Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030327

Dossier : IMM-1648-02

Référence : 2003 CFPI 372

ENTRE :

                                        SIVAKUMAR SIVANANANSUNTHARAM

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, de la décision par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section d'appel) (la Commission) a statué, le 26 mars 2002, que l'appel du demandeur devait être rejeté.

[2]                Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire à la Section d'appel pour qu'elle soit examinée par une formation différente de la Commission.


Les faits

[3]                Le demandeur, Sivakumar Sivananasuntharam, est citoyen du Sri Lanka. Il est arrivé au Canada en 1988 à titre de revendicateur du statut de réfugié. En 1992, il a obtenu le droit d'établissement comme résident permanent au Canada. Depuis, il a toujours travaillé, sauf pendant quelques mois et pendant qu'il était en prison.

[4]                Le 2 octobre 1993, le demandeur a commis une infraction mineure, savoir l'utilisation irrégulière d'une carte de crédit. Aucune peine d'emprisonnement ne lui a été infligée pour cette infraction.

[5]                Le 29 juillet 1994, le demandeur a été impliqué dans l'enlèvement de son associé, Sinniah Rajan Mamankaran (la victime). Le demandeur a joué un rôle déterminant dans l'organisation d'une rencontre entre la victime et un autre ami, Nehruji Natkunam (le coaccusé) dans le stationnement d'un centre commercial. Le coaccusé était très contrarié parce que sa soeur âgée de 14 ans avait une relation amoureuse avec la victime. Il voulait rencontrer la victime afin de lui flanquer une raclée pour qu'il cesse de s'intéresser à sa soeur. La victime ignorait tout de cette intention.

[6]                Le demandeur a conduit le coaccusé à la rencontre. La victime a alors été agressée par un groupe de neuf hommes qui l'ont fait monter à l'arrière d'une fourgonnette qui a ensuite quitté les lieux. La victime a été sauvagement battue et torturée, et a finalement péri carbonisée et son corps calciné a été abandonné sur le bord de la route à Beamsville. L'examen post mortem indiquait que la victime avait été brûlée vive.

[7]                Après une longue enquête, le demandeur et le coaccusé ont été arrêtés et inculpés de meurtre au premier degré. Le coaccusé a plaidé coupable à l'infraction d'homicide involontaire coupable et a été condamné à sept ans et huit mois d'emprisonnement, plus les 68 jours de détention avant le procès. Le demandeur a plaidé coupable à l'infraction d'enlèvement et il a été condamné à deux ans d'emprisonnement, plus les 67 jours de détention avant le procès. Les sept autres hommes impliqués dans l'incident n'ont pas été arrêtés.

[8]                Par suite de sa condamnation pour enlèvement, le demandeur a fait l'objet d'une enquête en matière d'immigration. Son expulsion du Canada a été ordonnée. Le demandeur a interjeté appel de la mesure d'expulsion devant la Commission en faisant valoir que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il ne devrait pas être renvoyé du Canada.


La décision de la Commission

[9]                La Commission a rejeté l'appel du demandeur parce qu'il n'avait pas démontré, comme il le lui incombait, pourquoi il ne devrait pas être renvoyé du Canada. Elle a notamment accordé une importance particulière à la gravité de l'infraction à l'origine de la mesure d'expulsion, aux répercussions terribles que l'infraction avait eues en fin de compte sur la victime et au manque de sincérité du demandeur lors de l'audition de l'appel. Les facteurs jouant en faveur du demandeur, comme ses fortes chances de réadaptation, l'effet préjudiciable que son expulsion aurait sur la famille avec laquelle il habitait, les difficultés importantes auxquelles il devrait faire face à son retour au Sri Lanka, le soutien solide dont il bénéficiait dans la collectivité et les efforts véritables qu'il avait faits pour s'établir au Canada, ne l'ont pas emporté sur ces éléments.

[10]            Questions en litige

1.          Quelle est la norme de contrôle?

2.          La Commission a-t-elle entravé sa propre compétence en déterminant que la gravité de l'infraction, y compris les conséquences pour la victime et la décision que le demandeur ne s'était pas montré sincère quant à sa participation au crime lors de l'audition de l'appel, l'empêchait de surseoir à l'expulsion?

