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Date : 20221123

Dossier : IMM-13-20

Référence : 2022 CF 1612

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 23 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

ZBIGNIEW SIWAK

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire par laquelle il sollicite l’annulation de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada de révoquer son statut au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention.

[2] Le demandeur soutient que la décision de la SPR datée du 9 décembre 2019 était déraisonnable selon les principes énoncés dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653.

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

I. Contexte

[4] Le demandeur est un citoyen de la Pologne et est d’origine rom. Il a obtenu le statut de réfugié au Canada en janvier 2001.

[5] Le 24 juillet 2012, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a présenté à la SPR, une demande pour faire annuler le statut de réfugié du demandeur au titre de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

[6] Dans sa demande, le ministre allègue que le demandeur a fait des présentations erronées sur des faits importants quant à un objet pertinent pour sa demande d’asile. Le ministre allègue que le demandeur a nié avoir été arrêté, accusé ou déclaré coupable d’une infraction criminelle, ou détenu ou emprisonné à quelque moment que ce soit. Le demandeur n’a pas divulgué qu’il avait été reconnu coupable d’un ou de plusieurs crimes graves de droit commun commis en Pologne et qu’il avait été incarcéré pour ceux-ci.

[7] Finalement, après divers retards, ajournements, questions de procédure et un jugement sur consentement par lequel une décision a été annulée à la demande du ministre, la SPR a accueilli la demande dans une décision datée du 9 décembre 2019 (la décision).

[8] La SPR a conclu que le demandeur avait obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention en raison de présentations erronées sur un fait important, et de réticence sur ce fait, en lien avec l’exclusion en application de l’article 98 de la LIPR et de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention. La SPR a conclu que le demandeur avait commis des crimes graves de droit commun à l’extérieur du Canada.

[9] La SPR a fait référence à un mandat d’arrestation européen, qui visait le demandeur, lancé par la Pologne et daté du 8 décembre 2006, conformément à deux jugements définitifs et exécutoires. Les jugements imposaient une peine d’emprisonnement de quatre ans. Le demandeur n’avait pas encore purgé deux ans et sept mois de la peine imposée.

[10] La SPR a décrit les [traduction] « antécédents criminels » du demandeur comme suit :

[traduction]

1. Le 21 septembre 1991, le [demandeur], alors qu’il purgeait une peine d’emprisonnement de deux ans en vertu d’un jugement antérieur pour une introduction par effraction, a été reconnu coupable de voies de fait et de vol.

2. Le 22 octobre 1991, le [demandeur], ayant déjà été condamné à purger une peine de trois mois d’emprisonnement pour avoir insulté un fonctionnaire dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, a commis des voies de fait sur deux policiers en se servant d’un gaz incapacitant.

3. Le 26 janvier 1993, le [demandeur] s’est vu infliger une peine d’emprisonnement de quatre ans. Durant sa peine, il a reçu une permission de sortir, mais il n’est pas retourné au pénitencier; il est demeuré en fuite.

4. Le mandat contient une ordonnance de condamnation de la cour d’appel de Paznan, qui a maintenu la peine et ordonné au [demandeur] de payer les frais de justice.

[11] Selon la SPR, le demandeur a admis qu’il avait intentionnellement omis de fournir ses antécédents d’activités et de condamnations criminelles à Citoyenneté et Immigration Canada et au tribunal de la SPR qui a accueilli sa demande d’asile.

[12] La SPR a fait référence aux positions des parties, à la disposition sur le vol qualifié de l’article 344 du Code criminel et à des passages tirés de Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68, [2014] 3 RCS 431 et de Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404, [2009] 4 RCF 164 qui exposent l’analyse pour déterminer si un demandeur a commis des crimes « graves » de droit commun. La SPR a fait savoir qu’elle avait [traduction] « examiné les éléments constitutifs de l’infraction de vol qualifié, le mode de poursuite et la peine infligée ainsi que les facteurs atténuants et aggravants ».

