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Date : 20220921


Dossier : IMM-6750-21

Référence : 2022 CF 1308

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2021

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

ANGELA REGINA OFILI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue par un agent d’immigration [l’agent] d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC], par laquelle il a rejeté la demande de résidence permanente d’Angela Regina Ofili [la demanderesse] présentée au titre du programme Voie d’accès à la résidence permanente des travailleurs de la santé (pandémie de COVID-19) [le programme Voie d’accès].

Le contexte

[2] La demanderesse est citoyenne de la République du Nigéria. Le 21 juin 2018, elle est arrivée au Canada et y a demandé l’asile. Sa demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] le 9 janvier 2020. La SPR a conclu que la demande d’asile était dépourvue d’un minimum de fondement. La demanderesse a sollicité le contrôle judiciaire de la décision de la SPR. En date du 25 juin 2021, après le dépôt d’une requête écrite informelle, la Cour a rendu, sur consentement des deux parties, une ordonnance qui a annulé la décision de la SPR et renvoyé l’affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision [l’ordonnance sur consentement].

[3] Le 9 juillet 2021, la demanderesse a demandé la résidence permanente depuis le Canada au titre du programme Voie d’accès d’IRRC, une politique d’intérêt public temporaire, ouverte aux demandeurs d’asile admissibles parmi ceux qui ont été déboutés et ceux qui sont en attente d’une décision :

En reconnaissance de leurs services exceptionnels, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a mis en place une politique d’intérêt public temporaire pour faciliter l’octroi de la résidence permanente à certains demandeurs d’asile qui travaillent dans le secteur de la santé au Canada en fournissant des soins directs aux patients durant la pandémie de COVID-19 [Guide de demande pour la voie d’accès à la résidence permanente des travailleurs de la santé (pandémie de COVID-19)] (https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/demande/formulaires-demande-guides/guide-1016-travailleurs-sante.html).

[4] Sa demande a été rejetée par lettre datée du 13 septembre 2021; c’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

La décision faisant l’objet du contrôle

[5] Dans la lettre de refus, qui est un document type, il est expliqué qu’après une évaluation de la demande en fonction des conditions (critères d’admissibilité) de la politique d’intérêt public temporaire, la demande a été rejetée, au motif que la demanderesse ne répondait pas aux critères du programme. La lettre contient une liste des critères d’admissibilité, et les critères auxquels la demanderesse ne répondait pas y étaient indiqués. Les deux critères suivants étaient cochés pour indiquer que la demande avait été rejetée pour les raisons suivantes : 1) la demanderesse n’a pas travaillé au Canada dans une ou plusieurs professions désignées où elle offrait des soins directs aux patients dans un hôpital, un établissement de soins de longue durée ou un foyer avec services public ou privé, ou encore pour un organisme où elle offrait des services de soins de santé aux aînés à domicile ou en établissement, ou aux personnes handicapées pendant les périodes minimales indiquées; 2) la demande d’asile de la demanderesse a été jugée manifestement infondée ou dépourvue d’un minimum de fondement.

[6] Les motifs de la décision, qui portaient la même date, indiquaient également que les deux critères d’admissibilité ci-dessus n’avaient pas été remplis. De plus, l’agent a souligné que la demanderesse avait travaillé à titre de travailleuse familiale, de la Classification nationale des professions [CNP] 4412, au St. Felix Centre du 13 décembre 2019 au 9 mai 2021. L’agent a jugé que, selon le profil organisationnel du St. Felix Centre et la description sur son site Web du travail fait par le centre auprès des personnes en situation de logement précaire et d’itinérance, l’emploi de la demanderesse ne répondait pas aux exigences de la politique d’intérêt public d’avoir travaillé « dans une ou plusieurs professions désignées […] où l’étranger offrait des soins directs aux patients dans un hôpital, un établissement de soins de longue durée ou un foyer avec services public ou privé, ou encore pour un organisme où l’étranger offrait des services de soins de santé aux aînés à domicile ou en établissement ou aux personnes handicapées dans des résidences privées ».

