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Date : 20060206

Dossier : IMM-5092-05

Référence : 2006 CF 136

Ottawa (Ontario), le 6 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

BALDEV SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27 ( « LIPR » ) d'une décision datée du 11 juillet 2005 de Mme Louise Robic de la Section de la protection des réfugiés ( « SPR » ). Par cette décision, la SPR refusait la demande d'asile de M. Baldev Singh ( « demandeur » ), au motif qu'il ne serait pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Je me dois de mentionner que les mémoires des parties furent plus que complets et minutieusement développés. Ils furent d'une grande utilité et j'en remercie les procureurs.

QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Les questions en litige sont les suivantes :

-                      Est-ce que la SPR a erré en droit ou en faits en concluant que le récit du demandeur n'est pas crédible?

-                      Est-ce que la SPR a erré en droit ou en fait en concluant que le demandeur pouvait se prévaloir de la protection de l'État indien?

CONCLUSION

[3]                Pour les motifs qui suivent, je réponds par la négative à ces deux questions et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

FAITS ALLÉGUÉS PAR LE DEMANDEUR

[4]                Le récit du demandeur, tel qu'allégué dans sa Fiche de renseignements personnels ( « FRP » ), est le suivant.

[5]                Le demandeur est citoyen de l'Inde et est de confession Sikh. En février 2001, le demandeur a commencé à travailler dans le domaine des transports. Le 20 mars 2003, le demandeur, son père et le chauffeur du camion, M. Jaswant Singh, revenaient d'une livraison dans la province du Jammu. Trois terroristes du Cachemire les auraient interceptés et seraient montés de force à bord. Plus loin sur la route, à un barrage policier, les terroristes quittèrent le camion à pied et furent repérés par la police. L'un des fuyards fût arrêté, de même que le demandeur et ses acolytes. Ils furent mis en cellule, interrogés et accusés d'avoir collaboré avec les terroristes, puis furent battus en vue d'obtenir des aveux. Trois jours plus tard, le demandeur fût relâché à la suite de pressions exercées par le conseil municipal, le président du syndicat des camionneurs et de d'autres personnes influentes de son village.

[6]                En mai 2004, le demandeur aurait appuyé un candidat du parti Shiromani Akali Dal (SAD) en vue de l'élection prévue pour le 10 mai 2004, malgré les tentatives d'intimidation de la part de certains membres du Congress Party ( « CP » ). La veille de l'élection, des membres du CP auraient maltraité le demandeur ainsi que messieurs Jaswant et Ajit Singh, un autre membre du parti, et auraient appelé la police. Au poste, le demandeur fût torturé puis relâché après l'élection. À la suite d'une nouvelle intervention du Conseil municipal, du parti SAD et de personnes influentes du village, le demandeur et Ajit Singh fûrent relâchés sous conditions. Son acolyte Jaswant Singh fût maintenu en détention.

[7]                Inquiet à propos de la disparition de M. Jaswant Singh, le demandeur entra en contact avec la Kharla Mission Committee (KMC), une organisation de défense des droits humains. Le 5 juin 2004, la police vint à la ferme du demandeur en vue de l'intimider et de l'inciter à ne pas porter plainte contre la police. Le même jour, le demandeur s'enfuit à New Delhi, où il trouva refuge chez son oncle. Il quitta l'Inde le 3 septembre 2004, à l'aide d'un passeur, et demanda l'asile au Canada le 9 septembre 2004. Le 2 août 2005, la SPR a rendu sa décision, qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

DÉCISION CONTESTÉE

[8]                La décision de la SPR est fondée sur deux conclusions de fait. La première est que le demandeur aurait pu se prévoir de la protection de l'État indien. La seconde est que le récit du demandeur n'est pas crédible.

[9]                La SPR s'est appuyé sur les faits suivants, tirés de la littérature concernant la situation des droits humains en Inde, pour conclure que le demandeur était dans une situation telle que l'État indien pouvait le protéger :

-                      L'Inde est une démocratie parlementaire où les institutions peuvent répondre aux plaintes de citoyens en cas d'abus de pouvoir de la part des policiers, notamment la National Human Rights Commission ( « NHRC » ), dont le rôle s'est accru ces dernières années;

-                      La situation en Inde s'est améliorée à cet égard entre 1984 et 1993, la police ne pouvant plus agir en toute impunité;

-                      La preuve démontre que le système judiciaire permet d'obtenir réparation, notamment dans la province de Penjab;

-                      Bien que la police puisse user d'intimidation envers ceux qui portent plainte envers elle, la preuve ne démontre pas que ces personnes sont arrêtées, tuées ou disparaissent;

-                      La lettre de la KMC présentée par le demandeur confirme qu'il est possible de porter plainte contre la police;

-                      La preuve du demandeur selon laquelle la police commet des abus a été rejetée puisque celle-ci est liée à l'application de la Prevention of Terrorism Ordinance, ce qui n'a rien à voir avec la situation du demandeur.

