Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20221109


Dossier : IMM-6380-21

Référence : 2022 CF 1525

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 9 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

X SAMI-ULLAH
(ALIAS FNU SAMI-ULLAH)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 18 août 2021 [la décision] de la Section d’appel des réfugiés [la SAR], par laquelle celle-ci confirmait la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] portant que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger, sur le fondement d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Hyderabad ou à Islamabad, au Pakistan. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Le contexte

[2] Le demandeur est citoyen du Pakistan et réside à Sialkot, dans la province du Pendjab, au Pakistan. Il est musulman chiite et craint d’être persécuté par un groupe extrémiste, le Tehreek-e-Taliban Pakistan [le TTP], en raison de sa religion et de son refus de verser l’argent demandé par les extorqueurs.

[3] Le demandeur a travaillé et vécu en Chine de 2007 à 2018, et est retourné périodiquement au Pakistan. De 2015 à 2018, il a reçu des menaces pour le contraindre à verser des sommes d’argent ainsi que des menaces visant sa famille. En 2017, il a reçu un autre avertissement d’une personne qui savait qu’il était allé aux États-Unis.

[4] En juin 2018, le demandeur et sa famille se sont installés dans une nouvelle maison à Sialkot. Alors qu’ils se trouvaient dans cette maison, des étrangers ont tiré des coups de feu dans les airs, à l’extérieur. Le demandeur et sa famille ont déménagé dans une troisième maison située en périphérie de Sialkot. Des voisins lui ont dit que des étrangers le cherchaient, ce qui l’a amené à retirer ses enfants de l’école locale.

[5] Le demandeur est retourné en Chine en septembre 2018. Il a quitté la Chine pour les États-Unis, puis est venu au Canada en novembre 2018, où il a présenté sa demande d’asile.

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[6] La SAR a souscrit à la conclusion de la SPR portant que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger, car il existait une PRI valable au Pakistan. Au titre du premier volet du critère relatif à la PRI, la SAR a conclu que le demandeur n’avait pas établi que le TTP avait les moyens et la capacité de le retrouver dans l’une des villes proposées comme PRI, à savoir Hyderabad ou Islamabad. Même si le demandeur n’avait pas présenté d’observations quant au deuxième volet du critère, la SAR a conclu qu’il ne serait pas objectivement déraisonnable pour le demandeur de s’installer dans un nouvel endroit.

[7] La SAR a jugé que la taille physique de l’endroit proposé comme PRI et sa distance par rapport à Sialkot étaient des facteurs à examiner selon une approche contextuelle pour apprécier la viabilité d’une PRI. Elle a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en tenant compte du fait que les endroits proposés comme PRI offriraient au demandeur un certain anonymat, vu leur taille et leur distance de Sialkot.

[8] La SAR a rejeté l’argument du demandeur voulant que la simple présence du TTP dans la province où se trouvait l’endroit proposé comme PRI signifiait que le groupe avait la capacité et les moyens de le retrouver. Elle a conclu qu’aucun élément de preuve dans le cartable national de documentation [le CND] n’appuyait cette affirmation.

[9] La SAR a aussi rejeté l’argument du demandeur voulant que le groupe avait les moyens et le désir de le chercher longtemps, parce que le TTP l’avait retrouvé à deux reprises à Sialkot. Elle a conclu que le demandeur ne se cachait pas à Sialkot et qu’aucun élément de preuve n’indiquait que le TTP pourrait le retrouver trois ans plus tard, dans une autre ville située à des centaines de kilomètres, que ce soit à Hyderabad ou à Islamabad. Elle a également conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que le TTP était le parti qui avait communiqué avec le frère du demandeur en juillet 2018 ou qui avait accosté l’épouse de ce dernier en juillet 2019.

[10] La SAR a jugé que la SPR avait eu raison de conclure qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté pour établir que la police ou un organisme d’application de la loi collaborait avec le TTP, dans le but de causer un préjudice au demandeur. La SAR a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que la police avait parlé au TTP de la plainte déposée par le demandeur en 2016, au sujet de l’extorsion, ou que la police donnerait au TTP l’accès au système d’enregistrement des locataires, afin de trouver le demandeur s’il s’installait dans l’un des endroits proposés comme PRI.

