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Date : 20221005


Dossier : IMM‑3802‑21

Référence : 2022 CF 1376

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

FATMATA KARGBO

THADUBA ALIMAMY KARGBO (MINEUR)

MATHEBEH ALIMAMY KARGBO (MINEUR)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre de la décision rendue le 26 mai 2021 [la décision] par un agent principal d’immigration [l’agent], qui a rejeté la demande de résidence permanente présentée par les demandeurs depuis le Canada et fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Après avoir évalué l’établissement, l’intérêt supérieur des enfants [l’ISE], les risques auxquels les demandeurs seraient exposés en cas de renvoi ainsi que les conditions qui prévalent dans le pays, l’agent du ministre a conclu à l’absence de motifs d’ordre humanitaire justifiant l’octroi d’une dispense sous le régime du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

II. Les faits

[2] La demanderesse principale [la DP] et ses deux fils mineurs [collectivement, les demandeurs] sont citoyens de la Sierra Leone. La DP a également une fille adulte, qui n’est pas partie à la présente instance, et qui réside en Sierra Leone.

[3] La DP allègue qu’elle a été victime de violence psychologique et physique au cours de son mariage avec son ex‑époux. Ce dernier serait membre de la société Poro, une société traditionaliste masculine secrète. La DP prétend que son ex‑époux voulait que ses fils soient initiés à la société et qu’il s’est fâché lorsque la DP s’y est opposée.

[4] Le DP, ses fils et son ex‑époux (avec qui elle était toujours mariée à l’époque) sont entrés au Canada à titre de visiteurs en juin 2013. Ils sont principalement venus au Canada pour assister à un mariage, mais ils sont également venus pour tenter de résoudre les divergences entre la DP et celui qui est désormais son ex‑époux. Cependant, ils ne sont pas arrivés à s’entendre et l’ex‑époux aurait continué d’exiger fermement que ses fils se joignent à la société Poro. Incapable de convaincre la DP de changer sa position, l’ex‑époux de la DP est retourné en Sierra Leone seul. Peu après, la DP a présenté une demande d’asile.

[5] En avril 2018, la DP et son ex‑époux ont divorcé. L’ex‑époux de la DP a également dépouillé la DP de la propriété et de tous les droits à l’égard des biens qu’ils avaient en commun en Sierra Leone. Bien que la DP ait obtenu la garde exclusive des deux fils mineurs, l’ex‑époux a refusé de fournir une pension alimentaire.

[6] Il ne s’agit pas de la première tentative des demandeurs de demander l’asile au Canada. En février 2017, les demandeurs ont déposé une première demande fondée sur des motifs humanitaires, qui a été refusée en février 2018. Ils ont ensuite présenté une demande d’examen des risques avant renvoi. Cette demande a été rejetée en janvier 2019. C’est alors que l’Agence des services frontaliers du Canada a ordonné aux demandeurs de se présenter pour leur renvoi en Sierra Leone en avril 2019. Ils ne se sont pas conformés et ont plutôt cherché refuge dans une église au Manitoba, où ils semblent être restés depuis. Par la suite, un mandat de l’Immigration a été délivré à leur encontre.

[7] Les demandeurs ont ensuite déposé une deuxième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire; il s’agit de la demande qui sous‑tend la présente demande de contrôle judiciaire. La demande sous‑jacente a été rejetée le 26 mai 2021.

III. La décision faisant l’objet du présent contrôle

[8] Le 26 mai 2021, un agent représentant le ministre a refusé d’accueillir la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs depuis le Canada. L’agent du ministre a évalué l’établissement, l’ISE, les risques auxquels les demandeurs seraient exposés en cas de renvoi ainsi que les conditions qui prévalent en Sierra Leone. Dans le cadre du présent contrôle judiciaire, les demandeurs contestent seulement le caractère raisonnable de l’analyse de l’ISE effectuée par l’agent.

[9] En ce qui concerne l’ISE, l’agent était convaincu que les enfants mineurs avaient démontré un certain degré d’établissement au Canada. Des éléments de preuve ont été présentés, lesquels démontrent que les enfants avaient fréquenté l’école au Canada. Des lettres d’appui de la collectivité et des amis des enfants, ainsi que des photographies du temps que les enfants ont passé au Canada, ont toutes servi à étayer leur établissement.

[10] En ce qui concerne l’éducation en Sierra Leone, l’agent a souligné que, selon la loi de 2004 de la Sierra Leone en la matière, l’éducation de base était obligatoire. L’agent a conclu que, en l’absence de preuve du contraire, le fils aîné avait probablement fréquenté l’école primaire en Sierra Leone pendant plusieurs années, et qu’il y avait peu d’éléments de preuve indiquant qu’il avait été soumis à des châtiments corporels pendant cette période qui l’auraient dissuadé de fréquenter l’école. Bien que les châtiments corporels soient illégaux en Sierra Leone, l’agent a reconnu que la pratique existait toujours. Toutefois, l’agent a constaté un manque d’information sur la prévalence des châtiments corporels dans les services de garde et les écoles.

[11] L’agent a reconnu qu’il existait probablement des différences entre les normes d’éducation du Canada et celles de la Sierra Leone. Toutefois, il a tenu compte du fait que la sœur des enfants mineurs fréquentait actuellement l’université en Sierra Leone et que leur père avait probablement fait la majeure partie de ses études en Sierra Leone. L’agent s’est fondé sur l’affidavit de la DP, selon lequel son ex‑époux a par la suite fait des études aux États‑Unis, alors qu’ils étaient encore mariés, pour obtenir une maîtrise. À la lumière de ces faits, l’agent a conclu que l’enseignement supérieur était raisonnablement accessible aux enfants et que la qualité de l’éducation en Sierra Leone était probablement reconnue dans d’autres pays.

[12] En ce qui concerne le travail des enfants, l’agent était convaincu qu’il y avait des lois en Sierra Leone pour protéger les enfants contre l’embauche de travailleurs juvéniles, et que des recours étaient accessibles aux forces de l’ordre. L’agent a également souligné qu’il y avait des lacunes en ce qui concerne l’application des lois sur les travailleurs juvéniles en Sierra Leone, mais a précisé que les éléments de preuve au dossier ne permettaient pas de corroborer les allégations des demandeurs selon lesquelles les enfants seraient personnellement soumis aux pratiques axées sur la main‑d’œuvre enfantine en Sierra Leone.

