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Date : 20221201


Dossier : T‑990‑22

Référence : 2022 CF 1659

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

AMANDA COSCARELLI

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Mme Coscarelli a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] lui a refusé le versement de la Prestation canadienne de relance économique [la PCRE] pour les quatorze périodes de deux semaines pour lesquelles elle en avait fait la demande en 2021.

II. Contexte

[2] La PCRE fournissait une aide financière aux salariés et aux travailleurs indépendants canadiens qui étaient directement touchés par la COVID‑19 et qui n’avaient pas droit à des prestations d’assurance‑emploi. Les Canadiens pouvaient présenter une demande de PCRE pour 28 périodes d’admissibilité distinctes de deux semaines, débutant le 27 septembre 2020 et prenant fin le 23 octobre 2021.

[3] Mme Coscarelli a présenté une demande de PCRE pour les périodes 9 à 13 (du 17 janvier 2021 au 27 mars 2021), la période 15 (du 11 au 24 avril 2021), la période 17 (du 9 au 22 mai 2021), la période 19 (du 6 au 19 juin 2021) et la période 21 (du 4 juillet 2021 au 25 septembre 2021), soit un total de quatorze périodes de deux semaines.

[4] Dans le cadre du processus de validation de son admissibilité, Mme Coscarelli a fourni à l’ARC des pièces justificatives le 6 octobre 2021 et le 14 octobre 2021. Elle s’est également entretenue avec un agent le 17 novembre 2021.

[5] Le 24 novembre 2021, un agent de l’ARC a informé par lettre Mme Coscarelli qu’elle n’était pas admissible à la PCRE [la décision faisant suite au premier examen] parce qu’elle n’avait pas gagné un montant d’au moins 5 000 $ tiré d’un revenu d’emploi ou d’un revenu net de travail autonome en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande [l’exigence en matière de revenu].

[6] Le 30 novembre 2021, Mme Coscarelli a transmis à l’ARC une lettre d’opposition à la décision faisant suite au premier examen et demandé une révision (ci-après appelé un second examen).

[7] Le 11 avril 2022, un agent de l’ARC a informé Mme Coscarelli par téléphone qu’elle n’était pas admissible à la PCRE parce qu’elle ne satisfaisait pas à l’exigence en matière de revenu [la décision faisant suite au second examen initial]. Lors de l’appel, Mme Coscarelli s’est opposée à cette décision et a dit qu’elle présenterait une demande de contrôle judiciaire.

[8] L’agent chargé du second examen initial a pris note de la conversation et de ce commentaire. À l’audience, le défendeur a confirmé que l’ARC avait compris à la suite de cet appel téléphonique que Mme Coscarelli cherchait à obtenir un second examen supplémentaire.

[9] L’agent chargé du second examen initial a envoyé à Mme Coscarelli une lettre d’inadmissibilité, datée du 13 avril 2022, énonçant le motif pour lequel avait été rendue la décision faisant suite à ce second examen, à savoir qu’elle [traduction] « n’avait pas gagné au moins 5 000 $ (avant impôts) à titre de revenu d’emploi ou de revenu net d’un travail autonome en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de [sa] première demande ».

[10] Le 13 mai 2022, Mme Coscarelli a déposé auprès de notre Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision faisant suite au second examen initial.

[11] Le 16 mai 2022, l’agent de l’ARC qui a procédé au second examen supplémentaire [l’agent] a informé Mme Coscarelli par téléphone qu’elle n’était pas admissible à la PCRE parce qu’elle ne satisfaisait pas à l’exigence en matière de revenu [la décision faisant suite au second examen final]. L’agent lui a aussi envoyé une lettre datée du 18 mai 2022, à laquelle était jointe la décision faisant suite à ce second examen final.

III. Questions préliminaires

[12] Je signale premièrement que l’intitulé doit être modifié pour indiquer, conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, que le défendeur est « Le procureur général du Canada », et non « Le procureur général du Canada et l’Agence du revenu du Canada ». Par conséquent, la Cour ordonne que l’intitulé soit immédiatement modifié.

