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Date : 20230209


Dossier : IMM-7948-21

Référence : 2023 CF 191

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 février 2023

En présence de madame la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

PRECIOUS EROMOSELE OKONOFUA et FLORENCE ONYEKACHUKWU OKONOFUA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs sont un couple nigérian dont les demandes d’asile ont été rejetées par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] et par la Section d’appel des réfugiés [la SAR]. La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas établi son identité et que la demanderesse disposait d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] dans la ville d’Abuja. En appel, la SAR a été convaincue de l’identité du demandeur, mais elle a confirmé la conclusion de la SPR concernant la PRI dont disposait la demanderesse.

[2] Dans leurs observations écrites, les demandeurs font valoir ce qui suit : i) la SAR a manqué à son obligation d’équité procédurale en soulevant la question de la PRI à l’égard du demandeur sans lui donner la possibilité de présenter des observations; ii) la SAR a commis une erreur en concluant que les demandeurs disposaient d’une PRI à Abuja. À l’audience, toutefois, l’avocat des demandeurs a plutôt insisté sur l’argument selon lequel le défaut de la SAR d’inviter le demandeur à présenter des observations sur le deuxième volet du critère relatif à la PRI équivalait à un manquement à l’équité procédurale.

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Faits

[4] Les demandeurs allèguent qu’en mai 2019, le père de la demanderesse leur a offert d’utiliser une partie de la terre non aménagée qu’il possédait à Obiaruku, dans l’État du Delta. Lorsqu’ils sont allés inspecter la terre avec des travailleurs, un homme âgé s’est approché d’eux et les a avertis de rester à l’écart. Plus tard au cours du même mois, le demandeur a montré la terre à un partenaire d’affaires, mais il n’a pas vu l’homme âgé.

[5] En juin 2019, alors qu’ils revenaient à leur domicile à Otokutu-Udu (à environ une heure de route de la terre) après avoir fait des courses, ils ont trouvé leur gardien de sécurité ligoté et bâillonné dans leur guérite. Le gardien leur a dit que quatre hommes l’avaient forcé à ouvrir le portail sous la menace d’une arme, qu’ils avaient demandé où était son « patron » et qu’ils l’avaient giflé avant de le ligoter et d’entrer dans la maison. En entrant dans la maison, les demandeurs ont trouvé le père de la demanderesse mort; il avait apparemment reçu une balle dans la poitrine. Sur la table à côté de lui se trouvait un message de menaces, écrit avec du sang, qui les avertissait de se tenir loin de la terre. Plus tard, des policiers ont emporté le corps et ont assuré aux demandeurs qu’ils feraient enquête; ils leur ont conseillé de se reposer et de garder le portail bien fermé.

[6] Plus tard dans la nuit, les demandeurs ont entendu quelqu’un faire claquer les barreaux devant leur maison et, en regardant à l’extérieur, ils ont vu que le portail était grand ouvert et que deux hommes se tenaient devant leur porte d’entrée. Les demandeurs se sont échappés par la porte de derrière avec leurs enfants et la mère de la demanderesse et ils ont réussi à éviter les hommes et à s’enfuir par le portail ouvert.

[7] Le lendemain matin, ils se sont tous rendus en voiture jusqu’au domicile du père du demandeur à Igueben, dans l’État d’Edo (à environ quatre heures de route). Cette nuit-là, des hommes non identifiés sont revenus les chercher et ils ont essayé d’enfoncer la porte d’entrée. La mère de la demanderesse a pris les enfants avec elle et ils se sont enfuis par l’arrière, dans la forêt. Les demandeurs se sont échappés peu après et ils ont entendu un coup de feu. Ils ont appris, plus tard, que le père du demandeur, qui était resté sur place pour retenir les hommes, avait été tué. Ils n’ont pu confirmer que leurs enfants s’en étaient sortis indemnes qu’après qu’ils eurent quitté le Nigeria.

[8] Les demandeurs sont partis pour Lagos en autobus, s’y sont cachés durant quelques jours, puis se sont rendus à New York munis de visas américains qu’ils avaient obtenus en 2017 pour des vacances qu’ils avaient prévues. À leur arrivée à New York, ils se sont disputés et chacun est parti de son côté; le demandeur s’est rendu à Atlanta pour trouver du travail et la demanderesse s’est rendue au Canada en empruntant le chemin Roxham. Elle a demandé l’asile le 18 juin 2019 et a communiqué avec son mari le lendemain. Ce dernier l’a rejointe au Canada et a présenté une demande d’asile fondée sur le même récit.