[13] Par ailleurs, l’agent a pris note des documents et des articles de presse au sujet de la société Poro en Sierra Leone qui avaient été soumis. Il a conclu que les documents et les articles indiquaient que la société Poro est principalement active dans les provinces du Sud, de l’Est et du Nord, ainsi que dans les régions rurales de la Sierra Leone. L’agent a également constaté que les hommes qui, selon les médias, fuyaient les initiations organisées par la société Poro avaient tendance à provenir de villages ou étaient les fils des chefs de village. À la lumière de la preuve dont il disposait, l’agent a conclu que les demandeurs vivaient à Freetown, la ville la plus peuplée de la Sierra Leone et située dans la province de l’Ouest. Il a également conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que le père des enfants était un chef. Bien qu’un document (de 2009) laisse entendre que la société Poro existe à Freetown, il indique également qu’il y a une vive opposition à la société Poro dans la ville. L’agent a ajouté qu’en 2019, le gouvernement de la Sierra Leone a annoncé une interdiction nationale frappant toutes les initiations de sociétés secrètes.

[14] L’agent a reconnu que les demandeurs avaient présenté des lettres d’amis et de membres de la famille indiquant que le père des enfants avait l’intention de soumettre les enfants à une initiation de la société Poro. Toutefois, l’agent a constaté que certaines des lettres n’étaient pas signées et qu’il y avait peu d’information permettant de déterminer comment les lettres avaient été récupérées de la Sierra Leone. L’agent a également constaté que d’autres lettres s’avéraient insuffisantes, du fait qu’elles contenaient peu d’information permettant de déterminer comment les auteurs des lettres en sont venus à connaître l’information qu’ils y mentionnent ou à corroborer leurs affirmations. En fin de compte, en ce qui concerne la société Poro, l’agent a reconnu qu’elle existe dans certaines régions de la Sierra Leone et que la DP avait une crainte subjective que ses fils soient en danger. Toutefois, l’agent a conclu qu’il n’y avait pas de preuve objective corroborant l’intention du père de soumettre ses enfants à une initiation de la société Poro. Étant donné que les demandeurs venaient de Freetown, l’agent a également souligné qu’ils pouvaient se réinstaller dans une région de la Sierra Leone, à l’abri de la société Poro, et que des mesures de redressement étaient disponibles pour atténuer les difficultés. À mon avis, il s’agit d’une réinstallation depuis le Canada à Freetown, une question qui sera abordée plus loin.

[15] L’agent s’est également penché sur les problèmes de santé mentale vécus par l’un des enfants mineurs. L’agent a reconnu que l’enfant souffrait d’anxiété, mais il a constaté qu’il y avait un manque d’information quant à savoir si la DP avait demandé un traitement pour l’enfant après le diagnostic. L’agent n’a trouvé aucun élément de preuve corroborant le type de médicament pris par l’enfant, s’il était efficace ou depuis combien de temps l’enfant le prenait. L’agent a reconnu qu’une évaluation de l’enfant avait été soumise. Toutefois, l’agent a constaté qu’une grande partie de l’information sur laquelle la psychiatre s’est fondée pour évaluer le patient provenait d’une séance d’une durée inconnue. De plus, l’information contenue dans l’évaluation était principalement fournie par la DP et son ami. L’agent a noté que la psychiatre n’avait pas posé de diagnostic définitif au sujet de l’un des enfants et que, par conséquent, peu d’éléments de preuve objectifs avaient été fournis pour corroborer le fait que l’un des enfants avait antérieurement reçu un diagnostic de TSPT. Cela dit, l’agent était prêt à reconnaître que l’un des enfants souffrait de problèmes de santé mentale liés à l’anxiété et à la détresse émotionnelle.

[16] En ce qui concerne l’accessibilité des services de santé mentale, l’agent a reconnu qu’il y avait des lacunes en Sierra Leone par rapport aux ressources accessibles au Canada. Cela dit, l’agent a conclu que la preuve indiquait que la majorité des ressources en santé mentale en Sierra Leone sont centralisées à Freetown, d’où proviennent les demandeurs, et où, à mon avis, ils se réinstalleraient. Enfin, l’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que la DP serait incapable d’avoir accès à des services de santé mentale adéquats pour ses enfants.

[17] Au final, après un examen attentif de la preuve, l’agent n’était pas convaincu que le retour en Sierra Leone serait contraire à l’ISE. Ce faisant, l’agent a reconnu que les enfants avaient noué des amitiés et s’étaient intégrés dans une certaine mesure au Canada. L’agent a admis que le retour en Sierra Leone présenterait initialement des difficultés émotionnelles pour les enfants et qu’il y aurait inévitablement une période de stress et de déstabilisation pour ceux‑ci alors qu’ils réintégreront la Sierra Leone et s’y établiront de nouveau. L’agent éprouvait de la sympathie pour l’un des enfants qui, à la suite de son retour en Sierra Leone, subirait probablement un stress et une anxiété supplémentaires en raison de ses problèmes de santé mentale antérieurs. Malgré tout, l’agent a tenu compte du fait que les enfants étaient nés en Sierra Leone, parlaient au moins une langue du pays et avaient de la famille immédiate et élargie là‑bas. L’agent a finalement noté que les enfants recevraient également les soins et le soutien de leur mère, qui en était la principale responsable, afin d’atténuer les difficultés liées à leur réinstallation en Sierra Leone. Les difficultés émotionnelles causées par la séparation géographique avec leurs amis au Canada pourraient également être atténuées par la communication électronique.

IV. La question en litige

[18] Comme les demandeurs n’ont contesté que l’analyse de l’agent en ce qui a trait à l’ISE, la seule question à trancher est celle de savoir si cette analyse est raisonnable.

V. La norme de contrôle applicable

[19] En ce qui concerne le caractère raisonnable, dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Postes Canada], que la Cour suprême du Canada a rendu au même moment que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], le juge Rowe, s’exprimant au nom de la majorité, a exposé les critères d’une décision raisonnable et les exigences que doit respecter la cour qui procède à un examen selon la norme de la décision raisonnable :

[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « … ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).

[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] […] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100).

[Non souligné dans l’original.]

[20] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, la cour de révision doit être convaincue que le raisonnement du décideur « se tient » :

[104] De même, la logique interne d’une décision peut également être remise en question lorsque les motifs sont entachés d’erreurs manifestes sur le plan rationnel — comme lorsque le décideur a suivi un raisonnement tautologique ou a recouru à de faux dilemmes, à des généralisations non fondées ou à une prémisse absurde. Il ne s’agit pas d’inviter la cour de révision à assujettir les décideurs administratifs à des contraintes formalistes ou aux normes auxquelles sont astreints des logiciens érudits. Toutefois, la cour de révision doit être convaincue que le raisonnement du décideur « se tient ».