[7] De plus, l’agent a fait remarquer que la SPR avait jugé la demande d’asile de la demanderesse dépourvue d’un minimum de fondement et que la politique d’intérêt public précisait qu’elle ne s’appliquait pas lorsque « [...] la demande d’asile a[vait] été jugée manifestement infondée ou dépourvue d’un minimum de fondement [...] ».

[8] L’agent a conclu que la demanderesse ne répondait pas aux critères d’admissibilité du programme Voie d’accès et a rejeté sa demande.

Les questions en litige et la norme de contrôle

[9] Selon moi, les questions en litige soulevées par la demanderesse peuvent être formulées ainsi :

  1. La décision était-elle raisonnable?

  2. La demanderesse a-t-elle établi que le ministre était coupable d’outrage au tribunal?

  3. Faudrait-il adjuger des dépens contre le défendeur?

[10] La demanderesse fait valoir que, dans sa décision, l’agent a commis une erreur de droit parce qu’il n’a pas tenu compte de l’ordonnance sur consentement. Elle soutient que, bien qu’il existe une présomption selon laquelle la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable lorsque la Cour examine le fond d’une décision administrative, comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], aux paragraphes 10, 23 et 25, la présomption est réfutée en l’espèce (Vavilov, au para 17). Selon elle, en ne tenant pas compte de l’ordonnance sur consentement, l’agent [traduction] « a adopté une conduite de portée générale pour la profession juridique dans son ensemble » et a créé un précédent qui permet aux autres agents de ne pas appliquer les décisions de la Cour. Par conséquent, la norme de la décision correcte devrait s’appliquer à l’approche adoptée par l’agent à l’égard de l’ordonnance sur consentement, qui équivaut, selon la demanderesse, à un outrage au tribunal.

[11] Selon l’arrêt Vavilov, la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable peut être réfutée dans deux types de situations, notamment celles où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte à certaines catégories de questions : les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, au para 17). Toutefois, à mon avis, le défaut de l’agent de tenir compte de l’ordonnance sur consentement n’est pas une question de droit générale qui est d’une importance fondamentale et de grande portée, et qui est susceptible d’avoir des répercussions significatives sur le système de justice dans son ensemble. La question n’a pas non plus de répercussions qui transcendent la décision en cause et elle n’exige pas une réponse unique et définitive (voir Vavilov, aux para 59-62).

[12] À mon avis, c’est la norme de contrôle présumée de la décision raisonnable qui s’applique à la décision sur le fond rendue par l’agent. Lors d’un contrôle judiciaire, la Cour doit « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au para 99).

La décision était-elle raisonnable?

[13] La demanderesse soutient que l’agent a mal interprété la preuve en négligeant l’ordonnance sur consentement et les éléments de preuve qui démontraient que la demanderesse travaillait dans une profession désignée au titre du programme Voie d’accès. Elle soutient en outre que l’agent n’a pas fourni des motifs suffisants, puisqu’il n’a pas indiqué clairement si la description de travail de la demanderesse ne portait pas le code approprié de la CNP ou si son employeur n’était pas un employeur approprié; qu’il n’a pas expliqué pourquoi la demanderesse n’était pas une travailleuse désignée au titre du programme Voie d’accès, alors que la profession portant le code 4412 de la CNP était reconnue comme une profession acceptable; qu’il n’a pas expliqué pourquoi le St. Felix Centre ne satisfaisait pas aux conditions du programme Voie d’accès. Enfin, la demanderesse fait valoir que l’agent a commis une erreur en concluant que le St. Felix Centre ne satisfaisait pas aux conditions énoncées dans la politique du programme Voie d’accès.

[14] Je voudrais d’abord souligner que le défendeur reconnaît que l’ordonnance sur consentement a annulé la décision de la SPR par laquelle elle avait conclu que la demande d’asile de la demanderesse était dépourvue d’un minimum de fondement. Le défendeur admet que l’agent a donc commis une erreur en concluant que la demanderesse n’était pas admissible au programme Voie d’accès pour ce motif. Toutefois, le défendeur soutient que l’agent a également raisonnablement conclu que le lieu où travaillait la demanderesse, le St. Felix Centre, n’était pas admissible à titre d’établissement de soins de longue durée ou de foyer avec services.