[13] Deuxièmement, le défendeur fait valoir que la demande est théorique car la décision que Mme Coscarelli souhaite que notre Cour soumette à un contrôle judiciaire – la décision faisant suite au second examen initial – n’est pas la décision définitive. Il ajoute que c’est la décision faisant suite au second examen final, rendue le 18 mai 2022, après que Mme Coscarelli a déposé son avis de demande le 13 mai 2022, qui est la décision définitive.

[14] Le défendeur demande à notre Cour de rejeter la demande au motif qu’aucun des facteurs énoncés dans l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, à la p 353, qui justifieraient que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour instruire une affaire théorique, n’est présent en l’espèce :

[traduction]

a) Le contexte contradictoire nécessaire n’existe pas, car l’ARC a déjà réévalué la décision faisant suite au second examen initial lors du second examen final et de la décision lui faisant suite;

  • b)il ne s’agit pas d’un bon usage de ressources judiciaires limitées que de soumettre à un contrôle la décision faisant suite au second examen initial alors que Mme Coscarelli a déjà obtenu en réparation un réexamen de cette décision;

  • c)les questions que soulève la demande ne donnent pas lieu à d’importantes questions hypothétiques ou à de nouvelles questions d’importance publique qui pourraient autrement échapper à l’examen de la Cour;

  • d)il est difficile de savoir quelle incidence aurait l’accueil de la présente demande sur la décision faisant suite au second examen final.

[15] Je ne suis pas d’accord. Le contexte contradictoire est bel et bien encore présent. Mme Coscarelli a mis parfaitement au courant l’agent chargé du second examen initial de ses intentions, lui disant qu’elle n’acceptait pas sa décision et qu’elle la contesterait devant la Cour fédérale. D’ailleurs, dans la lettre de non‑admissibilité que l’agent lui a par la suite envoyée, il était clairement indiqué qu’il s’agissait de la prochaine étape possible du processus et, en fait, c’est habituellement le cas. Le défendeur n’a pas pu expliquer à la satisfaction de la Cour pourquoi l’ARC avait effectué une deuxième fois le second examen, soit pourquoi il y avait eu deux examens de second niveau.

[16] Cela suffit pour que la Cour rejette l’argument du caractère théorique de l’instance. Cependant, je signale aussi que cet argument a été entendu dans le cadre du contrôle judiciaire et plaidé à titre d’argument préliminaire en même temps que les arguments qui avaient trait au fond du litige. Il n’aurait donc pas été possible d’économiser des ressources judiciaires, vu la nature de la présente procédure sommaire de contrôle judiciaire, pas plus qu’il serait juste de ne pas traiter des arguments et des documents que Mme Coscarelli a soumis à la Cour, ce qu’elle a fait de manière réfléchie et professionnelle, compte tenu de son statut de justiciable agissant pour son propre compte et sans aucune expertise et aucun antécédent particuliers en lien avec le sujet traité ou, de façon plus générale, en droit.

IV. Analyse

[17] L’unique question en litige consiste à savoir si l’agent a raisonnablement rejeté, dans la décision faisant suite au second examen final, la demande de PCRE de Mme Coscarelli. La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 au para 16). Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) Vavilov, 2019 CSC 65, la Cour suprême du Canada explique, aux paragraphes 102 et 105, que, dans le cadre d’un contrôle effectué selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision évalue si la décision administrative est fondée sur un raisonnement rationnel et logique et est « justifiée au regard de l’ensemble du droit et des faits pertinents ».

[18] L’unique argument qu’invoque Mme Coscarelli au sujet de la décision faisant suite au second examen final est qu’elle est déraisonnable parce qu’elle contredit des conversations téléphoniques antérieures qu’elle a eues, au début de 2021, avec des agents de l’ARC, qui ont confirmé qu’elle était admissible à la PCRE. Mme Coscarelli allègue qu’au cours d’un appel fait en janvier 2021, un agent de l’ARC lui a assuré que les paiements de la WSIB qu’elle avait reçus en 2019 et en 2020 étaient un revenu au sens du revenu visé par l’exigence en matière de revenu.

