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Date : 20220912


Dossiers : T-569-20

T-577-20

Référence : 2021 CF 1279

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 septembre 2022

En présence de madame la juge en chef adjointe Gagné

Dossier : T-569-20

ENTRE :

CASSANDRA PARKER et K.K.S. TACTICAL SUPPLIES LTD.

demanderesses

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier T-577-20

ENTRE :

COALITION CANADIENNE POUR LES DROITS AUX ARMES À FEU, RODNEY GILTACA,

LAURENCE KNOWLES, RYAN STEACY, MACCABEE DEFENSE INC., et

WOLVERINE SUPPLIES LTD.

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] La Fédération canadienne des contribuables sollicite l’autorisation d’intervenir dans deux des six dossiers connexes où les demandeurs contestent la validité du règlement pris par le gouverneur en conseil en vertu de l’article 117.15 du Code criminel, LRC 1985, c C‑46, [le Règlement] afin d’interdire une liste d’armes à feu autrefois considérées comme étant à autorisation restreinte ou sans restriction.

[2] La Fédération est un organisme sans but lucratif qui compte plus de 235 000 adhérents et 30 000 donateurs dans tout le pays. Elle a pour mandat de promouvoir les restrictions budgétaires, la transparence du gouvernement et la responsabilité démocratique. Elle affirme qu’elle a un intérêt particulier à l’égard des questions juridiques soulevées dans la présente instance, dans la mesure où, pour les trancher, la Cour doit examiner comment effectuer un contrôle selon la norme de la décision raisonnable en l’absence de motifs complets et dans le contexte des décisions quasi législatives. Elle sollicite donc l’autorisation d’intervenir afin d’aider la Cour, en lui présentant des observations sur les aspects de droit administratif de la présente demande.

[3] Les demandeurs n’ont pas pris position sur la requête de la Fédération, mais le défendeur soutient que la demande ne devrait pas être accueillie. Selon lui, la Fédération n’a aucun point de vue pertinent ni utile à fournir sur les véritables questions soulevées dans la présente instance. En outre, la Fédération soulève une nouvelle question – celle de la responsabilisation financière – ce qu’elle n’a pas le droit de faire dans les circonstances.

I. La nature de l’intervention

[4] La Fédération affirme que son intérêt réel à l’égard de l’instance découle du fait qu’elle participe depuis longtemps aux questions liées aux dépenses et à la responsabilité du gouvernement, notamment aux divers instruments utilisés pour engager ces dépenses. Plus précisément, elle déclare s’intéresser à la pression que le Règlement exercera sur les fonds publics.

[5] L’approche proposée par la Fédération est de convaincre la Cour que le décret promulguant le Règlement ne satisfait pas au critère établi dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, pour les contrôles rigoureux selon la norme de la décision raisonnable. Pour ce faire, elle a l’intention de [traduction] « s’appuyer sur sa grande expertise institutionnelle, son point de vue et son mandat d’intérêt public qui consiste à protéger l’intérêt des Canadiens à l’égard d’une prise de mesures qui est responsable et justifiable sur le plan financier par le gouvernement ».

II. La question en litige

[6] Les présentes requêtes soulèvent une seule question : La Fédération devrait-elle se voir accorder le droit d’intervenir dans la présente instance?

III. Analyse

[7] Selon l’article 109 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, la Cour peut autoriser toute personne à intervenir dans une instance. Toutefois, aux termes de l’alinéa 109(2)b), la personne qui désire intervenir doit expliquer en quoi sa participation aidera la Cour à prendre une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance.

[8] Dans l’arrêt Métis National Council and Manitoba Metis Federation Inc. v Varley, 2022 CAF 110, une formation de la Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que l’une des questions centrales lors de l’examen d’une requête en intervention est l’utilité des observations de l’intervenant éventuel. Elle a également approuvé le commentaire formulé par le juge Stratas dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13, selon lequel il faut poser quatre questions pour déterminer l’utilité :

a) Quelles sont les questions que les parties ont soulevées?

b) Quelles observations l’intervenant éventuel a-t-il l’intention de présenter concernant ces questions?

c) Les observations de l’intervenant éventuel sont-elles vouées à l’échec?

d) Les observations défendables de l’intervenant éventuel aideront-elles la Cour à trancher les véritables questions en jeu dans l’instance?

[9] En l’espèce, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que même si la Fédération affirme que ses observations seront distinctes, elles visent d’abord à interpréter la même disposition législative à l’égard de laquelle les demandeurs, dans les six demandes, ont déjà présenté de longues observations. La seule différence est qu’elle souhaite aborder la question dans une perspective de responsabilisation financière, mais cette question n’a été soulevée dans aucune des six demandes.

