études, il travaillait pour une entreprise appelée Nuburger. Avec l’appui de son employeur et l’aide de son premier consultant en immigration, le demandeur s’est prévalu du Programme des candidats du Manitoba (le PCM) pour demander un permis de travail puis la résidence permanente. Le premier consultant a présenté une demande en vue de convertir le statut d’étudiant du demandeur en statut de visiteur. Cette dernière demande a été approuvée, mais pas celle qui relevait du PCM.

[9] À la suite du rejet de sa demande au PCM, le demandeur s’est trouvé un deuxième consultant en immigration, Gursimranveer Singh Dhada, qui lui a suggéré de demander un permis de travail assorti d’une EIMT avec l’appui de son employeur. Le demandeur soutient qu’il n’a pas obtenu de mandat écrit de représentation de M. Dhada et qu’il avait informé ce dernier que son employeur, Nuburger, couvrirait les frais et honoraires juridiques.

[10] Selon le demandeur, M. Dhada lui aurait conseillé de se rendre au point d’entrée (à Emerson, au Manitoba) afin d’y présenter une demande de permis de travail une fois que l’EIMT était approuvée. M. Dhada a également demandé la prorogation du statut de résident temporaire du demandeur en déposant une nouvelle demande de fiche de visiteur, qui a été approuvée en décembre 2020 et venait à échéance en janvier 2021. Avant l’expiration de ce statut, M. Dhada a encore une fois sollicité la prorogation du statut du demandeur en présentant une autre demande de fiche de visiteur. La première demande d’EIMT du demandeur a été rejetée, mais la deuxième a été approuvée.

[11] M. Dhada a avisé son client qu’il demanderait le permis de travail en ligne, ce qui éviterait au demandeur de se présenter au point d’entrée. Cette demande en ligne a été refusée en avril 2021, tout comme la demande de fiche de visiteur.

[12] Le demandeur allègue que M. Dhada l’a informé seulement du refus du permis de travail et qu’il n’a pas mentionné qu’il avait 15 jours pour déposer à la Cour fédérale une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de ce refus. En outre, quand il a examiné les notes du SMGC obtenues par M. Dhada au sujet des motifs expliquant le refus de délivrer le permis de travail, le demandeur s’est aperçu que M. Dhada avait omis d’inclure ses études au MITT dans la demande de permis de travail, erreur que M. Dhada a admise au demandeur. Les notes du SMGC corroborant cette omission fondamentale figurent dans le dossier du demandeur relatif au contrôle judiciaire.

[13] Le demandeur souligne également qu’il a interrogé M. Dhada à propos de la mention, dans la lettre de refus, de son obligation de quitter le Canada immédiatement; il s’est fait répondre que ce n’était pas le cas tant qu’une décision au sujet de sa demande de fiche de visiteur n’était pas rendue et qu’il pouvait demander le rétablissement de son statut en même temps qu’un permis de travail à la frontière. M. Dhada n’a pas expliqué au demandeur le fonctionnement du processus de rétablissement du statut. Le demandeur s’est rendu le 1er juin 2021 au point d’entrée à Emerson, où il a été interdit de territoire au Canada parce qu’il ne possédait pas de visa valide ni de statut. La mesure d’exclusion a été prise le même jour.

[14] Quand le demandeur lui a fait part des conséquences de ses conseils, M. Dhada lui a offert de rembourser la moitié des honoraires qu’il avait touchés. M. Dhada a admis par la suite que la demande de fiche de visiteur avait été refusée en avril 2021 et a acheminé la lettre de refus au demandeur. Ce dernier a alors retenu les services de son avocat actuel, qui a envoyé à M. Dhada une lettre, datée du 23 juin 2021, soulignant ce qui lui est reproché, ainsi qu’une copie du protocole de la Cour fédérale concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés [le protocole], le tout accompagné de copies des renonciations au secret professionnel de la part du demandeur et de Nuburger. Le 7 juillet 2021, l’avocat de M. Dhada a répondu au moyen d’une lettre contestant les allégations.

