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Date : 20230221


Dossier : T-1822-19

Référence : 2023 CF 232

ENTRE :

GABRIEL ROULEAU-HALPIN

demandeur

et

BELL SOLUTIONS TECHNIQUES INC.

défenderesse

MOTIFS DE LA TAXATION

Stéphanie St-Pierre Babin, Officière taxatrice

I. Introduction

[1] Dans un jugement et motifs rendu le 25 février 2021 [Jugement], la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Gabriel Rouleau-Halpin [le demandeur] et a adjugé les dépens en faveur de Bell Solutions Techniques Inc. [la défenderesse]. Suite au dépôt du mémoire de frais de la défenderesse le 15 avril 2021, une directive a été émise par un officier taxateur informant les parties que la taxation du mémoire de frais se déroulerait par écrit et indiquant les délais impartis pour déposer des représentations écrites. Après avoir examiné le mémoire de frais et les représentations écrites reçues de la part de chacune des parties, j’aborderai deux questions préliminaires en premier lieu. Par la suite, j’adresserai les services taxables et les débours réclamés dans le mémoire de frais.

II. Questions préliminaires

A. Effet de l’appel sur la taxation des dépens

[2] En réponse au mémoire de frais, le demandeur soutient que le jugement et motifs de la Cour fédérale, incluant les dépens, font l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale et qu’il demeure en attente d’une date d’audience. En réplique, la défenderesse soumet à juste titre que le fait qu’une décision de la Cour fédérale accordant des dépens fasse l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale n’empêche pas la taxation. Il est effectivement de jurisprudence constante que la taxation des dépens puisse procéder malgré le fait qu’une décision finale de la Cour fédérale soit portée en appel, comme tel est le cas en l’espèce (Teva Canada Limited c Janssen Inc, 2018 CF 1175 au para 10; Safe Gaming System Inc c Société des loteries de l’Atlantique, 2018 CF 871 au para 9; Bacon St-Onge c Conseil des Innus de Pessamit, 2018 CF 655 au para 14). En vertu de ce qui précède, je suis en mesure de procéder à la taxation des dépens.

B. Complexité du dossier

[3] Dans son mémoire de frais, la défenderesse réclame le nombre d’unités maximal disponible sous la Colonne III pour tous les articles demandés sous le Tarif B. Au paragraphe 3 de sa réponse, le demandeur est d'avis que compte tenu de la nature d’une réponse à une demande de contrôle judiciaire (qui prétend essentiellement que la décision contestée était raisonnable), la nature peu complexe de la question en litige (cessation d’emploi), et le fait qu’il s’agit d’une affaire de contrôle judiciaire (et non d’un procès), tous les dépens devraient être taxés à l’extrémité inférieure du Tarif B. Finalement, la défenderesse soutient que la nature du dossier justifie le taux unitaire réclamé ainsi que les unités demandées sont « amplement raisonnables dans les circonstances » et « s’en remet à l’appréciation de l’officier taxateur » (Réplique de la défenderesse, para 5).

[4] Il est bien établi que chaque article du Tarif B présente des circonstances uniques et qu’il n’est pas nécessaire d’allouer le même niveau dans la fourchette d’unités disponibles pour tous les services taxables d’un même mémoire de frais (Starlight c Canada, 2001 CFPI 999 au para 7). En considération de ce qui précède, et en l’absence d’instructions de la Cour quant aux dépens dans le Jugement, je déterminerai le nombre d’unités admissibles pour chaque article réclamé sur une base individuelle, à l’intérieur de la fourchette complète de la Colonne III (article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles], Hoffman-La Roche Limited c Apotex Inc, 2013 CF 1265 au para 8).

III. Services à taxer

A. Article 2 – Préparation et dépôt du dossier de la défenderesse

[5] La défenderesse réclame 7 unités sous l’article 2, soit la limite supérieure de la Colonne III. Quant au demandeur, il avance que l’article 2 devrait être réduit à la limite inférieure du Tarif B soit 4 unités. En réplique, la défenderesse soutient que la nature du dossier justifie le taux unitaire le plus élevé. Tout d’abord, je constate que le dossier de la défenderesse déposé le 10 mars 2020 a nécessité une certaine charge de travail; il contient l’affidavit de Jean-Marc Ouimet avec 28 pièces à son soutien, un mémoire des faits et du droit et une liste d’autorités contenant 28 références. Toutefois, suite à ma lecture du Jugement et à ma revue dossier de la défenderesse, je ne suis pas prête à allouer le nombre maximal d’unités réclamées compte tenu de la nature du litige. Considérant la règle 409 et les facteurs prévus aux alinéas 400(3)(c) et (g) des Règles, 5 unités sont allouées.