[11] La SAR a également conclu que le profil du demandeur n’inciterait pas le TTP à le rechercher. Elle a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans son appréciation de la perception des gens quant à la richesse du demandeur. Il n’y avait aucun élément de preuve qui démontrait que le TTP saurait que le demandeur était retourné au Pakistan s’il s’installait dans l’un des endroits proposés comme PRI. La SAR a partagé le point de vue de la SPR selon lequel le CND fournissait peu de renseignements indiquant que le TTP lançait des recherches à long terme et retrouvait des personnes dont le profil était semblable à celui du demandeur. La SAR a conclu que le demandeur n’était pas devenu notable au point de demeurer une cible du fait qu’il avait offert un don à l’imambargah.

[12] La SAR a également jugé que la SPR n’avait pas commis d’erreur en concluant que le demandeur pouvait vivre de façon relativement sûre en tant que musulman chiite dans l’une des villes proposées comme PRI. La SAR a renvoyé au CND, daté d’avril 2021, dans lequel il est mentionné que, même si les musulmans chiites font face à de la violence sectaire au Pakistan, cette violence diminue d’une année à l’autre. Elle a conclu que la situation particulière du demandeur ne justifiait pas une protection, même si la violence sectaire touchait tous les musulmans chiites au Pakistan.

IV. La question en litige et mon analyse

[13] Le demandeur soutient que la SAR a commis des erreurs susceptibles de contrôle en n’analysant pas correctement son profil à la lumière des incidents dont il a été victime dans son pays natal. Il soutient également que la SAR a omis d’examiner des éléments de preuve essentiels dont elle disposait qui contredisaient les conclusions qu’elle a tirées. Enfin, pour appuyer ses arguments, le demandeur prétend que la décision va à l’encontre des décisions récentes de la SAR et de notre Cour.

[14] Les deux parties soutiennent, et je suis d’accord avec elles, que la norme de contrôle applicable aux trois questions en litige est la décision raisonnable, tel qu’il est énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. J’examinerai successivement chacune de ces trois questions.

A. La SAR n’a pas fait défaut d’examiner ou d’analyser raisonnablement le profil du demandeur

[15] Le demandeur allègue que la SAR n’a pas tenu compte de son profil d’homme chiite qui avait été menacé par le TTP et avait tenté à deux reprises d’échapper à ses persécuteurs, sans succès. Le demandeur avait déménagé dans sa ville de Sialkot et dans ses environs, soulignant que sa famille avait également été touchée.

[16] Je ne suis pas de cet avis. La SAR a manifestement examiné le profil complet du demandeur, notamment son identité religieuse, son travail, ses voyages à l’extérieur du pays et sa visite aux États-Unis, à la lumière de la coopération alléguée entre la police et le TTP ainsi que dans le contexte des expériences que sa famille et lui ont vécues, à Sialkot et dans ses environs, avec le TTP.

[17] La SAR a finalement apprécié tous ces facteurs subjectifs ayant une incidence sur la capacité du demandeur de s’installer dans l’un des endroits proposés comme PRI par la SPR, et d’y vivre en toute sécurité. La SAR a raisonnablement conclu, d’après tous les documents et témoignages présentés, qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour tirer une autre conclusion. La décision de 20 pages comportait un examen détaillé de la situation passée et actuelle de son épouse ainsi que de ses enfants, qui ont toujours vécu en sécurité. Les enfants ont continué de fréquenter l’école. Ils n’ont jamais subi de préjudice, que ce soit avant ou dans les années qui ont suivi l’extorsion dont a été victime le demandeur.

