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Date : 20220509


Dossier : IMM‑5269‑21

Référence : 2022 CF 677

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2022

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

OGUNLEYE Morufu Oladiti

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Le contexte et les décisions sous‑jacentes

[1] Le demandeur, Morufu Oladiti Ogunleye, affirme craindre les extrémistes religieux qui l’auraient menacé après sa conversion à la foi chrétienne. M. Ogunleye sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 20 juillet 2021 par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a conclu qu’il n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, les éléments essentiels de sa demande d’asile.

[2] M. Ogunleye est un citoyen du Nigéria âgé de 54 ans qui est né à Ibadan, au sein d’une famille musulmane chiite. En 1974, sa famille et lui ont déménagé à Kano, ville située dans le nord du Nigéria, alors qu’il avait 6 ans. Sa scolarité se limite aux études islamiques; M. Ogunleye explique que son père dirigeait une organisation islamique au Nigéria et refusait de l’envoyer à une école publique. Il soutient que la religion [traduction] « ne le rendait pas heureux » et que son père le forçait à suivre les préceptes de l’islam. Après avoir été témoin du comportement odieux de ceux que M. Ogunleye appelle des [traduction] « extrémistes islamiques » – on a confirmé à l’audience qu’il s’agissait du même groupe dont il était membre depuis sa jeunesse et que dirigeait son père – M. Ogunleye a été persuadé par un de ses amis de se rendre à une église pour y être initié au christianisme; M. Ogunleye s’est converti le 10 janvier 2005, quand il avait 37 ans, trois années après la mort de son père. Il affirme que certains membres du groupe extrémiste islamique l’ont aperçu à l’église le jour de son initiation et, en conséquence, que sa maison et sa voiture ont été détruites. Après ces attaques et une série d’appels téléphoniques menaçants, il aurait décidé de déménager à Lagos puis à Abuja en octobre 2005.

[3] À Abuja, la violence a continué. M. Ogunleye s’est fait agresser à deux reprises chez lui et, en février 2006, s’est réinstallé à Ibadan, où il a été agressé une autre fois dans sa maison. Il a donc quitté Ibadan en décembre 2008 pour retourner à Lagos. Il prétend que les appels menaçants se sont poursuivis et que, près de sept années plus tard, en mars 2015, des inconnus ont incendié sa voiture, sur laquelle ils ont inscrit les mots [traduction] « tu vas mourir ». En septembre 2017, il a reçu une lettre tachée de sang, qui aurait été envoyée par Boko Haram et le menaçait de mort. Il n’a jamais demandé d’aide à la police à Lagos, parce qu’il était persuadé que cette démarche ne donnerait rien. Il s’est rendu aux États‑Unis le 13 novembre 2017, grâce à un visa de visiteur, puis est entré au Canada le 19 décembre 2017.

[4] Dans une décision datée du 16 décembre 2020, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que M. Oguleye n’était pas crédible; son témoignage a été considéré comme vague et manquant de détails au sujet de sa conversion à la foi chrétienne, et les motifs invoqués pour sa conversion étaient incohérents. En outre, la SPR ne croyait pas, selon la prépondérance des probabilités, que M. Ogunleye était perçu comme un Chrétien converti par les extrémistes islamiques qu’il dit craindre. La SPR n’a accordé aucun poids à la lettre de menace qu’il prétend avoir reçue de Boko Haram ni aux photos de son véhicule incendié, à cause de divergences entre l’exposé circonstancié de M. Ogunleye, l’affidavit de son ami, les lettres de ses amis et les éléments de preuve. En dernier lieu, la SPR a tiré une conclusion défavorable relativement à la crédibilité de M. Ogunleye, parce qu’il était incapable de donner une explication raisonnable pour justifier son défaut de présenter une demande d’asile pendant qu’il se trouvait aux États‑Unis.

