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Date : 20230317


Dossiers : T-1374-22

T-1386-22

Référence : 2023 CF 367

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 17 mars 2023

En présence de madame la juge Go

Dossier : T-1374-22

ENTRE :

HONG KUN LAI

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier : T-1386-22

ET ENTRE :

HONG KUN LAI

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] M. Hong Kun Lai [le demandeur] a présenté une demande de Prestation canadienne de la relance économique [la PCRE] pour les périodes du 27 septembre 2020 au 9 octobre 2021. Le demandeur a également présenté une demande de Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement [la PCTCC] pour les périodes du 12 au 18 décembre 2021 et du 2 au 15 janvier 2022. L’Agence du revenu du Canada [l’ARC] administre les programmes de la PCRE et de la PCTCC.

[2] Le demandeur a téléversé des relevés bancaires pour la période du 29 janvier 2021 au 31 mai 2021 après que l’ARC a lancé un processus de validation. Un agent de l’ARC a parlé au demandeur par téléphone entre le 22 et le 24 février 2022, après quoi le demandeur a fourni des relevés bancaires mis à jour pour la période du 30 avril 2021 au 31 mai 2021 [les relevés bancaires mis à jour].

[3] L’ARC a conclu que le demandeur n’était pas admissible à la PCRE, car celui-ci n’avait pas gagné au moins 5 000 $ de revenu net dans le cadre d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte en 2019 ou en 2020, ou au cours des 12 mois précédant la date à laquelle il a présenté sa première demande de PCRE. L’ARC a avisé le demandeur de son inadmissibilité dans une lettre datée du 10 mars 2022 [la première décision relative à la PCRE].

[4] L’ARC a effectué une deuxième révision après que le demandeur a téléversé une copie de son avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2019 [l’avis de nouvelle cotisation 2019]. Dans une lettre datée du 28 juin 2022, l’ARC a avisé le demandeur qu’il n’était pas admissible à la PCRE [la deuxième décision relative à la PCRE].

[5] L’ARC a également conclu que le demandeur n’était pas admissible à la PCTCC dans une lettre datée du 10 mars 2022 [la première décision relative à la PCTCC]. Après avoir examiné l’avis de nouvelle cotisation 2019 du demandeur, l’ARC a effectué une deuxième révision et, dans une lettre datée du 28 juin 2022, a confirmé que le demandeur n’était pas admissible à la PCTCC [la deuxième décision relative à la PCTCC].

[6] Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la deuxième décision relative à la PCRE et de la deuxième décision relative à la PCTCC [ensemble, les « décisions »].

[7] Pour les motifs énoncés ci-dessous, je rejette la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

II. Questions préliminaires

[8] À titre préliminaire, le défendeur approprié est le procureur général du Canada, et non l’ARC. L’intitulé sera modifié en conséquence.

III. Analyse

Cadre législatif

[9] La législation habilitante de la PCRE est la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art. 2 [Loi sur les PCRE].

[10] Conformément à l’article 3 de la Loi sur les PCRE, pour être admissible à la PCRE, le demandeur doit :

  • dans le cas d’une demande de PCRE à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2020, avoir des revenus d’emploi ou d’un travail qu’il exécute pour son compte, pour l’année 2019 ou au cours des 12 mois précédant la date à laquelle il présente sa demande, s’élevant à au moins 5 000 $, conformément à l’alinéa 3(1)d) de la Loi sur les PCRE;

  • dans le cas d’une demande de PCRE à l’égard d’une période de deux semaines qui débute en 2021, avoir des revenus d’emploi ou d’un travail qu’il exécute pour son compte, pour l’année 2019, 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date à laquelle il présente sa demande, s’élevant à au moins 5 000 $, conformément à l’alinéa 3(1)e) de la Loi sur les PCRE.

[11] De plus, l’article 6 de la Loi sur les PCRE exige que le demandeur fournisse au ministre de l’Emploi et du Développement social [le ministre] tout renseignement que ce dernier peut exiger relativement à la demande.

[12] Par ailleurs, la PCTCC est établie en vertu de la Loi sur la prestation canadienne pour le travail en cas de confinement, LC 2021, c 26, art 5 [Loi sur la PCTCC]. Les résidents admissibles du Canada pourraient présenter une demande de PCTCC à l’égard de toute semaine pour les régions désignées, commençant le 24 octobre 2021 et se terminant le 7 mai 2022 : l’article 4 de la Loi sur la PCTCC.

