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Date : 20220916


Dossier : IMM-93-20

Référence : 2022 CF 1300

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 16 septembre 2022

En présence de madame la juge Go

ENTRE :

LALI DORESI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS


I. Aperçu

[1] M. Lali Doresi [le demandeur] sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] d’accueillir la demande du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre] d’annuler son statut de réfugié, en vertu de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] [la demande d’annulation].

[2] La demande d’annulation du ministre est fondée sur les allégations selon lesquelles le demandeur a été déclaré coupable de trafic de drogue en Albanie et n’a pas divulgué ce fait à la SPR, bien qu’il s’agisse d’un fait important au regard de sa possible exclusion du statut de réfugié pour grande criminalité. Dans une décision datée du 13 décembre 2019, la SPR a conclu que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun en Albanie, avant de venir au Canada en avril 2005, et qu’il avait directement fait une présentation erronée ou une réticence sur un fait important quant à un objet pertinent, soit la question de savoir s’il était ou non un réfugié au sens de la Convention [la décision].

[3] Pour les motifs exposés ci-dessous, je juge que la conclusion de la SPR, selon laquelle le demandeur a directement fait une présentation erronée ou une réticence sur un fait important quant à sa possible exclusion du statut de réfugié au sens de la Convention, était déraisonnable. Par conséquent, j’accueillerai la demande.

II. Le contexte

A. Le contexte factuel

[4] Le demandeur est un citoyen de l’Albanie. Il a fui le pays en 2005 et est arrivé au Canada le 24 avril 2005. Il a demandé l’asile le 28 avril 2005. Après une audience en cabinet le 8 décembre 2005, il s’est vu accorder le statut de réfugié par la SPR le 27 mars 2006.

[5] Le demandeur avait mentionné dans le formulaire de renseignements personnels [FRP] joint à sa demande d’asile qu’il n’avait jamais été recherché, détenu ou arrêté par les autorités et qu’il n’avait jamais commis de crime, ni été accusé ou déclaré coupable d’un crime quelconque.

[6] En décembre 2012, le ministre a présenté une demande à la SPR en vue d’annuler la décision d’accorder l’asile au demandeur. Le ministre a fait valoir que la décision d’octroi de l’asile avait été obtenue parce que le demandeur avait, directement ou indirectement, fait une présentation erronée ou une réticence sur un fait important quant à sa déclaration de culpabilité, et qu’il avait été condamné à une peine d’emprisonnement de six ans qu’il n’avait pas purgée. Le ministre a fait valoir que, si la déclaration de culpabilité du demandeur avait été révélée à la SPR, celle-ci aurait envisagé la possibilité de lui refuser la qualité de réfugié, aux termes de l’article 98 de la LIPR et de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés. Ces dispositions précisent qu’une personne ne peut avoir la qualité de réfugié au sens de la Convention si elle a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admise.

[7] À l’appui de la demande d’annulation, le ministre invoque le verdict du Tribunal de première instance pour les crimes graves de Tirana, en Albanie, daté du 6 juin 2005 [le verdict], par lequel le demandeur a été déclaré coupable de trafic de drogue et condamné à six ans d’emprisonnement. Cette déclaration de culpabilité a été confirmée dans une décision de ce même tribunal le 24 octobre 2005 [la décision du Tribunal du 24 octobre 2005], sur laquelle le ministre s’appuie également. Le ministre a aussi produit un mandat d’arrêt d’Interpol affiché le 16 mai 2008 pour l’arrestation du demandeur, étant donné que sa peine n’avait pas encore été purgée à cette date.

[8] Les faits entourant le crime pour lequel le demandeur a été déclaré coupable ont eu lieu en 2003. Comme il a été relaté dans la décision du Tribunal du 24 octobre 2005, une voiture immatriculée au nom du demandeur et contenant son passeport avait été interceptée à la frontière entre l’Albanie et la Grèce le 29 septembre 2003. Lors du contrôle de la voiture par les autorités grecques, huit paquets d’une substance semblable à de l’héroïne avaient été découverts dans le tableau de bord. Le conducteur du véhicule, dont le tribunal a conclu qu’il s’agissait du demandeur, s’était enfui en retournant en Albanie et avait échappé à son arrestation. Il est noté dans les décisions du tribunal que le demandeur était absent lors du procès, mais il y est relaté que ce dernier était représenté par un avocat, lequel était autorisé par procuration à représenter le demandeur et à produire un plaidoyer de culpabilité en son nom.

[9] Dans son témoignage devant la SPR, le demandeur a déclaré qu’il n’avait appris qu’il faisait l’objet d’accusations et d’une déclaration de culpabilité qu’après avoir reçu la demande du ministre en 2012. Il a déclaré qu’il ne se trouvait pas dans sa voiture lorsqu’elle avait été interceptée le 29 septembre 2003, mais qu’il l’avait alors prêté à un ami, Altin Mydini [M. Mydini]. Le demandeur a déclaré que M. Mydini lui avait affirmé à l’époque avoir eu un accident qui avait entraîné la perte totale de la voiture. M. Mydini a fourni à la SPR un affidavit confirmant que c’était bel et bien lui — et non pas le demandeur — qui conduisait la voiture et qui avait tenté de faire passer de la drogue à la frontière.

[10] Peu après l’incident du 29 septembre 2003, la police s’est rendue au domicile familial du demandeur (où il ne résidait pas à l’époque). Dans son témoignage, le demandeur a déclaré que ses parents l’avaient informé de cette visite, mais que les policiers n’avaient pas expliqué pourquoi ils étaient venus. Les parents du demandeur leur avaient indiqué où ce dernier logeait. Le demandeur a ajouté qu’il avait alors dit à ses parents que cela devait probablement être à propos de ce qu’il croyait être l’accident de voiture. Le demandeur a déclaré ne pas avoir eu d’autres interactions avec la police et n’avoir jamais été informé d’une enquête quelconque, d’accusations retenues contre lui ou du procès. Dans son témoignage, il a déclaré qu’il s’était rendu au poste de police en 2004 pour obtenir un nouveau passeport, et que les policiers n’avaient pas fait mention des accusations à l’époque.

[11] Selon la preuve présentée par le ministre, le demandeur a obtenu en 2013 l’autorisation spéciale qu’il avait, est‑il allégué, signée dans le but de permettre à un avocat, Me Saimir Vishaj [Me Vishaj], de le représenter au procès et de plaider coupable en son nom. Le demandeur a nié avoir eu antérieurement connaissance du document et a fait appel à un expert judiciaire pour l’analyser. Le rapport de l’expert conclut que la signature figurant sur l’autorisation spéciale n’est pas la même que celle que le demandeur a fournie en 2013.