[15] Bien que l’avocat de M. Dhada se soit réservé le droit de fournir une réponse écrite aux allégations si la Cour fédérale accueillait la demande d’autorisation du demandeur, aucune réponse n’a été transmise (à la suite de la signification du dossier du demandeur à M. Dhada, par l’intermédiaire de son avocat, conformément au protocole) et aucun affidavit n’a été joint pour corroborer la version des faits de M. Dhada. En outre, M. Dhada n’a pas demandé à intervenir dans le cadre du contrôle judiciaire.

III. La norme de contrôle

[16] Les manquements à l’équité procédurale dans le contexte administratif sont considérés comme étant assujettis à la norme de la décision correcte ou à un « exercice de révision […] [TRADUCTION] “particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte”, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54. La cour de révision doit essentiellement juger si le processus suivi était équitable, puisque l’obligation d’équité procédurale est variable, souple et tributaire du contexte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 77; Chaudhry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 520 au para 24.

[17] Dans le cas où le contrôle judiciaire vise le fond d’une décision, la Cour appliquerait la norme de la décision raisonnable, Vavilov, précité, aux para 10-25.

IV. Analyse

A. Question préliminaire : la preuve par affidavit irrecevable du défendeur

[18] Je suis d’avis que la preuve par affidavit présentée par le défendeur dans le présent contrôle judiciaire est irrecevable. Les parties ont convenu à l’audience que rien ne repose sur cet affidavit. Je ne vais donc m’y attarder que brièvement.

[19] Le défendeur a cherché à s’appuyer dans la présente instance, et plus particulièrement en lien avec la requête en sursis du demandeur, sur l’affidavit de l’agent de l’ASFC qui était chargé de superviser le renvoi du demandeur. Les paragraphes 8 à13 de l’affidavit décrivent des événements postérieurs à l’établissement du rapport en vertu de l’article 44 et à la prise de la mesure d’exclusion, le 1er juin 2021. L’information contenue dans ces paragraphes n’avait pas pu être présentée aux décideurs administratifs et, selon moi, elle n’est pas pertinente pour le présent contrôle judiciaire.

[20] Le paragraphe 1 décrit le rôle de l’agent dans le dossier du demandeur à l’ASFC, tandis que les paragraphes 2 à 7 font état des antécédents en matière d’immigration du demandeur au Canada ainsi que des événements qui se sont déroulés jusqu’au 1er juin 2021 inclusivement. À mon sens, ces paragraphes sont inutiles, parce qu’ils n’ajoutent rien au contexte et ne permettent pas non plus à la Cour de mieux comprendre l’affaire. De plus, le défendeur n’a pas invoqué le fait que cet affidavit entrait dans une des exceptions reconnues au principe de recevabilité des nouveaux éléments de preuve présentés lors du contrôle judiciaire dont il est question dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 20.

[21] Pour ces motifs, je conclus que l’affidavit de l’agent est irrecevable dans le contexte du contrôle judiciaire.

B. Principale question en litige : le manquement à l’équité procédurale découlant de l’incompétence du représentant autorisé

[22] Je suis convaincue que la conduite de l’ancien représentant du demandeur a causé un immense préjudice à ce dernier et a amené l’ASFC à conclure qu’il était interdit de territoire, ce qui a entraîné la mesure d’exclusion.

