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Date : 20221220

Dossier : T-2458-22

Référence : 2022 CF 1778

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 20 décembre 2022

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

GLENN CARDNO ET ROBERT JAGO

demandeurs

et

CHEF ET CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DE KWANTLEN

défendeur

MOTIFS ET ORDONNANCE

[1] Par un avis de demande de contrôle judiciaire déposé le 28 novembre 2022, M. Glenn Cardno et M. Robert Jago (collectivement, les demandeurs) demandent le contrôle de la décision rendue le 21 novembre 2022 par le chef et le conseil de la Première Nation de Kwantlen (collectivement, le défendeur). Dans la décision, le défendeur a avisé M. Jago qu’il ne [traduction] « tiendra pas de séance publique à ce sujet », soit au sujet d’un avis d’expulsion remis à M. Cardno par le Conseil le 3 novembre 2022.

[2] Le 28 novembre 2022, les demandeurs ont déposé un avis de requête dans lequel ils demandaient une injonction pour suspendre l’exécution de l’avis d’expulsion. La requête était étayée par les affidavits de M. Cardno et de M. Jago, établis sous serment le 27 novembre 2022, respectivement.

[3] Le défendeur a déposé l’affidavit de Mme Christine Loewen, établi sous serment le 1ᵉʳ décembre 2022, à titre de preuve en opposition de l’avis de requête.

[4] Lorsque les affidavits font référence à des pièces, ces pièces font partie de la preuve présentée par les parties respectives.

[5] M. Cardno est le conjoint de fait de Mme Virginia Jago, membre de la Première Nation de Kwantlen. M. Cardno n’est pas membre de la Première Nation de Kwantlen.

[6] Mme Jago est décédée le 21 septembre 2021. Au moment de son décès, elle occupait une maison située au 23424 allée Healing Spirit, dans la réserve de la Première Nation de Kwantlen. Elle habitait la maison avec M. Cardno.

[7] La maison appartient à la Première Nation de Kwantlen et a été louée à Mme Jago, conformément à une entente de location conclue avec le service du logement de la Première Nation de Kwantlen. Selon l’affidavit de Mme Loewen, les ententes de location sont gérées par le comité du logement de la Première Nation de Kwantlen.

[8] M. Jago est le fils de Mme Jago et prétend être le représentant de sa succession.

[9] Après le décès de Mme Jago, à un certain moment en octobre 2021, M. Cardno et M. Jago ont été avisés par Mme Tumia Knott, membre du Conseil, qu’ils pouvaient continuer à habiter la maison.

[10] Cette situation a changé en 2022. M. Cardno a reçu un avis d’expulsion le 3 novembre 2022. Il a porté l’avis d’expulsion en appel devant le Conseil qui a rejeté son appel le 18 novembre 2022. Mme Knott, au nom du défendeur, a envoyé un courriel à M. Jago le 21 novembre 2022 pour l’informer que le Conseil ne tiendrait pas de séance publique concernant l’appel de M. Cardno. Elle l’a également avisé que les locataires ne détiennent pas de droits sur les logements et qu’ils ne peuvent pas les céder à leur décès.

[11] Les demandeurs demandent maintenant la suspension de l’exécution de la mesure d’expulsion.

[12] Le critère applicable au redressement interlocutoire est énoncé dans l’arrêt RJR – MacDonald c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 (CSC). Le critère est tripartite et conjonctif et exige de la partie requérante qu’elle démontre que la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente soulève une question sérieuse à juger, qu’un préjudice irréparable non susceptible de donner droit à une indemnisation en dommages-intérêts en résultera si la suspension est refusée et que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur. Le non‑respect de l’un ou l’autre de ces trois éléments fait en sorte que la demande de suspension sera rejetée.

[13] Les demandeurs soutiennent que leur demande de contrôle judiciaire soulève une question sérieuse concernant leurs droits et intérêts sur la maison. Selon eux, ils subiront un préjudice irréparable si la réparation demandée est refusée; le préjudice subi par M. Cardno comprendra l’itinérance et l’ingérence dans les relations avec les petits-enfants et les autres membres de la famille, et M. Jago subira un préjudice en raison de son attachement sentimental à la maison. Ils font valoir que la prépondérance des inconvénients penche en leur faveur.

[14] Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas satisfait au critère de l’injonction. Ils soulèvent également la question de la compétence de la Cour sur ce qui est essentiellement un litige au sujet d’une entente de location, une question de droit contractuel où le défendeur n’agit pas en tant qu’« office fédéral », au sens de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7.

[15] Le défendeur a invoqué la question de la compétence. L’absence de compétence soulève en effet une question sérieuse mais, dans le cadre de la présente requête, il incombe aux demandeurs de démontrer que leur demande de contrôle judiciaire sous-jacente soulève une question sérieuse à juger.

[16] Les demandeurs n’étaient pas prêts à débattre pleinement de la question de la compétence lors de l’audition de la requête et leur requête sera tranchée sur les arguments qu’ils ont avancés.

[17] À la lecture des documents déposés, y compris les observations écrites, et après avoir entendu les arguments oraux des parties, je suis convaincue que la présente requête peut être tranchée sans décider de la question de la compétence.

[18] Je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont présenté une « preuve claire et convaincante » qu’ils subiront un préjudice irréparable si leur requête est rejetée.

[19] Je me reporte à la décision Peshee v Tsuu T’ina Nation, 2007 ABCA 211, aux paragraphes 30 et 31, dans laquelle la Cour d’appel de l’Alberta a formulé des commentaires sur le genre de preuve nécessaire pour démontrer l’existence d’un préjudice irréparable dans des circonstances semblables à celles décrites par les demandeurs dans leurs affidavits et leurs arguments écrits :

[traduction]

[30] Si les trois défendeurs sont tenus de déménager et d’établir en fin de compte que l’avis d’expulsion ne doit pas s’appliquer à eux parce qu’ils ont droit à l’adhésion à la Nation, ils peuvent avoir une demande de dommages-intérêts associée au loyer et aux frais de déménagement. Ce préjudice n’est pas irréparable.

[31] Il peut y avoir des circonstances où la perte de résidence, en soi, constituerait un préjudice irréparable, mais une telle conclusion doit avoir un fondement en preuve. […]

[20] Il n’est pas nécessaire que j’aborde les éléments de la question sérieuse et de la prépondérance des inconvénients. Les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils subiraient un préjudice irréparable si la présente requête était rejetée. Ce défaut est fatal et leur requête sera rejetée.

[21] Le défendeur demande l’adjudication des dépens. Il a obtenu gain de cause dans son opposition à la requête des demandeurs et, selon la procédure habituelle, les dépens suivront l’issue de la cause.

[22] Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, les dépens sont accordés au défendeur, quelle que soit l’issue de la cause.


ORDONNANCE dans le dossier T-2458-22

LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée avec dépens en faveur du défendeur, quelle que soit l’issue de la cause.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2458-22

INTITULÉ :

GLENN CARDNO ET ROBERT JAGO c CHEF ET CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DE KWANTLEN

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE D’AUDIENCE :

Le 13 décembre 2022

MOTIFS ET ORDONNANCE :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS ET DE L’ORDONNANCE :

Le 20 décembre 2022

COMPARUTION :

Naomi Sayers

POUR LES DEMANDEURS

JoAnne Barnum

Nicola Virk

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Naomi Sayers

Avocats

POUR LES DEMANDEURS

Harper Grey LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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