[18] En ce qui concerne les endroits proposés comme PRI, à la lumière du profil du demandeur, la SAR divergeait d’opinion quant à l’existence d’éléments de preuve qui semblaient étayer que, même si le TTP s’intéressait toujours au demandeur après toutes ces années, il aurait l’intérêt ou la capacité de le poursuivre dans l’une ou l’autre des deux grandes villes situées à des centaines de kilomètres. Elle divergeait également d’opinion quant à l’existence d’éléments de preuve démontrant que le TTP pourrait retrouver le demandeur en accédant au système d’enregistrement des locataires ou en utilisant éventuellement les médias sociaux. La SAR a également souligné que, de toute façon, il n’existait pas de droit fondamental à l’utilisation des médias sociaux et que le demandeur pouvait prendre des mesures pour assurer la confidentialité de ses renseignements, s’il décidait néanmoins d’utiliser les médias sociaux.

[19] Je conclus que l’analyse de la SAR ne comporte aucune lacune, à plus forte raison, elle ne comporte pas d’erreur. Le demandeur conteste plutôt le résultat et la manière dont la SAR a apprécié la preuve, ce qui mène au deuxième motif d’erreur allégué par le demandeur, à savoir, l’omission d’examiner des éléments de preuve essentiels.

B. La SAR n’a pas omis d’examiner et d’apprécier raisonnablement des éléments de preuve essentiels

[20] Le demandeur affirme que la SAR a négligé des éléments de preuve essentiels concernant le risque permanent auquel il était exposé dans les PRI du fait que le TTP l’avait pris pour cible, de l’immense influence qu’exerçait le TTP partout au Pakistan et des liens qu’il entretenait avec d’autres organisations terroristes.

[21] Encore une fois, je conclus que la SAR a effectué une analyse exhaustive sur ce point et qu’elle a tenu compte du CND le plus récent. La SAR a mentionné des points de vue nuancés tirés de divers articles de premier plan de partout dans le monde, et publiés peu de temps avant l’audience, sur la situation actuelle au Pakistan vis-à-vis du TTP et des groupes terroristes associés. Ces articles comprennent des sources d’organisations humanitaires internationales et gouvernementales crédibles, comme le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Bureau européen d’appui en matière d’asile, le Département d’État des États-Unis, le Home Office du Royaume-Uni, le ministère des Affaires étrangères de l’Australie, ainsi que plusieurs réponses de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié aux demandes d’information, et des sources de diverses organisations non gouvernementales bien connues et de médias réputés.

[22] Je ne suis pas d’avis que la SAR a négligé des éléments de preuve. La SAR a reconnu que le TTP et des organisations terroristes semblables au Pakistan représentaient des risques, mais a souligné que les attaques de ces dernières années ont été plus notables dans la province du Sind, avec une grande partie de l’activité concentrée à Karachi et, même là, la situation s’est améliorée dans les dernières années.

[23] Selon les décisions de la Cour et l’arrêt Vavilov¸ il est clair que la SAR n’est pas tenue de mentionner chacun des documents qui lui ont été présentés. En l’espèce, la SAR renvoie à la même réponse à la demande d’information qui, selon le demandeur, n’a pas été prise en compte dans la décision. Je n’accorde pas foi à l’argument selon lequel la SAR n’a pas examiné des éléments de preuve pertinents sur les conditions dans le pays. En fait, le dossier et les documents comptaient des centaines de pages. Je fais remarquer que les liens contenus dans le CND à jour et ceux antérieurs présentés à la SAR menaient à des centaines de pages supplémentaires. Dans ses motifs, la SAR a cité abondamment un large éventail de documents qui faisaient état des risques qui existaient et des atrocités commises par l’organisation en cause au Pakistan. Cependant, la SAR a raisonnablement tiré la conclusion suivante, en décrivant adéquatement, à mon avis, les documents auxquels elle ne pouvait pas, et ne devait pas nécessairement, renvoyer explicitement (les renvois à divers rapports, même ceux figurant dans ce paragraphe de conclusion, sont omis) :

Un certain nombre des articles présentés par l’appelant appuient de façon convaincante ou précise ses allégations. Certains des articles expliquent le contexte général de la violence sectaire ou l’envisagent dans une perspective historique. Un certain nombre d’articles portent sur de récents incidents à Karachi ou sur les problèmes généraux touchant les services de police au Pakistan. J’estime que ces articles ne fournissent pas d’éléments de preuve convaincants pour ce qui est d’établir que l’appelant est exposé à une possibilité sérieuse de persécution dans les endroits proposés comme PRI.