[23] La Cour reconnaît depuis longtemps que, dans des circonstances exceptionnelles, le comportement d’un avocat ou d’un représentant autorisé peut donner lieu à une allégation de manquement à la justice naturelle et justifier que le décideur administratif statue à nouveau sur l’affaire, entre autres en tenant une nouvelle audience, mais uniquement si la faute reprochée « relève de l’incompétence professionnelle [ou de la négligence] et que l’issue de la cause aurait été différente, n’eût été le comportement fautif de l’avocat » (renvois omis) : Rezko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 6 au para 5. Voir aussi Shirwa c (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 CF 51, 1993 CanLII 3026 (CAF) aux pp 60-61; Osagie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 1368 aux para 24-27; Rodrigues c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 77, [2008] 4 RCF 474 aux para 39-40; Memari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1196 [Memari] aux para 36, 64; El Kaissi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1234 aux para 15-19, 33; Pathinathar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1225 au para 38; Mcintyre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1351 aux para 33-34.

[24] Le critère applicable à la conduite susceptible d’examen d’un professionnel comporte trois volets, et c’est au demandeur qu’il incombe d’établir ce qui suit :

  • (i)les omissions ou les actes de l’ancien représentant constituaient de l’incompétence ou de la négligence;

  • (ii)n’eût été la conduite alléguée, il existe une probabilité raisonnable que le résultat ait été différent (autrement dit, la conduite reprochée a entraîné un déni de justice ou un préjudice);

  • (iii)le représentant a bénéficié d’une possibilité raisonnable de répondre aux allégations d’incompétence ou de négligence : Rendon Segovia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 99 [Rendon] au para 22; Gombos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 850 [Gombos] au para 17.

[25] Il existe une forte présomption que la conduite du représentant se situe à l’intérieur du large éventail de la conduite professionnelle raisonnable. Il incombe au demandeur en l’espèce de démontrer que les actes ou omissions reprochés à son ancien représentant ne découlaient pas de l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable et lui ont causé un préjudice. La sagesse rétrospective n’a pas sa place dans cette appréciation : R c GDB, 2000 CSC 22 au para 27, [2000] 1 RCS 520; Gombos, précitée, au para 17.

[26] En outre, une plainte formelle à l’organisme de réglementation de l’ancien représentant n’est pas indispensable, bien que je constate que le demandeur en l’espèce a porté plainte au Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (qui a été remplacé par le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, lequel est régi par la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, LC 2019, c 29, art 292). Il suffit d’informer l’ancien représentant des allégations et de lui donner la possibilité d’y répondre : Guadron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1092 [Guadron] au para 16; Basharat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 559 aux para 14-15.

[27] Compte tenu de ces principes, je commence mon analyse en soulignant que le demandeur, comme je l’ai décrit plus haut, a suivi la procédure décrite dans le protocole, ce qui lui permet de satisfaire au troisième volet du critère applicable.

[28] Pour ce qui est des autres éléments du critère, le défendeur tente d’établir une distinction entre les compétences des consultants en immigration et celles des avocats et fait valoir que le demandeur doit assumer les conséquences de son choix d’engager un consultant en immigration plutôt qu’un avocat : Al-Abayechi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 360 [Al-Abayechi] au para 23, citant Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1305 [Brown]. Je ne suis pas d’accord avec la conclusion tirée par la Cour dans la décision Al-Abayechi. Même si je reconnais qu’un consultant en immigration n’a effectivement pas reçu la même formation en droit qu’un avocat, les tribunaux ont conclu, notamment dans la décision Brown, au para 61, qu’il est néanmoins astreint à la même norme de compétence : Cove c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CFPI 266 [Cove] au para 10; Guadron, précitée, au para 10.

[29] Bien qu’il soit accepté dans la jurisprudence que, généralement, les demandeurs devront subir les conséquences de leur choix de conseiller (Cove, au para 6), la véritable question que doit trancher la Cour en l’espèce consiste à savoir si le demandeur a satisfait au critère relatif à une conduite professionnelle susceptible de révision, peu importe qu’il ait fait appel à un consultant en immigration ou à un avocat.