[15] Par conséquent, je me pencherai uniquement sur les observations de la demanderesse concernant l’admissibilité de son emploi.

[16] Premièrement, dans ses observations écrites, la demanderesse affirme que l’agent a négligé les éléments de preuve qui appuyaient le fait qu’elle était une travailleuse désignée comme l’exige le programme Voie d’accès et qu’il n’a pas précisé pourquoi la profession de la demanderesse n’était pas une profession désignée au titre du programme. Toutefois, après examen de la décision, il est évident que l’agent a explicitement reconnu que la demanderesse travaillait à titre de travailleuse familiale, CNP 4412, au St. Felix Centre, du 13 décembre 2019 au 9 mai 2021. L’agent n’a pas remis en question la désignation de la profession de la demanderesse dans la CNP. L’agent était préoccupé par le fait que le St. Felix Centre ne satisfaisait pas aux exigences de la politique d’intérêt public temporaire. Par conséquent, je ne suis pas d’accord pour dire que l’agent a négligé ou mal interprété les éléments de preuve concernant le statut de la demanderesse en tant que travailleuse d’une profession désignée.

[17] De même, la demanderesse soutient que les motifs ne permettent pas de déterminer si l’emploi de la demanderesse ne satisfaisait pas à la classification de la profession ou si son employeur n’était pas un employeur approprié; l’agent [traduction] « a simplement coché que la demanderesse n’avait pas travaillé dans une profession désignée, alors que les éléments de preuve fournis par la demanderesse indiquaient le contraire ».

[18] Dans la lettre de refus, la case pour indiquer que la demanderesse : [traduction] « [...] n’a pas travaillé au Canada dans une ou plusieurs professions désignées où [elle] offrait des soins directs aux patients dans un hôpital, un établissement de soins de longue durée ou un foyer avec services public ou privé, ou encore pour un organisme où [elle] offrait des services de soins de santé aux aînés à domicile ou en établissement, ou aux personnes handicapées dans des résidences privées » était en effet cochée. Toutefois, comme il a été mentionné ci-dessus, dans ses motifs, l’agent a pris acte de la désignation de la profession de la demanderesse dans la CNP et n’a pas remis en question la désignation de sa profession.

[19] De plus, dans ses motifs, l’agent a déclaré que la demanderesse avait fourni une description de travail qui comprenait le profil organisationnel suivant du St. Felix Centre :

[traduction]

Le St. Felix Centre est un centre communautaire sans but lucratif fondé par les sœurs de St-Félix et situé au centre-ville de Toronto. Le centre offre un service humanitaire dans un milieu sûr, accueillant et respectueux, et il reçoit les personnes de toutes les religions, de tous les genres, de toutes les cultures ainsi que de toutes les capacités. Il offre des services à un vaste éventail de clients, notamment des adultes, des aînés, des immigrants récents et des familles qui vivent dans la pauvreté, en situation de logement précaire et d’itinérance, dans l’insécurité, avec des traumatismes et dans des situations de violence, de mauvais traitements, de malnutrition et de maladie mentale. Les animaux sont les bienvenus.

[20] L’agent a également noté qu’il était écrit ce qui suit sur le site Web du St. Felix Centre (https://stfelixcenter.org/programs-services/respite-services-program) :

[traduction]

Le St. Felix Centre s’efforce de répondre aux besoins courants des personnes en situation de logement précaire et d’itinérance. Il offre à ses clients un milieu facile d’accès où la sécurité est la priorité et qui met l’accent sur les soins humanitaires. En offrant des services qui sont axés sur la personne, le centre contribue à bâtir des collectivités plus accessibles, au service des personnes qui vivent dans la pauvreté et la marginalisation, y compris des personnes qui vivent des situations de crise et des problèmes de dépendance active.