[9] Le demandeur allègue que, pendant son séjour aux États-Unis, il a parlé à son ami Martins Orlu, du service de police de Lagos. À sa demande, son ami a examiné leur dossier et l’a informé que, selon ses contacts au sein de la police, les personnes qui les poursuivaient, son épouse et lui, appartenaient à une organisation appelée la Confrérie de la hache noire (la Confrérie). Il a dit au demandeur que la Confrérie avait des liens puissants au sein de la police, qu’il n’y avait aucun espoir que les meurtriers de son père et de son beau-père soient traduits en justice et qu’il serait préférable pour sa famille et lui de ne pas revenir au Nigeria.

[10] Dans un addenda à l’exposé circonstancié initial contenu dans leur formulaire Fondement de la demande d’asile, les demandeurs allèguent qu’en novembre 2019, le frère cadet du demandeur ainsi que des invités ont séjourné au domicile des demandeurs à Otokutu-Udu, dans l’État du Delta. Aux premières heures du 9 novembre 2019, des inconnus ont assailli la maison et y ont mis le feu. Le frère et ses invités ont fui la maison en flammes et ont trouvé leur garde de sécurité ligoté et battu à l’intérieur de la guérite. Avant de mettre le feu à la maison, les assaillants avaient demandé au garde de sécurité où se trouvaient les demandeurs et celui-ci avait répondu qu’ils n’étaient pas là. Le frère a signalé l’attaque à des policiers, mais ces derniers lui ont dit que l’affaire faisait déjà l’objet d’une enquête et ils ont exigé un pot-de-vin de 150 000 naira pour enquêter sur l’attaque.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[11] Premièrement, la SAR a infirmé la conclusion de la SPR concernant l’identité du demandeur.

[12] En ce qui concerne la conclusion relative à la PRI, la SAR a noté que les demandeurs n’avaient contesté que la conclusion tirée par la SPR à l’égard du premier volet du critère.

[13] À l’instar de la SPR, la SAR a conclu qu’aucun élément de preuve ne permettait de relier entre elles les diverses attaques alléguées ou d’établir un lien avec la terre que le père de la demanderesse avait offerte aux demandeurs. Elle a conclu que même si ces incidents étaient liés, les demandeurs n’avaient pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour établir que leurs agents de persécution appartenaient à la Confrérie. Elle a examiné le témoignage des demandeurs, leurs exposés circonstanciés, une lettre rédigée par leur avocat, une lettre et des documents provenant de leur ami au sein de la police, ainsi que les affidavits souscrits par des membres de leur famille et par des amis. La SAR a jugé que la SPR avait eu raison de conclure que ces éléments de preuve n’établissaient pas que les agents de persécution des demandeurs étaient liés à la Confrérie et qu’ils n’établissaient pas non plus leur identité.

[14] La SAR a donc conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré que leurs agents de persécution avaient les moyens ou la motivation nécessaires pour les retrouver à Abuja.

[15] La SAR a noté que les demandeurs n’avaient pas contesté la conclusion de la SPR selon laquelle Abuja constituait une PRI raisonnable pour la demanderesse et qu’ils n’avaient pas soutenu qu’Abuja ne constituait pas une PRI raisonnable pour le demandeur. En ce qui concerne ce dernier point, la SAR a fait observer que la SPR n’avait pas explicitement examiné la question de la PRI à l’égard du demandeur, mais elle a conclu que cette question avait été soulevée puisque la SPR avait interrogé le demandeur au sujet d’Abuja en tant que PRI lors de son audience. La SAR a fait remarquer que le demandeur n’avait donné aucune raison pour expliquer pourquoi il serait déraisonnable pour lui de s’installer à Abuja.