[30] À mon avis, la preuve présentée sous serment en appui à la présente demande montre que les allégations exposées ci-dessus dans la section Autres éléments contextuels entraînent, par leur effet cumulatif, une iniquité envers le demandeur qui est susceptible de révision. Je juge tout à fait convaincantes les allégations suivant lesquelles M. Dhada a omis : (i) de mentionner la formation reçue par le demandeur au MITT dans sa demande de permis de travail, omission corroborée par les notes du SGMC; (ii) d’informer le demandeur, avant qu’il se rende au point d’entrée à Emerson, que sa demande de fiche de visiteur avait été refusée et, par conséquent, qu’il n’avait pas de statut au Canada, et (iii) d’aviser le demandeur des conséquences du fait de se présenter au point d’entrée pour faire le « tour du poteau » sans avoir de statut légal au Canada.

[31] Je suis consciente que M. Dhada, par l’intermédiaire de son avocat, conteste l’allégation suivant laquelle il n’a pas informé le demandeur du refus de sa demande de fiche de visiteur avant qu’il se présente au point d’entrée, tout comme l’ensemble des autres allégations. À mon avis, cependant, l’absence de mandat écrit de la part de M. Dhada, les notes du SGMC corroborant l’erreur qu’il a commise, soit le défaut de mentionner les études du demandeur au MITT dans la demande de permis de travail assortie d’une EIMT, et l’absence de réponse de M. Dhada après avoir reçu signification du dossier du demandeur relatif au contrôle judiciaire font en sorte qu’il est plus probable qu’improbable, selon la prépondérance des probabilités, que les événements se soient produits de la manière décrite par le demandeur dans l’affidavit qu’il a présenté en l’instance.

[32] Je conclus également que les erreurs du consultant en immigration ont eu un effet cumulatif ou « boule de neige » au détriment du demandeur et, au bout du compte, ont amené l’agent de l’ASFC à établir un rapport en vertu de l’article 44 et ont entraîné la prise d’une mesure d’exclusion contre le demandeur par le délégué du ministre. La Cour a reconnu que, suivant les faits propres à un dossier, l’effet cumulatif des préjudices subis par le demandeur en raison du travail inadéquat de son représentant peut donner lieu à une erreur judiciaire. Je suis convaincue que l’effet combiné des allégations du demandeur quant à la conduite de M. Dhada montre que la représentation assurée par ce dernier au demandeur n’était ni adéquate ni raisonnable : Memari, précitée, au para 64. Je suis également convaincue qu’il y a eu un déni de justice en l’espèce, car il existe une probabilité raisonnable, n’eût été l’incompétence, que le résultat aurait été différent (Rendon, précitée, au para 31).

V. Conclusion

[33] Pour les motifs qui précèdent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Les décisions administratives contestées sont annulées, y compris la prise de la mesure d’exclusion. À mon avis, il ne servirait à rien de renvoyer l’affaire pour une nouvelle décision parce que le demandeur a admis le caractère raisonnable des décisions prises dans les circonstances qui existaient au 1er juin 2021. La Cour laisse donc au défendeur le soin de décider si l’affaire doit être réexaminée. Le cas échéant, cependant, le réexamen doit être confié à des décideurs différents. La Cour rend la présente décision en se fondant sur Enye c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 481 au para 11. Voir aussi Vavilov, précité, au para 142.

[34] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier. À mon sens, la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans les dossiers IMM-3897-21 et IMM-3898-21

LA COUR STATUE :

  1. Les demandes de contrôle judiciaire du demandeur sont accueillies.

  2. Les décisions d’établir un rapport en vertu de l’article 44 et de prendre une mesure d’exclusion sont annulées.

  3. Si l’affaire doit être réexaminée, elle sera confiée à des décideurs différents.

  4. Il n’y a aucune question à certifier.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Corbeil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3897-21 et IMM-3898-21

 

INTITULÉ :

HIMANSHU BISHT c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 MAI 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 AOÛT 2022

 

COMPARUTIONS :

Chaobo Jiang

 

Pour le demandeur

 

Cynthia Lau

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chaobo Jiang

Zaifman Avocats en droit de l’immigration

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.