B. Article 13a) – Honoraires d’avocat pour la préparation de l’audience

[6] La défenderesse réclame 5 unités à titre d’honoraires d’avocat pour la préparation de l’audience, ce qui représente encore une fois la limite supérieure de la Colonne III (fourchette disponible : 2 à 5 unités). Au paragraphe 5 de sa réponse, le demandeur indique que cet article ne devrait pas être alloué ou ne devrait être alloué qu’au bas de la Colonne III à 2 unités, car la défenderesse n’a pas préparé de témoins, n’a pas délivré de subpœna, et a envoyé très peu de correspondances. En réplique, la défenderesse avance que « la préparation de l’audience fut relativement longue considérant les nombreux arguments soulevés par le demandeur » (Réplique de la défenderesse, para 13).

[7] L’article 13a) vise non seulement à indemniser une partie pour la correspondance, la préparation de témoins et la délivrance de subpœna en vue d’une audience, mais il vise également à indemniser les « autres services non spécifiés » dans le Tarif B. Pour ces services, les officiers taxateurs doivent s’en remettre aux éléments de preuve et aux observations écrites soumises par les parties ainsi qu’au dossier de la Cour pour évaluer le nombre d’unités à allouer pour les services accomplis dans le but de préparer l’audience. Ayant pris connaissance des observations écrites de chacune des parties, je note tout d’abord qu’il aurait été utile de déposer des observations écrites plus détaillées, comme fournir une liste faisant état des « autres services non spécifiés » au Tarif B accomplis par l’avocat de la défenderesse dans le cadre de sa préparation en vue de l’audience. Seule une affirmation générale qualifiant la préparation de l’audience de « relativement longue » a été soumise par la défenderesse. D’autre part, j’ai examiné le dossier de cour pour évaluer le niveau de préparation et je constate que deux autorités ont été déposées le 2 février 2021 en prévision de l’audition de la demande de contrôle judiciaire tenue le lendemain. Reconnaissant qu’un certain niveau de préparation fut nécessaire en prévision de l’audience tenue le 3 février 2021, 2 unités sont allouées.

C. Article 14a) – Honoraires d’avocat pour présence à la Cour

[8] La défenderesse réclame un total de 19,5 unités – 3 unités sous la Colonne III du Tarif B multiplié par 6,5 heures – pour les honoraires de l’avocat ayant assisté à l’audition du contrôle judiciaire tenue le 3 février 2021 par voie de vidéoconférence. D’après les inscriptions enregistrées au dossier de la Cour par l’agent de greffe ayant assisté à l’audience, la durée totale répertoriée de l’audition était de 6 heures 28 minutes. La durée réclamée de 6,5 heures est donc raisonnable. Quant au nombre d’unités à allouer sous la Colonne III, j’ai pris connaissance des représentations écrites des parties et considéré le résultat en faveur de la défenderesse et l’importance et la complexité de la question en litige et je détermine qu’il est raisonnable d’allouer deux unités (alinéas 400(3) a) et c) des Règles). À lumière de ce qui précède, treize (13) unités sont allouées, total qui a été calculé en multipliant 6,5 heures par les 2 unités allouées sous la Colonne III.

D. Article 15 – Préparation et dépôt d’un plaidoyer écrit

[9] Au paragraphe 19 de sa réplique, la défenderesse a retiré sa réclamation en vertu de l’article 15. En conséquence, aucune unité n’est allouée.

E. Article 26 – Taxation des frais

[10] La défenderesse réclame 6 unités par la défenderesse pour la taxation des frais, ce qui représente limite supérieure de la Colonne III. Le demandeur soutient plutôt que l’article 26 “was not awarded by the Federal Court” [traduction] « n’a pas été accordé par la Cour », et que la taxation des frais a été nécessaire parce que “the Respondent has insisted on claiming items that they are not entitled to” [traduction] « la défenderesse a insisté pour réclamer des articles auxquels elle n’a pas droit » (Réponse du demandeur, au para 8). La défenderesse prétend plutôt qu’elle était en droit d’obtenir un avis de convocation pour la taxation en vertu du paragraphe 406(1) des Règles (Réplique de la défenderesse, para 31).

[11] Le texte du paragraphe 406(1) prévoit le droit à la taxation des frais :

Convocation

Obtaining appointment

406 (1) La partie qui a droit aux dépens peut obtenir un avis de convocation pour la taxation en déposant un mémoire de dépens et une copie de l’ordonnance — ainsi que les motifs, le cas échéant, y compris toute dissidence — ou autre document lui donnant droit aux dépens.