3.          La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la question des difficultés à l'étranger?


4.          La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de mentionner et d'évaluer le rapport psychologique préparé pour le demandeur?

Dispositions législatives et réglementaires pertinentes

[11]            Le paragraphe 70(1) de la Loi sur l'immigration, précitée, prévoit :

70. (1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants :

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

70. (1) Subject to subsections (4) and (5), where a removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely,

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada.

Motifs

[12]            Question 1

Quelle est la norme de contrôle?


La norme de contrôlée appropriée pour les décisions comme celle dont il est question en l'espèce a été énoncée par le juge MacKay dans l'affaire Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 3 C.F. 299 (1re inst.), au paragraphe 75 :

Le pouvoir discrétionnaire étendu qui est conféré à la section d'appel en ce qui concerne sa compétence en equity est prévu à l'alinéa 70(1)b) de la Loi, qui habilite la section d'appel à déterminer « eu égard aux circonstances particulières de l'espèce » , si un résident permanent devrait être renvoyé du Canada. Lorsque ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi et sans être influencé par des considérations non pertinentes et qu'il n'est pas exercé de façon arbitraire ou illégale, la Cour n'a pas le droit d'intervenir, même si elle aurait pu exercer ce pouvoir discrétionnaire différemment si elle avait été à la place de la section d'appel.

Je suis d'avis d'appliquer cette norme.

[13]            Question 2

La Commission a-t-elle entravé sa propre compétence en déterminant que la gravité de l'infraction, y compris les conséquences pour la victime et la décision que le demandeur ne s'était pas montré sincère quant à sa participation au crime lors de l'audition de l'appel, l'empêchait de surseoir à l'expulsion?

Observations du demandeur


Le demandeur soutient que la Commission a mal utilisé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration, précité, et a entravé celui-ci en déterminant que seule une preuve de détention et de torture pouvait avoir plus de poids que la gravité de l'infraction en cause en l'espèce. Le demandeur fait valoir qu'en agissant ainsi, la Commission lui a imposé un fardeau trop lourd, notamment parce qu'elle avait déjà déterminé qu'il existait un risque important qu'il ait à faire face à des difficultés à son retour au Sri Lanka.

Observations du défendeur

Le défendeur soutient que la Commission a correctement exposé les facteurs pertinents et les a ensuite examinés eu égard à la situation du demandeur. Il fait valoir que, même si le demandeur peut être en désaccord avec l'évaluation qu'a faite la Commission des facteurs examinés, l'évaluation de ces facteurs est précisément l'exercice que la Commission est obligée de faire en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration, précité.

Analyse de la question 2

[14]            Pour arriver à sa décision, la Commission a évalué les facteurs suivants : la gravité de l'infraction, les chances de réadaptation, les répercussions du crime sur la victime, les remords du demandeur, le temps passé au Canada, le degré d'établissement du demandeur au Canada, la présence de membres de la famille du demandeur au Canada, le soutien dont bénéficie le demandeur au Canada et les difficultés auxquelles il devrait faire face s'il était renvoyé au Sri Lanka.

[15]            J'ai analysé la décision de la Commission et je suis d'avis qu'elle a examiné les facteurs dont elle devait tenir compte dans son appréciation de la demande présentée par le demandeur et qu'elle a accordé à chacun de ceux-ci le poids qu'elle était censée leur accorder.

[16]            La Commission n'a pas dit que la gravité de l'infraction l'empêchait de surseoir à l'expulsion du demandeur. Elle a plutôt dit :

¼ À mon avis, la gravité de l'infraction nuit grandement à l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l'alinéa 70(1)b) en faveur de l'appelant.

[17]            De plus, la Commission n'a pas dit que seule une preuve de détention et de torture pourrait avoir préséance sur la gravité de l'infraction. Elle a plutôt dit :

Si, selon certains éléments de preuve, l'appelant risquait vraisemblablement dtre détenu et torturé à son retour au Sri Lanka, alors, pour trancher la question en appel, je considérerais ce facteur comme décisif, et je conclurais qu'il ne doit pas être renvoyé dans ce pays. Toutefois, je suis d'avis que la preuve n'appuie pas cette allégation.