[13] À l’instar de la Loi sur les PCRE, la Loi sur la PCTCC contient une condition d’admissibilité au revenu qui exige que le demandeur ait gagné au moins 5 000 $ de revenu au cours des périodes prescrites provenant des sources de revenu prescrites : les alinéas 4(1)d) et 4(1)e) de la Loi sur la PCTCC.

[14] De plus, pour être admissible à la PCTCC, le demandeur doit également démontrer que :

  • a)le demandeur n’a pu exécuter un travail en raison du confinement lié à la COVID-19;

  • b)la région où le demandeur vit, travaille ou fournit un service a été désignée comme une région confinée en raison de la COVID-19;

  • c)le demandeur a subi une réduction de 50 % de son revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente en raison de la COVID-19.

[15] En vertu de la Loi sur la PCTCC, les régions confinées sont définies comme étant toute région désignée aux termes d’un décret pris en vertu du paragraphe 3(1), par le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre.

[16] À l’instar de la Loi sur les PCRE, l’article 7 de la Loi sur la PCTCC impose au demandeur le fardeau de fournir au ministre les renseignements qu’il peut exiger relativement à une demande.

Contexte factuel supplémentaire

[17] L’agent de l’ARC qui a effectué la deuxième révision a présenté deux affidavits à la Cour avec les documents pertinents, l’un portant sur la deuxième décision relative à la PCRE et l’autre portant sur la deuxième décision relative à la PCTCC. Une grande partie des renseignements contenus dans les deux affidavits sont identiques, y compris les notes relatives au cas conservées par l’ARC en ce qui concerne les interactions du demandeur avec ses agents [les notes relatives au cas].

[18] Selon les notes relatives au cas, le demandeur a informé l’ARC qu’il est propriétaire d’une entreprise de vente en gros de fruits de mer qui comprend l’exportation de homards vivants à l’étranger. En raison de la pandémie en 2020, le transport a été interrompu, et le demandeur n’a rien vendu en 2021 et ne travaillait pas avant décembre 2021.

[19] Au cours d’une des conversations en février 2022, l’agent de l’ARC a demandé au demandeur de fournir des relevés bancaires, des factures et des courriels de conversations avec les clients pour prouver qu’il avait gagné le revenu minimal de 5 000 $.

[20] Le demandeur a ensuite soumis les relevés bancaires mis à jour, qui comprennent un relevé de la Banque TD de décembre 2019 indiquant un dépôt de 14 962,50 $ à la banque. Le 24 février 2022, l’agent de l’ARC a demandé au demandeur s’il avait d’autres documents pour confirmer le virement télégraphique pour le montant de 14 962,50 $. Le demandeur a répondu par la négative. Comme le demandeur n’avait pas de documents pour valider le relevé bancaire de 14 962,50 $, et comme le demandeur a indiqué qu’il ne travaillait pas avant le confinement, l’agent de l’ARC a conclu que le demandeur ne remplissait pas la condition du revenu gagné de 5 000 $ en 2019 et qu’il n’était donc pas admissible à la PCRE.

[21] Selon les notes relatives au cas, l’ARC a appelé le demandeur le 24 juin 2022 pour faire un suivi au sujet des documents manquants. L’agent de l’ARC a demandé au demandeur s’il travaillait lorsqu’il a présenté sa demande de PCTCC. Le demandeur a dit non, parce qu’il n’y avait pas de travail. L’agent de l’ARC a souligné qu’il n’y avait pas eu de confinement du 12 au 18 décembre 2021 en Ontario et a demandé quelle était l’entreprise du demandeur. Le demandeur a répondu qu’il expédie des fruits de la mer de l’Île-du-Prince-Édouard vers l’Asie. En raison de la COVID-19, des restaurants en Asie ont été fermés, et il ne recevait aucune commande.

[22] Les notes relatives au cas indiquent également que l’agent de l’ARC a interrogé le demandeur au sujet du dépôt de 14 962,50 $ figurant sur le relevé bancaire de décembre 2019. Le demandeur a dit qu’il s’agissait d’un acompte de 60 % d’un client, qui, selon lui, est habituellement effectué au moyen de virements télégraphiques. Lorsque l’agent de l’ARC lui a demandé s’il y avait une facture pour le montant, le demandeur a répondu par la négative. L’agent de l’ARC lui a ensuite posé des questions au sujet de l’avis de nouvelle cotisation 2019 envoyé par le demandeur après avoir reçu la lettre de refus en 2022, et le demandeur a répondu qu’il avait oublié le dépôt de 14 962,50 $.

