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Date : 20221212


Dossier : T‑1326‑22

Référence : 2022 CF 1705

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2022

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

PASQUALE FIORINO

demandeur

et

COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada [la division d’appel] datée du 23 mai 2022 [la décision contestée]. Dans la décision contestée, la division d’appel a refusé d’accorder au demandeur la permission d’en appeler de la décision par laquelle la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada [la division générale] a conclu qu’il était inadmissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi parce qu’il était à l’étranger.

[2] Comme il est expliqué plus en détail ci‑dessous, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée parce que la conclusion tirée par la division d’appel, à savoir que l’appel du demandeur n’avait aucune chance raisonnable de succès, est raisonnable.

II. Le contexte

[3] Le demandeur a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi en juillet 2021, qui a été approuvée. En novembre 2021, il a quitté le Canada pour se rendre à sa résidence secondaire, aux États-Unis. Il y est resté jusqu’en avril 2022.

[4] Le 5 décembre 2021, le demandeur a rempli sa déclaration de quinzaine et a déclaré qu’il avait été à l’étranger pendant plus de 24 heures. Il a expliqué qu’il a deux résidences, une au Canada et une aux États-Unis, et qu’il passe une partie de l’année dans chaque pays. Il a mentionné que, pendant son séjour aux États‑Unis, il présentait activement des demandes d’emploi au Canada et qu’il pouvait rentrer au Canada en moins de trois heures.

[5] Le même jour, les prestations du demandeur ont été suspendues. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada [la Commission] a conclu que le demandeur n’avait pas droit à l’assurance-emploi pour les motifs suivants : a) il n’était pas disponible pour travailler; b) il résidait à l’extérieur du Canada.

[6] Le demandeur a présenté une demande de révision. Bien que la Commission ait infirmé sa conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas disponible pour travailler, elle a maintenu sa conclusion selon laquelle il résidait à l’extérieur du pays.

[7] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la Commission à la division générale au motif que la Commission avait commis une erreur de droit. Selon lui, l’alinéa 37b) de la Loi sur l’assurance‑emploi, LC 1996, c 23 [la Loi], ne devrait pas être interprété comme une exigence distincte qui le rend inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. (L’alinéa 37b) dispose que le prestataire n’est pas admissible aux prestations pour toute période pendant laquelle il est à l’étranger.) Le demandeur a fait valoir que la Commission aurait dû tenir compte de l’article 18 de la Loi lorsqu’elle s’est prononcée sur la question de savoir s’il était admissible aux prestations par application de l’alinéa 37b) de la Loi. (À l’instar de l’article 37, l’article 18 prévoit les circonstances dans lesquelles un prestataire n’est pas admissible aux prestations.)

[8] La division générale a rejeté l’appel. Elle a souligné qu’il incombe aux prestataires de prouver qu’ils satisfont aux exigences de la loi. Citant l’arrêt Granger c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1986] 3 CF 70 (CAF), 1986 CanLII 3962 (CAF), la division générale a fait remarquer que la loi n’accorde pas au membre de la division générale le pouvoir de déroger à ses dispositions, pour quelque raison que ce soit, peu importe les circonstances atténuantes.

[9] La division générale a fait observer que l’alinéa 37b) de la Loi doit être interprété conjointement avec l’article 55 du Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96‑332 [le Règlement]. Cet article prévoit des exceptions à l’application de l’alinéa 37b) de la Loi. La division générale a conclu que la seule question à se poser pour déterminer l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi pendant que le prestataire est à l’étranger est celle de savoir si le prestataire est visé par une ou plusieurs des exceptions énumérées à l’article 55 du Règlement. La division générale a également conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir d’élargir la liste d’exceptions. Par conséquent, la division générale a confirmé la conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas admissible au bénéfice des prestations lorsqu’il était à l’étranger.

[10] Le demandeur a demandé la permission d’en appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. Il a fait valoir que la division générale avait commis une erreur de droit en concluant qu’elle n’avait pas le pouvoir d’élargir la liste des exceptions prévues à l’article 55 du Règlement.