[18]            Après avoir effectué cette analyse, la Commission a conclu :

Compte tenu de tous les facteurs de la présente affaire, je suis d'avis que l'appelant n'a pas réussi à démontrer pourquoi il ne devrait pas être renvoyé du Canada. Pour en arriver à cette conclusion, j'ai accordé une importance particulière à la gravité de l'infraction à l'origine de la mesure d'expulsion, aux répercussions terribles qu'elle a eues, en fin de compte, sur la victime, et au manque de sincérité de l'appelant à l'audition du présent appel. Bien que certains facteurs comme les fortes chances de réadaptation, ainsi que d'autres facteurs jouant en faveur de l'appelant, atténuent ceux qui lui nuisent, ils ne sont pas suffisants, à mon avis, pour les surpasser. D'après moi, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, l'appelant n'a pas démontré qu'il ne devrait pas être renvoyé du Canada. Par conséquent, l'appel est rejeté.

La Commission a attribué une importance différente à chacun des facteurs afin d'en arriver à sa décision. C'est là la tâche de la Commission.

[19]            Dans Olaso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1265 (QL) (1re inst.), le juge Pelletier (tel était alors son titre) a dit au paragraphe 17 :

... La lecture des motifs indique que le tribunal a examiné divers facteurs concernant le demandeur et sa situation. Il a mentionné les aspects positifs ainsi que les aspects négatifs. Il a choisi d'accorder plus d'importance au risque de récidive qu'au bouleversement que l'expulsion pourrait causer au demandeur et à sa famille. Il est possible que d'autres seraient arrivés à une conclusion différente mais il n'est pas possible de soutenir, de façon crédible, que la décision n'entretient aucun rapport rationnel avec les preuves présentées et les critères appliqués. Le demandeur soutient que le fait que la SAI se soit fondée sur le risque de récidive pour justifier sa décision indique que c'est le seul facteur dont elle ait tenu compte. Le demandeur confond le fait d'examiner tous les facteurs et celui de leur accorder une importance égale. Il appartient à la SAI d'apprécier l'importance à accorder aux divers facteurs en fonction des faits de l'espèce. Il n'est pas possible de soutenir véritablement qu'elle a agi de façon déraisonnable. Il est possible que d'autres en seraient arrivés à une conclusion différente mais cela ne prouve pas que la conclusion de la SAI est déraisonnable.

À mon avis, la décision de la Commission était raisonnable et elle n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle à cet égard.

[20]            Question 3

La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la question des difficultés à l'étranger?

Observations du demandeur


Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en ne fournissant pas de motifs expliquant pourquoi elle n'avait pas tenu compte de sa détention à Colombo en 1992. Il soutient que, même si la Commission a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité, cette conclusion concernait spécifiquement son degré de participation au crime et ne permettait pas à la Commission d'écarter ses expériences à Colombo en 1992. Le demandeur affirme que la Commission a conclu erronément que sa détention au Sri Lanka en 1992 était peu vraisemblable puisqu'il ne s'attendait pas lui-même à être en danger lorsqu'il est retourné au Sri Lanka en 1992. Il affirme que ce raisonnement est incorrect parce que la crédibilité de la situation à laquelle il a dû faire face ne peut pas être jugée en fonction des risques qu'il aurait pu assumer.

[21]            Le demandeur fait également valoir que sans observations de l'une ou de l'autre des parties concernant l'amélioration de la situation au Sri Lanka et sans aucune preuve à cet égard, si ce n'est une seule phrase dans un rapport du Département d'État américain, la Commission n'était pas autorisée à conclure qu'il y avait eu au Sri Lanka des changements qui auraient eu une incidence sur la situation du demandeur.

[22]            Le demandeur soutient en outre que la Commission a commis une erreur en prenant pour hypothèse qu'une pièce d'identité lui serait délivrée aux fins de ses déplacements, sans avoir été saisie de preuves indiquant qu'un tel document existe ou pourrait vraisemblablement lui être délivré. Il affirme que la Commission a aussi commis une erreur en ne tenant pas compte des mauvais traitements associés aux interrogatoires au Sri Lanka.


[23]            Le demandeur affirme qu'il était abusif de la part de la Commission de conclure qu'il pourrait indiquer aux autorités srilankaises les motifs de sa condamnation et de s'attendre à ce qu'il puisse les convaincre sans problème de le remettre en liberté puisque sa condamnation au Canada n'avait rien à voir avec les activités des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET). Il allègue que cette conclusion est particulièrement abusive étant donné que la Commission a admis qu'il pourrait être interrogé à son retour et que les autorités srilankaises n'accordent pas une très grande importance aux droits de la personne.