C. La jurisprudence n’a pas été négligée

[24] Le demandeur a renvoyé à douze décisions de la SAR, datant de 2016 à 2021, dans lesquelles elle examine des questions comme la situation des musulmans chiites au Pakistan, l’influence du TTP dans ce pays, l’absence d’une PRI pour les personnes persécutées par le TTP là-bas ainsi que les liens entre les groupes extrémistes et les services des renseignements policiers ou militaires. Dans ces affaires, les décisions de la SPR ont été annulées relativement à des musulmans chiites du Pakistan.

[25] Quant à l’approche adoptée par le demandeur, j’ai des réserves à la fois sur l’aspect procédural et l’aspect de fond qui m’amènent à conclure que la décision en l’espèce était raisonnable, sans que l’issue soit pour autant la même que dans le cas de ces décisions antérieures.

[26] Tout d’abord, même si je comprends que le demandeur n’a pas été représenté par le même avocat ou conseil devant la SPR, la SAR, puis devant notre Cour dans le présent contrôle judiciaire, je souligne que, dans l’appel de la décision de la SPR, ces décisions antérieures de la SAR n’ont pas été invoquées. La Cour a souligné à plusieurs reprises que les arguments devraient être soulevés devant la SAR afin qu’ils puissent servir de fondement au contrôle judiciaire (Essel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1025 au para 10) et que les affaires antérieures n’étaient pas des éléments de preuve (Mansour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 846 au para 26).

[27] En ce qui concerne le fond de l’argument, à savoir que la Cour devrait s’en tenir à l’issue de ces affaires en raison des conditions dans le pays mentionnées par le demandeur, j’accepte en effet le fait que de nombreux appels interjetés à la SAR ont abouti à l’annulation de décisions de la SPR concernant les PRI pour les chiites qui étaient menacés au Pakistan, notamment dans les deux villes proposées en l’espèce.

[28] Cependant, je souligne également que de nombreuses décisions, qui n’ont pas présentées à la Cour par les avocats, concernant ces mêmes PRI pour les musulmans chiites, ont été confirmées à la fois par la SAR et par notre Cour, notamment Nawaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 306, Ui Haq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 95, et Shah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 729.

[29] Ainsi, la jurisprudence, qu’elle soit établie par la Cour ou les tribunaux, n’est pas unanime quant au sort des demandeurs d’asile chiites qui ont été ciblés par le TTP ou des groupes apparentés au Pakistan.

[30] En outre, il est important de souligner que les affaires d’immigration, comme les décisions administratives, reposent largement sur les faits. Comme il est précisé dans l’arrêt Vavilov, « ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen [...] Le fait que ces contraintes d’ordre contextuel imposées au décideur administratif puissent varier d’une décision à l’autre ne pose pas problème pour la norme de la décision raisonnable parce que chaque décision doit être à la fois justifiée par l’organisme administratif et évaluée par la cour de révision en fonction de son propre contexte particulier » (Vavilov, au para 90).

[31] Étant donné que toutes les demandes d’asile découlent de situations personnelles uniques, elles doivent toujours être appréciées dans leur contexte particulier. Lorsqu’un décideur fait défaut de le faire en négligeant des éléments de preuve clés, en commettant une erreur à l’égard du fondement factuel ou en appliquant le droit à ces faits – pour ne mentionner que trois erreurs susceptibles de contrôle que commettent parfois les décideurs – la décision sera déraisonnable. La Cour a récemment confirmé, dans la décision Qayyem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 601 au para 20, que le droit administratif canadien ne reconnaissait pas l’incohérence des décisions d’un tribunal comme motif autonome de contrôle judiciaire.