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[11] Dans la décision faisant l’objet du contrôle, la division d’appel a expliqué les moyens d’appel possibles, notamment le cas où la division générale aurait commis une erreur de droit. La division d’appel a aussi expliqué que le critère pour déterminer si la permission d’en appeler peut être accordée est de savoir si l’appel a une chance raisonnable de succès, compte tenu des moyens d’appel possibles. Autrement dit : est-ce que le prestataire a des chances d’obtenir gain de cause? Comme l’a souligné la division d’appel, le critère de la « chance raisonnable de succès » est moins exigeant que celui qui s’applique à l’instruction de l’appel sur le fond, une fois la permission d’en appeler accordée.

[12] La division d’appel a conclu que les arguments du demandeur n’avaient aucune chance raisonnable de succès. Elle a souscrit à la conclusion de la division générale selon laquelle l’article 55 du Règlement fournit une liste d’exceptions exhaustive et que rien dans le libellé de l’article 55 du Règlement ne laisse entendre que d’autres circonstances peuvent être prises en considération.

[13] La division d’appel a conclu que la division générale avait tenu compte des arguments du demandeur selon lesquels la loi, telle qu’elle est rédigée, ne reconnaît pas que les prestataires n’ont plus besoin d’être physiquement présents au Canada pour postuler un emploi et se présenter à une entrevue. Toutefois, la division d’appel a jugé que la division générale avait conclu à juste titre que la loi devait être appliquée telle qu’elle est rédigée. La division d’appel n’était pas convaincue que l’appel avait une chance raisonnable de succès et, par conséquent, elle a rejeté la demande de permission d’en appeler.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[14] La seule question que doit trancher la Cour est celle de savoir si la décision contestée est raisonnable. Comme l’indique implicitement la question, la décision contestée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Hicks c Canada (Procureur général), 2021 CF 298 au para 15; Hurtubise c Canada (Procureur général), 2016 CAF 147 au para 5).

V. Les dispositions législatives applicables

[15] Avant d’examiner les arguments du demandeur, il est utile d’énoncer les principales dispositions législatives en cause dans la présente demande. Il s’agit de l’article 37 de la Loi et du paragraphe 55(1) du Règlement, qui sont ainsi libellés :

Loi sur l’assurance‑emploi, LC 1996, c 23

Employment Insurance Act, SC 1996, c. 23

Prestataire en prison ou à l’étranger

Prison inmates and persons outside Canada

37 Sauf dans les cas prévus par règlement, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est :

37 Except as may otherwise be prescribed, a claimant is not entitled to receive benefits for any period during which the claimant

a) soit détenu dans une prison ou un établissement semblable;

(a) is an inmate of a prison or similar institution; or

b) soit à l’étranger.

(b) is not in Canada.

Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/97‑332

Employment Insurance Regulations, SOR/96‑332

Prestataires à l’étranger

Claimants Not in Canada

55 (1) Sous réserve de l’article 18 de la Loi, le prestataire qui n’est pas un travailleur indépendant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu’il est à l’étranger pour l’un des motifs suivants :

55 (1) Subject to section 18 of the Act, a claimant who is not a self‑employed person is not disentitled from receiving benefits for the reason that the claimant is outside Canada

a) subir, dans un hôpital, une clinique médicale ou un établissement du même genre situés à l’étranger, un traitement médical qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où il réside au Canada, si l’établissement est accrédité pour fournir ce traitement par l’autorité gouvernementale étrangère compétente;

(a) for the purpose of undergoing, at a hospital, medical clinic or similar facility outside Canada, medical treatment that is not readily or immediately available in the claimant’s area of residence in Canada, if the hospital, clinic or facility is accredited to provide the medical treatment by the appropriate governmental authority outside Canada;

b) assister, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, aux funérailles d’un proche parent ou des personnes suivantes :

(b) for a period of not more than seven consecutive days to attend the funeral of a member of the claimant’s immediate family or of one of the following persons, namely

(i) un de ses grands‑parents, ou un des grands‑parents de son époux ou conjoint de fait,

(i) a grandparent of the claimant or of the claimant’s spouse or common‑law partner,

(ii) un de ses petits‑enfants, ou un des petits‑enfants de son époux ou conjoint de fait,

(ii) a grandchild of the claimant or of the claimant’s spouse or common‑law partner,

(iii) l’époux ou le conjoint de fait de son enfant, ou de l’enfant de son époux ou conjoint de fait,

