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Date : 20221125


Dossier : IMM-3643-21

Référence : 2022 CF 1619

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 25 novembre 2022

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

DUNIA IBRAHIM, CHRISTIAN PETROS,

ET KLARISSA PETROS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] Mme Dunia Ibrahim (la demanderesse principale) et ses enfants Christian Petros et Klarissa Petros (collectivement, les demandeurs) demandent le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur appel d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1), respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) au motif qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État.

[2] Les demandeurs ont désigné en tant que défendeur le « Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada » dans leur demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire.

[3] Il s’agit du nom du ministère et non de celui du ministre; l’intitulé est modifié immédiatement afin de désigner en tant que défendeur le « ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » (le défendeur).

[4] Les demandeurs sont des citoyens de l’Autriche. Ils ont demandé l’asile pour des motifs de violence familiale perpétrée par Nissan Petros, l’époux de la demanderesse principale et le père des enfants. Au moment où les demandeurs ont présenté leurs demandes d’asile, le fils était âgé de 12 ans et la fille de 15 ans.

[5] Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur puisqu’elle n’a pas examiné les demandes des enfants indépendamment de la demande de la demanderesse principale. Ils soutiennent aussi qu’il était déraisonnable de la part de la SAR de rejeter leur explication quant à leur omission de demander la protection de la police en Autriche et de conclure qu’ils n’ont pas réussi à réfuter la présomption de la protection de l’État.

[6] Le défendeur soutient que, puisqu’ils n’ont pas soulevé devant la SAR la question de l’évaluation indépendante des demandes des enfants, les demandeurs ne peuvent pas la soulever dans la présente demande de contrôle judiciaire. Subsidiairement, le défendeur soutient que la SAR a raisonnablement examiné les demandes des enfants conjointement avec celle de la demanderesse principale puisque les trois demandes sont [traduction] « identiques et interdépendantes ».

[7] Dans tous les cas, le défendeur soutient que la SAR a raisonnablement apprécié la preuve présentée par les demandeurs, ainsi que la preuve objective de la situation dans le pays en cause, et a raisonnablement conclu que les demandeurs n’ont pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État.

[8] La décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653.

[9] Dans son examen du caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision qui fait l’objet du contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »; voir Vavilov, précité, au para 99.

[10] Je suis d’accord avec la position du défendeur au sujet de l’erreur qu’aurait commise la SAR dans son évaluation de l’intérêt des enfants conjointement avec la demande de la demanderesse principale.

[11] La question n’a pas été soulevée devant la SAR et n’a pas été correctement soulevée dans la présente demande; voir l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c R.K. et C.K., 2016 CAF 272 au para 6.

[12] L’agent de persécution prétendu est la même personne, c’est-à-dire l’époux de la demanderesse principale et le père des enfants. La nature du préjudice est identique, c’est-à-dire, la violence familiale. La SAR a raisonnablement évalué l’allégation de persécution de façon globale. Ce n’était aucunement déraisonnable de procéder ainsi.

[13] De toute façon, le dossier et les motifs démontrent que la SAR a tenu compte de l’intérêt des enfants. Les conclusions qu’elle a tirées à ce sujet sont raisonnables.

[14] En ce qui a trait à la décision relative à la protection offerte par l’État, je renvoie à l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 qui précise que le demandeur doit démontrer des motifs de protection à la fois subjectifs et objectifs.

[15] Dans Flores Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] 4 RCF 636 au paragraphe 25, la Cour d’appel fédérale a souligné que le critère s’applique à la possibilité d’une protection suffisante de l’État. Afin de réfuter la présomption, il faut une preuve claire et convaincante de l’absence de protection de l’État.

[16] La SAR a abordé la réticence subjective de la demanderesse principale à solliciter la protection de la police et a conclu que la preuve à cet égard était insuffisante pour réfuter la présomption de la protection de l’État.

[17] La SAR a aussi pris acte de la preuve objective contenue dans le Cartable national de documentation de l’Autriche et a fait remarquer que ce document reconnaît les défis auxquels fait face la police afin de protéger les victimes de violence familiale. La SAR a noté que, dans sa demande, la demanderesse principale a mentionné qu’elle ne peut pas obtenir la protection de la police puisqu’elle habite avec son époux, l’agent de persécution prétendu.

[18] La SAR a conclu que la demanderesse principale était crédible, mais n’était pas convaincue qu’elle souffre du « syndrome de la femme battue ».

[19] La SAR a fait référence à la jurisprudence pertinente relative à la nécessité d’avoir une preuve claire et convaincante afin de réfuter la présomption de protection de l’État.

[20] Après avoir examiné la preuve contenue dans le dossier certifié du tribunal ainsi que dans les observations orales et écrites des parties, je suis d’avis que la décision de la SAR satisfait au critère juridique de la décision raisonnable. Les motifs démontrent un mode d’analyse cohérent et, autrement, ils satisfont aux exigences de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité.

[21] Rien ne justifie l’intervention de la Cour, et la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3643-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier. De plus, la Cour ordonne que l’intitulé de cause soit modifié afin que le défendeur soit le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3643-21

INTITULÉ :

DUNIA IBRAHIM, CHRISTIAN PETROS ET KLARISSA PETROS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR) ET TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 OCTOBRE 2022

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 25 NOVEMBRE 2022

COMPARUTIONS :

Marc J. Herman

POUR LES DEMANDEURS

Margherita Braccio

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Herman & Herman

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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