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Date : 20230207


Dossier : IMM-8132-21

Référence : 2023 CF 178

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 Février 2023

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

SILVER OGHENETEGA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Silver Oghenetega, a fui le Nigéria et a demandé l’asile au Canada au motif de son orientation sexuelle.

[2] L’identité de la demanderesse constituait la question déterminante pour la Section de la protection des réfugiés (la SPR) et la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SAR a conclu que la demanderesse n’avait pas établi son identité selon la prépondérance des probabilités (la décision), confirmant ainsi la décision de la SPR. La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision afin que celle-ci soit annulée et l’affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR.

[3] À mon avis, la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer que la décision est déraisonnable. Il n’est pas contesté que la norme applicable au présent contrôle judiciaire est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) aux para 10, 25, 100. Par conséquent, je rejetterai la demande pour les motifs qui suivent.

II. Analyse

[4] J’estime que la décision possède les caractéristiques de justification, d’intelligibilité et de transparence, et repose sur une analyse logique et des motifs intrinsèquement cohérents qui permettent à la Cour « de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées » : Vavilov, au para 97, citant Komolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431 au para 11.

[5] Contrairement à ce que soutient la demanderesse, la question de savoir si le Haut-commissariat du Nigéria à Ottawa lui a « délivré de manière légitime » le passeport ou si elle a suivi la procédure normale pour obtenir ce passeport n’était pas en litige devant la SAR. Comme la SAR l’a raisonnablement expliqué à mon avis, la question à trancher est celle de la crédibilité des documents qui étayent l’ancien passeport de la demanderesse, lequel constituait la seule base documentaire pour la délivrance du passeport subséquent par le Haut-commissariat du Nigéria à Ottawa.

[6] Plus particulièrement, la demanderesse a obtenu son ancien passeport grâce à une attestation de naissance, et elle a fourni un témoignage contradictoire concernant l’endroit où se trouvait le document. La demanderesse a également déclaré que l’attestation de naissance présentée à la SPR et ensuite à la SAR, qui semble à première vue être une [traduction] « copie d’une copie », a été obtenue au moyen d’une déclaration d’âge qui aurait été signée par sa mère.

[7] À mon avis, la SAR a raisonnablement conclu que la déclaration d’âge et, par conséquent, l’attestation de naissance dont elle disposait étaient des documents frauduleux parce que la signature sur la déclaration d’âge était très différente de celle sur l’affidavit de la mère de la demanderesse. La SPR et la SAR n’étaient pas convaincues par l’explication de la demanderesse selon laquelle sa mère n’était pas instruite, afin de justifier pourquoi elle aurait employé deux styles très différents pour signer son nom.

[8] Malgré l’affirmation de la demanderesse, je ne suis pas d’avis que la SAR a ignoré ou n’a pas tenu compte de la présomption selon laquelle le passeport délivré par le Haut-commissariat du Nigéria à Ottawa constitue une preuve prima facie de son identité. Comme l’a expliqué la SAR de manière logique à mon avis, il s’agit plutôt du fait que le fondement de cette présomption a été « érodé » ou réfuté, selon la prépondérance des probabilités, en raison des documents frauduleux susmentionnés : Teweldebrhan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 418 aux para 14-15. Contrairement aux observations de la demanderesse, la SAR n’a pas tiré cette conclusion uniquement sur la base de son témoignage contradictoire concernant l’endroit où se trouve l’attestation de naissance.

[9] Vu les circonstances, la SAR pouvait conclure que le passeport délivré par le Haut-commissariat du Nigéria à Ottawa n’était pas un élément de preuve crédible et n’y accorder aucun poids : Ariyaratnam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1216 au para 8.

[10] En outre, le témoignage de la demanderesse au sujet de sa connaissance du Nigéria ainsi que les autres documents déposés en preuve, notamment une carte d’étudiant de l’université, des photographies, des lettres d’appui et un rapport de psychothérapeute, n’ont pas dissipé les préoccupations de la SAR à l’égard de son identité.

[11] Je ne suis également pas convaincue que la SAR a refusé de prendre en considération les éléments de preuve objectifs contenus dans le cartable national de documentation (le CND) du Nigéria. La demanderesse n’a pas précisé en quoi le CND contredit la conclusion de la SAR. À mon avis, elle cherche tout simplement à faire apprécier à nouveau la preuve, ce qui n’est pas le rôle que doit jouer la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Vavilov au para 125.

[12] En fin de compte, j’estime que les conclusions de la SAR « sont entièrement raisonnables au vu de l’ensemble de la preuve » et que son raisonnement « se tient » : Anto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 125 au para 18; Vavilov au para 104. Vu les circonstances, et malgré un résultat difficile, la SAR pouvait refuser d’examiner le bien-fondé de la demande d’asile de la demanderesse. Comme l’a fait remarquer le juge Gascon de la Cour fédérale, l’identité d’un demandeur d’asile « est une question préliminaire et fondamentale » pour sa demande d’asile : Terganus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 903 au para 22).

III. Conclusion

[13] Pour les motifs qui précèdent, je rejette la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse.

[14] Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale aux fins de certification. Je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8132-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Janet M. Fuhrer »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS


DOSSIER :

IMM-8132-21

 

INTITULÉ :

SILVER OGHENETEGA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 février 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 7 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Ugochukwu Udogu

 

Pour la demanderesse

 

Nick Continelli

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ugochukwu Udogu

Ugo Udogu Law Office

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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