(iii) the spouse or common‑law partner of the claimant’s son or daughter or of the son or daughter of the claimant’s spouse or common‑law partner,

(iv) l’époux ou le conjoint de fait de l’enfant de son père ou de sa mère, ou de l’enfant de l’époux ou du conjoint de fait de son père ou de sa mère,

(iv) the spouse or common‑law partner of a child of the claimant’s father or mother or of a child of the spouse or common‑law partner of the claimant’s father or mother,

(v) l’enfant du père ou de la mère de son époux ou conjoint de fait, ou l’enfant de l’époux ou du conjoint de fait du père ou de la mère de son époux ou conjoint de fait,

(v) a child of the father or mother of the claimant’s spouse or common‑law partner or a child of the spouse or common‑law partner of the father or mother of the claimant’s spouse or common‑law partner,

(vi) son oncle ou sa tante, ou l’oncle ou la tante de son époux ou conjoint de fait,

(vi) an uncle or aunt of the claimant or of the claimant’s spouse or common‑law partner, and

(vii) son neveu ou sa nièce, ou le neveu ou la nièce de son époux ou conjoint de fait;

(vii) a nephew or niece of the claimant or of the claimant’s spouse or common‑law partner;

c) accompagner, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, un proche parent à un hôpital, une clinique médicale ou un établissement du même genre situés à l’étranger pour un traitement médical qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où ce parent réside au Canada, si l’établissement est accrédité pour fournir ce traitement par l’autorité gouvernementale étrangère compétente;

(c) for a period of not more than seven consecutive days to accompany a member of the claimant’s immediate family to a hospital, medical clinic or similar facility outside Canada for medical treatment that is not readily or immediately available in the family member’s area of residence in Canada, if the hospital, clinic or facility is accredited to provide the medical treatment by the appropriate governmental authority outside Canada;

d) visiter, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, un proche parent qui est gravement malade ou blessé;

(d) for a period of not more than seven consecutive days to visit a member of the claimant’s immediate family who is seriously ill or injured;

e) assister à une véritable entrevue d’emploi pour une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs;

(e) for a period of not more than seven consecutive days to attend a bona fide job interview; or

f) faire une recherche d’emploi sérieuse pour une période ne dépassant pas 14 jours consécutifs.

(f) for a period of not more than 14 consecutive days to conduct a bona fide job search.

[16] Il convient également de noter que le mot « prescribed », qui est utilisé dans la disposition introductive de l’article 37 de la version anglaise de la Loi, est défini ainsi à l’article 2 :

prescribed means prescribed by the regulations or determined in accordance with rules prescribed by the regulations; (Version anglaise seulement)

VI. Analyse

[17] Le demandeur soutient que la décision contestée est déraisonnable pour deux raisons principales. Premièrement, il soutient que la division d’appel a commis une erreur en examinant le fond de son appel, plutôt que de se demander si son appel avait une chance raisonnable de succès. Deuxièmement, il fait valoir que la division d’appel a omis de reconnaître et d’examiner les arguments juridiques particuliers qu’il souhaitait soulever dans son appel. Ces arguments sont les suivants : a) la Loi devrait être interprétée de manière libérale; b) le Tribunal de la sécurité sociale du Canada [le Tribunal] a le pouvoir d’élargir la liste des exceptions figurant à l’article 55 du Règlement.

[18] Je reconnais que la division d’appel a procédé dans une certaine mesure à l’analyse du fond de l’appel du demandeur. Toutefois, elle l’a fait dans le cadre de l’examen visant à décider si le demandeur avait présenté des arguments ayant une chance raisonnable de succès. La division d’appel a reconnu qu’il s’agit d’un critère moins exigeant que celui qui s’applique lorsque l’appel est instruit sur le fond.

[19] Le demandeur voulait interjeter appel de la décision de la division générale au motif que celle-ci avait commis une erreur de droit. La division d’appel a examiné ce qu’elle croyait être les arguments du demandeur à l’appui de sa position selon laquelle la division générale avait commis une erreur dans son analyse, mais elle n’était pas convaincue que ces arguments avaient une chance raisonnable de succès. La décision contestée ne démontre aucune erreur de la part de la division d’appel dans la formulation ou l’application du critère à appliquer dans le cadre d’une demande de permission d’en appeler.