[23] L’ARC a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à la PCRE. L’ARC a en outre déterminé que le demandeur n’était pas admissible à la PCTCC parce qu’il ne travaillait pas avant de présenter une demande de PCTCC, et parce qu’il n’avait pas atteint le seuil de revenu minimal de 5 000 $.

Les décisions sont raisonnables, et il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale

[24] Le demandeur soutient qu’il satisfaisait aux conditions d’admissibilité de la PCRE et de la PCTCC. Le demandeur soutient que l’ARC n’a pas tenu compte de son explication et n’a pas tenu compte de l’avis de nouvelle cotisation 2019. Par conséquent, l’ARC a commis une erreur de droit en exerçant son pouvoir discrétionnaire d’une manière qui contrevenait à la Loi sur les PCRE et à la Loi sur la PCTCC.

[25] À l’audience, le demandeur a fourni des renseignements supplémentaires au sujet du dépôt qu’il a reçu pour un envoi qu’il aurait dû faire en 2019, dépôt qui, selon lui, a été reporté en raison de la pandémie. Comme j’en ai informé le demandeur, je ne tiendrai pas compte des nouveaux renseignements dont ne disposait pas le décideur. Quoi qu’il en soit, les nouveaux renseignements fournis par le demandeur ne portaient pas, à mon avis, sur le caractère raisonnable des décisions ni sur l’équité de la procédure.

[26] Globalement, j’estime que les observations du demandeur ne sont pas fondées.

[27] L’ARC a avisé le demandeur du processus de vérification et lui a donné l’occasion de présenter des observations, ce qu’il a fait. Plus précisément, l’agent de l’ARC a parlé avec le demandeur à plusieurs reprises et l’a informé de leurs préoccupations concernant l’absence de factures et de preuve du virement télégraphique pour justifier le montant de 14 962,50 $. Le fait que le demandeur n’avait pas d’autres documents à fournir n’a pas rendu la procédure injuste.

[28] En ce qui concerne le fond des décisions, la norme pertinente est celle de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], qui est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : aux para 12-13. Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer qu’elle comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes : Vavilov, au para 100. Ce ne sont pas toutes les erreurs ni toutes les préoccupations à l’égard d’une décision qui justifient une intervention.

[29] En l’espèce, à part affirmer que l’ARC a commis une erreur de droit et une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le demandeur n’a signalé aucune erreur particulière susceptible de contrôle dans les décisions.

[30] Après avoir examiné le dossier, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que rien n’indique que le décideur en question ait mal interprété ou omis de tenir compte des documents fournis par le demandeur. Le demandeur a reçu les lettres de refus le 10 mars 2022. Il a ensuite établi une nouvelle cotisation d’impôt pour 2019 avec un rajustement de 14 963 $ par rapport à la cotisation initiale, passant d’un revenu négatif de 9 051 $ à un revenu net de 5 912 $, ce qui l’a placé juste au-dessus du seuil d’admissibilité de 5 000 $. L’ARC a demandé au demandeur de fournir une confirmation pour ledit dépôt dans les relevés bancaires mis à jour, mais il n’a pas été en mesure de le faire.

[31] Comme l’affirme le défendeur, il incombe au demandeur de démontrer que les décisions souffrent de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elles satisfont aux exigences de justification, de transparence et d’intelligibilité : Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 au para 16; Flock c Canada (Procureur général), 2022 CF 305 au para 15.

[32] Le principal argument du demandeur est que l’agent de l’ARC aurait dû tenir compte de l’avis de nouvelle cotisation 2019, sans pièces justificatives comme des factures, comme preuve qu’il remplissait la condition du revenu minimal. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les décisions sont raisonnables à la lumière des renseignements fournis. Le demandeur n’a pas démontré que les décisions comportaient des lacunes justifiant l’intervention de la Cour.

[33] En somme, je conclus que la deuxième décision relative à la PCRE selon laquelle le demandeur ne remplissait pas la condition d’admissibilité basée sur le revenu aux termes de la Loi sur les PCRE était justifiée et intelligible. Je conclus en outre que la deuxième décision relative à la PCTCC selon laquelle le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de la PCTCC était raisonnable.

IV. Conclusion

[34] Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

[35] Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.


JUGEMENT dans les dossiers T-1374-22 et T-1386-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

  2. L’intitulé de la cause est modifié de manière à désigner le procureur général du Canada comme défendeur.

  3. Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

« Avvy Yao-Yao Go »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1374-22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

HONG KUN LAI c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T-1386-22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

HONG KUN LAI c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 MARS 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GO

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 MARS 2023

 

COMPARUTIONS :

Hong Kun Lai

 

Pour le demandeur
(EN SON PROPRE NOM)

 

Amin Nur

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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