[16] La SAR a jugé que l’analyse de la SPR quant au deuxième volet du critère relatif à la PRI concernant la demanderesse s’appliquait aussi au demandeur, en y apportant certains bémols. Elle a examiné la preuve documentaire contenue dans le cartable national de documentation [le CND]; les éléments de preuve concernant l’éducation, les compétences linguistiques et les perspectives d’emploi du demandeur; et la preuve médicale concernant la santé mentale de ce dernier. À l’instar de la SPR, elle a conclu que, malgré l’insuffisance générale des ressources en santé mentale au Nigeria, Abuja constituait une PRI raisonnable pour le demandeur. Comme la SPR, elle s’est appuyée sur des éléments de preuve de l’existence d’organismes sans but lucratif et d’organismes de bienfaisance qui offrent un soutien psychologique, notamment à l’aide de WhatsApp. La SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’Abuja constituait une PRI déraisonnable.

IV. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[17] La norme de contrôle applicable lorsqu’il est question du bien-fondé de la décision est celle de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 au para 35). Pour ce qui est de l’équité procédurale –la SAR aurait soulevé une nouvelle question en appel sans donner aux demandeurs la possibilité de présenter des observations –, la norme de contrôle applicable s’apparente à la norme de la décision correcte (Ojarikre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 896 au para 13).

[18] Voici les questions soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire :

  1. La SAR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en soulevant la question d’une PRI pour le demandeur pour la première fois en appel sans donner à ce dernier la possibilité de présenter des observations, ou en n’examinant pas le deuxième volet du critère relatif à la PRI?

  2. La SAR a-t-elle déterminé à bon droit qu’Abuja constituait une PRI valable pour les demandeurs?

V. Analyse

A. La SAR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en soulevant la question d’une PRI pour le demandeur pour la première fois en appel sans donner à ce dernier la possibilité de présenter des observations, ou en n’examinant pas le deuxième volet du critère relatif à la PRI?

[19] La SPR avait soulevé la question de l’existence d’une PRI pour les deux demandeurs et la commissaire avait interrogé les deux demandeurs à ce sujet, mais la SAR a reconnu que la SPR, ayant conclu que le demandeur n’avait pas établi son identité, n’avait tiré aucune conclusion concernant l’existence d’une PRI pour ce dernier.

[20] Les demandeurs soutiennent que, dans les circonstances, la SAR aurait dû à tout le moins leur envoyer une lettre d’équité procédurale les invitant à présenter des observations sur la question de la PRI pour le demandeur. Selon eux, le défaut de la SAR à cet égard équivaut à un manquement à l’équité procédurale.

[21] Les demandeurs soutiennent aussi que, s’agissant du deuxième volet du critère relatif à la PRI, l’analyse visant la demanderesse ne peut être appliquée au demandeur; ce dernier est peu scolarisé comparativement à la demanderesse et il a reçu un diagnostic de problèmes de santé mentale.

[22] Malheureusement, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs.

[23] Premièrement, la transcription de l’audience devant la SPR montre qu’au début de l’audience, la SPR a clairement mentionné que l’existence d’une PRI à Abuja était une question déterminante pour les deux demandeurs. La commissaire de la SPR a essayé de poser des questions concernant le deuxième volet du critère relatif à la PRI, mais la demanderesse s’est contentée de répondre que s’ils s’installaient à Abuja, ils seraient retrouvés et tués, revenant ainsi au premier volet du critère. Voici le dernier échange sur le sujet :

[traduction]
COMMISSAIRE : Existe-t-il une autre raison dont vous ne m’avez pas parlé pour laquelle vous […] Alors, existe-t-il une autre raison pour laquelle vous ne pourriez pas vivre à Abuja, à part celles dont vous m’avez parlé?

DEMANDEURE D’ASILE ASSOCIÉE : La seule autre raison est qu’il n’y a aucun endroit au Nigeria où je peux être en sécurité ou me cacher. Il n’y a aucune chance qu’ils ne réussissent pas à m’atteindre parce que je devrai aller travailler et vaquer à mes occupations normales, et ils ont failli m’attraper. Je ne pourrai pas me cacher. Cela signifie que, si j’y vais, je ne serai plus en vie pour raconter mon histoire.

[24] Plus tard, le demandeur a fait à peu près pareil :

[traduction]
COMMISSAIRE : Votre épouse m’a donné plusieurs raisons pour lesquelles vous ne pourriez pas vivre à Abuja ou à Port Harcourt. Avez-vous quelque chose de différent à ajouter?