[10] Toutes les demandes soulèvent les questions suivantes : le Règlement outrepasse-t-il le pouvoir conféré au paragraphe 117.15(2) du Code criminel? Y a-t-il une subdélégation illégale de pouvoir? L’expression « qui comportent des variantes ou qui ont subi des modifications » va-t-elle à l’encontre de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, art 7, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 [la Charte] parce qu’elle est trop vague? Et le Règlement viole-t-il la Déclaration canadienne des droits, LC 1960, c 44?

[11] Les considérations financières ne sont pas pertinentes eu égard à l’examen de la question de savoir si le décret excède les limites du pouvoir conféré. Bien qu’elles puissent susciter quelques discussions intéressantes, elles élèveraient le débat devant la Cour à un tout autre niveau. L’examen administratif soulevé par les six demandes ne concerne pas la question de savoir si la mesure constitue une bonne utilisation des fonds publics. La Cour n’a même pas à se demander si la mesure était « nécessaire, sage et efficace dans la pratique » (Katz Group Canada Inc. c Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64 au para 27).

[12] En ce qui concerne les questions dont la Cour est saisie, la Fédération ne présente aucune observation utile qui diffère de celles proposées par les six groupes de demandeurs. Comme le défendeur l’a mentionné, les parties conviennent toutes que la norme de la décision raisonnable s’applique à la contestation de la validité du Règlement. Elles reconnaissent que le contrôle selon cette norme s’adapte au contexte, notamment au contexte législatif, et que les demandeurs ont déjà présenté des observations à la Cour et se sont prononcés en faveur d’un contrôle « rigoureux » selon la norme de la décision raisonnable. Les six groupes de demandeurs ainsi que le défendeur ont déjà déposé des mémoires volumineux portant sur le paragraphe 84(1) et l’article 117.15 du Code criminel, y compris sur leur historique législatif.

[13] Enfin, je suis également d’accord avec le défendeur pour dire que vu l’absence d’observations détaillées sur les questions pertinentes qui n’ont pas déjà été abordées par les demandeurs dans les six instances, l’intervention de la Fédération n’est pas dans l’intérêt de la justice.


ORDONNANCE dans les dossiers T-569-20 et T-577-20

LA COUR ORDONNE :

  1. Les requêtes présentées par la Fédération canadienne des contribuables sont rejetées;

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-569-20

INTITULÉ :

CASSANDRA PARKER et K.K.S. 1395804 ONTARIO LTD c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T-577-20

INTITULÉ :

COALITION CANADIENNE POUR LES DROITS AUX ARMES À FEU, RODNEY GILTACA, LAURENCE KNOWLES, RYAN STEACY, MACCABEE DEFENSE INC. et WOLVERINE SUPPLIES LTD. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTES ÉCRITES PRÉSENTÉES AU TITRE DE L’ARTICLE 109 ET EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO) SOUS LE RÉGIME DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 SEPTEMBRE 2022

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Kerry Boyd

 

POUR LE DÉFENDEUR DANS LE DOSSIER T‑569‑20

 

James Plotkin

Albert Brunet

 

POUR L’INTERVENANTE ÉVENTUELLE DANS LE DOSSIER T‑569‑20

LA FÉDÉRATION CANADIENNE DES CONTRIBUABLES

 

Kerry Boyd

 

POUR LE DÉFENDEUR DANS LE DOSSIER T‑577‑20

 

James Plotkin

Albert Brunet

 

POUR L’INTERVENANTE ÉVENTUELLE DANS LE DOSSIER T‑577‑20

LA FÉDÉRATION CANADIENNE DES CONTRIBUABLES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Friedman Mansour LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES DANS LE DOSSIER T‑569‑20

 

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR DANS LE DOSSIER T‑569‑20

 

 

Gowling WLG (Canada) LLP

Ottawa (Ontario)

Caza Saikeley LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTERVENANTE ÉVENTUELLE DANS LE DOSSIER T‑569‑20

LA FÉDÉRATION CANADIENNE DES CONTRIBUABLES

 

 

Jensen Shawa Solomon Duguid Hawkes LLP

Calgary (Alberta)

Loberg Law

Calgary (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS DANS LE DOSSIER T‑577‑20

 

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR DANS LE DOSSIER T‑577‑20

 

 

Gowling WLG (Canada) LLP

Ottawa (Ontario)

Caza Saikeley LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTERVENANTE ÉVENTUELLE DANS LE DOSSIER T‑577‑20

LA FÉDÉRATION CANADIENNE DES CONTRIBUABLES

 

 

 

 

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