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Date : 20221121


Dossier : IMM-1993-21

Référence : 2022 CF 1589

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

DONGHAE KIM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour n’accepte pas l’argument de M. Kim selon lequel il a été privé de son droit à l’équité procédurale dans le cadre du processus ayant mené à la décision d’un agent de rejeter sa demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie du regroupement familial.

[2] Le demandeur est un citoyen de la Corée du Sud. Il s’est marié avec une résidente permanente au Canada le 18 juillet 2019. Le demandeur et son épouse ont ensuite retenu les services d’une consultante en immigration [la représentante] pour les aider à présenter une demande de parrainage d’un époux. Cette demande a été rejetée le 16 mars 2021.

[3] La représentante a correctement divulgué dans la demande que M. Kim avait été déclaré coupable de deux infractions criminelles en Corée du Sud. L’infraction qui nous intéresse plus particulièrement en l’espèce est celle qui se rapporte à l’intention manifeste d’offrir un pot-de-vin, dont le demandeur a été déclaré coupable le 16 décembre 1999. La représentante a expliqué que M. Kim avait payé l’amende associée à cette infraction le 1er décembre 1999 et a déclaré qu’il était [traduction] « présumé réadapté ». Cette déclaration était erronée. Il n’était pas réadapté au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[4] En droit canadien, l’infraction équivalente à celle que le demandeur a commise en Corée du Sud est la « corruption de fonctionnaires », infraction prévue à l’article 120 du Code criminel, LRC 1985, c C-46. Cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans.

[5] La LIPR énonce les faits qui emportent interdiction de territoire pour criminalité. L’alinéa 36(1)c) de la LIPR prévoit qu’une personne est interdite de territoire au Canada pour criminalité si elle commet, à l’extérieur du Canada, une infraction qui constituerait, au Canada, une infraction punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans. Par conséquent, M. Kim était interdit de territoire pour criminalité.

[6] Selon la LIPR, une personne est considérée comme réadaptée si l’infraction commise est passible d’un emprisonnement maximal de moins de 10 ans et que le délai réglementaire est expiré ou si elle convainc le ministre de sa réadaptation. Il est admis que ni l’une ni l’autre de ces situations ne s’appliquait à M. Kim. La peine maximale de l’infraction dépasse 10 ans, et aucune demande de réadaptation n’avait été présentée au ministre.

[7] Lorsque la demande de parrainage d’un époux a été rejetée, la représentante en a été avisée et elle a reconnu qu’elle n’avait pas représenté M. Kim de façon adéquate :

[traduction]

Dans le cadre de la préparation de la demande de M. Kim, il a été déterminé qu’il avait un casier judiciaire en Corée du Sud. Nous croyions que M. Kim était présumé réadapté en raison de la nature du crime et de sa sévérité par rapport aux lois canadiennes. Pour cette raison, nous avons présenté la demande. Nous avons par la suite appris que M. Kim n’est en fait pas réadapté. C’est une erreur de notre part due à un malentendu.

[8] M. Kim soutient qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale en raison de l’incompétence de la représentante et parce que l’agent ne l’a pas informé qu’il était interdit de territoire pour criminalité avant de prendre sa décision.

[9] La norme de contrôle appropriée pour les questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte. Le juge Pentney a décrit ainsi la norme au paragraphe 19 de la décision Kambasaya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 31 :

Les questions d’équité procédurale commandent une démarche qui s’apparente à la norme de la décision correcte et qui consiste à se demander « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Canadien Pacifique]; Heiltsuk Horizon Maritime Services Ltd v Atlantic Towing Limited, 2021 CAF 26 au para 107). Comme il est indiqué au paragraphe 56 de l’arrêt Canadien Pacifique, « la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre »,et au paragraphe 54 de ce même arrêt, « [u]ne cour de révision […] demande, en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi ».

[10] Pour établir une atteinte à l’équité procédurale résultant de l’incompétence de son représentant, le demandeur doit prouver 1) que les actes ou les omissions allégués du représentant relèvent de l’incompétence; 2) qu’il y a eu déni de justice dans le sens où, n’eût été la conduite alléguée, il existe une probabilité raisonnable que l’issue de l’audience initiale ait été différente; 3) que le représentant a été avisé de l’allégation et a bénéficié d’une occasion d’y répondre : voir Yang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1189 au para 16.

[11] Je suis convaincu que, n’eût été les actes et les omissions de la représentante, M. Kim aurait présenté au ministre une demande en vue de faire constater sa réadaptation. Je suis aussi convaincu que la représentante a été avisée de l’allégation d’incompétence et a bénéficié d’une occasion d’y répondre.

[12] La question principale est de savoir ce qui aurait probablement été décidé si la demande de réadaptation avait été faite. M. Kim soutient que les éléments de preuve démontrent que ses chances de convaincre le ministre de sa réadaptation sont plus probables qu’improbables. Il s’appuie sur le fait qu’il [traduction] « n’a participé à aucune activité criminelle depuis 1999 ».

[13] Le défendeur fait valoir qu’il [traduction] « n’y a aucun moyen de prédire quel aurait été le résultat de cette demande ». Je suis d’accord.

[14] La Cour ne dispose d’aucune preuve quant aux facteurs que le ministre peut prendre en compte pour évaluer si le demandeur est réadapté ni quant à la fréquence à laquelle les demandes de réadaptation sont accueillies. La question n’est pas de savoir ce que déciderait probablement la Cour si la demande relevait de sa compétence, mais plutôt de savoir ce que déciderait probablement le ministre compte tenu des éléments de preuve présentés à la Cour. En l’absence d’éléments de preuve se rapportant à cette question, le fait de tirer la conclusion que M. Kim demande en se basant uniquement sur le temps qui s’est écoulé depuis sa dernière déclaration de culpabilité reposerait sur de simples conjectures.

[15] Il convient de souligner que, après l’audience, l’avocate de M. Kim a informé la Cour que celui-ci a présenté une demande de réadaptation au ministre l’année dernière, mais qu’il n’a pas encore reçu de réponse. Si une réponse favorable avait été reçue avant le jugement, ce facteur aurait été traité différemment.

[16] M. Kim soutient aussi qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale, car, avant de rendre sa décision, l’agent a omis de l’aviser qu’il était interdit de territoire pour criminalité et ne lui a pas donné l’occasion de prendre les mesures qui s’imposaient.

[17] Je n’accepte pas que le fait que M. Kim croyait qu’il était admissible au Canada constitue une incohérence substantielle dans le dossier soumis à l’agent que M. Kim aurait dû être invité à expliquer. M. Kim savait bien qu’il avait été déclaré coupable d’infractions criminelles. Les déclarations de culpabilité sont décrites dans sa demande. Il s’agit de faits. L’agent n’avait pas l’obligation d’aviser le demandeur qu’il avait commis une erreur en déclarant dans sa demande qu’il était réadapté.

[18] L’argument fondé sur l’équité procédurale est également rejeté.

[19] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-1993-21

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1993-21

 

INTITULÉ :

DONGHAE KIM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 OctobRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 NOVEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Cemone Morlese

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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