406 (1) A party who is entitled to costs may obtain a notice of appointment for assessment by filing a bill of costs, a copy of the order or other document giving rise to the party’s entitlement to costs and any reasons, including dissenting reasons, given in respect of that order.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[12] À la lecture même du texte de loi et du paragraphe 69 du Jugement, il est clair qu’il était loisible à la défenderesse de demander qu’un officier taxateur procède à la taxation en vertu du paragraphe 406(1) des Règles.

[13] Quant à l’article 26 du Tarif B, ce dernier vise à indemniser la partie ayant droit aux dépens pour le travail accompli en lien avec la taxation des frais. Contrairement à ce que prétend le demandeur, la défenderesse est en droit de réclamer l’article 26, car le Tarif B ne contient aucune mention à l’effet qu’il doit être ordonné par la Cour ou qu’il est à la discrétion de la Cour, comme c’est le cas pour d’autres articles du Tarif B (voir par exemple les articles 14b), 22b) et 24 du Tarif B). J’ai considéré la complexité variable des évaluations relatives à la taxation des frais déposées devant cette Cour et je considère que la présente taxation est d’une complexité moyenne, compte tenu du nombre de réclamations contenues au mémoire de frais, de l’affidavit de Sandrine Mainville et de la réplique déposée par la défenderesse. Pour cette raison, je conclus qu’il est raisonnable d’accorder 4 unités, ce qui représente le milieu de la Colonne III du Tarif B (Allergan Inc c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 186 au para 25).

IV. Débours

A. Taxes

[14] Au paragraphe 9 de sa réponse, le demandeur a contesté les taxes sans toutefois soumettre de législation ou de jurisprudence pour soutenir cet argument. À ce sujet, le Tarif B prévoit :

Débours

Disbursements

(3) Le mémoire de frais comprend les débours, notamment :

(3) A bill of costs shall include disbursements, including

[…]

[…]

(b) les taxes sur les services, les taxes de vente, les taxes d’utilisation ou de consommation payées ou à payer sur les honoraires d’avocat et sur les débours acceptés selon le présent tarif.

(b) any service, sales, use or consumption taxes paid or payable on counsel fees or disbursements allowed under this Tariff.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[15] D’ailleurs, la TPS et la TVQ sont adjugées de manière constante lors de l’octroi de dépens à des procureurs exerçant dans la province de Québec (Teksavvy Solutions Inc c Bell Media Inc, 2021 CAF 181, annexe « Mémoire de frais modifiés »; Leo Pharma inc v Teva Canada Limited, 2016 FC 107, annexe A). En vertu de ce qui précède, et étant donné que l’avocate de la défenderesse exerce sa pratique à Montréal, j’allouerai la TPS et la TVQ sur les honoraires d’avocat et sur les débours que j’accepterai aux fins de la présente taxation des dépens.

B. Frais d’huissier

[16] Dans son mémoire de frais, la défenderesse a réclamé un montant de 229,84 $ (incluant les taxes) pour des frais d’huissier. Elle a produit des procès-verbaux de signification ainsi que des honoraires pour service(s) de cour comme pièce A au soutien de l’affidavit de Sandrine Mainville. En réponse, le demandeur affirme qu’il ne devrait pas être tenu de payer les frais identifiés « non-admissible à l’état des frais » sur les procès-verbaux. La défenderesse a accepté cet argument et a finalement indiqué au paragraphe 29 de sa réplique que les frais d’huissier que les frais demandés « devraient être ajustés à un montant de 116,34 $ (taxes en sus) ».

[17] Durant mon examen du dossier de la Cour, j’ai pu retracer les rapports de signification corroborant les factures jointes à l’affidavit de Sandrine Mainville pour les services rendus les 15 janvier et 10 mars 2020. Je ferai donc droit au montant ajusté – qui exclut les montants associés aux frais non admissibles à l’état des frais – que j’estime raisonnable et nécessaire, et allouerai les frais d’huissier au montant de 133,76 $ (taxes incluses).

V. Conclusion

[18] Pour toutes ces raisons, le mémoire de frais de la défenderesse est alloué au montant de 4 272,86 $. Un certificat de taxation sera émis pour cette somme.

« Stéphanie St-Pierre Babin »

Officière taxatrice

Ottawa (Ontario)

Le 21 février 2023


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

T-1822-19

INTITULÉ :

GABRIEL ROULEAU-HALPIN c. BELL SOLUTIONS TECHNIQUES INC.

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER EXAMINÉ À OTTAWA (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES.

MOTIFS DE LA TAXATION par :

STÉPHANIE ST-PIERRE BABIN, Officière taxatrice

DATE DES MOTIFS :

LE 21 février 2023

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Me Jérémy H. Little

Pour LE DEMANDEUR

Me Maryse Tremblay

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OLS, Avocats en droit du travail

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Borden Ladner Gervais s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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