[12] La même année, le demandeur a engagé un avocat en Albanie pour faire annuler la déclaration de culpabilité à son endroit. Au bout du compte, le demandeur a obtenu un jugement du Tribunal de première instance pour les crimes graves annulant la peine qui lui avait été infligée, bien que la déclaration même de culpabilité demeure inscrite à son dossier.

B. La décision faisant l’objet du contrôle

[13] Une audience relative à la demande d’annulation du ministre a eu lieu devant la SPR le 31 octobre 2019. Le demandeur y a témoigné.

[14] La SPR n’a pas cru l’explication du demandeur selon laquelle il ignorait avoir été accusé ou déclaré coupable d’un crime quelconque. Elle s’est appuyée sur les faits énoncés dans les décisions du tribunal albanais pour conclure que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur était la personne qui se trouvait dans la voiture en 2003, lorsque la drogue avait été découverte.

[15] La SPR a conclu que le demandeur savait qu’il avait été accusé de trafic de drogue lorsqu’il avait présenté sa demande d’asile, et qu’il avait donc fait une fausse déclaration lorsqu’il avait nié, dans son FRP, avoir été accusé d’une infraction.

[16] La SPR a conclu que les accusations qui avaient visé le demandeur constituaient un fait important quant à un objet pertinent, à savoir la possibilité qu’il soit exclu du statut de réfugié aux termes de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention. La SPR a également établi un lien de causalité entre la présentation erronée alléguée et l’octroi de l’asile, concluant que, si le demandeur avait révélé qu’il faisait l’objet d’accusations, la SPR aurait enquêté pour déterminer s’il devait se voir exclu du statut de réfugié.

[17] Étant donné qu’elle a conclu que le tribunal précédent aurait pu exclure le demandeur du statut de réfugié si la déclaration de culpabilité dont il faisait l’objet avait été divulguée, la SPR n’a pas jugé nécessaire d’examiner la question de savoir si la preuve était suffisante, au moment de la première décision, pour justifier l’octroi de l’asile.

C. L’historique de la procédure

[18] La date de l’audience devant la Cour a été initialement fixée au 22 septembre 2021. Avant l’audience, j’ai invité les parties à préparer des observations orales additionnelles afin de clarifier certaines des questions factuelles et juridiques en jeu. Un jour avant l’audience, avec l’accord du demandeur, le défendeur a demandé à que l’affaire soit suspendue jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale rende son jugement dans une affaire qui pourrait être utile en l’espèce. J’ai accueilli la demande du défendeur. La Cour d’appel fédérale a depuis rendu son jugement dans l’affaire Canada (Public Safety and Emergency Preparedness) v Bafakih, 2022 FCA 18 [Bafakih].

[19] L’audience a été ajournée, sur consentement, à deux autres reprises pour d’autres raisons.

[20] J’ai reçu les observations additionnelles des parties. Je remercie les parties pour leurs observations utiles et le professionnalisme dont elles ont fait preuve tout au long de l’instance.

III. Les questions en litige et les normes de contrôle

[21] Dans ses observations écrites initiales, le demandeur a soulevé un certain nombre de questions visant à démontrer que la SPR avait commis une erreur en concluant qu’il avait commis un [traduction] « crime grave de droit commun » et qu’il était au courant de la procédure criminelle, et en s’appuyant sur les conclusions du tribunal albanais comme éléments de preuve. Plus précisément, le demandeur soutient ce qui suit : 1) les décisions rendues par des tribunaux ne constituent pas de la preuve; 2) il ne devrait pas y avoir de reconnaissance judiciaire du jugement du tribunal albanais; 3) la SPR a rejeté de façon déraisonnable l’affidavit de M. Mydini; 4) la SPR a rendu une conclusion injustifiée quant la vraisemblance, concernant l’interaction du demandeur avec les policiers albanais; 5) la SPR a commis une erreur dans sa conclusion au sujet de la preuve du demandeur relative à son interaction avec son père; 6) la SPR a tiré une conclusion absurde concernant la [traduction] « fausse » autorisation spéciale donnée à l’avocat; 7) la SPR a commis une erreur en concluant que le demandeur avait admis avoir fait une présentation erronée ou une réticence en lien avec la question de son exclusion; 8) la SPR a reporté ses conclusions erronées dans l’appréciation des facteurs atténuants et aggravants en l’espèce.

[22] Le défendeur, quant à lui, affirme que la décision était raisonnable, compte tenu du cadre législatif et des principes juridiques applicables lors d’une demande d’annulation.

[23] Comme il a été mentionné ci-dessus, les parties ont également été invitées à préparer des observations additionnelles à la suite de mon examen du dossier et du droit. Après avoir examiné les arguments des parties, j’ai résumé et reformulé les questions ainsi :

  • a)Quelle est la norme de contrôle applicable?

  • b)Quel est le fait important qui aurait fait l’objet d’une présentation erronée ou d’une réticence et, à cet égard, quel était le moment opportun pour examiner l’allégation de présentation erronée ou de réticence sur un fait important?

  • c)Est-ce que la conclusion d’une présentation erronée ou d’une réticence sur un fait important nécessite de conclure à une connaissance réelle du fait qui en aurait été l’objet?

  • d)La conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur a directement fait une présentation erronée ou une réticence sur un fait important quant à sa possible exclusion du statut de réfugié au sens de la Convention était-elle raisonnable?

[24] Les parties s’accordent généralement sur le fait que la décision de la SPR doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 16, 17.

[25] Dans ses observations écrites, le demandeur fait en outre valoir que les questions liées à l’équité procédurale doivent être examinées selon ce qui est en fait la norme de la décision correcte. Il semble faire référence à l’absence de justice procédurale dans la procédure criminelle engagée contre lui en Albanie. Le demandeur cite les paragraphes 12 et 13 de la décision Abdelrahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 527 [Abdelrahman], [traduction] « et les affaires qui y sont citées ». La décision Abdelrahman et les autres affaires citées dans l’analyse de la norme de contrôle applicable par le juge Brown traitaient de la norme permettant de déterminer si le décideur, dont la décision faisait l’objet d’un contrôle, avait respecté son obligation d’équité procédurale.

[26] Je ne suis pas persuadée que cette jurisprudence soit applicable en l’espèce. La Cour n’exerce pas un contrôle de la décision rendue par le tribunal albanais qui a déclaré le demandeur coupable. La norme de contrôle applicable en l’espèce demeure celle de la décision raisonnable, même pour la question de savoir si une reconnaissance judiciaire devrait être accordée à une déclaration de culpabilité étrangère, laquelle s’inscrit dans l’examen de la conclusion de la SPR concernant l’exclusion potentielle du demandeur. L’application de cette norme est conforme aux décisions de la Cour dans les affaires Biro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1428, et Biro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 776, qui traitaient de l’omission de la SPR d’apprécier correctement la légitimité d’une déclaration de culpabilité étrangère selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[27] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » Vavilov, au para 85. Il incombe au demandeur de démontrer que la décision est déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer une décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » : Vavilov, au para 100.