[24]            Observations du défendeur

Le défendeur soutient que la Commission a examiné attentivement le facteur des difficultés à l'étranger dans son appréciation de toutes les circonstances. Il affirme que la Commission a rejeté à juste titre l'affirmation du demandeur qui prétendait avoir été maltraité par les autorités srilankaises en 1992 parce qu'elle avait conclu que le demandeur n'était généralement pas digne de foi.

[25]            Le défendeur prétend que la Commission a correctement tenu compte des renseignements contenus dans un rapport de 2001 du Département d'État américain sur la situation dans ce pays. Il affirme qu'il importe peu que des observations aient été faites par l'une ou l'autre partie sur cette question particulière puisque les difficultés à l'étranger constituaient l'un des éléments invoqués par le demandeur dans son appel. La situation actuelle au Sri Lanka est pertinente pour évaluer les difficultés à l'étranger.


[26]            Le défendeur soutient que la Commission a eu raison de conclure que même si les personnes qui retournent au Sri Lanka sans pièces d'identité peuvent être détenues ou interrogées par les autorités, le demandeur ne risquerait vraisemblablement pas de subir un tel traitement puisqu'il aurait en sa possession son passeport srilankais et un titre de voyage. Il prétend qu'il est raisonnable de croire qu'un document officiel délivré par le gouvernement srilankais, même s'il n'est plus valide pour permettre les déplacements, suffirait pour les fins d'identification, notamment parce que les autorités auxquelles le passeport est présenté sont celles qui l'ont délivré. De plus, l'affirmation qu'un titre de voyage est requis pour se déplacer avait été admise d'office.

[27]            Le défendeur soutient que la Commission a eu raison de rejeter l'argument du demandeur selon lequel il serait automatiquement considéré comme un partisan des TLET étant donné que son expulsion du Canada découle d'une condamnation au criminel. Il affirme que le demandeur avait en sa possession des documents indiquant les motifs de son expulsion et qu'il est raisonnable de présumer que les autorités srilankaises seraient en mesure d'effectuer leur propre enquête à cet égard.

Analyse de la question 3

[28]            La Commission dit aux pages 14 et 15 de sa décision :

... Je n'ajoute pas foi aux dires de l'appelant selon lesquels il a été détenu et battu par les policiers au cours de son voyage au Sri Lanka en 1992. J'ai déjà dit que, d'après moi, l'appelant ntait pas un témoin crédible à l'audition du présent appel et qu'il a menti à quelques reprises pendant son témoignage.


La Commission a clairement indiqué qu'elle n'acceptait pas le témoignage du demandeur sur ce point et ce, simplement parce qu'elle ne le croyait pas puisqu'il avait déjà menti dans son témoignage relativement à certains éléments que la Commission énumère dans sa décision aux pages 8 à 11. La Commission invoque ensuite ces incidents pour ne pas donner foi à ses déclarations au sujet de son arrestation, de son passage à tabac et de sa détention lors de son retour au Sri Lanka. Ce faisant, la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle.

[29]            À la p. 15 de sa décision, la Commission s'est reportée au rapport de 2001 du Département d'État américain sur la situation dans ce pays :

... En outre, selon les éléments de preuve actuels, la situation au Sri Lanka s'est améliorée. À la fin de l'année dernière, le gouvernement du Sri Lanka et les Tigres tamouls, qui ont participé à de violents conflits pendant 18 ans, ont chacun annoncé un cessez-le-feu unilatéral.

Cet élément de preuve fait partie des autres éléments de preuve dont s'est servie la Commission pour déterminer les difficultés auxquelles devrait faire face le demandeur s'il était renvoyé au Sri Lanka. J'estime que la Commission n'a pas commis une erreur susceptible de contrôle en tenant compte de cet élément de preuve.