[19] Le défendeur rétorque que la théorie de l’attente légitime n’est pertinente que dans les cas où il existe une conduite claire de la part d’un décideur relativement à son obligation d’équité procédurale, et que les déclarations qui suscitent une attente légitime doivent être liées à la procédure et ne pas entrer en conflit avec l’obligation que la loi impose au décideur. Il ajoute que, dans la présente affaire, l’attente évoquée par Mme Coscarelli est liée à un droit substantiel – l’admissibilité à la PCRE – et il aurait fallu que l’agent agisse en contradiction directe avec le paragraphe 3(1) de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [la Loi sur les PCRE] pour y répondre à l’attente.

[20] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la théorie de l’attente légitime ne s’applique pas en l’espèce. Premièrement, Mme Coscarelli n’a produit aucune note prise au cours de l’appel téléphonique de janvier au cours duquel les déclarations sur lesquelles elle s’est fondée auraient été formulées, pas plus qu’il n’existe à l’ARC une trace quelconque de cet appel. Mme Coscarelli a plutôt produit des notes concernant les appels du 19, du 20 et du 23 avril 2021. Toutefois, aucune de ces notes ne tend à indiquer que les agents de l’ARC ont fait montre de la conduite « clair[e], nett[e] et explicit[e] » qui aurait suscité chez elle une attente légitime, dont fait état l’arrêt Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 95. Dans cet arrêt, la Cour suprême a écrit :

[95] Les conditions précises à satisfaire pour que s’applique la théorie de l’attente légitime sont résumées succinctement comme suit dans un ouvrage qui fait autorité intitulé Judicial Review of Administrative Action en Canada :

[traduction] La caractéristique qui distingue une attente légitime réside dans le fait que celle‑ci découle de la conduite du décideur ou d’un autre acteur compétent. Une attente légitime peut donc découler d’une pratique officielle ou d’une assurance voulant que certaines procédures soient suivies dans le cadre du processus décisionnel, ou qu’il soit possible de prévoir une décision favorable. De même, l’existence des règles de procédure de nature administrative ou d’une procédure que l’organisme a adoptée de son plein gré dans un cas particulier, peut donner ouverture à une attente légitime que cette procédure sera suivie. Certes, la pratique ou la conduite qui auraient suscité une attente raisonnable doivent être claires, nettes et explicites. [Je souligne.]

(D. J. M. Brown et J. M. Evans, Judicial Review of Administrative Action en Canada (feuilles mobiles), §7:1710; voir également Centre hospitalier Mont‑Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41, [2001] 2 R.C.S. 281, par. 29; Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504, par. 68.)

[21] En l’espèce, je conclus qu’on pouvait déduire sans difficulté des demandes de documents que l’ARC a faites à Mme Coscarelli relativement aux périodes de PCRE supplémentaires demandées que l’admissibilité de cette dernière était encore à l’étude. Il n’y a, dans le dossier, rien qui se rapproche d’une mention claire, nette et explicite qu’il lui a été dit que son revenu d’emploi de 4 992,74 $ la rendrait admissible à la PCRE ou que les paiements qu’elle a reçus de la WSIB seraient admissibles pour compléter son revenu d’emploi, ou qu’ils étaient admissibles à titre de revenu pour les besoins de son admissibilité à la PCRE.

[22] Même si quelque chose a été dit – ce qui ne figure nulle part dans le dossier –, Mme Coscarelli n’aurait pas pu se fonder sur les déclarations qui auraient été faites par des agents de l’ARC à propos de son admissibilité, parce que ces déclarations iraient directement à l’encontre de l’obligation légale des agents, soit de veiller à ce que les contribuables répondent à toutes les exigences de la Loi sur les PCRE (Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30 au para 68) :

[68] Lorsque dans l’exercice du pouvoir que lui confère la loi, un représentant de l’État fait des affirmations claires, nettes et explicites qui auraient suscité chez un administré des attentes légitimes concernant la tenue d’un processus administratif, l’État peut être lié par ces affirmations si elles sont de nature procédurale et ne vont pas à l’encontre de l’obligation légale du décideur. La preuve que l’intéressé s’est fié aux affirmations n’est pas nécessaire. Voir les arrêts Centre hospitalier Mont‑Sinaï, par. 29‑30; Moreau‑Bérubé c. Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, [2002] 1 R.C.S. 249, par. 78; S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539, par. 131. Constitue un manquement à son obligation d’équité l’omission substantielle du décideur de respecter sa parole : Brown et Evans, p. 7‑25 et 7‑26.