[5] La SAR a envoyé un avis de nouvelles questions à M. Ogunleye, dans lequel elle sollicite des observations supplémentaires écrites sur certains éléments de son exposé circonstancié, demande à laquelle M. Ogunleye a obtempéré. La question déterminante que la SAR devait trancher concernait la crédibilité. La SAR a conclu que la SPR avait commis une erreur relativement à certaines questions non déterminantes; elle a convenu avec M. Ogunleye que la SPR s’était concentrée trop étroitement sur sa connaissance de la foi chrétienne et sur les incohérences quant à sa motivation à se convertir. Bien que la SPR ait tenu compte du fait que M. Ogunleye est analphabète, la SAR a jugé qu’elle avait imposé à M. Ogunleye une norme trop élevée lors de son évaluation de sa connaissance des préceptes chrétiens. La SAR a jugé par ailleurs que la SPR avait commis une erreur en tirant une conclusion défavorable sur la crédibilité de M. Ogunleye du fait qu’il n’avait pas demandé l’asile aux États‑Unis, étant donné que la situation objective dans ce pays était généralement bien connue et a inévitablement donné lieu à ce défaut.

[6] La SAR a conclu malgré tout que M. Ogunleye n’avait pas établi de manière crédible les éléments essentiels de sa demande d’asile. Tout d’abord, il n’a pas pu fournir de détails cohérents et crédibles sur les soi‑disant extrémistes islamiques qu’il craignait, plus particulièrement le nom du groupe en question. Même si son père était un dirigeant de ce groupe dans sa jeunesse et que lui‑même en a fait partie dès l’âge de 10 ans et jusqu’au moment où il se serait converti au christianisme, quand il avait 37 ans, M. Ogunleye n’a pas été capable de nommer le fondateur du groupe ni son chef actuel. Au bout du compte, la SAR a jugé que M. Ogunleye n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, les éléments essentiels qui résident au cœur de sa demande d’asile, à cause des incohérences et contradictions importantes qui ont jeté un doute sur sa crédibilité. La SAR était d’avis que les documents à l’appui fournis par M. Ogunleye n’ont pas permis de dissiper les préoccupations en matière de crédibilité.

[7] La SAR a également jugé que M. Ogunleye n’a établi aucun lien avec Boko Haram pour étayer ses allégations selon lesquelles l’organisation chercherait à lui porter préjudice. De fait, la raison pour laquelle Boko Haram viserait M. Ogunleye, considérant qu’il ne s’agissait pas du groupe extrémiste auquel ce dernier avait appartenu, n’a jamais été expliquée de façon satisfaisante; la lettre de menaces qui, selon les premières affirmations de M. Ogunleye, aurait été envoyée par Boko Haram, aurait plutôt été envoyée, comme il a été précisé ultérieurement, par des extrémistes islamiques qui cherchaient à contraindre M. Ogunleye à revenir dans leurs rangs. De surcroît, et même si M. Ogunleye et les lettres reçues qui provenaient de ses amis soulignaient que la lettre de Boko Haram était tachée de sang et portait le « logo » de l’organisation, le document présenté par M. Ogunleye ne comportait aucun logo ni aucune tache évidente de sang et était en fait rédigé sur une feuille blanche portant le titre [traduction] « Société islamique de l’État de Kano » et des menaces écrites à la main; compte tenu des incohérences, la SAR n’a accordé aucune force probante à la lettre. Elle n’a pas non plus été convaincue par la réponse offerte par M. Ogunleye afin d’expliquer pourquoi les mots [traduction] « tu vas mourir », qui auraient été écrits sur sa voiture incendiée en 2015, n’apparaissent pas sur les photos du véhicule, et elle a souscrit à l’opinion de la SPR concernant les contradictions entre l’exposé circonstancié de M. Ogunleye, l’affidavit de son ami et les lettres de ses amis. Par conséquent, la SAR a conclu que M. Ogunleye n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était menacé par Boko Haram ou un autre groupe.

II. La question en litige et la norme de contrôle

[8] La seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

[9] Les parties sont d’avis que la norme de contrôle qui s’applique au bien‑fondé d’une décision administrative est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16‑17; Reyes Ramirez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 472 aux para 10‑11). Le caractère raisonnable tient à l’existence de la justification de la décision et à la transparence ainsi qu’à l’intelligibilité dans le raisonnement suivi par le décideur (Vavilov, au para 99). La Cour doit s’abstenir d’« apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » (Vavilov, au para 125, citant Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55).