[13] La SPR a conclu que les faits n’appuyaient pas les observations du demandeur qui indiquaient que le système de justice en Pologne était discriminatoire à l’égard des personnes d’origine rom et que le demandeur avait été condamné à tort de vol qualifié. Il n’y avait aucune preuve convaincante qui permettait de croire que la déclaration de culpabilité n’était pas justifiée ou que la durée de la peine d’emprisonnement était plus longue que ce qu’elle aurait été si le demandeur n’avait pas été un Rom.

[14] La SPR n’a pas tenu compte de la preuve fournie par le demandeur au sujet de la maltraitance ou de la violence subie en prison ni des problèmes de santé qui sont apparus par la suite alors qu’il était au Canada, puisque cette preuve ne [traduction] « porte pas sur la perpétration des actes criminels, tel que l’exige Febles afin de trancher une demande d’annulation ».

[15] La SPR était convaincue que le ministre avait satisfait à la norme de preuve applicable pour établir qu’il y avait des motifs sérieux de penser que le demandeur avait commis des crimes graves de droit commun avant de venir au Canada et qu’il avait intentionnellement dissimulé cette preuve au moment de demander l’asile. Si le demandeur n’avait pas fait preuve de réticence sur ces faits importants quant à ses antécédents criminels et à ses condamnations, le tribunal lors de première audience, chargé d’instruire la demande d’asile, aurait conclu qu’il avait commis des crimes graves de droit commun en Pologne et qu’il était exclu de la protection des réfugiés au titre de l’article 98 de la LIPR et de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention.

[16] Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SPR.

II. Norme de contrôle

[17] Les deux parties ont correctement énoncé dans leurs observations que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable consiste en une évaluation empreinte de déférence et rigoureuse qui vise à établir si une décision administrative est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 12-13 et 15. Les motifs fournis par le décideur constituent le point de départ, et ils doivent être interprétés de façon globale et contextuelle, et lus en corrélation avec le dossier dont disposait le décideur : Vavilov, aux para 91-96, 97 et 103; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 aux para 28-33. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, en particulier aux para 85, 99, 101, 105-106 et 194.

III. Analyse

[18] Le demandeur soulève diverses contestations au sujet du caractère raisonnable de la décision que j’examinerai tour à tour.


 

A. Allégation de non-respect des arrêts Febles et Jayasekara

[19] Le demandeur affirme que la SPR n’a pas respecté les exigences énoncées dans Febles et dans Jayasekara. Précisément, il soutient que la SPR n’a pas réalisé une évaluation « contextuelle » des circonstances entourant ses déclarations de culpabilité en Pologne. Selon le demandeur, une évaluation ainsi réalisée mènerait à la conclusion que son infraction n’était pas « grave » pour l’application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention.

[20] Le demandeur se fonde sur le passage suivant de la décision rendue par la Cour suprême au paragraphe 62 de l’arrêt Febles :

[62] Dans les arrêts Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.), et Jayasekara, la Cour d’appel fédérale s’est dite d’avis que le crime est généralement considéré comme grave lorsqu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été commis au Canada. C’est aussi mon avis. Toutefois, il ne faut pas voir dans cette généralisation une présomption rigide qu’il est impossible de réfuter. Lorsqu’une disposition du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-46, prévoit un large éventail de peines, qui vont d’une peine relativement légère jusqu’à une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement, on ne saurait exclure de façon présomptive un demandeur qui serait condamné au Canada à une peine parmi les plus légères. L’article 1Fb) vise à n’exclure que les personnes qui ont commis des crimes graves. Le HCR a indiqué qu’une présomption de crime grave pourrait découler de la preuve de la perpétration des infractions suivantes : l’homicide, le viol, l’attentat à la pudeur d’un enfant, les coups et blessures, le crime d’incendie, le trafic de drogues et le vol qualifié (Goodwin-Gill et McAdams, p. 179). Il s’agit là d’exemples valables de crimes suffisamment graves pour justifier de façon présomptive l’exclusion de la protection offerte aux réfugiés. Toutefois, je le rappelle, la présomption peut être réfutée dans un cas donné. Le fait qu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été perpétré au Canada s’avère un guide utile, et les crimes qui, au Canada, rendent leur auteur passible d’une peine maximale d’au moins dix ans seront en général suffisamment graves pour justifier l’exclusion, mais il ne faudrait pas appliquer la règle des dix ans machinalement, sans tenir compte du contexte ou de manière injuste.