[23] Encore une fois, des attentes légitimes, s’il y en avait eu en l’espèce, ne créent pas de droits substantiels indépendants. Dans la présente affaire, le régime législatif est clair. La disposition pertinente, soit le paragraphe 3(1), précise :

d) dans le cas d’une demande présentée en vertu de l’article 4 à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2020, [l]es revenus [de la personne admissible à la PCRE] provenant des sources ci‑après, pour l’année 2019 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande, s’élevaient à au moins cinq mille dollars :

(i) un emploi,

(ii) un travail qu’elle exécute pour son compte,

(iii) des prestations qui lui sont payées au titre de l’un des paragraphes 22(1), 23(1), 152.04(1) et 152.05(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi,

(iv) des allocations, prestations ou autres sommes qui lui sont payées, en vertu d’un régime provincial, en cas de grossesse ou de soins à donner par elle à son ou ses nouveau‑nés ou à un ou plusieurs enfants placés chez elle en vue de leur adoption,

(v) une autre source de revenu prévue par règlement;

e) dans le cas d’une demande présentée en vertu de l’article 4, par une personne qui n’est pas visée à l’alinéa e.1), à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2021, ses revenus provenant des sources mentionnées aux sous‑alinéas d)(i) à (v) pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande s’élevaient à au moins cinq mille dollars;

e.1) dans le cas d’une demande présentée en vertu de l’article 4, par une personne visée à l’alinéa g) dont la période de prestations a été établie le 27 septembre 2020 ou après cette date, à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2021, ses revenus provenant des sources mentionnées aux sous‑alinéas d)(i), (ii), (iv) et (v) ainsi que des prestations régulières et des prestations spéciales, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi, s’élevaient, pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle présente sa demande, à au moins cinq mille dollars;

[24] Les paiements de la WSIB ne sont pas un revenu au sens de l’alinéa 3(1)d) de la Loi sur les PCRE. La seule exemption que prévoit cette loi relativement aux prestations d’assurance‑emploi, le passage pertinent étant reproduit ci‑dessus, concerne les prestations parentales et de maternité reçues en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (LC 1996, c 23).

[25] Mme Coscarelli ne conteste pas les montants qu’elle a reçus, les montants qu’elle a déclarés, ceux qui ont fait l’objet d’une cotisation, ou le fait qu’elle était effectivement tout près d’avoir touché le minimum requis de 5 000 $ en 2019, limite qui a par la suite été codifiée dans la Loi sur les PCRE adoptée en octobre 2020. Les prestations de la WSIB qu’elle a touchées en 2020 ne tombent pas sous le coup de l’exemption relative au revenu d’assurance‑emploi prévue au paragraphe 3(1) de la Loi sur les PCRE reproduit ci‑dessus.

[26] Pour en revenir une fois de plus aux décisions de l’ARC, la conclusion de fait commune à laquelle sont arrivés les agents (au stade de l’examen de premier niveau ainsi qu’à celui des deux examens de second niveau), à savoir que Mme Coscarelli ne répondait pas à l’exigence en matière de revenu, était raisonnable au vu de l’ensemble de la preuve. Ils ont signalé que, d’après son feuillet T4, son revenu d’emploi en 2019 était de 4 992,74 $, à peine moins que la seuil de 5 000 $, ce dont étaient bien au fait les trois agents de l’ARC qui ont effectué un examen. Ils savaient également, et ils l’ont signalé, que Mme Coscarelli n’avait déclaré aucun revenu d’emploi en 2020, mais uniquement des prestations de la WSIB.