IV. Analyse

[28] Les dispositions législatives applicables figurent à l’annexe A.

A. Quel est le fait important qui aurait fait l’objet d’une présentation erronée ou d’une réticence et, à cet égard, quel était le moment opportun pour examiner l’allégation de présentation erronée ou de réticence sur un fait important?

[29] Il est nécessaire de clarifier la nature du fait important qui aurait fait l’objet d’une présentation erronée ou d’une réticence par le demandeur, de même que le moment opportun pour examiner l’allégation de présentation erronée ou de réticence sur un fait important, de manière à pouvoir déterminer si les conclusions de la SPR étaient raisonnables.

[30] Dans sa demande d’annulation, le ministre a décrit ainsi le fait important sur lequel le demandeur aurait directement ou indirectement fait une présentation erronée ou une réticence :

[traduction]
Le fait important que le [demandeur] a été déclaré coupable de trafic d’héroïne en Albanie, avant son audience, au Canada, relative au statut de réfugié, fait qu’il n’a pas divulgué lors de son audience initiale, est lié à l’objet pertinent de sa possible exclusion du statut de réfugié aux termes de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention, pour cause de crime grave commis avant son admission dans le pays d’accueil.

[31] La description du ministre m’a fait réfléchir. L’allégation de présentation erronée ou de réticence sur un fait important concernait uniquement la déclaration de culpabilité du demandeur, bien que ce dernier ait été déclaré coupable in absentia, alors qu’il se trouvait au Canada et qu’il avait déjà déposé sa demande d’asile. C’est en partie à cause de cette description déconcertante que j’ai demandé aux parties de présenter des observations additionnelles.

[32] Toutefois, je note que, dans la demande d’annulation, le ministre a aussi exposé des détails concernant l’allégation de présentation erronée et de réticence de la part du demandeur sur un fait important, notamment les éléments suivants :

  • ·Le demandeur est arrivé au Canada le 24 avril 2005;

  • ·Le demandeur a présenté une demande d’asile à un bureau intérieur le 28 avril 2005;

  • ·La demande du demandeur a été entendue le 8 décembre 2005 et l’asile lui a été accordé le 27 mars 2006;

  • ·Le 16 mai 2008, Interpol a affiché un mandat à l’encontre du demandeur concernant une peine non purgée en Albanie pour trafic de drogue. Le demandeur avait été déclaré coupable le 6 juin 2005 in absentia, mais il avait été représenté par un avocat dans le cadre d’un plaidoyer de culpabilité, lequel avait été entériné par le Tribunal de première instance pour les crimes graves le 24 octobre 2005;

  • ·L’équivalent du crime consistant en un trafic de drogue en Albanie serait le trafic, l’importation ou l’exportation de substances s’il était commis au Canada, où la peine maximale est l’emprisonnement à vie.

[33] Le demandeur soutient que le moment où il convient de statuer sur l’existence des faits liés à l’exclusion est celui où la demande d’asile a été présentée, citant Parvanta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1146 au para 13, et Ede c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 804 [Ede].

[34] Le défendeur, quant à lui, ne cite aucune jurisprudence en particulier, mais souligne qu’un ressortissant étranger cherchant à entrer au Canada a une [traduction] « obligation de franchise » qui exige la divulgation des faits importants. De plus, le défendeur soutient qu’une demande d’asile est un [traduction] « processus évolutif continu » qui ne cesse pas le jour où la demande d’asile est déposée. Il soutient plutôt que les demandeurs d’asile ont l’obligation de divulguer des renseignements véridiques, exacts et complets jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue sur leur demande d’asile.

[35] La jurisprudence relative à la question du moment opportun semble être mitigée. La plupart des décisions relatives aux demandes d’annulation se réfèrent uniquement au libellé de la législation, c’est-à-dire à la question de savoir si une décision favorable « résulte » d’une présentation erronée : voir, par exemple, Mansoor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 420 au para 23; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Wahab, 2006 CF 1554 [Wahab] au para 29. Cette formulation ne précise pas à quel moment la présentation erronée doit être appréciée, mais son silence sur ce point, associé à la mention de la décision, pourrait être interprété comme signifiant que toute information antérieure à l’octroi du statut de réfugié peut être prise en considération.

[36] Cependant, certaines décisions de la Cour définissent la question pertinente comme étant de savoir si le demandeur d’asile a fait une réticence sur le fait en question au moment du dépôt de la demande.

[37] Dans l’affaire Ede, le ministre a demandé l’annulation du statut de réfugié accordé à M. Ede en 2006, au motif que celui-ci avait omis de déclarer, lors du dépôt de sa demande d’asile en 2005, qu’il [traduction] « avait commis ou été accusé d’avoir commis » en Turquie, en 2001, l’infraction consistant à exporter de l’héroïne. Lorsque le ministre a déposé la demande d’annulation en 2015, la seule preuve relative à la perpétration alléguée, par M. Ede, de l’infraction était une « notice rouge d’INTERPOL ». M. Ede a nié avoir commis l’infraction et il a nié qu’il savait, quand il avait demandé l’asile, qu’il avait été inculpé de ce crime. Le juge Norris a statué que la question déterminante consistait « à savoir si M. Ede a[vait] bel et bien caché ces informations quand il a[vait] demandé l’asile. Dans l’instance tenue devant la SPR, il s’agissait en fait de déterminer si M. Ede, lorsqu’il avait demandé l’asile au Canada en 2005, savait que les autorités turques l’avaient inculpé du crime consistant à exporter de l’héroïne »: Ede, au para 30 [non souligné dans l’original].

[38] De même, dans la décision Al-Maari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1037 [Al-Maari], la Cour a déclaré :

[10] Il n’est pas contesté que pour obtenir une ordonnance annulant une décision d’octroi du statut de réfugié, il incombe au ministre de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’un demandeur a fait des présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent ou une réticence sur ce fait au moment où la demande d’asile a été présentée (Shahzad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 905).

[Non souligné dans l’original.]

[39] Selon les décisions Ede et Al-Maari, le moment opportun pour déterminer si un demandeur a fait une présentation erronée ou une réticence sur un fait important est celui où le demandeur a déposé une demande d’asile. Dans le contexte de la présente affaire, il semble que la SPR ait tenu compte du même point de référence temporel lors de son appréciation. Il est mentionné ceci au paragraphe 18 de la décision :

[traduction]
Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le [demandeur] a répondu « Non » à la question 9a), qui se lit ainsi : « Avez-vous déjà été recherché, arrêté ou détenu par la police ou l’armée ou toute autre autorité dans un pays quelconque, y compris le Canada? » Il a également répondu « Non » à la question 10, qui se lit ainsi : « Avez-vous déjà commis un crime ou été accusé ou déclaré coupable d’un crime dans un pays quelconque, y compris le Canada? » À chacune de ces questions, il a indiqué répondu par la négative en cochant « Non ».