[20] J’ai également examiné si la décision témoigne d’une mauvaise compréhension ou d’un traitement déraisonnable des arguments du demandeur. Pour soutenir que la Loi devrait être interprétée de manière libérale, le demandeur s’appuie sur le principe d’interprétation énoncé à l’article 12 de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21, selon lequel tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. Il s’appuie également sur l’explication de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27, 1998 CanLII 837 (CSC) [Rizzo], selon laquelle il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur (au paragraphe 21).

[21] À l’appui de sa position selon laquelle la division d’appel a mal compris ses arguments, le demandeur attire l’attention de la Cour sur le paragraphe 15 de la décision contestée, qui est ainsi rédigé :

15. Le prestataire s’est appuyé sur des décisions de la Cour suprême du Canada afin de soutenir sa position qu’une exception supplémentaire peut être définie à l’article 55 [avec renvoi, entre autres, à l’arrêt Rizzo]. Cependant, ces décisions concernaient l’interprétation des mots utilisés dans une disposition de la loi. La jurisprudence n’appuie pas l’affirmation selon laquelle une autre exception peut être définie dans une loi où le texte n’appuie pas une telle interprétation. L’article 55 du Règlement sur l’assurance‑emploi a bien une liste exhaustive d’exceptions à la règle générale prévue à l’article 37(b) de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[22] Le demandeur soutient que le fait que la division d’appel a mentionné l’arrêt Rizzo dans ce contexte montre qu’elle a mal compris son argument, puisqu’il invoque cet arrêt à l’appui des principes d’interprétation législative pertinents et non à l’appui de sa position selon laquelle le Tribunal avait le pouvoir d’élargir la liste des exceptions figurant à l’article 55 du Règlement.

[23] Comme il est expliqué dans son exposé des faits et du droit présenté dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, la position générale du demandeur est que la division générale et la division d’appel ont commis une erreur en adoptant une interprétation littérale de l’alinéa 37b) de la Loi et de l’article 55 du Règlement. Le demandeur fait valoir qu’il s’agissait d’une erreur d’appliquer la loi telle qu’elle est rédigée sans recourir aux principes d’interprétation plus larges découlant de la Loi d’interprétation et de l’arrêt Rizzo. Il soutient que l’application d’une interprétation juste, large et libérale des mots « Sauf dans les cas prévus par règlement » à l’article 37 de la Loi appuie la conclusion selon laquelle la liste des exceptions figurant à l’article 55 du Règlement n’est pas exhaustive. Pour cette raison, il est d’avis que le Tribunal a le pouvoir d’interpréter l’article 55 de manière à y inclure une exception pour les personnes qui sont à étranger, qui résident temporairement dans leur résidence secondaire et qui continuent de chercher un emploi.

[24] L’argument du demandeur selon lequel le paragraphe 15 de la décision contestée témoigne d’une mauvaise compréhension de ses arguments me semble peu fondé. Il y a manifestement un lien entre le fait que le demandeur invoque les principes d’interprétation législative et sa position selon laquelle les exceptions prévues à l’article 55 ne sont pas exhaustives. Il était donc raisonnable que la division d’appel fasse référence à la jurisprudence relative à l’interprétation législative dans le cadre de son examen de l’argument du demandeur selon lequel, lorsque la législation est interprétée correctement, elle permet au Tribunal d’appliquer des exceptions autres que celles énoncées à l’article 55.

[25] Le demandeur soutient également que la décision contestée ne fait que répéter et confirmer l’analyse de la division générale. Selon lui, la division d’appel n’a pas mené une analyse indépendante ni fourni de motifs suffisants pour démontrer qu’elle a apprécié ses arguments.