[30]            À la page 16 de sa décision, la Commission a reconnu que certains rapports indiquaient que des personnes avaient été soumises à de mauvais traitements pendant qu'elles étaient détenues pour permettre aux forces de sécurité de vérifier leur identité. Comme la preuve indiquait que le demandeur aurait des pièces d'identité en sa possession au moment de son retour au Sri Lanka, la Commission n'a pas commis d'erreur en accordant moins de poids à ces rapports dans sa détermination de la question des difficultés à l'étranger.

[31]            Le demandeur conteste la conclusion de la Commission qui a considéré qu'il pourrait indiquer les motifs de sa condamnation aux autorités srilankaises pour les convaincre qu'il n'avait pas été expulsé par suite d'une activité liée aux TLET. La Commission a dit à la page 17 de sa décision :

De plus, je rejette l'allégation de l'appelant selon laquelle les autorités sri lankaises supposeront inévitablement que son expulsion du Canada est attribuable aux activités pro-tamouls qu'il a exercées ici. Je souscris à l'allégation du conseil de l'intimé selon laquelle rien ne laisse supposer que l'appelant ne pourra prouver que son renvoi du Canada est le résultat d'actes criminels non reliés aux activités des Tamouls prônant la libération. Le dossier des faits ayant abouti à la condamnation au criminel de l'appelant et à la mesure d'expulsion est très bien documenté. Elle résulte d'un crime lié à une vendetta personnelle provoquée par les rapports amoureux qu'un associé entretenait avec une jeune fille, et cette histoire est clairement consignée au dossier.

Je ne suis pas d'accord avec le demandeur pour dire que cette conclusion de la Commission était abusive. En fait, les motifs de la condamnation indiquent précisément les problèmes dans lesquels le demandeur était impliqué. Aucun des documents ne fait mention des TLET ou n'indique que sa condamnation était liée à des activités des TLET.

[32]            Pour conclure sur cette question, la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle.

[33]            Question 4

La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de mentionner et d'évaluer le rapport psychologique préparé pour le demandeur?


Rien dans la preuve n'indique que la Commission a examiné le rapport psychologique préparé pour le demandeur. La jurisprudence souligne clairement que la Commission n'est pas tenue de mentionner dans sa décision chacun des éléments de preuve qu'elle a examinés. Toutefois, plus l'élément de preuve est important pour la décision, plus l'omission de le mentionner dans la décision peut amener la Cour à conclure que la Commission a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte de la preuve. Dans l'affaire Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (QL) (1re inst.), le juge Evans (tel était alors son titre) a dit au paragraphe 17 :

Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.).

[34]            J'ai examiné le rapport du psychologue et je suis d'avis qu'une grande partie de son contenu avait déjà été soumise à la Commission. Le rapport répète principalement des faits qui ont été relatés par d'autres personnes et ces faits, comme l'éducation du demandeur, le temps passé au Canada, le risque de récidive, le soutien familial et la participation à un programme d'aptitudes cognitives, ressortent clairement dans la décision de la Commission. Le rapport indique notamment dans sa conclusion :

[Traduction] En tant que professionnel, je considère que M. Sivagnanasuntharum [sic] est actuellement bouleversé par la perspective de retourner au Sri Lanka. S'ajoute à cet état de bouleversement la crainte d'être persécuté ou de mourir si on lui ordonne de retourner au Sri Lanka.

[...]


Je crois que la perspective d'être renvoyé au Sri Lanka préoccupe et inquiète M. Sivgnanasuntharum [sic]. Il est particulièrement bouleversé par ce qu'il considère comme la perte de sa sécurité et de toute protection s'il n'est pas autorisé à rester au Canada.

(Dossier de la demande page 107)

À mon avis, compte tenu des faits de l'affaire, l'omission de mentionner le rapport dans la décision ne constituait pas une erreur susceptible de contrôle.

[35]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[36]            Les parties ont une semaine à compter de la date de la présente décision pour me soumettre une question grave d'intérêt général et une semaine pour produire une réponse.

                                                                            « John A. O'Keefe »             

                                                                                               J.C.F.C.                     

Ottawa (Ontario)

27 mars 2003

Traduction certifiée conforme :

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-1648-02

INTITULÉ :              SIVAKUMAR SIVANANANSUNTHARAM

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le mardi 19 novembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                  Le jeudi 27 mars 2003

COMPARUTIONS :

Maureen Silcoff

POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

Maureen Silcoff

281, Eglinton Avenue East

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.