[40] La SPR a ensuite formulé la question ainsi : [TRADUCTION] « Le [demandeur] était-il au courant des accusations? Elle a conclu ainsi, au paragraphe 62 de la décision :

[traduction]
Le 27 mars 2006, [le demandeur] s’est vu accorder l’asile au titre de la Convention. Au moment où il a présenté sa demande d’asile, le [demandeur] n’a pas révélé qu’il avait été accusé de trafic de drogue dans son pays d’origine, l’Albanie, avant de venir au Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[41] Le défendeur soutient que l’analyse de la SPR portait à la fois sur les accusations et sur la déclaration de culpabilité pour trafic de drogue dont le demandeur faisait l’objet, et qu’il convient d’apprécier la connaissance que ce dernier en avait au moment où il a présenté sa demande d’asile et au moment où celle-ci a été examinée.

[42] Bien que la SPR ait tiré des conclusions concernant la déclaration de culpabilité ultérieure du demandeur et d’autres incidents survenus après son arrivée au Canada, elle semble l’avoir fait dans le but d’étayer sa principale conclusion dans cette affaire, à savoir que le demandeur était au courant des accusations portées contre lui lorsqu’il a présenté sa demande d’asile.

[43] Cependant, il n’y a en définitive aucune date précise pour les besoins de l’appréciation de la demande d’annulation. Le demandeur maintient qu’il n’a jamais divulgué d’information au sujet des accusations ou de la déclaration de culpabilité, au motif qu’il n’avait pas connaissance de ces deux faits. Plus important encore, le demandeur a fourni un témoignage et des éléments de preuve concernant les faits ayant conduit à sa déclaration de culpabilité et s’est appuyé sur ces éléments pour étayer sa position selon laquelle il n’avait pas initialement été informé des accusations. Compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, j’examinerai les omissions alléguées en ce qui concerne les accusations et la déclaration de culpabilité, étant donné que les faits et les éléments de preuve présentés à propos de ces deux aspects sont étroitement liés.

[44] Outre la question du moment opportun, le demandeur soutient également que, compte tenu de ce qui est établi par l’arrêt Bafakih, la SPR a commis une erreur en concluant que la présentation erronée alléguée du demandeur était importante, parce qu’elle était [traduction] « susceptible » de conduire le premier tribunal à prononcer l’exclusion, et non pas parce qu’elle [traduction] l’« aurait effectivement » fait. Le demandeur soutient qu’il s’agit d’une erreur, car la Cour d’appel fédérale indique clairement, dans l’arrêt Bafakih, qu’un fait n’est pas considéré comme important s’il est seulement [traduction] « susceptible » d’avoir eu une incidence sur la décision initiale relative au statut de réfugié.

[45] Je ne suis pas convaincue par l’argument du demandeur. Dans l’arrêt Bafakih, la Cour d’appel fédérale a confirmé que les omissions devaient [traduction] « être importantes » et que le critère à appliquer exigeait (i) qu’il y ait eu « des présentations erronées sur un fait important ou une réticence sur ce fait »; (ii) que ce fait « d[evait] se rapporter à un objet pertinent; et » (iii) qu’il existait « un lien de causalité entre, d’une part, les présentations erronées ou la réticence, et, d’autre part, le résultat favorable obtenu », citant l’affaire Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Gunasingam, 2008 CF 181.

[46] En l’espèce, comme le soutient le défendeur, il existe un lien entre les omissions alléguées du demandeur et son obtention du statut de réfugié, à savoir les omissions du demandeur dans son FRP concernant les accusations criminelles et la déclaration de culpabilité dont il fait l’objet, ainsi que la décision initiale de la SPR de lui accorder l’asile sans avoir d’abord envisagé la possibilité de sa possible exclusion aux termes de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention. Je conclus donc que les omissions alléguées, si elles sont prouvées, constituent des faits importants.

B. Est-ce que la conclusion d’une présentation erronée ou d’une réticence sur un fait important nécessite de conclure à une connaissance réelle du fait qui en aurait été l’objet?

[47] Tout comme la question du moment opportun, la jurisprudence sur la question de savoir si une « connaissance réelle » des faits est requise en cas de présentation erronée ou de réticence dans le contexte des demandes d’annulation semble contradictoire. La seule chose qui ressort clairement de la jurisprudence est qu’il n’y a pas d’élément de mens rea dans la réticence sur un fait important. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire que la réticence ait été délibérée; c’est l’acte de dissimuler le fait important qui est pertinent : Wahab, au para 29.

[48] Certaines décisions interprètent ce principe comme signifiant que la connaissance par le demandeur du fait qui aurait été présenté erronément n’est pas non plus pertinente. En d’autres termes, l’ignorance du fait par le demandeur n’est pas un argument justifiant son omission dans la demande. Dans l’affaire Abdulrahim c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 463 [Abdulrahim], le ministre a prétendu que le demandeur avait été accusé de fraude et de falsification de documents au Qatar, avant son arrivée au Canada, et qu’il avait dissimulé le fait qu’il avait commis les actes dont il était accusé. L’un des arguments soulevés par le demandeur était qu’aucun élément de preuve n’avait été produit pour démontrer qu’il était au courant des allégations pesant contre lui lorsqu’il avait présenté sa demande d’asile. La Cour a rejeté cet argument, concluant que cette prétention n’était pas pertinente au regard de l’allégation de réticence : Abdulrahim, au para 21.

[49] D’autres affaires ont traité ou dépendu de la question de savoir si le demandeur avait connaissance du fait qui n’aurait pas été divulgué. Dans la décision Ede, l’un des principaux motifs pour lesquels le juge Norris a infirmé la décision de la SPR annulant le statut de réfugié de M. Ede était l’absence d’une preuve que M. Ede savait qu’il avait été inculpé de l’infraction consistant à exporter de l’héroïne. Cette décision implique que la connaissance du fait qui n’aurait pas été divulgué est effectivement pertinente pour conclure à l’existence d’une présentation erronée.

[50] Dans l’affaire dont je suis saisie, je note que, durant l’audience de la SPR, les parties ont présenté des arguments importants sur la connaissance réelle du demandeur. Je note également que la décision était fondée sur le rejet par la SPR de la preuve du demandeur concernant sa connaissance réelle, plutôt que sur une conclusion selon laquelle une telle connaissance réelle n’était pas pertinente.

[51] À la lumière de la décision Ede et des observations présentées par les parties lors de l’audience de la SPR, ainsi que des conclusions de la SPR, je conclus que la connaissance réelle du demandeur quant au fait important qui aurait fait l’objet d’une présentation erronée ou d’une réticence est un facteur pertinent à prendre en considération dans le cadre de la demande d’annulation.