[21] L’agent a comparé ces renseignements à la politique d’intérêt public qui énonce ce qui suit : « dans une ou plusieurs professions désignées […] où l’étranger offrait des soins directs aux patients dans un hôpital, un établissement de soins de longue durée ou un foyer avec services public ou privé, ou encore pour un organisme où l’étranger offrait des services de soins de santé aux aînés à domicile ou en établissement ou aux personnes handicapées dans des résidences privées ».

[22] De ce fait, l’agent a conclu que le St. Felix Center ne satisfaisait pas aux exigences énoncées dans la politique d’intérêt public.

[23] Par conséquent, l’argument de la demanderesse selon lequel les motifs de l’agent ne permettaient pas de déterminer les aspects des critères d’admissibilité pertinents auxquels ne répondait pas la demanderesse n’est pas fondé. Il est évident, même si l’agent ne le dit pas explicitement, que le St. Felix Centre, où la demanderesse travaillait, n’offrait pas des soins directs aux patients en tant qu’hôpital, qu’établissement de soins de longue durée ou que foyer avec services public ou privé.

[24] À cet égard, la demanderesse soutient que le St. Felix Centre est un foyer avec services, mais que l’agent ne l’a pas compris. C’était le principal point soulevé par l’avocate de la demanderesse lorsqu’elle a comparu devant moi. Je note, cependant, que la liste de contrôle des documents, qui fait partie de la trousse de la demande à soumettre à IRCC, exige, entre autres, qu’un demandeur démontre une expérience professionnelle pertinente :

Vous devez prouver que vous avez travaillé dans le secteur des soins de santé au Canada dans une ou plusieurs professions désignées (voir l’annexe A de la politique d’intérêt public) fournissant des soins directs aux patients dans un hôpital, un établissement de soins de longue durée ou un foyer avec services public ou privé, ou encore pour un organisme fournissant des services de soins de santé aux aînés à domicile ou en établissement ou aux personnes handicapées dans des résidences privées.

[25] Par conséquent, il incombait à la demanderesse de prouver qu’elle répondait à ce critère. La liste de contrôle des documents donne en outre des exemples de divers documents qu’un demandeur peut présenter pour satisfaire à cette condition, y compris une description des principales activités d’entreprise de l’employeur. Bien que la demanderesse ait inclus une telle description, à laquelle renvoient les motifs de l’agent, la description ne mentionne pas que le St. Felix Centre est un foyer avec services. De plus, bien qu’une lettre datée du 14 juin 2021, déposée par l’avocate de la demanderesse avec la demande, décrivait les manières dont la demanderesse prétendait répondre à chacun des critères d’admissibilité, elle n’indiquait pas que le St. Felix Centre était un foyer avec services.

[26] Dans ses observations écrites déposées dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse renvoie à la définition de [traduction] « foyer avec services » suivante : [traduction] « un système d’hébergement et de soins limités conçu pour les personnes âgées qui ont besoin d’aide pour réaliser les activités de la vie courante, mais qui n’ont pas besoin des soins offerts dans une maison de soins infirmiers », qui se trouve dans le dictionnaire Merriam Webster. Je souligne tout d’abord que cette définition – ou toute autre observation concernant le statut du St. Felix Centre en tant que foyer avec services – n’était pas incluse dans la demande présentée à IRCC. Lorsqu’elle a comparu devant moi, l’avocate de la demanderesse a fait valoir que la demanderesse n’avait fourni aucune définition, parce que la politique ne définissait pas ce qu’était un « foyer avec services » et que, par conséquent, elle n’avait pu que fournir les renseignements qu’elle avait à l’appui de sa demande, qui comprenaient ses tâches. Cependant, je veux encore une fois souligner que, si la demanderesse fondait sa demande sur la prémisse que le St. Felix Centre était un foyer avec services, il lui incombait alors de le prouver dans sa demande.