[27] Dans le cas des deux décisions faisant suite à un second examen, cette conclusion s’est révélée déterminante pour le refus des agents d’accorder la PCRE à Mme Coscarelli, comme elle l’a été dans le cas de la décision de premier niveau : Mme Coscarelli n’était pas admissible parce qu’elle ne répondait pas à l’exigence en matière de revenu. Même s’il lui manquait à peine 7,26 $ pour atteindre le seuil d’admissibilité de 5 000 $, en prenant pour base le revenu de 2019 qu’elle avait reçu de son employeur à l’époque, non seulement la décision de l’ARC de ne pas lui accorder la PCRE était raisonnable, mais il s’agissait également de la seule décision possible. Comme la juge Woods l’a récemment précisé dans l’arrêt Flock c Canada (Procureur général), 2022 CAF 187, aux paragraphes 4 et 7 , le seuil de 5 000 $ est fixe, sans marge de manœuvre quant à la limite :

M. Flock ne conteste pas la conclusion selon laquelle il ne répond pas au seuil des 5 000 $ sur la base du bénéfice net. Toutefois, M. Flock soutient qu’il n’était pas approprié pour l’ARC d’appliquer le critère du revenu net dans les circonstances de son cas. Il fait valoir qu’un critère du bénéfice brut est celui qui devrait être appliqué. Si un critère du bénéfice brut était appliqué, M. Flock répondrait aux critères d’admissibilité puisqu’il avait gagné un revenu de plus de 5 000 $ dans l’année 2019. Comme la Cour fédérale l’a souligné à juste titre, le fonctionnaire de l’ARC n’avait d’autre choix que d’appliquer les critères d’admissibilité établis dans la loi. Par conséquent, cette allégation a été rejetée à juste titre devant l’instance inférieure.

[…]

Lors de l’audience, M. Flock a également soutenu que les critères d’admissibilité ne devraient pas faire référence à l’année 2020, car il est insensé de faire référence à une année de pandémie. Il est d’avis que les critères devraient plutôt s’appliquer aux années 2018 et 2019. Cela ne constitue pas le fondement d’une mesure de réparation sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, car le fonctionnaire de l’ARC n’avait d’autre choix que d’évaluer l’admissibilité de M. Flock à la PCRE en fonction des critères d’admissibilité établis dans la loi. C’était une décision politique que le Parlement était en droit de prendre, et le fonctionnaire n’était pas habilité à fournir un allégement fondé seulement sur des raisons d’équité.

[28] J’éprouve de l’empathie envers Mme Coscarelli devant sa situation. Les agents de l’ARC ont eux aussi reconnu qu’il ne lui manquait qu’environ 7 $ pour atteindre le seuil des 5 000 $ qui lui aurait donné droit à la PCRE. Cependant, ni ces agents ni moi ne pouvons reformuler la loi. Il n’existe dans la Loi sur les PCRE aucune disposition d’équité ou d’exemption, comme il en existe dans d’autres lois (dont la Loi de l’impôt sur le revenu), qui auraient permis aux agents de dispenser, par d’autres voies, la demanderesse de cette exigence stricte. Comme il a été expliqué à l’audience, dans les présentes circonstances, où il n’y a eu aucune allégation de violation constitutionnelle ou de tout autre vice dont serait entachée la loi, la Cour ne peut qu’interpréter la Loi sur les PCRE, et non la récrire.

V. Conclusion

[29] Bien que la situation soit vraiment regrettable pour Mme Coscarelli, je tiens à dire que celle-ci, qui agissait pour son propre compte, s’est comportée de manière exemplaire, de par son intégrité, son honnêteté et son obligeance irréprochables devant la Cour. Malgré ces qualités et cette conduite admirables, aucune erreur susceptible de contrôle n’a été commise dans la décision la concernant et rien ne justifie donc notre Cour d’infirmer la conclusion d’inadmissibilité à la PCRE. Pour ces motifs et les autres mentionnés précédemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T‑990‑22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande est rejetée.

  2. L’intitulé est modifié pour remplacer « Le procureur général du Canada et l’Agence du revenu du Canada », qui étaient désignés comme défendeurs, par « Le procureur général du Canada » comme défendeur.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑990‑22

 

INTITULÉ :

AMANDA COSCARELLI c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 29 novembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1er DÉCEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Amanda Coscarelli

 

POUR LA DEMANDERESSE
(agissant POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Tigra Bailey

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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