[105] En plus de la nécessité qu’elle soit fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent, une décision raisonnable doit être justifiée au regard de l’ensemble du droit et des faits pertinents : Dunsmuir, par. 47; Catalyst, par. 13; Nor‑Man Regional Health Authority, par. 6. Les éléments du contexte juridique et factuel d’une décision constituent des contraintes qui ont une influence sur le décideur dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont délégués.

[Non souligné dans l’original.]

[21] Au paragraphe 86 de l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada affirme qu’« il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux‑ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique ». La Cour suprême a également précisé que la cour de révision devrait rendre une décision en fonction du dossier dont elle dispose :

[126] Cela dit, une décision raisonnable en est une qui se justifie au regard des faits : Dunsmuir, par. 47. Le décideur doit prendre en considération la preuve versée au dossier et la trame factuelle générale qui a une incidence sur sa décision et celle‑ci doit être raisonnable au regard de ces éléments : voir Southam, par. 56. Le caractère raisonnable d’une décision peut être compromis si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte. Dans l’arrêt Baker, par exemple, le décideur s’était fondé sur des stéréotypes dénués de pertinence et n’avait pas pris en compte une preuve pertinente, ce qui a mené à la conclusion qu’il existait une crainte raisonnable de partialité : par. 48. En outre, la démarche adoptée par le décideur permettait également de conclure au caractère déraisonnable de sa décision, car il avait démontré que ses conclusions ne reposaient pas sur la preuve dont il disposait en réalité : ibid.

[Non souligné dans l’original.]

[22] En outre, il ressort clairement de l’arrêt Vavilov que le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve, à moins de « circonstances exceptionnelles ». La Cour suprême du Canada précise ce qui suit :

[125] Il est acquis que le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : CCDP, par. 55; voir également Khosa, par. 64; Dr. Q, par. 41‑42. D’ailleurs, bon nombre des mêmes raisons qui justifient la déférence d’une cour d’appel à l’égard des conclusions de fait tirées par une juridiction inférieure, dont la nécessité d’assurer l’efficacité judiciaire, l’importance de préserver la certitude et la confiance du public et la position avantageuse qu’occupe le décideur de première instance, s’appliquent également dans le contexte du contrôle judiciaire : voir Housen, par. 15‑18; Dr. Q, par. 38; Dunsmuir, par. 53.

[Non souligné dans l’original.]

[23] Qui plus est, selon l’arrêt Vavilov, la cour de révision doit évaluer si la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire s’attaque de façon significative aux questions clés :

[128] Les cours de révision ne peuvent s’attendre à ce que les décideurs administratifs « répondent à tous les arguments ou modes possibles d’analyse » (Newfoundland Nurses, par. 25) ou « tire[nt] une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à [leur] conclusion finale » (par. 16). Une telle exigence aurait un effet paralysant sur le bon fonctionnement des organismes administratifs et compromettrait inutilement des valeurs importantes telles que l’efficacité et l’accès à la justice. Toutefois, le fait qu’un décideur n’ait pas réussi à s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par les parties permet de se demander s’il était effectivement attentif et sensible à la question qui lui était soumise. En plus d’assurer aux parties que leurs préoccupations ont été prises en considération, le simple fait de rédiger des motifs avec soin et attention permet au décideur d’éviter que son raisonnement soit entaché de lacunes et d’autres failles involontaires : Baker, par. 39.

[24] La Cour d’appel fédérale a récemment conclu, dans l’arrêt Doyle c Canada (Procureur général), 2021 CAF 237, que le rôle de notre Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve :

[3] La Cour fédérale avait tout à fait raison d’agir ainsi. Selon ce régime législatif, le décideur administratif, en l’espèce le directeur, examine seul les éléments de preuve, tranche les questions d’admissibilité et d’importance à accorder à la preuve, détermine si des inférences doivent en être tirées, et rend une décision. Lorsqu’elle effectue le contrôle judiciaire de la décision du directeur en appliquant la norme de la décision raisonnable, la cour de révision, en l’espèce la Cour fédérale, peut intervenir uniquement si le directeur a commis des erreurs fondamentales dans son examen des faits, qui minent l’acceptabilité de la décision. Soupeser à nouveau les éléments de preuve ou les remettre en question ne fait pas partie de son rôle. S’en tenant à son rôle, la Cour fédérale n’a relevé aucune erreur fondamentale.

[4] En appel, l’appelant nous invite essentiellement dans ses observations écrites et faites de vive voix à soupeser à nouveau les éléments de preuve et à les remettre en question. Nous déclinons cette invitation.

[Non souligné dans l’original.]

VI. Analyse

[25] Dans le cadre du contrôle judiciaire, bien que les demandeurs contestent seulement l’analyse de l’ISE faite par l’agent, ils ont déposé un mémoire très long qui contestait pratiquement tous les aspects de l’évaluation et de la pondération de la preuve pertinente par l’agent. À ce titre, le mémoire s’écarte considérablement des quatre domaines dans lesquels la Cour effectue le contrôle judiciaire. Je dis cela parce que la Cour n’est pas autorisée à soupeser et évaluer de nouveau la preuve; voir l’arrêt Doyle, que je cite ci‑dessus, rendu récemment par la Cour d’appel fédérale.

[26] Je dois également expliquer que, dans le cadre du contrôle judiciaire, je ne me prononce pas sur la question de savoir si la décision est correcte. En l’espèce, je ne me prononcerai que sur son caractère raisonnable. Les particularités du caractère raisonnable d’une décision sont définies dans les arrêts d’application obligatoire de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel fédérale que j’ai déjà mentionnés.

[27] À titre d’information, les lois canadiennes en matière d’immigration adoptées par le législateur exigent presque invariablement que les étrangers qui souhaitent vivre au Canada présentent leur demande alors qu’ils se trouvent toujours à l’étranger. Beaucoup d’étrangers, sinon la plupart, suivent les instructions du législateur, soumettent leur demande depuis l’extérieur du Canada et attendent qu’une décision soit rendue dans leur dossier. Dans certains cas, l’attente est très longue.

[28] Toutefois, le législateur a donné au ministre le pouvoir de permettre à des étrangers de demander un statut au Canada depuis l’intérieur du pays, lorsqu’il y a des considérations « d’ordre humanitaire ». Le législateur confère ce pouvoir au ministre au titre de l’article 25 de la LIPR.