[27] En outre, et plus important encore, il incombait à l’agent d’évaluer si la demanderesse, dans le cadre de son emploi, fournissait des soins directs aux patients dans un hôpital, un établissement de soins de longue durée ou un foyer avec services public ou privé, ou encore pour un organisme fournissant des services de soins de santé aux aînés à domicile ou en établissement, ou aux personnes handicapées dans des résidences privées. L’agent a raisonnablement conclu que, d’après la description donnée par le St. Felix Centre sur son propre site Web, [traduction] « [d’]un centre communautaire sans but lucratif » qui [traduction] « s’efforce de répondre aux besoins courants des personnes en situation de logement précaire et d’itinérance » et qui offre à ses [traduction] « clients » un milieu facile d’accès où la sécurité est la priorité et qui met l’accent sur les soins humanitaires, le travail effectué par la demanderesse, même si elle occupait une profession désignée, ne répondait pas aux critères d’admissibilité énoncés dans la politique d’intérêt public.

[28] À cet égard, je note également que, dans le document intitulé [traduction] « St. Felix Centre – Description de poste », présenté par la demanderesse à l’appui de sa demande, le St. Felix Centre se décrit également comme un centre communautaire sans but lucratif qui offre des services à un vaste éventail de clients, y compris des adultes, des aînés, des immigrants récents et des familles qui vivent dans la pauvreté, en situation de logement précaire et d’itinérance, avec des traumatismes et dans des situations de violence, de mauvais traitements, de malnutrition et de maladie mentale. Le personnel de soutien [traduction] « du programme de relève de 24 heures sera responsable de fournir des services de relève aux clients du St. Felix Centre, notamment : faciliter l’accès aux aires de repos, aux repas, aux services de soutien pour réduire les méfaits, aux ressources en santé et à d’autres services communautaires ». Cette description laisse plus entendre un service de relève communautaire offert à des personnes dans de nombreuses circonstances difficiles différentes qu’un foyer avec services. La demanderesse renvoie à la liste des responsabilités du personnel de soutien et s’appuie sur l’une de ces responsabilités qui exige que le personnel de soutien [traduction] « facilite l’accès aux services tels que le rangement, les douches, les repas, un endroit pour dormir, etc. » pour démontrer que le St. Felix Centre est un foyer avec services, parce qu’il offre un endroit pour dormir. Toutefois, après un examen de tous les renseignements au dossier sur les services offerts par le St. Felix Centre, je ne suis pas convaincue que l’agent a commis une erreur.

[29] Ainsi, même si la demanderesse soutient maintenant que le St. Felix Centre est un foyer avec services, les observations qu’elle a présentées à l’agent ne démontraient pas que c’était le cas.

[30] En somme, l’agent a commis une erreur en ne prenant pas en compte l’ordonnance sur consentement et en concluant que la demanderesse n’était pas admissible à la résidence permanente au titre du programme Voie d’accès, parce que sa demande d’asile était dépourvue d’un minimum de fondement. Toutefois, ce n’était que l’un des deux motifs du rejet. L’agent a raisonnablement conclu que les tâches de la demanderesse au St. Felix Center ne comprenaient pas d’offrir des soins directs aux patients dans un hôpital, un établissement de soins de longue durée ou un foyer avec services public ou privé, ou encore pour un organisme où elle offrait des services de soins de santé aux aînés à domicile ou en établissement, ou aux personnes handicapées dans des résidences privées. Par conséquent, la demanderesse n’était quand même pas admissible à la résidence permanente au titre du programme Voie d’accès.

L’outrage au tribunal

[31] La demanderesse fait valoir que le ministre a fait preuve d’outrage au tribunal, parce qu’il a omis à plusieurs reprises de tenir compte de l’ordonnance sur consentement, malgré le fait que la demanderesse avait fait le point sur la décision de la SPR dans sa demande à IRCC et avait joint à sa demande l’ordonnance sur consentement ainsi qu’une lettre de l’avocat du ministre, dans laquelle le défendeur consentait à annuler la décision de la SPR. La demanderesse se fonde sur la page Web d’IRCC, qui indique ce qui suit : « L’inobservation d’une ordonnance peut faire en sorte que le ministre soit reconnu coupable d’outrage reliée à une ordonnance. »

[32] À l’inverse, le défendeur soutient que la demanderesse n’a pas expliqué la manière dont l’agent, en rendant une décision concernant une demande de résidence permanente au titre du programme Voie d’accès, avait enfreint l’ordonnance sur consentement qui ordonnait à la SPR d’annuler sa décision relative à la demande d’asile de la demanderesse. L’ordonnance sur consentement signifiait que l’agent n’avait pas le droit de se fonder sur les conclusions défavorables quant à la crédibilité tirées par la SPR pour rejeter la demande présentée au titre de la politique d’intérêt public. Il s’agit d’une erreur de fait.