[26] Selon ma lecture de la décision contestée, l’analyse de fond de la division d’appel est principalement énoncée aux paragraphes 13 à 16. La division d’appel fait référence à l’examen mené par la division générale de la question de savoir si elle pouvait élargir la liste d’exceptions prévue à l’article 55 du Règlement, ainsi qu’à l’argument du demandeur selon lequel elle a le pouvoir de le faire parce que l’article 55 ne précise pas qu’il s’agit d’une liste exhaustive. La division d’appel fait ensuite remarquer que la division générale a rejeté cet argument, en se fondant sur le libellé de l’alinéa 37b) de la Loi, qui dit « [s]auf dans les cas prévus par règlement », et sur le fait que c’est à l’article 55 du Règlement que les exceptions sont prévues. La division d’appel fait référence à la conclusion de la division générale selon laquelle rien dans le libellé de l’article 55 ne laisse entendre que d’autres circonstances peuvent être prises en considération.

[27] La division d’appel fournit ensuite une analyse au paragraphe 15 de la décision contestée (comme il a été énoncé ci-dessus), dans laquelle elle rejette l’argument du demandeur et explique que les principes d’interprétation législative pertinents n’appuient pas la conclusion que l’article 55 peut être interprété de manière à inclure une autre exception puisque son texte n’appuie pas cette interprétation. La division d’appel a confirmé la conclusion de la division générale selon laquelle le Tribunal doit appliquer la loi telle qu’elle est rédigée.

[28] À mon avis, la décision contestée montre que la division d’appel a bien compris l’analyse menée par la division générale, qu’elle a tenu compte des arguments proposés par le demandeur en appel et qu’elle a procédé à une analyse indépendante des raisons pour lesquelles ces arguments n’avaient aucune chance raisonnable de succès pour ce qui est d’établir que la division générale a commis une erreur de droit. Cette analyse possède les caractéristiques d’une analyse raisonnable, car elle est intelligible et transparente et justifie le résultat obtenu (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 99).

[29] Le rôle de la Cour dans le cadre du présent contrôle judiciaire consiste à examiner le caractère raisonnable de la décision contestée, et non à évaluer si la division d’appel a bien interprété la Loi et le Règlement. Gardant cela à l’esprit, j’ai examiné la question de savoir si le demandeur a soulevé des arguments convaincants à l’appui de sa prétention selon laquelle la division d’appel a commis une erreur dans l’application des principes d’interprétation législative aux dispositions législatives et réglementaires en cause. Le demandeur soutient que ces principes exigent que la Loi et le Règlement soient interprétés dans le contexte d’une société numérique moderne, dans laquelle une personne n’a pas besoin d’être physiquement présente au Canada pour y chercher activement un emploi. Il soutient en outre qu’une telle interprétation est conforme à l’objet de la Loi, qui consiste à fournir un soutien au revenu temporaire aux travailleurs sans emploi pendant qu’ils cherchent du travail ou perfectionnent leurs compétences.

[30] J’accepte que les principes d’interprétation applicables comprennent le principe voulant que les lois soient interprétées en fonction de la technologie contemporaine, y compris des changements à l’environnement technologique dans lequel la loi doit être appliquée (voir Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Association canadienne des fournisseurs Internet, 2004 CSC 45 au para 43; eBay Canada Ltd c Canada (Revenu national), 2008 CAF 348 [eBay] au para 42). Cependant, bien que l’interprétation législative exige le recours au texte, au contexte et à l’objet de la loi, le texte a été décrit comme étant « le point de départ de toute opération d’interprétation », de sorte qu’il convient d’interpréter « autant que possible » le texte de la loi d’une manière qui serve l’objet prévu par le législateur (voir eBay, au para 32).

[31] Compte tenu de ces principes, je ne vois rien de déraisonnable dans le raisonnement de la division d’appel portant que la jurisprudence n’appuie pas la proposition selon laquelle une loi peut être interprétée de manière à inclure une exception supplémentaire lorsque le texte n’appuie pas cette interprétation.

[32] J’ai examiné les arguments du demandeur et je conclus que la décision contestée est raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

VII. Les dépens

[33] Comme la défenderesse ne sollicite pas les dépens contre le demandeur, aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑1326‑22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COURS FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1326‑22

INTITULÉ :

PASQUALE FIORINO c COMMISSION DE L’ASSURANCE‑EMPLOI DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 DÉceMBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 12 DÉcembRE 2022

COMPARUTIONS :

Pasquale Fiorino

Pour le demandeur

(pour son propre compte)

Andrew Kirk

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour son propre compte

Amherstburg (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Charlottetown (Île‑du‑Prince‑Édouard)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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