A. La SAR n’a pas commis d’erreur dans son appréciation de la connaissance qu’avait M. Ogunleye du groupe islamiste auquel il a appartenu

[10] Selon M. Ogunleye, la SAR a conclu à tort qu’il n’était pas crédible en raison d’incohérences dans son exposé circonstancié et dans son témoignage relativement au nom du groupe islamiste dont il a été membre pendant tant d’années. La SAR a jugé que cette connaissance était insuffisante :

[37] Il a été demandé à [M. Ogunleye], dans un avis, de fournir des clarifications supplémentaires sur ces divergences ainsi que sur le nom exact du groupe. Il a répondu que le nom exact de l’organisation était Jamaat Tabligh du Nigéria, une organisation islamique adhérant aux principes chiites de l’islam. Il affirme qu’il croyait qu’elle s’appelait également « Progrès islamique Asalludin » et « Organisation islamique chiite ». Il lui a également été demandé de préciser le nom du fondateur de ce groupe, ainsi que celui de son chef actuel, et l’appelant a répondu qu’il ne connaissait ni l’un ni l’autre. L’appelant a en outre été appelé à fournir des renseignements supplémentaires sur son (ses) rôle(s) au sein de l’organisation, et il a répondu qu’il ne faisait que la suivre d’un endroit à l’autre à Kano et qu’il n’avait pas de rôle précis. Je juge sa connaissance du groupe insuffisante et peu personnelle.

[11] M. Ogunleye prétend que la SAR a substitué sa propre interprétation des événements ayant mené à la demande d’asile et a adopté une approche rigide en rejetant complètement la présomption de véracité énoncée dans l’arrêt Maldonado c Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 2 CF 302 au para 5 [Maldonado]. Je ne suis pas d’accord. Premièrement, selon le principe décrit dans l’arrêt Maldonado, quand un demandeur d’asile jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu’elles le sont, à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter. Cette présomption peut être réfutée quand il y a des raisons de conclure que le témoignage du demandeur d’asile manque de crédibilité en raison de contradictions, d’incohérences, d’omissions ou d’une invraisemblance (He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 2 au para 22; Robert c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 268 au para 38); en l’espèce, il existe des motifs suffisants pour réfuter cette présomption. En outre, la SAR était d’avis que les incohérences étaient telles que l’analphabétisme de M. Ogunleye ne pouvait dissiper les problèmes de crédibilité :

[40] Je suis sensible au fait que l’appelant est analphabète et n’a pas d’éducation formelle, comme je l’ai mentionné précédemment, mais je juge que cela ne peut pas expliquer les incohérences flagrantes concernant le fondement de sa demande d’asile, à savoir le groupe exact qui cherche à lui porter préjudice et les motifs pour lesquels il souhaite le faire.

[41] Le fait que l’appelant soit analphabète ne lui enlève pas la charge de fournir des renseignements exacts et véridiques à l’appui de ses allégations et ne veut pas dire que les renseignements contenus dans son formulaire FDA ou dans d’autres documents fournis ne peuvent être exacts ou véridiques. Il n’y a aucune corrélation connue entre la capacité d’une personne de dire la vérité et sa capacité de lire et d’écrire. L’appelant avait confirmé au début de l’audience de la SPR que son formulaire FDA était exact et complet. L’appelant n’a pas non plus demandé la qualité de personne vulnérable et n’a pas présenté d’élément de preuve médicale dans le dossier qui confirmerait son incapacité à se souvenir des renseignements clés essentiels à sa demande d’asile.

[42] L’affaire Olajide mentionnée par l’appelant a également rappelé qu’un facteur important dans l’évaluation de la crédibilité est la cohérence intrinsèque et la cohérence par rapport aux déclarations antérieures et a conclu, en ce qui concerne les faits exposés, que [traduction] « lorsqu’il y a suffisamment de contradictions et d’omissions graves, le point de non‑retour est atteint ». Je conclus que c’est également le cas en l’espèce.

[43] À mon avis, les connaissances vagues et insuffisantes de l’appelant pour établir son appartenance passée à Jamaat Tabligh, ainsi que les déclarations incohérentes quant au nom du groupe auquel il appartenait, montrent clairement que cet élément important de la demande d’asile de l’appelant n’est pas crédible.

[44] Je remarque par ailleurs que l’appelant n’a pas présenté d’éléments de preuve corroborants permettant de conclure qu’il était auparavant membre de ce groupe afin de lever cet obstacle.