[29] Le ministre ne peut pas examiner personnellement toutes ces demandes, il y en a beaucoup trop. Le ministre délègue plutôt ses pouvoirs aux employés de son ministère, afin qu’ils prennent de telles décisions à sa place. Ainsi, la décision en l’espèce a été prise par une personne déléguée par le ministre.

[30] En l’espèce, les demandeurs soutiennent que le délégué du ministre, l’agent ayant examiné les motifs d’ordre humanitaire, a omis de définir ou d’évaluer de façon significative l’intérêt supérieur des enfants et qu’il a tiré des conclusions contradictoires. Ils prétendent que l’agent a commis une erreur dans l’application du critère des « difficultés » en se concentrant sur la question de savoir si les difficultés inévitables que les enfants éprouveraient au moment de leur renvoi en Sierra Leone pouvaient être atténuées. Ils demandent donc à la Cour de conclure que la décision est déraisonnable et qu’elle devrait être infirmée.

[31] En toute déférence, après examen, je ne suis pas convaincu par ces observations. J’estime que la décision est raisonnable, c’est‑à‑dire qu’elle est justifiée, transparente et intelligible.

A. Les principes généraux applicables

[32] L’intérêt supérieur de l’enfant joue un rôle important dans l’évaluation des demandes de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Selon la jurisprudence sur les évaluations de l’ISE, l’agent qui examine l’ISE doit être « réceptif, attentif et sensible » (Legault c Canada, 2002 CAF 125 au paragraphe 12). Un agent est « réceptif » à l’existence de l’ISE lorsqu’il note les façons dont cet intérêt est touché par la décision. Un agent est « attentif » à l’ISE s’il démontre qu’il comprend le point de vue de l’enfant dans la décision à rendre. Enfin, un agent est « sensible » à l’ISE lorsqu’il peut expliquer clairement les répercussions d’une décision défavorable sur les enfants touchés et fournir une analyse pour déterminer si les épreuves qui en résulteront justifient l’octroi d’une dispense pour motifs d’ordre humanitaire [(Kolosovs c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 165, aux paragraphes 9, 11, 12].

[33] Dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, la Cour suprême du Canada nous a dit, au sujet de l’article 25 de la LIPR en général, que l’obligation de quitter le Canada comporte inévitablement son lot de difficultés. Toutefois, la Cour suprême ajoute que cette seule réalité ne saurait généralement justifier une dispense pour considérations d’ordre humanitaire (Kanthasamy, au paragraphe 23). En ce qui concerne l’exigence, prévue au paragraphe 25(1), de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché, la Cour suprême déclare que l’application du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dépend fortement du contexte en raison de la multitude de facteurs qui risquent de faire obstacle à l’intérêt de l’enfant. Le décideur doit considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt (Kanthasamy, au paragraphe 38). Une décision rendue au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR sera déraisonnable si les intérêts des enfants touchés par celle‑ci n’ont pas suffisamment été pris en compte. Le décideur ne doit donc pas se contenter de mentionner qu’il a pris en compte les intérêts d’un l’enfant; l’ISE doit être examiné avec beaucoup d’attention à la lumière de tous les éléments de preuve [la Cour suprême elle‑même met en relief le mot « tous »].

[34] Contrairement à ce que les demandeurs prétendent, il n’existe pas de formule, d’approche ou de méthode précise prescrite ou requise pour analyser l’ISE ou pour démontrer qu’un agent a été réceptif, attentif et sensible à cet intérêt (Esahak‑Shammas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 461, au paragraphe 38). Comme il est indiqué dans la décision Chandidas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 258, au paragraphe 64, l’agent est présumé savoir que le fait de vivre au Canada offrirait à l’enfant des possibilités qu’il n’aurait par ailleurs pas et que le fait de comparer une vie meilleure au Canada avec sa vie dans son pays d’origine ne permet pas de se prononcer de façon déterminante sur l’intérêt supérieur de l’enfant étant donné que cette façon de procéder favorise presque invariablement le Canada. Cela signifie que, dans la plupart des cas, les agents n’ont pas à effectuer une analyse approfondie pour déterminer si l’intérêt supérieur des enfants favorise le maintien au Canada, car on suppose que ce serait le cas.

B. Les difficultés associées au rituel d’initiation de la société Poro

[35] Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur déterminante en omettant de prendre en compte de façon significative l’ISE et en examinant [traduction] « à travers le prisme restreint des difficultés » la possibilité que les enfants soient soumis à une initiation de la société Poro. Pour défendre cette position, les demandeurs se réfèrent à un document sur les conditions dans le pays qui, selon eux, montre l’importance de la société Poro dans la vie et la culture sierra‑léoniennes et au sein du gouvernement du pays, ainsi que les méthodes violentes employées par la société Poro, tant à l’égard des personnes qui se font initier que des personnes qui s’opposent à l’initiation.

[36] Pour souligner cette erreur, les demandeurs renvoient à la conclusion de l’agent selon laquelle, même si le père des enfants tente de soumettre de force ses fils à l’initiation, la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire n’est pas justifiée parce que la DP peut prendre des mesures pour [traduction] « atténuer les difficultés associées au rituel d’initiation de la société Poro ». Selon les demandeurs, cette conclusion est erronée parce que l’agent n’a pas tenu compte de la façon dont l’intérêt supérieur des enfants serait touché si leur père tentait de les soumettre à l’initiation.

[37] Les demandeurs soutiennent également que, sur le fond, la décision de l’agent fait clairement état d’une analyse inappropriée. Ils renvoient à la conclusion de l’agent selon laquelle la protection de l’État peut atténuer les difficultés que subiraient les enfants en raison de la société Poro. Les demandeurs affirment qu’il est difficile de concevoir comment l’ISE pourrait être servi en les renvoyant du Canada et en plaçant les enfants dans une situation où leur mère aurait à chercher un recours pour leur éviter de subir un rituel d’initiation violent.