[10]            La SPR a conclu que le demandeur n'était pas crédible pour les raisons suivantes :

-           Son récit semble contredire la preuve documentaire sur la situation des droits humains en Inde;

-                      Il n'est pas plausible que le demandeur ait été à deux reprises arrêté, torturé puis relâché sans que les personnes en position d'influence dans sa communauté (tels que le Sarpanch, les membres du Panchayat et le président du Syndicat des camionneurs) ne s'interposent;

-                      Il n'est pas plausible que la police ait fait une descente dans les quartiers généraux du SAD une journée avant l'élection sans que cela ne soit rapportée dans les journaux et sans que le parti n'ait porté plainte, alors que la liberté de la presse existe en Inde.

[11]            La SPR a rejeté les documents P-7, P-10, P-12, P-16 et P-16A, estimant qu'il s'agit de faux documents.

ANALYSE

1.               Norme de contrôle

[12]            Deux normes de contrôle distinctes s'appliquent en l'espèce.

[13]            La norme de contrôle applicable à une conclusion de la SPD portant sur la question de savoir si le demandeur peut se prévaloir de la protection de l'État est la norme de la décision raisonnable simpliciter (Chaves v. Canada, 2005 FC 193, [2005] F.C.J. No. 232, au para. 11).

[14]            Sur la question de la crédibilité du demandeur, c'est plutôt la norme de la décision manifestement déraisonnable qui s'applique (Thavarathinam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1469, [2003] A.C.F. No. 1866 (C.A.F.), au para. 10;    Aguebor v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1993] A.C.F. No. 732 (C.A.F.), au para. 4).

2.         Crédibilité du demandeur

[15]            Le demandeur estime que la SPR n'a pas suffisamment justifié sa décision de ne pas croire le demandeur. Selon lui, il ne suffisait pas de dire que la preuve documentaire ne corrobore pas le récit du demandeur. Le demandeur soutient de plus que la SPR aurait dû dire pourquoi certains éléments de preuve ont été rejetés, et non simplement qu'ils sont faux en raison du manque de crédibilité du demandeur.

[16]            De son côté, le défendeur est d'avis que la décision de la SPR était d'abord fondée sur la possibilité pour le demandeur de se prévaloir de la protection de l'État indien et sur son défaut d'exercer l'ensemble des recours qui lui étaient disponibles, et non uniquement sur la question de la crédibilité. De toute façon, estime le défendeur, ce motif secondaire de rejet de la demande serait suffisamment fondé. Le défendeur ajoute que la crainte de persécution du demandeur n'est pas suffisamment personnalisée pour permettre d'accorder la demande d'asile.

[17]            J'ai revu les raisons pour lesquelles la SPR a conclu que le demandeur n'était pas crédible. Elles m'apparaissent suffisantes et ne sont pas manifestement déraisonnables.

[18]            J'ajoute qu'il était loisible à la SPR de rejeter les preuves présentés par le demandeur, estimant qu'il s'agit de faux documents ou encore de documents de convenance, compte tenu de sa décision concernant sa crédibilité. Je note que pour en arriver à une telle conclusion, la SPR s'est basée sur plusieurs références (voir la note 26). Ceci m'apparaît être un minimum qui est dans les circonstances acceptable. Cependant, une meilleure justification aiderait ce genre de décision. Dans l'affaire Hamid c. Canada, [1995] A.C.F. No. 1293, au para. 20, le juge Nadon écrit :

Lorsqu'une commission, comme vient de le faire la présente, conclut que le requérant n'est pas crédible, dans la plupart des cas, il s'ensuit nécessairement que la Commission ne donnera pas plus de valeur probante aux documents du requérant, à moins que le requérant    ne puisse prouver de façon satisfaisante qu'ils sont véritablement authentiques. En l'espèce, la preuve du requérant n'a pas convaincu la Commission qui a refusé de donner aux documents en cause une valeur probante. Autrement dit, lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n'est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d'affirmer qu'il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.

