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Date : 20221125


Dossier : IMM-5892-20

Référence : 2022 CF 1616

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE

TAMBI BENICE NKWO ET

NALEAH-DAPHINE MESAME ALOBWEDE

REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE,

TAMBI BENICE NKWO

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature de l’affaire

[1] Les demanderesses, Tambi Benice Nkwo [la demanderesse principale ou la DP] et son enfant [la demanderesse mineure], sollicitent le contrôle judiciaire, au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision datée du 19 mars 2020 [la décision contestée] par laquelle un agent principal [l’agent] a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi [la demande d’ERAR] qui avait été présentée par les demanderesses.

[2] Les deux parties conviennent que la décision contestée est déraisonnable. En l’espèce, la seule question en litige est celle relative à la mesure de redressement appropriée. Les demanderesses sollicitent le prononcé d’un verdict imposé portant qu’elles ont la qualité de réfugiées au sens de la Convention et/ou celle de personnes à protéger. Subsidiairement, les demanderesses demandent à la Cour de renvoyer l’affaire à un autre agent qui aurait comme directive de se pencher sur la seule question en litige qu’il reste à trancher, soit celle de savoir si elles sont exposées à un risque de persécution au Cameroun en tant que personnes dans une situation similaire à celle des membres de la communauté LGBTQ, du fait que la demanderesse principale est une femme bisexuelle. Le défendeur soutient que l’affaire devrait simplement être renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

[3] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

II. Le contexte

[4] La DP, une femme de 27 ans, et la demanderesse mineure sont des citoyennes camerounaises.

[5] Le 26 novembre 2015, la DP a obtenu un visa de résident permanent au Canada à titre d’enfant à charge. Avant la délivrance du visa de résident permanent, la DP s’est mariée. La DP n’a informé les autorités canadiennes du changement quant à son état matrimonial qu’à son arrivée au Canada en février 2016.

[6] Le 17 octobre 2016, la Section de l’immigration [la SI] a conclu que la DP était interdite de territoire au Canada pour fausses déclarations et elle a pris une mesure d’exclusion contre elle. Le 6 septembre 2018, la Section d’appel de l’immigration [la SAI] a rejeté l’appel de la DP.

[7] Le 18 juin 2019, la DP a présenté une demande d’ERAR. La DP craint d’être persécutée au Cameroun en raison de sa bisexualité. Elle allègue que son mari a menacé d’informer les autorités camerounaises de son orientation sexuelle. La DP a également peur d’un inconnu qui, par l’entremise des réseaux sociaux, a menacé de la tuer si elle retournait au Cameroun.

[8] L’agent a rejeté la demande d’ERAR après avoir reconnu la bisexualité de la DP et le fait que la preuve documentaire sur la situation dans le pays fait état de graves violations des droits des personnes LGBTQ. Cependant, l’agent a conclu que la DP n’avait pas établi qu’elle était exposée à un risque prospectif et personnel de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou de peines cruels et inusités au Cameroun. L’agent a indiqué que seuls les éléments de preuve postérieurs à la décision de la SAI pouvaient être pris en compte.

[9] Les parties conviennent que la décision contestée est déraisonnable et que celle-ci devrait être annulée. L’agent a appliqué le mauvais critère juridique en ce qui a trait au risque : il a exigé que les demanderesses établissent un risque personnel de persécution, plutôt que d’évaluer la persécution subie par des personnes se trouvant dans une situation similaire à la leur au Cameroun. L’agent a également appliqué le mauvais critère en ce qui concerne la nouvelle preuve au titre de l’alinéa 113a) de la LIPR.

[10] Les parties ne sont pas arrivées à s’entendre sur la mesure de redressement qui serait appropriée en l’espèce. Le 28 janvier 2021, le défendeur a signifié et déposé une requête en jugement, en faisant valoir que la mesure de redressement appropriée consistait à renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision. Les demanderesses n’étaient pas de cet avis. Le 17 février 2021, le juge Southcott a rejeté la requête du défendeur au motif que la mesure de redressement appropriée demeurait une question litigieuse entre les parties qui s’avère préférable d’examiner dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

III. Les questions en litige et la norme de contrôle

[11] La seule question en litige dans la présente affaire est celle de savoir si la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder l’une ou l’autre des mesures de redressement demandées par les demanderesses, à savoir :

  1. Un verdict imposé portant qu’elles ont la qualité de réfugiées au sens de la Convention et/ou celle de personnes à protéger, ou subsidiairement;

  2. Une ordonnance renvoyant l’affaire à un autre agent qui aurait comme directive de se pencher sur la seule question encore en litige, soit celle de savoir si les demanderesses sont exposées à un risque de persécution au Cameroun en tant que personnes dans une situation similaire à celle des membres de la communauté LGBTQ, du fait que la DP est une femme bisexuelle.