[38] Les demandeurs soutiennent en outre que l’agent a commis une erreur en se concentrant exclusivement sur la question de savoir s’ils subiront un préjudice indu dans les circonstances. Comme nous l’avons déjà mentionné, il n’existe pas de formule, d’approche ou de méthode précise prescrite ou requise pour analyser l’ISE ou pour démontrer qu’un agent a été réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Les demandeurs invoquent cependant la décision Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 166, au paragraphe 64, et soutiennent qu’il incombait à l’agent d’expliquer en quoi le fait de placer les enfants dans une situation où une intervention de l’État et une intervention judiciaire seraient nécessaires et serviraient leur intérêt supérieur :

[64] Il n’existe pas de norme minimale en matière de besoins fondamentaux qui satisferait au critère de l’intérêt supérieur. De plus, il n’existe pas de critère minimal en matière de difficultés suivant lequel à un certain point dans l’échelle des difficultés et seulement à ce point pourrait‑on considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant est « compromis » au point de justifier une décision favorable. La question n’est pas celle de savoir si l’enfant « souffre assez » pour que l’on considère que son « intérêt supérieur » ne sera pas « respecté ». À cette étape initiale de l’analyse, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : « en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant? »

[39] Enfin, les demandeurs soutiennent qu’il est évident que l’agent a adopté une approche erronée à l’égard de l’ISE, du fait qu’il a conclu que la DP peut atténuer les difficultés associées à la société Poro en déménageant avec ses enfants dans une autre région de la Sierra Leone. Les demandeurs affirment que l’agent n’a pas expliqué comment le fait de quitter Freetown, d’où ils viennent, servirait l’intérêt supérieur des enfants. Selon les demandeurs, il est impossible de concilier cette constatation avec les autres conclusions de l’agent selon lesquelles les difficultés seraient atténuées par les relations que les demandeurs entretiennent toujours à Freetown et que les enfants seraient plus en sécurité à Freetown.

[40] Le défendeur, quant à lui, soutient qu’il était loisible à l’agent de tirer ces conclusions compte tenu du dossier dont il disposait et qu’elles sont donc raisonnables. En ce qui concerne les craintes des demandeurs et les dangers que pose le rituel d’initiation de la société Poro, le défendeur soutient que les demandeurs ne peuvent pas simplement invoquer la preuve documentaire pour écarter l’analyse de l’agent. Le défendeur affirme que l’agent a examiné tous les éléments de preuve présentés et qu’il est parvenu à une conclusion raisonnable.

[41] En toute déférence, je ne suis pas convaincu de pouvoir accepter les affirmations des demandeurs. Les demandeurs mentionnent trois affaires (Phyang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 81, au paragraphe 29; Sinniah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1285, aux paragraphes 59 à 63; et Hawthorne c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2002 CAF 475, au paragraphe 9 [Hawthorne]) pour soutenir qu’il est déraisonnable d’utiliser une analyse des difficultés au moment d’examiner l’ISE. Or, ces affaires ne les aident pas en l’espèce.

[42] Premièrement, dans ces trois affaires, il a été conclu que l’agent avait commis une erreur lorsqu’il a exigé des demandeurs qu’ils démontrent l’existence de « difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées » au moment d’analyser l’ISE. En l’espèce, l’agent n’a pas commis une telle erreur. En outre, une telle norme n’est ni explicitement ni implicitement appliquée dans les motifs de l’agent et n’est donc pas pertinente.

[43] Deuxièmement, comme les demandeurs l’admettent, le fait qu’un agent emploie le mot « difficultés » ne signifie pas nécessairement qu’une telle analyse préliminaire est appliquée. La cour de révision doit examiner le fond de la décision afin de déterminer si l’agent a analysé le critère des difficultés de façon inacceptable (Weng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 778, au paragraphe 27).

[44] À cet égard, il est important de garder à l’esprit les propos formulés dans l’arrêt Hawthorne. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’ISE est déterminé en considérant le bénéfice que retirerait l’enfant si son parent n’était pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés que vivrait l’enfant advenant le renvoi de son parent du Canada. Ces bénéfices et difficultés sont décrits comme constituant les deux côtés d’une même médaille, celle‑ci étant l’ISE (Hawthorne, au paragraphe 4). La Cour a également fait valoir que l’examen de l’agente dans cette affaire reposait sur la prémisse — qu’elle n’avait pas à exposer dans ses motifs — qu’elle constaterait en fin de compte, en l’absence de circonstances exceptionnelles, que le facteur de « l’intérêt supérieur de l’enfant » pencherait en faveur du non‑renvoi du parent (Hawthorne, au paragraphe 5). En pratique, l’agent est chargé de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d’un parent exposera l’enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d’intérêt public, qui militent en faveur ou à l’encontre du renvoi du parent.

[45] Je dois ajouter que, dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême du Canada n’exclut pas la prise en compte des difficultés, mais exige plutôt une évaluation de « tous » les facteurs, y compris les difficultés, comme il a été mentionné précédemment.

[46] Les demandeurs n’ont cité aucun cas de jurisprudence montrant que, dans son évaluation du degré vraisemblable de difficultés, l’agent commet une erreur en soupesant des éléments de preuve qui minimisent le risque de difficultés. À mon avis, tant que l’agent qui examine les motifs d’ordre humanitaire n’utilise pas l’expression « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées » d’une manière qui restreint sa faculté d’examiner et de soupeser toutes les considérations d’ordre humanitaire pertinentes (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 33), il agit de façon raisonnable.

[47] Ainsi, je ne suis pas d’accord avec l’affirmation des demandeurs selon laquelle il est difficile de concevoir comment l’ISE pourrait être servi en les renvoyant du Canada et en les plaçant dans une situation où leur mère aurait à se tourner vers les tribunaux et les forces de l’ordre pour leur éviter de subir un rituel d’initiation violent. L’agent n’a pas conclu que le renvoi des enfants du Canada était dans leur intérêt supérieur. Conformément à l’arrêt Hawthorne, l’agent a plutôt trouvé des moyens d’atténuer les difficultés inévitables associées à leur renvoi.

[48] Comme il a été mentionné précédemment, je suis également en désaccord avec l’affirmation des demandeurs selon laquelle l’agent a conclu que les difficultés associées à la société Poro pourraient être atténuées s’ils déménageaient dans une région de la Sierra Leone autre que Freetown. En toute déférence, ce n’est pas ce que l’agent a conclu.

[49] L’argument des demandeurs est fondé sur la phrase suivante dans les motifs de l’agent :

[traduction]

Je suis convaincu que la demanderesse principale serait probablement en mesure de réinstaller sa famille dans une région de la Sierra Leone, à l’abri de la société Poro, et que des mécanismes de redressement, comme le soutien des forces de l’ordre locales ou les recours juridiques offerts par le droit sierra‑léonien, sont disponibles pour atténuer les difficultés associées au rituel d’initiation de la société Poro.