Cette décision a été suivie par la Cour fédérale (voir notamment Al-Shaibie v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 1131, 2005 FC 887, au para. 21; Saha c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2003] F.C.J. No. 1117, aux paras 32-33).

[19]            Bien que la décision aurait pu être plus détaillée, il demeure que dans son ensemble, la détermination sur la crédibilité du demandeur m'apparaît bien fondée et qu'elle ne donne pas ouverture à une conclusion selon laquelle la décision serait manifestement déraisonnable. Il n'y a donc pas lieu de revoir les conclusions de la SPR sur la question de la crédibilité du demandeur, ni quant au rejet de la preuve qu'il a déposé.

3.         Protection de l'État

[20]            Le demandeur prétend qu'il n'était pas raisonnable d'exiger de lui qu'il demande à un avocat d'exercer des recours pour lui puisque la police aurait pu continuer de le persécuter. De son côté, le défendeur estime que la décision de la SPR s'appuie sur une preuve abondante selon laquelle il était possible pour le demandeur de se prévaloir de la protection de l'État indien.

[21]            Aucune jurisprudence n'a été produite par le demandeur pour soutenir son point de vue. Dans l'affaire Carrillo c. Canada, 2004 CF 944, [2004] A.C.F. No. 1152, aux para. 6 à 8, la juge Snider de notre Cour a écrit ceci concernant les cas où il est allégué que la police est l'agent persécuteur :

En l'espèce, la demanderesse soutient qu'étant donné que les agents de persécution sont des représentants de l'État, elle n'est pas tenue en droit de démontrer à la Commission qu'elle a cherché à obtenir la protection de l'État. Je ne suis pas d'accord.

Dans l'arrêt Ward, précité, à la page 724, la Cour suprême du Canada a conclu que, lorsque la protection de l'État [TRADUCTION] "aurait pu raisonnablement être assurée", la Commission est autorisée à tirer une conclusion défavorable du fait que le demandeur ne s'est pas adressé aux autorités de l'État pour obtenir leur protection :

Comme Hathaway, je préfère formuler cet aspect du critère de crainte de persécution comme suit: l'omission du demandeur de s'adresser à l'État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l'État [TRADUCTION] "aurait pu raisonnablement être assurée". En d'autres termes, le demandeur ne sera pas visé par la définition de l'expression "réfugié au sens de la Convention" s'il est objectivement déraisonnable qu'il n'ait pas sollicité la protection de son pays d'origine; autrement, le demandeur n'a pas vraiment à s'adresser à l'État.

À mon avis, la question de savoir s'il est objectivement déraisonnable pour le demandeur de ne pas avoir sollicité la protection de son pays d'origine invite la Commission à apprécier la preuve dont elle est saisie et à tirer une conclusion de fait. À titre d'exemple, bien que les agents de persécution puissent être des représentants de l'État, les faits de l'espèce peuvent indiquer que des éléments purement locaux ou indésirables sont en cause et que l'État en question est un État démocratique qui offre une protection aux personnes qui sont dans une situation semblable à celle du demandeur. Il pourrait donc être objectivement raisonnable de s'attendre à ce que le demandeur cherche à obtenir la protection de l'État dans un tel cas. Dans d'autres cas, l'identité des représentants de l'État et la preuve documentaire quant à la situation dans le pays pourraient indiquer que la protection de l'État ne peut raisonnablement être assurée. On ne s'attend donc pas à ce que le demandeur cherche à obtenir la protection de l'État dans de tels cas. Vu que l'analyse qu'a faite la Commission des institutions politiques et judiciaires du Costa Rica n'était pas manifestement déraisonnable (autrement dit, qu'elle s'appuyait sur la preuve dont était saisie la Commission), l'obligation imposée par la Commission, en se fondant sur cette preuve, de chercher à obtenir la protection de l'État, ne constitue pas, à mon avis, une erreur susceptible de contrôle.