C. La conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur a directement fait une présentation erronée ou une réticence sur un fait important quant à sa possible exclusion du statut de réfugié au sens de la Convention était-elle raisonnable?

[52] Le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur en concluant qu’il avait commis un crime grave de droit commun et qu’il était au courant de la procédure criminelle engagée contre lui. Le demandeur conteste également le fait que la SPR s’appuie sur les décisions du tribunal albanais comme éléments de preuve.

[53] Je ne considère pas que tous les arguments du demandeur soient aussi convaincants les uns que les autres. Mon analyse sera centrée sur les questions qui me semblent les plus déterminantes.

(i) La SPR a, de manière déraisonnable, tiré des conclusions d’invraisemblance pour rejeter l’affidavit de M. Mydini.

[54] La preuve déposée en l’espèce pour démontrer que le demandeur n’était pas au courant des accusations portées contre lui est essentiellement constituée de son propre témoignage, de l’affidavit de M. Mydini et de l’autorisation spéciale que le demandeur dit être fausse.

[55] La SPR a rejeté l’affidavit de M. Mydini, car elle s’est appuyée sur les décisions du tribunal albanais pour conclure qu’il était peu plausible que les agents frontaliers albanais n’aient pas constaté la différence entre la personne qui conduisait la voiture et la photo figurant dans le passeport, qui appartenait au demandeur.

[56] Le demandeur soutient qu’en l’absence d’une preuve directe démontrant qu’il savait qu’il était inculpé, et compte tenu des éléments de preuve corroborant son témoignage, il était déraisonnable pour la SPR de rejeter sa déclaration selon laquelle il n’était pas au courant des accusations. Le demandeur s’appuie sur la décision Ede, dans laquelle le juge Norris a infirmé la décision de la SPR d’annuler l’octroi de l’asile, en concluant au paragraphe 66 qu’« [e]n l’absence d’une preuve directe qui confirmerait la conclusion affirmative que M. Ede savait qu’il avait été inculpé, il était déraisonnable de la part de la SPR de fonder cette conclusion uniquement sur le rejet de la dénégation de M. Ede ».

[57] Le demandeur soutient également que la SPR a commis une erreur en rejetant la preuve par affidavit de M. Mydini, en l’absence de toute preuve directe que le demandeur se trouvait dans la voiture et à la frontière ce jour-là.

[58] Le défendeur fait valoir que la SPR a raisonnablement apprécié le témoignage du demandeur et l’affidavit de M. Mydini, à la lumière des faits incontestés démontrant que le passeport du demandeur avait été présenté à la frontière et que la personne qui le portait avait été contrôlée tant à la frontière albanaise qu’à la frontière grecque. Le défendeur soutient en outre que la SPR était en droit de faire appel au bon sens et à la raison quant à la manière dont les autorités frontalières se seraient comportées.

[59] Je ne suis pas prête à souscrire pleinement à la position du demandeur selon laquelle les décisions judiciaires ne constituent pas de la preuve. Je conclus que les décisions citées par le demandeur ne sont pas tout à fait pertinentes. Toutefois, je suis d’accord avec le demandeur pour dire que les descriptions des faits telles qu’elles figurent dans les décisions judiciaires ne constituent pas des éléments de preuve directs. Je conviens également que la SPR n’aurait pas dû écarter l’affidavit de M. Mydini en fondant sa décision uniquement sur les descriptions factuelles des décisions du tribunal albanais.

[60] De plus, je conclus que les descriptions factuelles figurant dans les décisions judiciaires rendues dans le cadre de la présente affaire n’appuient pas nécessairement les conclusions de la SPR concernant ce qui s’était passé au poste frontalier.

[61] Comme il a été mentionné ci-dessus, la SPR a rejeté l’affidavit de M. Mydini, jugeant qu’il n’était pas plausible que les agents frontaliers albanais n’aient pas remarqué la différence d’apparence entre la personne qui conduisait la voiture et la photo figurant dans le passeport du demandeur. Il semblerait que la SPR se soit appuyée sur la décision du Tribunal du 24 octobre 2005, qui décrivait ainsi le processus de contrôle au poste frontalier :

[traduction]
Le 29 septembre 2003, après avoir séjourné un mois en Albanie, l’accusé est parti pour la Grèce, muni d’un passeport albanais numéroté […] et portant le numéro d’identification […] Vers 11 h ce jour‑là, après avoir rempli les documents nécessaires au passage de la frontière albanaise et avoir été soumis à un contrôle douanier par les autorités albanaises, l’accusé s’est rendu avec sa voiture blanche de marque Volkswagen, modèle Golf, immatriculée [....], au poste frontalier grec de Tre Urat à Merxhani, afin de se soumettre à la procédure douanière des autorités grecques. Ce fait a été prouvé par le rapport d’examen du document daté du 29 septembre 2003, dont l’objet de l’inspection était le registre de sortie des citoyens albanais du territoire de la République d’Albanie, compilé par Bernard Lukaj, officier de police judiciaire pour le procureur du Tribunal de première instance de Permet.

Lors du contrôle de la voiture de l’accusé, M. Lali Dorsei, huit (8) paquets emballés ont été trouvés cachés à l’intérieur du tableau de bord. Les deux douaniers grecs […] qui inspectaient la voiture ont d’abord soupçonné la présence de stupéfiants. À ce moment-là, l’accusé est soudainement parti en courant, en suivant la rivière Vjosa en direction du territoire albanais, échappant ainsi à l’arrestation.

[Non souligné dans l’original.]

[62] Le fait que le conducteur du véhicule se soit enfui en Albanie et ait échappé à son arrestation est également confirmé par l’affidavit de M. Mydini, dans laquelle ce dernier déclare ce qui suit :

[traduction]
Le matin du 29 septembre 2003, j’ai conduit la voiture de Lali Dorsei, une Volkswagen Golf, et je me suis dirigé vers le poste frontalier grec appelé Three Bridges, situé près de Merxane, dans le but d’entrer en Grèce. L’un des douaniers grecs a commencé à fouiller la voiture et a découvert les paquets que j’avais cachés à l’intérieur. C’est à ce moment-là que j’ai pu m’échapper en me précipitant vers la rivière, en direction du territoire albanais.

[63] Lors de l’audience, j’ai demandé aux parties de présenter des observations sur la signification de l’expression [traduction] « registre de sortie » utilisée dans la décision du Tribunal du 24 octobre 2005, ainsi que sur son importance. Les parties n’ont pas été en mesure de clarifier la question.