[50] À mon avis, cette déclaration ne laisse pas entendre que les demandeurs seraient en mesure de se « réinstaller » dans une région de la Sierra Leone autre que Freetown. La déclaration de l’agent se trouve dans sa conclusion à la suite de l’examen sur la société Poro, dans le cadre de l’analyse relative à l’ISE. L’agent y conclut que les demandeurs sont originaires de Freetown, ville qui, comme il est indiqué plus haut, est située dans la région occidentale de la Sierra Leone. Cette conclusion est importante lorsqu’on la met en contexte : l’agent a fait référence à des documents et à des articles qui figurent dans le dossier et qui indiquent que la société Poro est principalement active dans des régions autres que la région occidentale. Par conséquent, lorsqu’interprétée dans le bon contexte, la conclusion de l’agent suggère simplement qu’en se réinstallant à Freetown, les demandeurs déménageraient du Canada (où ils se trouvent actuellement) vers une région où le risque que pose la société Poro pourrait être atténué, puisque cette société est principalement active ailleurs. Ce faisant, ils rentreraient chez eux vu qu’ils étaient originaires de Freetown. Les demandeurs font valoir qu’ils quitteraient le Canada pour un endroit autre que leur domicile, ou vers un endroit où il y a une plus grande présence de la société Poro, ce qui est absolument illogique. À mon humble avis, les observations des demandeurs sont autrement dénouées de fondement.

C. La protection de l’État comme moyen d’atténuer les difficultés

[51] Les demandeurs affirment que l’agent a également commis une erreur en mettant l’accent sur la protection de l’État plutôt que sur l’ISE lorsqu’il a examiné les difficultés associées à une éventuelle initiation à la société Poro. Ils allèguent que même si les enfants peuvent avoir accès à la protection de l’État, l’agent devait néanmoins déterminer s’il était dans leur intérêt de les placer dans une situation où ils devraient demander une telle aide. Cette erreur, affirment les demandeurs, est aggravée par le fait que l’agent a « sélectionné » deux incidents parmi les éléments de preuve sur les conditions dans le pays montrant que les organismes d’application de la loi ont agi pour soutenir les victimes de la société Poro. Les demandeurs prétendent que l’agent n’a pas mentionné d’éléments de preuve contradictoires sur ce point.

[52] En ce qui concerne les arguments des demandeurs selon lesquels l’agent était tenu de déterminer s’il serait dans leur intérêt supérieur de les placer dans une situation où leur mère aurait à se tourner vers les tribunaux et les forces de l’ordre contre leur père et leur famille, j’estime que les mêmes commentaires tirés de l’arrêt Hawthorne s’appliquent à cet égard. Les tribunaux ont reconnu que, dans la plupart des cas, l’intérêt supérieur des enfants est servi par un non‑renvoi du Canada. Par conséquent, la tâche de l’agent, tout comme en l’espèce, consiste à déterminer, dans les circonstances de chaque cas, l’incidence du renvoi et le degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi exposera l’enfant. Il était loisible à l’agent de tirer une telle conclusion.

[53] En ce qui a trait à l’argument des demandeurs portant qu’il a eu « sélection des éléments de preuve », il est présumé dans la loi que le décideur pèse et considère toute la preuve dont il dispose (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF) (QL), au paragraphe 1). Ainsi, le fait de ne pas mentionner un élément de preuve particulier ne signifie pas qu’il a été écarté. De plus, notre plus haut tribunal a déterminé que les décideurs ne sont pas tenus de se reporter à chaque élément de preuve à l’appui de leurs conclusions (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16).

[54] Ce n’est plutôt que lorsque le décideur administratif passe sous silence un élément de preuve qui penche clairement en faveur d’une conclusion opposée que la Cour peut intervenir et inférer que le décideur a écarté la preuve contradictoire lorsqu’il a tiré ses conclusions de fait (Ozdemir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CAF 331 aux paragraphes 9 et 10; Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425 (CF 1re inst) [Cepeda‑Gutierrez] aux paragraphes 16 et 17). Cependant, la décision Cepeda‑Gutierrez ne permet pas d’affirmer que la simple omission de mentionner des éléments de preuve importants qui vont à l’encontre de la conclusion du tribunal a automatiquement pour effet de rendre la décision déraisonnable et d’entraîner son annulation. Bien au contraire, selon la décision Cepeda‑Gutierrez, ce n’est que lorsque les éléments de preuve non pris en compte sont essentiels et contredisent directement la conclusion du tribunal qu’une cour de révision peut en conclure que l’omission confirme que le tribunal n’a pas tenu compte des éléments dont il disposait.

[55] Je ne suis pas convaincu que les éléments de preuve dont il est question en l’espèce sont si critiques et contredisent carrément les conclusions de l’agent. Comme les demandeurs l’ont admis, il était loisible à l’agent d’examiner la preuve et de la soupeser. Les deux articles cités par l’agent corroborent sa conclusion.

[56] Par conséquent et en toute déférence, la décision de l’agent est justifiée. Certes, les demandeurs auraient préféré une issue différente pour l’appréciation de la preuve, mais il ne revient pas à la Cour, dans le cadre du contrôle judiciaire, de remettre en question la décision de l’agent à cet égard : voir Doyle. À cet égard, il n’y a aucune lacune ni déficience suffisamment capitale ou importante pour rendre la décision déraisonnable (Postes Canada, au paragraphe 33).

D. Le risque associé à la société Poro à Freetown

[57] Les demandeurs contestent également la conclusion de l’agent selon laquelle les enfants ne courent aucun risque lié à la société Poro à Freetown parce que le groupe est davantage actif dans d’autres régions de la Sierra Leone. Les demandeurs prétendent que cette conclusion a été tirée sans égard à l’ensemble de la preuve, et qu’il y a là encore des éléments de preuve contraires à la conclusion de l’agent sur ce point. Plus précisément, les demandeurs font référence à des éléments de preuve montrant que la société Poro est active dans certaines régions occidentales de la Sierra Leone, y compris à Freetown.

[58] En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec les observations des demandeurs. Contrairement à ce que ceux-ci prétendent, l’agent a discuté explicitement du document précis de 2009 qu’ils ont invoqué, intitulé « Fear of force initiation into the Poro Secret Society in Freetown » [Crainte d’initiation forcée à la société secrète Poro, à Freetown] [non souligné dans l’original]. Dans son évaluation de ce document, l’agent reconnaît que la société Poro a une certaine présence à Freetown. En fait, même si le document datait de plus d’une décennie, il a servi à l’agent pour déterminer que la société Poro « existe » à Freetown. À mon avis, l’agent s’est contenté d’évaluer le document et de le comparer à d’autres éléments de preuve pour tirer une conclusion.