[12] Compte tenu de la nature de la question en litige, aucune norme de contrôle n’est applicable.

IV. Analyse

A. La Cour devrait-elle rendre un verdict imposé déclarant que les demanderesses ont la qualité de réfugiées au sens de la Convention et/ou celle de personnes à protéger?

(1) Les observations des demanderesses

[13] La cour de révision a le pouvoir discrétionnaire de rendre un verdict imposé dans les cas où, comme en l’espèce, il ne servirait à rien de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 142 [Vavilov]). En appliquant raisonnablement le droit de la protection des réfugiés aux faits, tels qu’ils sont établis par la preuve, la seule conclusion que la Cour peut tirer est celle selon laquelle les demanderesses répondent aux définitions énoncées aux articles 96 et 97 de la LIPR (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Tennant, 2019 CAF 206 au para 72 [Tennant].

[14] L’agent a reconnu que la DP est bisexuelle, que le pays d’origine de cette dernière est le Cameroun, que les relations homosexuelles sont criminalisées au Cameroun et que les personnes de la communauté LGTBQ sont exposées à de graves violations des droits de la personne au Cameroun. Il ressort de ces constatations que la DP répond à la définition de réfugié au sens de la Convention (Salibian c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 CF 250 aux para 256-58, [1990] ACF no 454 (CA)). Ainsi, renvoyer l’affaire à un autre agent chargé de l’ERAR pour nouvelle décision ne servirait à rien et ne répondrait pas à l’objectif d’assurer une prise de décision à la fois rapide et économique qui est la raison d’être des tribunaux administratifs.

[15] Il existe une preuve suffisante pour traiter des aspects de l’ERAR que l’agent n’a pas explicitement abordés dans la décision contestée, tels que la protection offerte par l’État, la viabilité d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] ou le risque de persécution auquel la demanderesse mineure est exposée. La preuve que l’agent a exclue à tort de l’ERAR en raison d’une mauvaise interprétation de l’alinéa 113a) de la LIPR n’est pas suffisamment déterminante pour nécessiter un nouvel examen de l’ensemble de la demande.

[16] Les demanderesses reconnaissent que la Cour a refusé de rendre des verdicts imposés dans des affaires où la crédibilité est en litige. Cependant, aucune réserve en matière de crédibilité n’a été soulevée en ce qui concerne l’orientation sexuelle et l’identité nationale de la DP, ou la preuve d’un risque objectif pour la communauté LGBTQ.

[17] Enfin, certains autres facteurs justifient l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire de rendre un verdict imposé. Ces facteurs comprennent les préoccupations concernant les délais, l’équité envers les parties, la nature du régime réglementaire donné, la possibilité réelle ou non pour le décideur administratif de se pencher sur la question en litige, et l’utilisation efficace des ressources publiques (Vavilov, au para 142).

(2) Les observations du défendeur

[18] Il est nécessaire de renvoyer l’affaire pour nouvelle décision. Il y a beaucoup d’éléments de preuve à soupeser et à évaluer, et l’issue n’est pas inévitable. Un verdict imposé est une mesure de redressement que l’on décourage en règle générale, car cela « amène à se demander si [la Cour] n’accomplit pas indirectement ce qu’elle n’est pas autorisée à faire directement […] » (Li c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 548 aux para 36-37 [Li]).

[19] L’ERAR s’avère un exercice d’un pouvoir intrinsèquement discrétionnaire qui repose sur l’appréciation des éléments de preuve. Le résultat de cette appréciation ne s’impose pas comme une évidence, en particulier lorsqu’un agent fonde son examen sur de mauvais critères juridiques. La Cour s’est montrée réticente à rendre des verdicts imposés dans le contexte d’un ERAR (Cheema c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1055 aux para 57-59).

[20] En raison d’une mauvaise interprétation de deux critères juridiques, l’agent n’a pas tenu compte d’éléments de preuve potentiellement pertinents. Bien que les demanderesses affirment qu’il n’y a pas de preuve permettant de remettre en question la conclusion selon laquelle la DP est bisexuelle, il appartiendra au nouvel agent de trancher cette question.

[21] En outre, un verdict imposé n’est pas approprié dans les cas où les questions en litige sont de nature factuelle, et non pas que dans les cas où celles-ci portent sur la crédibilité (Freeman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1065 aux para 78-81). Par conséquent, un verdict imposé n’est pas approprié dans la présente affaire, car les éléments de preuve personnels et documentaires doivent être appréciés dans leur ensemble par l’agent chargé de l’ERAR. De plus, l’agent a formulé de nombreuses réserves quant à la crédibilité de la preuve par les demanderesses, ce qui vient renforcer le fait qu’un verdict imposé ne convient pas dans les circonstances.