[64] Contrairement aux conclusions de la SPR, ni la décision du Tribunal du 24 octobre 2005 ni l’affidavit de M. Mydini n’indiquent que les agents frontaliers albanais ont comparé la photo du passeport avec le conducteur, qu’ils n’ont pas appréhendé sur les lieux, afin de confirmer qu’il s’agissait d’une seule et même personne. Dans décision du Tribunal du 24 octobre 2005, il est présumé que c’est le demandeur qui a franchi la frontière, en s’appuyant apparemment sur le registre de sortie tenu par la République d’Albanie. Au mieux, la conclusion de la SPR selon laquelle les agents frontaliers albanais ont comparé la photo du passeport avec le conducteur était spéculative. Sans aucune preuve confirmant que les agents frontaliers albanais avaient comparé la photo du passeport du demandeur à l’apparence du conducteur qui avait fui la scène, la SPR a donc rejeté de manière déraisonnable l’affidavit de M. Mydini en se fondant sur des spéculations.

[65] Le défendeur soutient qu’il est raisonnable de supposer que les agents du poste frontalier séparant la Grèce de l’Albanie ont vérifié l’identité de la personne passant la frontière en consultant son passeport.

[66] Cependant, comme le souligne le demandeur, il existe d’autres explications plausibles : M. Mydini a déclaré s’être enfui, de sorte que les agents frontaliers n’ont peut-être pas eu l’occasion de comparer l’apparence de M. Mydini à la photo du passeport; M. Mydini présente peut-être une ressemblance avec la personne figurant sur la photo, etc. Selon le demandeur, la SPR n’aurait pas dû supposer qu’il se trouvait sur les lieux, simplement parce que ses papiers d’identité s’y trouvaient. Je suis d’accord. À tout le moins, la SPR aurait dû soupeser les éléments de preuve directs contenus dans l’affidavit de M. Mydini avec les éléments de preuve indirects décrits dans les décisions du tribunal albanais, plutôt que de rejeter purement et simplement l’affidavit de M. Mydini. Ce faisant, la SPR a rendu une décision déraisonnable.

(ii) La SPR a, de manière déraisonnable, tiré des conclusions d’invraisemblance pour rejeter le témoignage du demandeur concernant son interaction avec les policiers albanais.

[67] La SPR a également rejeté le témoignage du demandeur selon lequel les policiers n’étaient jamais entrés en rapport avec lui autrement qu’en se rendant au domicile familial en 2003, où le père du demandeur leur avait indiqué où ce dernier se trouvait. La SPR a jugé invraisemblable que les policiers ne l’aient pas poursuivi plus activement ou n’aient pas laissé un mandat ou un document de procédure pour lui, considérant le crime dont il était accusé. La SPR a également jugé invraisemblable que les membres de la famille du demandeur n’aient pas été mis au courant des accusations et de la déclaration de culpabilité dont il faisait l’objet, et qu’ils n’en aient pas informé le demandeur.

[68] Le demandeur soutient que le rejet, par la SPR, de son témoignage sur ses interactions avec la police était une conclusion injustifiée quant à la vraisemblance. Il fait valoir que son témoignage est présumé véridique et qu’il n’y avait aucune raison valable de mettre en doute sa crédibilité, les conclusions quant à la vraisemblance ne devant être tirées qu’avec la plus grande prudence. Il soutient que la Cour a déconseillé de tirer des inférences défavorables en matière de crédibilité en se fondant sur la perception du caractère raisonnable du comportement d’acteurs étatiques étrangers.

[69] Le défendeur fait valoir que la conclusion de la SPR était raisonnable, compte tenu des faits non contestés dont la visite des policiers au domicile familial du demandeur, le fait que le demandeur a vécu et travaillé au même endroit jusqu’à peu de temps avant de son départ de l’Albanie, et le fait qu’il est resté en contact avec sa famille après son arrivée au Canada. Le défendeur soutient que la SPR était en droit de faire appel au bon sens pour déterminer la manière dont les policiers se seraient comportés.

[70] Je rejette donc la position du défendeur selon laquelle la SPR pouvait faire appel au bon sens pour prédire la manière dont les policiers d’un pays étranger se seraient comportés dans une affaire comme celle-ci, étant donné que chaque pays a ses propres règles auxquelles sont assujetties ses forces policières, et qu’il est loisible à chaque gouvernement de fixer ses propres priorités en matière d’application de la loi.

[71] En outre, bien que la SPR puisse décider de ne pas croire le témoignage d’un demandeur en se basant sur les questions de la vraisemblance, du bon sens et de la raison, les conclusions d’invraisemblance ne devraient être tirées que dans les cas les plus évidents, lorsque le témoignage du demandeur déborde le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ou s’il est insoutenable à la lumière de la preuve déposée : Zaiter c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 908 au para 8; Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776 aux para 6, 7; Aguilar Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1155 [Aguilar Zacarias] aux para 9-11.

[72] La Cour a déclaré, au paragraphe 11 de la décision Aguilar Zacarias, que la SPR « d[evait] invoquer “des éléments de preuve fiables et vérifiables au regard desquels la vraisemblance des témoignages des demandeurs pourraient être appréciés” [sic], sinon la conclusion au sujet de l’invraisemblance pourrait n’être que “de la spéculation non fondée” ».

[73] Il convient de souligner qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une demande d’asile, mais plutôt d’une demande d’annulation de la décision octroyant l’asile. Il incombe au ministre d’établir que l’annulation de cette décision est justifiée.

[74] Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que l’affaire dont je suis saisie présente de nombreuses similitudes avec l’affaire Ede. La décision de rejeter la dénégation de M. Ede était fondée sur l’opinion de la SPR selon laquelle il était [traduction] « inconcevable qu’un individu subisse un procès devant une cour de sûreté de l’État, qu’il soit détenu pendant trois mois et qu’il allègue pourtant qu’il n’a pas été inculpé d’une infraction » : Ede, au para 61. Le juge Norris était d’avis que cette conclusion était déraisonnable, puisque la SPR n’avait fourni aucun fondement pour appuyer sa conception de la procédure criminelle turque. Dans un passage instructif cité par le demandeur, le juge Norris a déclaré ce qui suit :

[66] Enfin, il est important de souligner qu’il n’y a aucune preuve directe que M. Ede, quand il a demandé l’asile en 2005, savait qu’il avait été inculpé d’une infraction relative à la drogue en Turquie. Il s’agissait là du point crucial de l’allégation de fausse déclaration. La SPR a fondé sa conclusion selon laquelle M. Ede était parfaitement au fait de cela sur le rejet de sa dénégation. En l’absence d’une preuve directe qui confirmerait la conclusion affirmative que M. Ede savait qu’il avait été inculpé, il était déraisonnable de la part de la SPR de fonder cette conclusion uniquement sur le rejet de la dénégation de M. Ede. À tout le moins, cela dénote une méconnaissance fondamentale du fardeau de preuve dans une affaire telle que la présente.