[59] Fait important, l’agent a souligné que la société Poro suscitait une [traduction] « vive opposition » à Freetown et que le gouvernement de la Sierra Leone avait annoncé en 2019 une interdiction nationale frappant toutes les initiations de sociétés secrètes. Ces constatations tirées de la preuve, à la lumière des conclusions de fait supplémentaires selon lesquelles il existe des recours devant les tribunaux et auprès des forces de l’ordre locales qui pourraient constituer des mécanismes de redressement contre la société Poro, montrent que l’appréciation et l’évaluation de la preuve par l’agent à cet égard sont raisonnables.

[60] En toute déférence, les arguments des demandeurs ne constituent qu’un désaccord quant à l’appréciation et à l’évaluation de la preuve et n’établissent pas l’existence d’une erreur susceptible de contrôle. L’agent n’a certainement pas [traduction] « formulé des constatations hâtives sans tenir compte des éléments de preuve contredisant sa conclusion », comme l’allèguent les demandeurs.

E. La preuve relative au risque posé par le père des enfants

[61] Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en concluant que la DP avait omis de divulguer des éléments de preuve corroborant ses allégations selon lesquelles son ex‑époux avait l’intention de soumettre les enfants à une initiation de la société Poro. Cet argument est fondé sur l’allégation des demandeurs selon laquelle l’agent a commis une erreur en rejetant certaines lettres déposées par les demandeurs ou en leur accordant peu de poids.

[62] Je ne suis pas convaincu. Bien que l’agent ait reconnu l’existence de la crainte subjective éprouvée par la DP à cet égard, il a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve objective corroborant l’intention qu’avait le père des enfants de soumettre les enfants à une initiation de la société Poro à leur retour en Sierra Leone.

[63] La première lettre dont il a été question provenait de la sœur de la DP. L’agent a pris acte de la lettre, mais il a noté à juste titre qu’elle n’était pas signée. L’agent conteste également le fait qu’il y a peu d’information permettant de déterminer comment la lettre a été récupérée de la Sierra Leone. Bien que je n’accorde pas beaucoup de poids à ce dernier point, j’estime néanmoins que la conclusion de l’agent est raisonnable.

[64] Le fait que la lettre n’ait pas été signée permettrait d’appuyer cette conclusion. En toute déférence, l’argument des demandeurs, selon lequel il ne fait aucune différence qu’une lettre déposée dans une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit signée ou non, est dénué de fondement. Il y a clairement une différence – l’authenticité d’une lettre signée est attribuée au signataire et vérifiée par la signature; une lettre non signée n’a pas ces deux caractéristiques et pourrait raisonnablement être écartée comme ne représentant que des mots non vérifiés d’un auteur inconnu sur une feuille de papier.

[65] L’agent a également agi de façon raisonnable en concluant qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve corroborant les allégations contenues dans la lettre ou corroborant la façon dont l’auteure en est venue à connaître l’information qu’elle a fournie. Contrairement aux observations des demandeurs, la sœur n’affirme pas que les renseignements sont fondés sur des connaissances personnelles. Tout ce que dit la lettre, au sujet du risque que pose l’ex‑époux, c’est que la famille de celui‑ci [traduction] « exerce de fortes pressions sur [la DP] pour que son fils soit soumis au rituel d’initiation d’une société secrète ». La sœur n’indique nulle part dans la lettre avoir une connaissance personnelle des faits qu’elle mentionne.

[66] La deuxième lettre venait de la marraine des enfants. Bien que les renseignements qu’elle contient semblent fondés sur la qualité de son auteure de [traduction] « membre proche de la famille [qui connaissait] la complexité » de cette dernière, la lettre n’était pas signée non plus. Pour les mêmes motifs, j’estime raisonnable que l’agent ait écarté la lettre pour cette raison.

[67] La troisième lettre provenait d’un ami de la DP à Winnipeg. Cette lettre parle d’une conversation que l’auteur aurait eue avec le père des enfants. L’auteur déclare que le père a dit vouloir que ses enfants reviennent, et que s’ils retournaient en Sierra Leone, il enlèverait à la DP la garde des enfants. Plus loin dans la lettre, l’auteur affirme que les enfants ne seraient pas en sécurité s’ils retournaient en Sierra Leone en raison des croyances traditionnelles de leur père dans la société Poro et de la volonté de ce dernier de les soumettre au rituel d’initiation. Bien que je sois prêt à accepter la connaissance directe de l’auteur de la première déclaration, selon laquelle le père enlèverait à la DP la garde des enfants s’ils retournaient en Sierra Leone, je conviens avec l’agent qu’il y a peu d’information sur la façon dont l’auteur en est venu à connaître l’information décrite dans la dernière déclaration, à savoir que le père soumettrait ses fils au rituel d’initiation de la société Poro. Par conséquent, j’estime que l’agent n’a pas commis d’erreur en accordant un poids moindre à la lettre.

[68] La dernière lettre examinée par l’agent dans le cadre de cette recherche des faits provenait du directeur de la Men’s Association for Gender Equality [association des hommes pour l’égalité des sexes] en Sierra Leone. Le directeur a déclaré que [traduction] « le fait de laisser ou d’autoriser les enfants à se rendre en Sierra Leone peut augmenter la forte probabilité qu’ils soient soumis au rituel d’initiation de l’une des sociétés secrètes susmentionnées, à la suite de pressions familiales ou autrement ». En outre, l’agent a noté, en ce qui concerne cette lettre, qu’il y avait peu d’information pour corroborer les affirmations faites ou corroborer la façon dont l’auteur en est venu à connaître l’information fournie. Ces conclusions étaient raisonnables. Bien que l’auteur de la lettre soit le directeur administratif d’une ONG, il ne fait pas mention du fondement de ses déclarations.

[69] Les demandeurs soulignent également que l’agent n’a pas mentionné deux autres lettres, l’une de la sœur de la DP et l’autre de l’ancienne gardienne des enfants. Bien que les demandeurs aient raison de dire qu’aucune de ces lettres n’est mentionnée, il n’incombait pas à l’agent d’en faire mention, car aucune de ces lettres ne parlait du risque que les enfants soient soumis au rituel d’initiation de la société Poro.