[22] C’est le nouvel agent qui se penchera sur l’affirmation des demanderesses selon laquelle la preuve est suffisante pour que les questions de la protection offerte par l’État et de la viabilité d’une PRI, ainsi que d’autres questions relatives à l’ERAR dont l’agent n’a pas expressément traité, soient abordées.

[23] Les demanderesses font erreur en s’appuyant sur l’arrêt Tennant. Ce dernier porte sur la question de savoir si la décision de la Cour de substituer une décision et d’ordonner une mesure de réparation qui consistait à déclarer que le demandeur était un citoyen canadien s’avérait une erreur de compétence. La Cour d’appel fédérale a conclu que la décision de substitution relevait de la compétence de la Cour et qu’elle n’était donc pas susceptible d’appel. La Cour a expressément relevé que les demandes en vue d’obtenir un verdict imposé « ne devraient être accordées que dans des situations exceptionnelles » (au para 90).

[24] Enfin, les facteurs relatifs aux « préoccupations concernant les délais » et à « la possibilité réelle ou non pour le décideur administratif de se pencher sur la question en litige » ne pèsent pas en la faveur du prononcé d’un verdict imposé. Il n’y a pas eu de délai injustifié en l’espèce. La Cour a refusé de rendre un verdict imposé dans le cadre d’une troisième demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision visant une demande d’ERAR (Cekaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 661). De plus, l’agent n’a pas expressément eu l’occasion de se pencher sur la question de savoir si la DP est exposée à un risque de persécution, puisqu’il a apprécié la preuve en fonction du mauvais critère juridique.

(3) Conclusion

[25] Je suis d’accord avec le défendeur. Un verdict imposé n’est pas approprié dans les circonstances.

[26] Le pouvoir qu’a la Cour de rendre un verdict imposé découle du libellé de l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (Li, au para 36). Les parties ont correctement énoncé les principes généraux qui régissent les circonstances dans lesquelles la Cour peut ordonner la mesure de réparation extraordinaire que constitue un verdict imposé. Mon examen de la jurisprudence repose sur les faits et les circonstances de chaque affaire et, à mon avis, les faits et les circonstances en l’espèce ne permettent pas à la Cour de conclure qu’il n’existe qu’une seule issue raisonnable (Canada (Procureur général) c Allard, 2018 CAF 85 au para 45; Nosistel c Canada (Procureur général), 2018 CF 618 au para 57 [Nosistel]).

[27] Les demandes d’ERAR sont « axées sur les faits qui impliquent la pondération des éléments de preuve et l’expertise d’un agent dans l’évaluation des risques » (Yang c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 496 au para 14). La Cour s’est d’ailleurs montrée très hésitante à rendre un verdict imposé lorsque des questions de fait s’avèrent importantes pour la décision à rendre et il en va ainsi en ce qui concerne l’appréciation des preuves (Nosistel, au para 56; McIlvenna c Banque de Nouvelle-Écosse (Banque Scotia), 2017 CF 699 au para 62; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 757 au para 53; Xin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1339 au para 6; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Yansane, 2017 CAF 48 au para 18 [Yansane]). Je ne vois aucune raison de m’écarter de cette jurisprudence. Cela est d’autant plus vrai que l’agent a exclu à tort des éléments de preuve potentiellement pertinents de son évaluation et qu’il a apprécié les éléments de preuve présentés par les demanderesses sous l’angle du mauvais critère juridique relatif au risque de persécution. Un nouvel agent doit tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve, évaluer leur crédibilité et leur poids, et établir si les demanderesses ont démontré qu’elles sont exposées à un risque au Cameroun, et ce, selon les paramètres des critères juridiques appropriés.

[28] De plus, l’agent n’a pas évalué plusieurs facteurs pertinents quant à la question de savoir si une personne est un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger, notamment la protection offerte par l’État, la viabilité d’une PRI et l’existence d’un risque prospectif. L’agent ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si la demanderesse mineure était exposée à un risque de persécution eu égard aux allégations de la DP. Bien que les demanderesses soutiennent que rien dans le dossier n’empêche qu’une décision favorable soit rendue à l’issue de l’ERAR et que les éléments de preuve sont suffisants pour traiter des aspects de l’ERAR que l’agent n’a pas expressément abordés, il n’incombe pas à la Cour d’apprécier la preuve et d’établir si les demanderesses répondent à la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger.