[75] En l’espèce, comme dans l’affaire Ede, il n’y a aucune preuve directe que le demandeur savait, lorsqu’il a présenté sa demande d’asile en 2005, qu’il était accusé de trafic de drogue en Albanie. Le demandeur a déclaré sous serment, sans être contredit, que des policiers s’étaient présentés au domicile de ses parents et avait simplement demandé à ces derniers où il se trouvait. Le demandeur a déclaré dans son témoignage que ses parents étaient inquiets et qu’ils avaient voulu savoir de quoi il s’agissait, mais que les policiers leur avaient seulement répondu qu’ils voulaient poser une question au demandeur pour mettre quelque chose au clair. Le demandeur a déclaré que les policiers n’avaient laissé aucun document. Il a été demandé au demandeur s’il trouvait étrange que les policiers ne soient pas revenus le chercher. Il a reconnu que c’était le cas, mais il a affirmé de nouveau qu’ils n’étaient pas revenus.

[76] La seule preuve directe donnant à entendre que le demandeur avait connaissance de l’accusation de trafic de drogue est l’autorisation spéciale, vraisemblablement signée par le demandeur pour retenir les services de Me Vishaj; l’authenticité de ce document a été mise en doute, et sa pertinence a été remise en cause, même par la SPR.

[77] Il n’est pas contesté que le demandeur n’était pas présent lors de son procès, et compte tenu de la nature indiscutablement frauduleuse de la procuration, il n’y a pas de preuve directe que le demandeur savait qu’un procès se tenait ou se préparait.

[78] Plus important encore, la SPR n’a fourni aucun fondement pour appuyer son interprétation de ce que les policiers albanais auraient fait ou n’auraient pas fait dans le cadre d’une enquête sur le trafic de drogue. Pourtant, la SPR a tiré plusieurs conclusions d’invraisemblance : qu’il n’est pas crédible que les policiers n’aient fait qu’une seule tentative pour trouver le demandeur, qu’ils auraient cherché plus activement à localiser le demandeur, et qu’il est peu probable qu’ils n’aient laissé aucun mandat ou document à l’intention du demandeur, au domicile familial de ce dernier. Ces conclusions ont été tirées en l’absence totale de preuve et ne sauraient être justifiées par le « bon sens ».

[79] En l’absence de toute preuve directe que le demandeur était informé qu’il faisait l’objet d’accusations au moment où il a présenté sa demande d’asile, et en l’absence de toute preuve concernant la procédure d’enquête criminelle adoptée par les corps policiers albanais, la décision de la SPR de rejeter le témoignage du demandeur, en se basant sur ses propres conclusions peu convaincantes quant à la vraisemblance, était déraisonnable.

(iii) La SPR a commis une erreur lors de son examen de l’autorisation spéciale donnée à l’avocat

[80] La SPR a pris note que le ministre a concédé que le demandeur n’avait pas signé l’autorisation spéciale permettant à l’avocat albanais de le représenter, étant donné que le demandeur se trouvait au Canada à l’époque. La SPR a toutefois conclu que le tribunal albanais aurait sans doute, néanmoins, jugé et déclaré le demandeur coupable in absentia, et ce, peu importe que l’avocat ait participé ou non à l’instance. À partir de cette hypothèse, la SPR a rejeté l’allégation du demandeur selon laquelle sa déclaration de culpabilité était illégitime.

[81] En s’appuyant sur le critère d’exécution d’un jugement étranger décrit dans l’arrêt Beals c Saldanha, 2003 CSC 72 [Beals], le demandeur fait valoir que son procès était manifestement inéquitable et que la SPR a donc commis une erreur en reconnaissant le jugement. Il soutient qu’en matière d’exclusion de l’asile pour grande criminalité, la Cour a jugé à plusieurs reprises que les déclarations de culpabilité résultant de procès inéquitables n’étaient pas reconnues judiciairement sous le régime de la LIPR.

[82] Je ne suis pas persuadée que le critère de l’arrêt Beals soit applicable en l’espèce.

[83] Cependant, je suis d’accord avec le demandeur pour dire que la conclusion de la SPR, selon laquelle le tribunal albanais l’aurait déclaré coupable, même s’il n’avait pas été représenté par un avocat et en l’absence d’un plaidoyer de culpabilité, n’était que pure spéculation et qu’elle ne reposait sur aucune preuve. Il est impossible de savoir comment le tribunal albanais aurait procédé lors du procès sans plaidoyer de culpabilité, et quel aurait été le verdict prononcé. La conclusion de la SPR selon laquelle le tribunal albanais aurait tout de même déclaré le demandeur coupable, même sans la présence de l’avocat, était spéculative et n’était pas étayée par la preuve.

[84] Je ne trouve pas convaincantes les affirmations du défendeur portant que la SPR a raisonnablement apprécié la preuve et tiré ses propres conclusions concernant l’équité de la procédure criminelle, et que le demandeur n’a produit aucune preuve permettant de réfuter la présomption d’équité de la procédure judiciaire dans un pays étranger. En fait, la SPR n’a pas abordé la question de l’équité de la procédure criminelle lorsqu’elle a conclu que l’intervention de Me Vishaj [traduction] « n’a[vait] pas eu d’effet négatif sur l’issue du procès, et a[vait] même effectivement permis de réduire la peine prononcée ».

[85] Bien que le demandeur n’ait pas soulevé cette question, j’ai moi-même une autre préoccupation concernant le fait que la SPR s’est appuyée sur l’autorisation spéciale pour conclure que le demandeur avait fait une présentation erronée ou une réticence sur un fait important.

[86] Le ministre a soutenu devant la SPR que l’autorisation spéciale démontrait que le demandeur était au courant des accusations de trafic de drogue, grâce à ses contacts avec son père. Le ministre a adopté la position selon laquelle, même si le demandeur n’avait pas signé l’autorisation spéciale, cela ne signifiait pas que son père n’avait pas engagé Me Vishaj pour le représenter.

[87] Le demandeur, quant à lui, a continué à nier toute connaissance des accusations criminelles et a souligné que la signature falsifiée figurant sur l’autorisation spéciale constituait une preuve additionnelle à l’appui de sa position.

[88] La SPR n’a pas abordé les positions contradictoires des parties sur ce point et a plutôt conclu ce qui suit, aux paragraphes 34 et 35 de la décision :

[traduction]
[34] Le tribunal prend acte du fait que toute théorie concernant la représentation du [demandeur] par Me Saimir Vishaj [Me Vishaj] serait spéculative. Néanmoins, le tribunal a apprécié dans quelle mesure la participation de Me Vishaj au procès pouvait avoir eu une incidence sur la possibilité que le [demandeur] ait fait une présentation erronée ou une réticence sur un fait important. Les documents judiciaires démontrent que la participation de Me Vishaj au procès s’est limitée à un plaidoyer de culpabilité et à des demandes de clémence. Le tribunal conclut que, même si la participation de Me Vishaj et l’autorisation spéciale au titre de laquelle il a agi étaient retirées de l’équation, cela n’aurait probablement eu que peu d’effet sur l’issue de la procédure judiciaire quant à la déclaration de culpabilité. Le tribunal conclut que, malgré cela, le tribunal albanais aurait probablement jugé et déclaré le [demandeur] coupable in absentia. La participation de MVishaj n’a joué un rôle qu’en rapport avec la durée de la peine, puisqu’il a présenté des observations qui ont permis de réduire la peine de trois ans.