[32] Donc, l’élément primordial que la cour de révision doit garder à l’esprit lors du contrôle judiciaire d’une décision administrative, c’est l’examen des « motifs du décideur en fonction de l’historique et du contexte de l’instance dans laquelle ils ont été rendus. Elle peut considérer, par exemple, la preuve dont disposait le décideur, les observations des parties, les politiques ou lignes directrices accessibles au public dont a tenu compte le décideur et les décisions antérieures de l’organisme administratif en question » (Vavilov, au para 94).

[33] Dans bon nombre des affaires invoquées par le demandeur, des faits qui ne sont pas présents en l’espèce ont été soulevés, notamment dans l’affaire Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 93, où le demandeur avait des enfants nés au Canada. On peut en dire autant de l’affaire Abbas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1576 [Abbas], invoquée également par le demandeur, dans laquelle l’accent avait aussi été mis sur la vulnérabilité de membres de la famille (dans ce cas, ceux qui vivaient déjà dans l’endroit proposé comme PRI). Je souligne que l’affaire Abbas avait été présentée à la SAR et que celle-ci avait expressément examiné cet élément et établi une distinction à cet égard dans ses motifs.

[34] Pourtant, d’autres affaires sur lesquelles se fonde le demandeur pour expliquer les conditions du pays se situaient à une autre époque, sans compter les circonstances qui étaient différentes (à savoir Jafri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 736; Shabbir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 480; et Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1773).

[35] Enfin, je souligne que le demandeur se fonde sur les arrêts Vavilov, aux paragraphes 129 à 132, et Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 130 au para 134 [Brown], pour affirmer que la SAR s’est écartée de ses propres décisions antérieures. Cet argument pose deux problèmes. Premièrement, l’arrêt Brown s’inscrivait dans le contexte de décisions antérieures portant sur la détention en matière d’immigration et impliquant le même demandeur, et non dans le contexte d’une cohérence entre des demandeurs du même pays. Au paragraphe 133 de l’arrêt Brown on y lit :

Les commissaires de la SI sont contraints par la Loi et leur serment de tenir compte des circonstances propres à chaque personne dont la détention ou la liberté est en jeu, de façon impartiale et avec ouverture d’esprit. Chaque commissaire est tenu d’entreprendre sa propre évaluation indépendante des éléments qui militent pour et contre la détention. [...]

[Non souligné dans l’original.]

[36] Deuxièmement, je fais remarquer que l’avocat du demandeur a soulevé récemment cet argument dans la décision Vanam v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 FC 1457. Je souscris aux motifs de la juge Furlanetto énoncés au paragraphe 23, où elle déclare que [traduction] « les décisions antérieures relatives à la PRI auxquelles le demandeur a renvoyé portaient sur des faits différents et qu’il ne s’agissait pas de décisions imposant à la SAR le fardeau d’expliquer les motifs pour lesquels elle s’était écartée de ses décisions antérieures : Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 130 au para 134 ».

[37] Comme je l’ai mentionné à l’audience, l’avocat du demandeur a fait un travail admirable, compte tenu des circonstances, et il faut lui rendre hommage pour les efforts qu’il a déployés au nom du demandeur, malgré le résultat.

V. Conclusion

[38] Je conclus que la décision de la SAR – portant que le demandeur n’a pas établi, d’après les faits propres à son affaire, qu’il avait qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger – est raisonnable, à la lumière de l’ensemble des faits et des éléments de preuve présentés à la SPR, en première instance, et à la SAR. Le demandeur n’a pas non plus convaincu la Cour que les décisions antérieures de notre Cour et celles de la SAR traduisaient des erreurs susceptibles de contrôle en l’espèce. Pour les motifs expliqués précédemment, cet argument ne peut être retenu. Par conséquent, la demande sera rejetée.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-6380-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.
  2. Aucune question n’a été soumise aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Lyne Paquette, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6380-21

 

INTITULÉ :

X SAMI-ULLAH (ALIAS FNU SAMI-ULLAH) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 NOVEMBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :


LE 9 NOVEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Yasin Ahmed Razak

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Catherine Vasilaros

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Razak Law

Avocats

Etobicoke (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.