[29] L’analyse ci-dessus est particulièrement pertinente dans la mesure où les demanderesses se sont appuyé sur le fait que l’agent a reconnu la bisexualité de la DP pour affirmer qu’elles ne bénéficiaient d’aucune protection de l’État et qu’elles ne disposaient pas d’une PRI viable au Cameroun. Dans le cadre d’un nouvel examen, il est tout à fait possible qu’une appréciation raisonnable de la preuve au dossier, y compris des éléments de preuve exclus à tort par l’agent, permette de conclure que l’allégation de bisexualité de la DP n’est pas établie de manière crédible. En outre, la preuve n’est pas aussi simple que le laissent entendre les demanderesses. La décision de l’agent fait état de nombreuses réserves quant à la preuve des demanderesses, dont certaines sont directement liées à la crédibilité de l’orientation sexuelle de la DP. Cependant, afin de ne pas influencer le nouveau décideur, je ne m’étendrai pas sur ces questions. Qu’il suffise de dire que les circonstances de l’espèce sont telles qu’aucune issue particulière n’est inévitable.

[30] Une nouvelle décision relativement à la demande d’ERAR présentée par les demanderesses emportera nécessairement l’appréciation de l’ensemble des éléments de preuve et la prise en compte de nombreux facteurs que l’agent n’a pas analysés. De plus, le fait que l’agent ait admis certains faits n’empêche pas un autre agent d’arriver à une conclusion différente lors du réexamen. En l’espèce, il s’agit de trancher des questions de nature factuelle et des questions en matière de crédibilité, ainsi que d’apprécier les éléments de preuve au dossier. Un tel exercice doit être effectué par un agent chargé de l’ERAR qui possède l’expertise nécessaire en matière d’évaluation des risques, conformément à l’intention du législateur. Par conséquent, il serait inapproprié que la Cour rende un verdict imposé portant que les demanderesses ont la qualité de réfugiées au sens de la Convention ou celle de personne à protéger.

B. La Cour devrait-elle renvoyer l’affaire à un autre agent qui aurait comme directive de se pencher sur la seule question encore en litige, soit celle de savoir si les demanderesses sont exposées à un risque de persécution au Cameroun en tant que personnes dans une situation similaire à celle des membres de la communauté LGBTQ, du fait que la DP est une femme bisexuelle?

(1) Les observations des demanderesses

[31] Subsidiairement, les demanderesses demandent à la Cour d’indiquer au nouvel agent chargé du réexamen que la seule question encore en litige est celle de savoir si elles sont exposées à un risque de persécution au Cameroun en tant que personnes dans une situation similaire à celle des membres de la communauté LGBTQ, du fait que la DP est une femme bisexuelle. Le nouvel agent n’a pas besoin d’aborder à nouveau la question de l’orientation sexuelle de la DP, car l’agent avait reconnu la bisexualité de la DP. Aucune conclusion concernant la crédibilité n’a été tirée quant à cette question et aucune preuve ne soulève de doutes quant au caractère raisonnable de la conclusion de l’agent.

(2) Les observations du défendeur

[32] Bien que l’agent ait reconnu la bisexualité de la DP, ce dernier avait tranché cette question en fonction de l’appréciation d’une partie seulement des éléments de preuve. Un nouvel agent sera mieux placé pour examiner cette question; il pourra tenir compte à la fois des éléments de preuve exclus à tort et de tout nouvel élément de preuve produit dans le cadre du réexamen. Il y a souvent plus d’une façon raisonnable d’interpréter la preuve (Yansane, aux para 18 et 22).

(3) Conclusion

[33] Les observations que j’ai formulées aux paragraphes 27 à 30 permettent de trancher cette question. Ce n’est pas parce que l’agent a reconnu la bisexualité de la DP qu’un nouvel agent, lorsque ce dernier évaluera l’ensemble de la preuve et appliquera le droit aux faits, conclura que la bisexualité de la DP a été établie de manière crédible. Contrairement à ce qu’affirment les demanderesses, l’agent a relevé des incohérences et des omissions qui soulèvent des doutes quant à la crédibilité des allégations de la DP. Par conséquent, la mesure indiquée dans les circonstances est de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision.

V. Conclusion

[34] Les parties conviennent que la décision contestée est déraisonnable, car elle n’est pas justifiée au regard des contraintes juridiques qui ont une incidence sur celle-ci (Vavilov, au para 105). L’agent a appliqué le mauvais critère juridique relatif aux nouveaux éléments de preuve et le mauvais critère juridique relatif au risque prévu à l’article 96 de la LIPR. Par conséquent, la décision contestée devrait être annulée.

[35] La mesure de redressement indiquée dans les circonstances est de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision.

[36] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé une question à certifier, et je conviens qu’il ne s’en pose aucune en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5892-20

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5892-20

INTITULÉ :

TAMBI BENICE NKWO ET NALEAH-DAPHINE MESAME ALOBWEDE, REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, TAMBI BENICE NKWO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 MAI 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

LE 25 novembre 2022

COMPARUTIONS :

Charlotte Cass

POUR LES DEMANDERESSES

 

Alison Engel-Yan

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Poulton Law Office

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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