[35] Compte tenu de tout ce qui précède, le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que, lorsqu’il a présenté sa demande d’asile et déposé son FRP auprès de la SPR, le [demandeur] savait qu’il avait été accusé de trafic de drogue en Albanie. Le tribunal conclut également que, lorsqu’il a rempli son FRP, le demandeur a fait une fausse déclaration en cochant la case « Non » en réponse à la question 9a), où il lui était demandé s’il avait déjà été accusé d’une infraction criminelle.

[Non souligné dans l’original.]

[89] En bref, même si la SPR a pris acte du fait que la théorie du ministre à propos de la représentation de Me Vishaj était [traduction] « spéculative », elle s’est tout de même appuyée sur l’autorisation spéciale pour conclure que le demandeur savait qu’il était inculpé, sans en expliquer la raison.

[90] Le défendeur soutient que plus loin dans la décision, au paragraphe 48, la SPR est arrivée à une conclusion opposée et a souscrit au point de vue du ministre, selon lequel la possibilité qu’il s’agisse d’une falsification ne signifiait pas que le père du demandeur n’avait pas retenu les services de Me Vishaj. Si tel est le cas, je fais remarquer que la SPR n’a fourni aucune explication concernant ses conclusions contradictoires à cet égard.

[91] Plus précisément, en se limitant au rôle joué par l’avocat au procès et à l’impact que cela a pu ou non avoir sur l’issue du procès, la SPR n’a pas abordé la question de l’éventuel impact de la « signature falsifiée » de l’autorisation spéciale lors de son examen de la question principale, à savoir la connaissance par le demandeur des accusations portées contre lui. La conclusion de la SPR à cet égard ne présente pas une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov, aux para 85, 100.

[92] Le défendeur fait valoir que la participation de Me Vishaj au procès du demandeur n’a aucune incidence sur les questions soulevées dans le cadre de la demande d’annulation. Plus précisément, il soutient que, même en l’absence de déclaration de culpabilité, le demandeur aurait, malgré cela, omis de divulguer les accusations criminelles dont il faisait l’objet et aurait pu être exclu au titre de l’article 98 de la LIPR. Je rejette cet argument pour deux raisons. Tout d’abord, ce n’était pas la position adoptée par le ministre lors de l’audience devant la SPR. Deuxièmement, si la participation de Me Vishaj au procès n’a sans doute pas d’importance en soi en l’absence de déclaration de culpabilité, la question de savoir si le demandeur avait connaissance de cette participation n’en a pas.

(iv) Les autres questions

[93] Le demandeur a présenté des arguments importants sur l’absence d’analyse de la part de SPR concernant la validité de sa déclaration de culpabilité prononcée par le tribunal albanais, de même que sur les conclusions de la SPR vis-à-vis des facteurs atténuants et aggravants sous-jacents à la déclaration de culpabilité. Je n’ai pas à examiner ces arguments, puisque j’ai décidé que la présente affaire devait être renvoyée pour nouvelle décision.

V. Les réparations

[94] Le demandeur sollicite de la Cour un jugement déclaratoire portant qu’il est un réfugié au sens de la Convention, que sa déclaration de culpabilité en Albanie n’a pas été prononcée conformément aux normes juridiques canadiennes et internationales et que sa déclaration de culpabilité ne devrait pas lui interdire d’accéder au statut de résident permanent, à la citoyenneté ou à tout autre avantage auquel il aurait droit sous le régime du droit canadien.

[95] Advenant que la Cour conclue que la décision de la SPR est déraisonnable, le défendeur demande à la Cour de renvoyer l’affaire pour nouvelle décision plutôt que d’accorder un jugement déclaratoire.

[96] Bien que le demandeur ait raison de dire que la Cour fédérale a compétence pour rendre un jugement déclaratoire aux termes de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales, je ne suis pas persuadée qu’il soit justifié de le faire en l’espèce. Deux des précédents cités par le demandeur, soit Canada (Premier ministre) c Khadr, 2010 CSC 3, et Canada (Affaires indiennes) c Daniels, 2014 CAF 101, diffèrent de l’espèce par les faits. Le troisième, Ogiamien c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2018 CF 30, n’est d’aucune aide, puisque le paragraphe cité par le demandeur est un résumé de la position du demandeur dans cette affaire, et non pas une conclusion de la Cour.

[97] Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Tennant, 2019 CAF 206, la Cour d’appel fédérale a donné des indications sur les circonstances dans lesquelles il serait approprié de rendre un jugement déclaratoire, en adoptant les motifs dissidents de la juge Deschamps, au paragraphe 66 de l’arrêt Giguère c Chambre des notaires du Québec, 2004 CSC 1, lesquels ont été approuvés à maintes reprises depuis lors :

Une cour de justice ne peut substituer sa décision à celle d’un décideur administratif à la légère ou de manière arbitraire, sans justification sérieuse. Ainsi, un tribunal judiciaire peut statuer sur le fond si le renvoi au tribunal administratif s’avère inutile […] C’est aussi le cas lorsque, une fois l’illégalité corrigée, le décideur administratif est sans compétence, faute d’assise juridique […] Il en va de même lorsque, suivant les circonstances et la preuve au dossier, une seule interprétation ou solution est envisageable, c’est-à-dire que toute autre interprétation ou solution serait déraisonnable […] Par ailleurs, il est également acquis que le dossier ne sera pas renvoyé à l’autorité compétente si celle-ci n’est plus en état d’agir, par exemple, s’il y a crainte raisonnable de partialité […]

[98] À mon avis, aucune de ces situations ne s’applique en l’espèce. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la solution la plus appropriée serait de renvoyer l’affaire à la SPR pour nouvelle décision.

VI. Conclusion

[99] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[100] Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-93-20

La Cour statue que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. L’affaire est renvoyée pour nouvelle décision par un autre commissaire de la SPR;

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Avvy Yao-Yao Go »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche, traducteur


Annexe A : les dispositions applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27)
Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Notions d’asile, de réfugié et de personne à protéger

Refugee Protection, Convention Refugees and Persons in Need of Protection

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

Exclusion — Refugee Convention

98 La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98 A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

Annulation par la Section de la protection des réfugiés

Applications to Vacate

Demande d’annulation

Vacation of refugee protection

109 (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

109 (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

Rejet de la demande

Rejection of application

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.

Effet de la décision

Allowance of application

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-93-20

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

LALI DORESI c MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 août 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge Go

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 16 septembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Daniel Kingwell

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Laoura Christodoulides

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel Kingwell

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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