[Non souligné dans l’original.]

[12] Je suis d’avis qu’il n’était absolument pas déraisonnable pour la SAR de juger que l’incapacité de M. Ogunleye à désigner clairement le groupe islamique dont il avait été membre pendant 27 ans et qu’il affirme maintenant craindre, même s’il n’a peut‑être pas joué de rôle important au sein de l’organisation, touche au cœur de sa crédibilité; le fait qu’il soit analphabète ne l’emporte pas sur ce problème fondamental. Contrairement à la situation dans Yilmaz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 844, je n’ai pas été convaincu qu’une personne doit normalement avoir été membre actif d’un groupe pour en connaître des faits essentiels comme le nom du groupe ou celui de son fondateur ou de son chef actuel.

[13] M. Ogunleye a décrit le groupe comme étant composé [traduction] « d’extrémistes islamiques » dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (formulaire FDA), puis l’a désigné [traduction] « Organisation islamique chiite » dans son formulaire FDA mis à jour, [traduction] « Progrès islamique Asalludin » dans son témoignage à l’audience et « Jamaat Tabligh du Nigéria » dans ses observations supplémentaires. Laissant de côté les différences entre les groupes chiites et sunnites, la SAR a rejeté les explications fournies par M. Ogunleye dans ces observations supplémentaires, soit qu’il croyait que le groupe Jamaat Tabligh du Nigéria s’appelait également « Progrès islamique Asalludin » et « Organisation islamique chiite ». Il était loisible à la SAR d’examiner la réponse ou l’explication donnée pour justifier ces divergences et de décider si elle est suffisante (Sinan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 87 au para 10). Pour la SAR, les incohérences et la méconnaissance de détails aussi fondamentaux étaient assez importantes pour l’amener à tirer une conclusion défavorable, et je suis d’avis qu’il n’y a rien de déraisonnable dans cette décision. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve (Vavilov au para 125).

B. La SAR n’a pas commis d’erreur dans son évaluation de l’allégation de M. Ogunleye concernant le fait qu’il était recherché par Boko Haram

[14] Selon M. Ogunleye, la SAR a fait montre d’un excès de zèle lorsqu’elle a vu des contradictions et des omissions dans le fait qu’il ne pouvait identifier la faction de Boko Haram lui ayant proféré les menaces; il suffisait de savoir que la lettre émanait de Boko Haram pour établir que ce groupe le recherchait. Il ajoute que la SAR s’est trompée en affirmant que Boko Haram exerçait une influence limitée en dehors de la région du nord‑est du Nigéria, étant donné qu’une source neutre, le cartable national de documentation [le CND], mentionne que le groupe, même s’il possède sa base principale dans cette région, a commencé récemment à étendre le mouvement d’insurrection dans les régions du nord et du centre du Nigéria ainsi qu’aux pays voisins. M. Ogunleye fait valoir également que la SAR a mal interprété ses observations supplémentaires lorsqu’elle a conclu qu’il semblait affirmer que c’est le groupe Jamaat Tabligh plutôt que Boko Haram qui avait envoyé la lettre.

[15] Le facteur déterminant pour la SAR est l’incapacité de M. Ogunleye d’établir un lien entre sa demande d’asile et Boko Haram :

[49] Comme le confirme le cartable national de documentation, Boko Haram est un groupe d’idéologie [traduction] « salafiste‑djihadiste » (sunnite). Comme l’appelant prétend avoir été membre d’un groupe chiite, Jamaat Tabligh, il n’existe aucun lien établi avec Boko Haram pour étayer ses allégations selon lesquelles ce groupe chercherait maintenant à lui porter préjudice. Cette affirmation est étayée par des éléments de preuve documentaire montrant que Boko Haram est actif et présent dans la région du nord‑est du Nigéria (principalement dans l’État de Borno, l’État d’Adamawa et l’État de Yobe), mais que son influence est limitée en dehors de ces régions et qu’il s’aventure rarement dans d’autres parties du nord musulman ou du sud chrétien du Nigéria.