DEMANDEUR D’ASILE : Ce que j’ai à ajouter est que le Nigeria, peu importe la ville, figure au deuxième rang des pays les moins sûrs au monde, le niveau d’insécurité à l’heure actuelle et les gens à qui nous avons affaire, ma femme ne sait même pas […] elle ne sait pas grand-chose au sujet de la Confrérie de la hache noire. Maintenant, ils […] si vous […] même si vous déménagez et que vous dormez dans un appartement entouré de policiers, ils vont quand même entrer et vous tuer. Donc, peu importe où au Nigeria, un retour serait une condamnation à mort. Personne ne peut rien y faire. C’est le système; il est mauvais, poreux.

[25] Lorsque l’avocat des demandeurs a posé des questions à son tour, il n’est revenu sur la question de la PRI que pour tenter de clarifier le lien entre les agents de persécution des demandeurs et la Confrérie (premier volet du critère). Ses questions s’adressaient plus précisément au demandeur.

[26] Les deux demandeurs ont déclaré qu’il ne serait pas sûr pour eux de s’installer à Abuja (premier volet du critère). Toutefois, même s’ils avaient tous deux eu l’occasion de faire valoir qu’il ne serait pas raisonnable pour eux de le faire (deuxième volet du critère), ni l’un ni l’autre ne l’a fait.

[27] Deuxièmement, et c’est le plus important, dans les observations que les demandeurs ont présentées à la SAR, ils ont présumé que les conclusions de la SPR concernant la PRI s’appliquaient également au demandeur :

[traduction]
Aux paragraphes 29 à 68 des motifs de la décision, le tribunal a expliqué sa conclusion selon laquelle Florence (tout comme Precious, vraisemblablement) disposait d’une PRI viable à Abuja.

Les motifs pour lesquels le tribunal a conclu que les appelants ne satisfaisaient pas au premier volet du critère relatif à la PRI […]

[…]

Il est admis que les seules sources de renseignements sur lesquels repose la conviction des appelants que leurs agents de persécution […]

(Caractères gras ajoutés.)

Observations présentées à la SAR, aux para 23-24, 25; DCT, aux pp 61-62, 64.

[28] Si les demandeurs ont présumé que la conclusion de la SPR s’appliquait à eux deux, il était, à mon avis, loisible à la SAR de présumer de même.

[29] Troisièmement, même si les demandeurs n’ont pas interjeté appel de la conclusion de la SPR concernant le deuxième volet du critère relatif à la PRI, la SAR a tout de même fait sa propre évaluation et a conclu qu’il ne serait pas déraisonnable pour les demandeurs de s’installer à Abuja. En ce qui concerne le demandeur, la SAR a tenu compte de son éducation, de son employabilité, de son identité non autochtone et de sa santé mentale. Au sujet de sa santé mentale, la SAR a décrit le rapport de psychothérapie et a noté que rien ne prouvait qu’il prenait des médicaments pour la santé mentale. De plus, la SAR a noté, d’après les renseignements contenus dans le CND, que l’accès à des soins de santé mentale était très difficile au Nigeria, mais que des services de consultation psychiatrique étaient offerts moyennant des frais et que des programmes gérés par des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance offraient un soutien psychologique, y compris sur WhatsApp. Elle a donc conclu que le demandeur pourrait avoir accès à du soutien en matière de santé mentale à Abuja.

[30] Enfin, dans leurs observations à la Cour, les demandeurs n’avancent aucun argument qu’ils auraient présenté à la SAR à la lumière de l’évaluation de la question faite par celle-ci d’après la preuve.

[31] Par conséquent, je suis d’avis que la SAR n’a pas soulevé une nouvelle question concernant le demandeur; elle a simplement fait ce qu’on lui demandait de faire, c’est-à-dire examiner et évaluer à nouveau la preuve. Ce faisant, elle n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale.

B. La SAR a-t-elle déterminé à bon droit qu’Abuja constituait une PRI valable pour les demandeurs?

[32] Le critère relatif à la PRI comporte deux volets :

a) La Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe une possibilité de refuge.

b) La situation dans cette partie du pays doit être telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur, compte tenu de toutes les circonstances, de s’y réfugier.

Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA) à la p 710; Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA) aux pp 596-598;

Diaz Pena c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 369 aux para 35-36;

Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643 aux para 11-12.