[Non souligné dans l’original.]

[21] La position du demandeur est qu’il fallait tenir compte des circonstances dans lesquelles le crime avait été perpétré au moment d’évaluer si celui-ci était « grave ». Le demandeur affirme que, dans la présente affaire, la SPR devait réaliser une analyse complète de son témoignage devant la SPR (dans lequel figurait son affirmation selon laquelle la police avait inventé son implication dans le vol qualifié), de la preuve relative aux conditions dans le pays au sujet de la discrimination systémique par la police polonaise à l’encontre des personnes rom, et de la preuve médicale et de celle sur son état de santé compatibles avec ses allégations de mauvais traitement par les autorités durant son incarcération.

[22] Le demandeur soutient aussi que, contrairement à ce qu’énonce Febles, l’approche de la SPR dans sa décision était machinale en ce qui a trait aux facteurs entourant la condamnation, en particulier la présomption de gravité qui peut s’appliquer à une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, emporterait une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement.

[23] La position du défendeur est que la SPR a correctement appliqué les exigences énoncées dans Febles et dans Jayasekara et que le demandeur cherchait à remettre en litige les déclarations de culpabilité polonaises. Le défendeur affirme que la SPR a examiné et rejeté les observations du demandeur au sujet de la discrimination à l’encontre des personnes rom et que la SPR a respecté Febles en refusant de prendre en considération certains éléments de preuve qui sont postérieurs ou qui n’ont pas de lien avec la perpétration de l’infraction. Le défendeur souligne que, dans Febles, les coups et blessures et le vol qualifié sont expressément énumérés à titre d’exemples de crimes « graves » pour l’application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention.

[24] Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincu que la décision comporte une erreur susceptible de contrôle.

[25] En ce qui a trait à l’allégation du demandeur au sujet de l’approche « machinale » de la SPR, la décision de la SPR reconnaît expressément que la [traduction] « Cour suprême du Canada a fait une mise en garde contre l’application machinale de la présomption [de dix ans] ». L’avis suivant figure dans la décision, qu’une :

[traduction]

[...] approche contextuelle, telle qu’énoncée dans Febles, devrait être examinée par le tribunal de la façon suivante :

la présomption peut être réfutée dans un cas donné. Le fait qu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été perpétré au Canada s’avère un guide utile, et les crimes qui, au Canada, rendent leur auteur passible d’une peine maximale d’au moins dix ans seront en général suffisamment graves pour justifier l’exclusion, mais il ne faudrait pas appliquer la règle des dix ans machinalement, sans tenir compte du contexte ou de manière injuste.

En tenant compte des facteurs énoncés dans Jayasekara/Febles, le tribunal a examiné les éléments relatifs à l’infraction de vol qualifié, le mode de poursuite et la peine infligée ainsi que les facteurs atténuants et aggravants.

[Soulignement et caractères gras ajoutés par la SPR. Note de bas de page omise.]

[26] Le demandeur ne relève pas d’erreur de droit dans le passage cité ci-dessus. Ce raisonnement laisse entendre que la SPR a pris garde de ne pas adopter une approche machinale et qu’elle a cherché à réaliser une évaluation contextuelle de la gravité des crimes.

[27] Ensuite, les observations du demandeur, quant au fait qu’il a été déclaré coupable, à tort, de vol qualifié et qu’il a été victime de discrimination dans le système de justice en Pologne, sont abordées dans la décision. La SPR n’était pas d’accord avec les deux observations au sujet de la preuve et a noté que, en Pologne, le demandeur avait été représenté par un avocat et avait interjeté appel de sa déclaration de culpabilité sans succès. Elle a aussi noté qu’il n’y avait aucune preuve qui donnait à penser que la peine du demandeur était différente de celle d’une personne non rom.