F. L’incidence sur la santé mentale des enfants

[70] Les demandeurs allèguent également que l’agent a commis une erreur en évaluant les répercussions d’un retour en Sierra Leone sur la santé mentale. Selon les demandeurs, plutôt que d’examiner sérieusement ce qui est dans l’intérêt supérieur des enfants, l’agent s’est concentré exclusivement sur la question de savoir si les difficultés en matière de santé mentale pour les enfants pouvaient être atténuées. Citant la Cour dans la décision Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1633, les demandeurs soutiennent que cette approche n’est pas valable :

[30] Mais cette approche ne tient pas véritablement compte de l’intérêt supérieur des enfants. L’absence de difficultés ne peut davantage se substituer validement à une analyse de l’ISE qu’à une analyse de l’établissement. Chaque facteur doit être évalué de manière indépendante, et se voir accorder le poids qu’il mérite. Le fait que les parents puissent subvenir aux besoins de leurs enfants en Inde ne dispense pas de statuer sur ce que suppose leur intérêt supérieur.

[71] Bien que les demandeurs aient concédé que l’agent avait tenu compte de tous les éléments de preuve liés à la santé mentale des enfants, je remarque que celui‑ci a néanmoins conclu que la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire n’était pas justifiée parce que les difficultés associées à l’un des problèmes de santé mentale des enfants pouvaient être atténuées par le recours aux ressources en santé mentale en Sierra Leone, que je crois être situées à Freetown. Aux dires des demandeurs, cette conclusion est le résultat d’une attention inappropriée accordée aux difficultés et de l’omission de tenir compte de ce qui était réellement dans l’intérêt supérieur des enfants.

[72] À l’instar des autres questions soulevées dans la présente demande, je m’appuie de nouveau sur les commentaires formulés dans l’arrêt Hawthorne pour conclure que la conclusion de l’agent est raisonnable. À mon avis, les demandeurs ont une fois de plus mal interprété les motifs de l’agent en soutenant que la conclusion selon laquelle les difficultés subies par les enfants peuvent être atténuées par le recours aux ressources accessibles à Freetown, va fondamentalement à l’encontre de la conclusion antérieure selon laquelle les difficultés pour les enfants pourraient être atténuées s’ils s’éloignaient de Freetown. Comme il a déjà été mentionné, telle n’était pas la conclusion de l’agent. Celui‑ci a conclu que la famille déménagerait du Canada à Freetown, et non à un endroit indéterminé à l’extérieur de Freetown.

G. Le recours à la loi de 2007 sur les droits de l’enfant

[73] La dernière erreur alléguée par les demandeurs concerne le fait que l’agent a continué de se fier à la capacité des demandeurs d’atténuer les difficultés en recourant à la Child Rights Act 2007 [Loi de 2007 sur les droits de l’enfant] de la Sierra Leone [la CRA]. À cet égard, les demandeurs signalent des éléments de preuve qui, selon eux, ont été ignorés, et qui témoignent de l’inefficacité de la loi.

[74] L’agent s’appuie d’abord sur la CRA comme mécanisme de redressement à l’égard du risque que pose le travail des enfants en Sierra Leone. Les demandeurs renvoient à un article de presse qui, selon eux, remet en question l’efficacité de la loi en la matière. Toutefois, cette question a été évaluée : bien que l’agent ait reconnu qu’il existe des lacunes dans l’application des lois sur le travail des enfants en Sierra Leone, il a néanmoins estimé que les éléments de preuve ne permettaient pas de démontrer que les enfants concernés en l’espèce seraient personnellement soumis au travail en Sierra Leone. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que l’agent a commis une erreur en s’appuyant sur le mécanisme de redressement établi dans la CRA à l’égard du travail des enfants.

[75] Les demandeurs soutiennent également que l’agent a commis une erreur en s’appuyant sur la CRA en ce qui a trait à la protection contre les châtiments corporels. Les demandeurs font référence à un document de la Global Initiative to End all Corporal Punishment of Children [initiative mondiale pour mettre fin à tous les châtiments corporels infligés aux enfants], qui exprime la préoccupation du Comité des droits de l’enfant selon laquelle les châtiments corporels ne sont pas explicitement interdits par la CRA et qu’il s’agit d’une pratique constante. Là encore, l’agent reconnaît que, bien que cette pratique soit interdite en milieu scolaire, elle existe toujours dans divers établissements, dont des garderies et des écoles. Toutefois, l’agent a noté qu’il y avait un manque d’information sur la prévalence des châtiments corporels dans ces établissements. Par conséquent, j’estime que les allégations des demandeurs sont dénuées de fondement.

[76] Enfin, les demandeurs font référence à un document de recherche qui conclut que la mise en œuvre de la CRA a été contre‑productive parce que les responsables des poursuites sont membres de la société secrète Poro et dépendent des politiciens pour leur promotion. Bien que l’agent se soit appuyé sur les mécanismes de redressement établis dans la CRA pour conclure qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant que la DP serait incapable de faire respecter ses droits de garde en vertu du droit sierra‑léonien si le père des enfants violait l’entente de garde, il a également noté d’autres recours offerts en matière de protection contre la violence exercée par les membres de la société Poro. L’agent a évalué et soupesé les articles des médias rapportant l’intervention du gouvernement et l’opposition aux pratiques d’initiation nuisibles de la société Poro, l’imposition en 2019 d’une interdiction immédiate à l’échelle nationale frappant toutes les sociétés secrètes, et la participation des forces de l’ordre aux enquêtes sur les crimes commis par la société Poro ainsi qu’à la prévention de ces crimes. Par conséquent, même s’il n’y avait pas lieu que l’agent s’appuie sur les mesures prévues en ce qui concerne les mécanismes de redressement contre le préjudice causé par la société Poro, ses conclusions sont néanmoins raisonnables à la lumière de tous les éléments de preuve soupesés et évalués.

VII. Conclusion

[77] La décision est transparente, intelligible et justifiée au regard de la preuve présentée et des contraintes juridiques. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

VIII. Aucune question à certifier

[78] Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale aux fins de certification et, à mon avis, la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3802‑21

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, qu’aucune question de portée générale n’est certifiée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3802‑21

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

FATMATA KARGBO, THADUBA ALIMAMY KARGBO (MINEUR), MATHEBEH ALIMAMY KARGBO (MINEUR) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 septembre 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

Le 5 octobre 2022

COMPARUTIONS :

Michael Korman

POUR LES DEMANDEURS

Nimanthika Kaneira

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Korman & Korman LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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