[33] En ce qui concerne le premier volet du critère, la SAR a évalué la preuve sur le lien allégué entre les agents de persécution et la Confrérie et elle a conclu que la preuve n’était pas convaincante.

[34] La SAR a fourni de nombreux motifs à l’appui de cette conclusion, notamment :

a) Les demandeurs ont déclaré, lors de leur témoignage, que ni eux ni le père de la demanderesse ne connaissaient l’homme qui les avait approchés lorsqu’ils étaient allés voir la terre ou les hommes qui s’étaient présentés chez eux et avaient ligoté le gardien de sécurité.

b) Aucun élément de preuve n’établissait de lien entre l’incident survenu au domicile des demandeurs ou celui survenu au domicile du père du demandeur et la Confrérie.

c) Une lettre du gardien de sécurité donnait des détails sur l’incident survenu le 1er juin, mais elle n’établissait pas de lien avec la Confrérie.

d) L’avocat des demandeurs avait rédigé une lettre à l’appui de leur demande d’asile au Canada. Les demandeurs ont confirmé que l’avocat n’avait aucune connaissance directe des incidents à l’origine de leur demande d’asile. Sa connaissance était fondée sur ce que les demandeurs lui avaient dit.

e) Les lettres des membres de la famille étaient également fondées sur des renseignements fournis par les demandeurs.

f) Un extrait du registre des crimes de la police indiquait que le père avait été tué dans sa maison, et non dans celle des demandeurs, et il ne faisait aucune mention de la Confrérie.

g) La principale source d’éléments de preuve selon lesquels les agresseurs faisaient partie de la Confrérie était un agent de police, qui était aussi un ami des demandeurs, et celui-ci n’a pas précisé s’il avait fourni la lettre à titre professionnel et il n’a pas non plus fourni sa carte d’identité. De plus, les renseignements contenus dans la lettre de l’agent de police au sujet du décès du père de la demanderesse n’étaient pas conformes au témoignage de celle-ci, et l’agent de police n’expliquait pas comment il savait que la Confrérie était en cause.

Décision de la SAR, DCT, aux pp 9-14.

[35] À mon avis, cette conclusion appartient aux issues raisonnables, elle est intelligible et elle est bien étayée par la preuve.

[36] La SAR ayant conclu que l’identité des agresseurs n’avait pas été établie, il était raisonnable pour elle de conclure que les demandeurs n’avaient pas fourni une preuve suffisante pour démontrer que leurs agents de persécution avaient les moyens et la motivation nécessaires pour les retrouver à Abuja.

[37] En ce qui concerne le deuxième volet du critère, la Cour a expliqué le seuil que les demandeurs doivent respecter aux paragraphes 11 et 12 de la décision Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643 :

[…] lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est déraisonnable, la barre est [traduction] « très haute » et « nécessite rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur s’il devait voyager ou se relocaliser temporairement » dans la région où il existe une possibilité de refuge intérieur […] Autrement dit, il faudrait démontrer que le demandeur « s’exposerait à un grand danger physique ou […] subirait des épreuves indues pour se rendre » à la possibilité de refuge intérieur […] pour déterminer objectivement un caractère déraisonnable en l’espèce. En outre, le demandeur doit présenter « une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions » pour que sa demande d’asile au Canada soit acceptée […] [renvois omis].

[38] En l’espèce, la SAR a bel et bien examiné la preuve, y compris le rapport fourni par le psychothérapeute du demandeur et la preuve du CND, et elle a conclu que le demandeur pourrait obtenir du soutien en santé mentale dans son pays.

[39] Les demandeurs n’ont relevé aucune erreur de la SAR qui justifierait l’intervention de la Cour.

VI. Conclusion

[40] Comme je conclus que le processus de la SAR a été équitable sur le plan procédural et que la SAR n’a pas commis d’erreur en concluant que les demandeurs disposaient d’une PRI à Abuja, la demande de contrôle judiciaire de ces derniers sera rejetée.

[41] Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier, et les faits de l’affaire n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-7948-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7948-21

 

INTITULÉ :

PRECIOUS EROMOSELE OKONOFUA et FLORENCE ONYEKACHUKWU OKONOFUA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 novembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Daniel Etoh

 

Pour les demandeurs

 

Jake Boughs

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Daniel Etoh

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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