[28] La SPR n’était pas d’accord avec la position du demandeur au sujet de la preuve, laquelle était la même que celle que le demandeur a présentée dans sa demande à la Cour. Cependant, les observations du demandeur ne démontrent pas que la SPR a omis de tenir compte de ses arguments clés ou de la preuve de façon à ce que la Cour puisse intervenir. La Cour n’est pas autorisée à apprécier à nouveau la preuve ni à analyser l’affaire de novo ou à tirer ses propres conclusions : Vavilov, aux para 75, 83, 116 et 125-128.

[29] Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur de droit lorsqu’elle a refusé d’examiner la preuve qu’il avait présentée selon laquelle il avait été maltraité durant son incarcération en Pologne et avait des problèmes de santé qui sont apparus par la suite alors qu’il était au Canada. Dans sa demande, il soutient que ces éléments de preuve appuient (ou sont compatibles avec) la preuve au sujet des circonstances qui ont mené à ses déclarations de culpabilité.

[30] Dans l’arrêt Febles, la Cour suprême n’a pas accepté que « [l]a situation actuelle [d’une personne], y compris sa réadaptation, l’expiation de sa peine et le danger qu’[elle] présente actuellement » pouvait être examinée. S’exprimant au nom de la majorité de la Cour suprême, la juge en chef McLachlin a conclu que « seuls peuvent être pris en compte les facteurs liés à la commission des infractions criminelles et qu’il s’agissait de crimes graves au sens de l’article 1Fb) » : Febles, au para 6. Au paragraphe 60 de l’arrêt Febles, la juge en chef McLachlin a conclu que :

L’article 1Fb) exclut toute personne qui a déjà commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du pays d’accueil avant son admission en tant que réfugié dans ce pays. Cet article ne s’applique pas uniquement aux criminels fugitifs, et la gravité du crime n’a pas à être mise en balance avec des facteurs extrinsèques au crime tels le danger présent ou futur pour la société d’accueil, ou la réadaptation ou l’expiation subséquente au crime.

[Non souligné dans l’original.]

[31] Après avoir cité le passage tiré de Febles, la Cour, dans Jung, a conclu que les événements ultérieurs au crime et les arguments qui sont étrangers au crime et à la déclaration de culpabilité ne s’appliquaient pas aux fins de l’analyse en vertu de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention : Jung c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 464 aux para 41-42. Le juge de Montigny a conclu que, dans la mesure où elle n’avait pas tenu compte du fait que le demandeur avait purgé sa peine, qu’il s’était réadapté et qu’il ne représentait plus de danger pour le public, la SPR n’avait pas erré en droit.

[32] En application du raisonnement tiré de Febles et de Jung, la SPR n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle dans la présente affaire. La preuve relative aux mauvais traitements du demandeur dans la prison en Pologne n’était pas liée à la perpétration du crime en tant que tel, à savoir les événements et les circonstances entourant le vol qualifié qui ont menés à sa déclaration de culpabilité. La preuve relative à ses problèmes de santé apparus après son arrivée au Canada était bien postérieure à la commission des crimes et aux déclarations de culpabilité.

[33] Lors de l’audience devant la Cour, le demandeur a fait valoir qu’il existe un grand éventail de peines possibles pour un vol qualifié en vertu du Code criminel et que la SPR avait omis de tenir compte de la peine appropriée (citant Jung, aux para 38 et 48, et Tabagua c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 709 aux para 15-16). Le défendeur soutient que la SPR a exposé les « antécédents criminels » du demandeur dans ses motifs et qu’elle a tenu compte de la [traduction] « peine équivalente au Canada » pour un vol qualifié.