[50] L’absence de lien avec Boko Haram concerne également la lettre de menaces qui, selon l’appelant, lui a été envoyée par Boko Haram, car elle comportait des taches de sang et le [traduction] « logo » de Boko Haram. La lettre en question a été présentée après l’audience de la SPR, mais ne contient aucun « logo ». Il s’agit d’un document écrit intitulé [traduction] « Société islamique de l’État de Kano » (Islamic Society of Kano State), ce qui, une fois de plus, n’établit aucun lien clair avec Boko Haram ou Jamaat Tabligh.

[16] Même si M. Ogunleye a pu démontrer que l’influence de Boko Haram s’exerçait en dehors de la région du nord‑est du Nigéria, il reste que la SAR n’a accordé aucun poids à la lettre manuscrite supposément envoyée par le groupe :

[51] Quand il a été demandé à l’appelant en appel des renseignements supplémentaires sur le motif pour lequel Boko Haram lui enverrait une lettre écrite en anglais pour le menacer, alors qu’il ne sait ni lire ni écrire, l’appelant a répondu que le groupe savait que ses beaux‑parents savaient lire et qu’ils lui liraient la lettre. Dans ses réponses supplémentaires à la SAR, l’appelant semble également laisser entendre que c’est Jamaat Tabligh qui lui a envoyé la lettre parce que le groupe voulait que l’appelant redevienne membre, et qu’il a en fait reçu des lettres de menaces similaires de la part des deux groupes; mais cela n’est pas cohérent avec le témoignage antérieur de l’appelant selon lequel c’est Boko Haram qui l’a menacé, ni avec son formulaire FDA qui mentionne uniquement que Boko Haram l’a menacé.

[52] Enfin, la SPR a constaté que la lettre elle‑même précise qu’il s’agit de la troisième lettre envoyée, ce qui n’est pas non plus cohérent avec les allégations de l’appelant, qui n’a pas déclaré avoir reçu trois lettres.

[53] Compte tenu de ces incohérences, et du fait que la lettre manuscrite ne contient aucun logo et n’a aucun lien avec l’une ou l’autre des organisations mentionnées par l’appelant, j’estime qu’elle n’a aucun poids pour corroborer les allégations de ce dernier selon lesquelles il a été menacé par Boko Haram ou Jamaat Tabligh, comme il l’a prétendu.

[17] La SAR n’a pas été convaincue par les explications de M. Ogunleye relativement aux auteurs de la lettre et à leur motivation. M. Ogunleye affirme que la SAR n’a pas bien compris ses explications, puisqu’il n’a pas mentionné la lettre dans ses observations supplémentaires. Toutefois, même si la SAR avait mal interprété ses explications, elle a également conclu que la lettre ne pouvait établir de lien avec Boko Haram, car elle n’arborait pas le logo du groupe, contrairement à la description de la lettre donnée par M. Ogunleye dans son FDA et par ses amis. Il incombe au demandeur d’établir les principaux éléments de sa demande d’asile et, compte tenu de l’absence de preuve, je suis d’avis que la SAR n’a pas commis d’erreur quand elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Ogunleye n’avait pas démontré qu’il était menacé par Boko Haram. En fin de compte, la SAR a jugé qu’il y avait des incohérences et des contradictions dans le témoignage de M. Ogunleye quant aux faits importants résidant au cœur de sa demande d’asile – c’est‑à‑dire sa crainte d’être poursuivi par des groupes religieux extrémistes, dont Boko Haram, en raison de sa conversion à la foi chrétienne – et les documents à l’appui présentés par M. Ogunleye n’ont pas dissipé ces préoccupations en matière de crédibilité.

[18] Je conclus que la SAR n’a pas commis d’erreur dans son évaluation des éléments de preuve. D’après elle, les incohérences dans l’exposé circonstancié de M. Ogunleye, le témoignage de ce dernier et les éléments de preuve documentaire étaient assez importantes pour l’amener à conclure que la demande d’asile n’était pas crédible. Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de la SAR.

III. Conclusion

[19] Je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5269‑21

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5269‑21

 

INTITULÉ :

OGUNLEYE MORUFU OLADITI c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 MARS 2022

 

JUGEMENT et motifs :

LE JUGE PAMEL

 

DATE :

LE 9 MAI 2022

 

COMPARUTIONS :

Mariama Diallo

POUR LE DEMANDEUR

Lynne Lazaroff

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mariama Diallo

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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