[33] Je voudrais d’abord noter qu’aux termes de l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), est coupable d’outrage au tribunal quiconque désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour. Toutefois, avant qu’une personne puisse être reconnue coupable d’outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d’une personne ayant un intérêt dans l’instance, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint : de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés; d’être prête à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché; et d’être prête à présenter une défense (paragraphe 467(1) des Règles). La personne qui allègue un outrage peut également présenter une requête ex parte pour obtenir l’ordonnance visée au paragraphe 467(1) (paragraphe 467(2) des Règles).

[34] La demanderesse n’a pris aucune mesure pour obtenir une ordonnance pour outrage. Par conséquent, la Cour ne peut pas trancher cette question. Quoi qu’il en soit, les affirmations de la demanderesse sont mal fondées. De toute évidence, l’agent a commis une erreur en ne prenant pas en compte ou en négligeant l’ordonnance sur consentement. Toutefois, cette erreur n’a comme effet que de rendre déraisonnable la conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse était inadmissible au titre du programme Voie d’accès, conclusion fondée sur celle de la SPR, selon laquelle sa demande d’asile n’avait pas de fondement crédible. L’ordonnance sur consentement n’enjoignait pas à l’agent de faire quoi que ce soit. Elle enjoignait à la SPR de statuer à nouveau sur la demande de la demanderesse. Je ne dispose d’aucun élément de preuve démontrant que la SPR ou le ministre ont refusé de le faire.

Les dépens

[35] La demanderesse soutient que, parce que l’agent a, de façon déraisonnable, négligé l’ordonnance sur consentement et qu’IRCC a refusé d’examiner à nouveau la décision, ce qui l’a forcée à présenter la présente demande de contrôle judiciaire, la Cour devrait adjuger des dépens contre le défendeur. La demanderesse s’appuie sur la décision Begum c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 550.

[36] L’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, prévoit que, sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, une demande de contrôle judiciaire ne donne pas lieu à des dépens. Au paragraphe 6 de l’arrêt Ndungu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 208 [Ndungu], la Cour d’appel fédérale a donné des exemples de raisons spéciales qui justifieraient l’attribution de dépens à l’encontre du ministre. Toutefois, la présente affaire n’est pas une circonstance qui justifierait l’attribution des dépens selon l’arrêt Ndungu par exemple, lorsqu’un agent d’immigration contourne une ordonnance de la Cour ou lorsque le ministre s’oppose déraisonnablement à une demande de contrôle judiciaire manifestement méritoire. De plus, les faits dans l’affaire Begum se distinguent de la présente affaire. En l’espèce, bien que l’agent ait négligé ou n’ait pas pris en compte l’ordonnance sur consentement, le défendeur a admis que l’agent avait commis une erreur et il n’a pas contesté la présente demande de contrôle judiciaire à cet égard, contrairement à l’affaire Begum. De plus, comme le soutient le défendeur, le seul fait qu’un agent d’immigration a peut-être rendu une décision erronée ne suffit pas pour renverser le régime sans dépens applicable aux contrôles judiciaires en matière d’immigration (D Souza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1430 au para 38; Ge c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 594 au para 40; Iftikhar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 49 aux para 10-13, 17; Vidaurre Cortes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 642 aux para 26, 27).

[37] L’exception des raisons spéciales prévue à l’article 22 mentionné ci-dessus constitue un « seuil élevé » (Sisay Teka c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 314 au para 41). La demanderesse n’a pas atteint ce seuil dans la présente affaire.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-6750-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  3. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6750-21

 

INTITULÉ :

ANGELA REGINA OFILI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence au moyen de Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 septembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 21 septembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Adela Crossley

 

Pour la demanderesse

 

John Loncar

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Crossley Law

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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