[34] Tel qu’il a été reconnu dans la décision, l’analyse énoncée dans Febles et dans Jayasekara prévoit une présomption réfutable. Un crime de droit commun est présumé « grave » en vertu de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention si une peine maximale de 10 ans ou plus aurait pu être infligée s’il avait été commis au Canada. Cependant, cette présomption peut être réfutée au moyen d’une évaluation des éléments constitutifs de l’infraction, du mode de poursuite, de la peine prévue, des faits et des circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité : Febles, au para 62; Jayasekara, au para 44. Voir aussi Ayorinde c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 113 au para 6; Gardijan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 421 au para 39.

[35] À mon avis, en concluant que la présomption de gravité n’avait pas été réfutée dans la présente affaire, la SPR n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle, compte tenu des motifs qu’elle avait fournis dans le contexte du dossier sous-jacent et des observations formulées par le demandeur devant elle.

[36] La SPR n’a pas commis d’erreur de droit dans sa description de l’analyse énoncée dans Febles/Jayasekara et a noté que l’article 344 du Code criminel prévoit une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité. En se fondant sur le mandat d’arrestation européen, la SPR a également donné dans ses motifs beaucoup de détails sur les « antécédents criminels » du demandeur. La SPR a expressément fait référence à la peine d’emprisonnement de quatre ans qui avait été imposée au demandeur pour voies de fait et vol de bijoux et d’autres biens appartenant à une femme, et pour voies de faits sur deux policiers en se servant d’un gaz incapacitant : voir Ahmad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 455 aux para 32 et 34 (se distinguant d’Ayorinde, aux para 21 et 23 et de Jung, au para 48). La SPR a aussi mentionné que le demandeur n’avait pas purgé la totalité de sa peine et que, durant celle-ci, il avait reçu une permission de sortir, mais qu’il n’était pas retourné et était demeuré en fuite.

[37] Les motifs de la SPR répondaient adéquatement aux questions principales soulevées par le demandeur dans ses observations, qui étaient fondées sur son témoignage et la preuve relative à la condition des personnes roms en Pologne. Comme dans Ahmad, les observations du demandeur ne faisaient pas référence à la jurisprudence de la SPR et du Canada, qui démontrait qu’une peine située au bas de l’échelle aurait été imposée si le vol qualifié s’était produit au Canada afin de faire valoir que l’infraction n’était pas « grave » pour l’application de l’article 98 de la LIPR et de l’alinéa b) de la section F de l’article premier of the Convention : Ahmad, au para 31. Il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle la SPR a omis de tenir compte de circonstances factuelles qui indiquaient qu’une peine plus légère aurait été imposée si l’infraction avait été commise au Canada, ou a omis d’examiner sérieusement une observation clé selon laquelle son comportement entraînerait l’imposition d’une peine parmi les plus légères par une cour canadienne pour une infraction équivalente : voir Tabagua, au para 20; Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1329 aux para 31-35; Ayorinde, aux para 23-24; Vavilov, aux para 100 et 128; Société canadienne des postes, aux para 33 et 60.

[38] À la lumière de ce qui précède, la conclusion de la SPR en ce qui concerne la présomption réfutable en particulier, et la gravité des infractions commises par le demandeur en général, était raisonnable selon ce qui est énoncé dans Vavilov et Société canadienne des postes. Le demandeur n’a pas démontré que la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle dans sa décision en omettant d’appliquer les exigences énoncées dans Febles et Jayasekara.

B. Allégation concernant l’omission d’avoir examiné la transcription pour une journée de l’audience

[39] Dans ses observations écrites, le demandeur soutient que la décision de la SPR n’est ni transparente ni justifiée parce qu’il n’y a aucune indication que la SPR a examiné le témoignage du demandeur à l’audience le 21 mars 2019. Le demandeur affirme que, ce jour-là, il a témoigné que les autorités en Pologne [traduction] « haïssent les Gitans » (c.-à-d. les personnes roms) et que la police invente des incidents à leur sujet. Dans ses observations écrites, le demandeur affirme que, puisqu’elle a omis de la mentionner, la SPR s’est fondamentalement méprise sur la preuve ou n’en a pas tenu compte (citant Vavilov, au para 126) et a commis une [traduction] « erreur flagrante ». Toutefois, lors de l’audience devant la Cour, le demandeur n’a pas fourni plus de précisions à cet égard.

[40] Le défendeur soutient que, en droit, la SPR est réputée avoir tenu compte de toute la preuve, même si elle ne l’a pas mentionnée expressément. De plus, le défendeur note que le demandeur, dans ses propres observations écrites présentées à la SPR et datées du 18 avril 2019, n’a pas fait mention du témoignage du 21 mars 2019. Le défendeur soutient que le témoignage était sensiblement le même que celui des autres jours de l’audience et que la SPR a tenu compte de l’essentiel du témoignage du demandeur et a rejeté sa position.

[41] Le défendeur doit avoir gain de cause sur cette question. Le demandeur n’a pas démontré qu’il existe une erreur susceptible de contrôle, y compris que la SPR s’est fondamentalement méprise sur la preuve qui lui a été soumise, qu’elle l’a mal interprétée ou n’en a pas tenu compte : Vavilov, au para 126.

C. Allégation d’erreur relativement au paragraphe 109(2) de la LIPR

[42] Dans ses observations écrites, le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur de droit puisqu’elle n’a pas réalisé une évaluation conformément au paragraphe 109(2) de la LIPR. Cependant, dans ses observations en réplique, le demandeur précise qu’il ne soutenait pas que la SPR aurait dû réaliser une analyse des facteurs d’inclusion, mais qu’il voulait mettre l’accent sur l’allégation selon laquelle la SPR ne s’était pas conformée aux exigences énoncées dans l’arrêt Febles. Si je suis obligé de trancher, je suis d’accord avec le défendeur qu’il n’y a aucune exigence de procéder à l’analyse prescrite par le paragraphe 109(2) puisque la SPR a conclu que le demandeur était exclu en application de l’article 98 et de l’alinéa b) de la section F de l’article premier of the Convention : Omar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 602 au para 49; Sajid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 981 au para 30; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Wahab, 2006 CF 1554 au para 29d).

IV. Conclusion

[43] La demande est rejetée.

[44] Aucune des parties n’a proposé de question précise à certifier aux fins d’appel avant ou durant l’audience de la présente demande. À l’audience, le demandeur a affirmé qu’aucune question de la sorte ne serait soulevée si les motifs de la Cour traitaient de l’application de l’arrêt Febles, mais il a demandé d’avoir la possibilité de revoir l’ébauche des motifs s’ils y figuraient une évaluation de la capacité de la SPR de tenir compte du témoignage du demandeur, selon lequel la police avait inventé son implication dans l’infraction qui avait mené à son incarcération. Le défendeur fait référence aux Directives de procédure de la Cour traitant des délais pour les questions proposées aux fins de certification (cinq jours avant l’audience), et il soutient qu’aucune question à certifier n’a été soulevée – l’affaire serait examinée en fonction des faits qui lui sont propres.

[45] À la lumière des lignes directrices publiées de la Cour, des positions des parties ainsi que du contenu des présents motifs, je conclus qu’il n’est pas nécessaire de demander des observations supplémentaires. Selon moi, la présente demande s’appuie sur ses propres faits et une application du droit énoncé dans Febles et dans Jayasekara aux motifs de la SPR. L’affaire ne soulève aucune question qui répond au critère juridique applicable relatif à la certification. Voir les documents suivants de la Cour : Lignes directrices consolidées pour les instances d’immigration, de statut de réfugié et de citoyenneté (le 24 juin 2022), au para 36; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c XY, 2022 CAF 113 au para 7; Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, [2018] 3 RCF 674 au para 46; Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, [2018] 2 RCF 229 au para 36.


 

JUGEMENT dans le dossier IMM-13-20

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Blank

« Andrew D. Little »

Blank

Juge

 

Traduction certifiée conforme

C. Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-13-20

 

INTITULÉ :

ZBIGNIEW SIWAK c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 MARS 2022

 

MOTIFS DES JUGEMENTS ET JUGEMENT :

LE JUGE A.D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 NOVEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Ezrin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wennie Lee

Lee & Company

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Ezrin

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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