[22]            À mon avis, la juge Snider a adopté la bonne approche, en s'appuyant sur celle de la Cour suprême du Canada dans Ward c. Canada (Procureur Général), [1993] 2 R.C.S. 689. La véritable question à se poser est de savoir s'il est raisonnable d'exiger du demandeur qu'il ait sollicité la protection de son État, d'une quelconque manière, même dans les cas où la police est l'agent persécuteur. Cette approche permet d'évaluer la possibilité réelle d'une personne d'être protégée par son État d'origine. Dans l'affaire Karoly v. Canada(Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 412, [2005] F.C.J. No. 517, au para. 16, le juge Blais remarque d'ailleurs qu'un demandeur peut se prévaloir de la protection de l'État sans nécessairement se tourner vers la police:

La Cour a aussi indiqué à de nombreuses reprises que, pour savoir si un demandeur peut bénéficier de la protection de l'État, on peut tenir compte de la protection qui peut être offerte non seulement par la police mais aussi par des organismes administrés ou financés par l'État (Nagy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 281, [2002] A.C.F. no 370; Zsuzsanna c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1206, [2002] A.C.F. no 1642; Szucs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1614).

[23]            Cela ne signifie pas que le demandeur d'asile est tenu d'exercer un à un chacun des recours possibles, mais il serait exagéré de dire que dès que la personne allègue que l'agent persécuteur est la police, elle n'a plus à demander la protection de son État d'origine. Dans Chaves v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 193, [2005] F.C.J. No. 232, au para. 15, la juge Tremblay-Lamer écrit :

[TRADUCTION] À mon avis, toutefois, Ward, supra et Kadenko, supra, ne peuvent être interprétés de telle sorte qu'un individu serait tenu d'épuiser tous les recours disponibles pour que la présomption de protection puisse s'appliquer (voir Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. No. 536 (C.F.)(QL) et Peralta c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), (1996), 123 F.T.R. 153 (C.F.). Au contraire, lorsque les agents de l'État sont à l'origine de la persécution, et lorsque la crédibilité du demandeur n'est pas en jeu, le demandeur peut renverser la présomption sans exercer l'ensemble des recours disponibles dans le pays d'origine. Le fait que les agents de l'État sont les agents persécuteurs mine l'apparente nature démocratique des institutions de l'État et le fardeau de preuve. [je souligne]

[24]            En l'espèce, la crédibilité du demandeur est affectée et la SPR n'a pas indiqué que le demandeur aurait du requérir l'aide de la police, mais a plutôt insisté sur la preuve démontrant qu'il existe en Inde un système efficace de protection contre les abus policiers qui permet aux citoyens d'exercer des recours efficaces à l'encontre de ces abus. En particulier, la SPR mentionne deux voies de recours, soient le recours à la NHRC et le recours judiciaire. À mon avis, il n'était pas déraisonnable d'exiger du demandeur qu'il se prévale de l'un de ces recours avant de venir chercher refuge au Canada, compte tenu de sa crédibilité douteuse et de la présomption selon laquelle l'État indien peut protéger ses nationaux. Il n'était pas non plus déraisonnable d'en venir à la conclusion que l'État indien est capable de protéger ses nationaux contre les abus policiers, comme le juge Pinard l'a conclu dans l'affaire Singh c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 185, [2003] A.C.F. No. 291. La SPR a également fait les nuances qui s'imposent, et n'a pas commis d'erreur de fait. Il n'y a donc pas lieu d'intervenir sur ce point.

[25]            Par ailleurs, le demandeur a allégué que la SPR a commis les deux erreurs de fait suivantes :

-           La SPR a écrit que le demandeur avait été arrêté, torturé et relâché « in front of prominent people » alors qu'il a porté plainte auprès des autorités de son village;

-           Le demandeur dit qu'il a été accusé formellement d'un délit, contrairement à ce qu'aurait écrit le tribunal.

[26]            Sur le premier point, le passage que le demandeur reproche à la SPR est le suivant (p.2 de la décision) :

[TRADUCTION] La preuve documentaire ne permet pas au tribunal de croire que la police aurait pu arrêter le demandeur deux fois, l'avoir torturé puis relâché au vu et au su de personnes importantes du village et de deux membres influents du parti SAD la seconde fois sans même qu'il soit accusé d'un crime et que le demandeur n'aurait pu entreprendre des recours pour faire cesser ces abus.

En lisant la décision dans son ensemble, notamment le résumé des faits, on comprend bien que l'expression « au vu et au su » ( « in front of » dans la version originale) ne doit pas être prise au sens littéral. Le résumé de ces faits se trouve à la 1ère page de la décision :

[TRADUCTION] Le demandeur et le conducteur du camion ont été arrêtés, accusés de transporter des terroristes, des armes et des munitions. Ils ont été torturés. Ils ont ensuite été libérés à la suite de l'intervention de membres du conseil municipal, du président du syndicat des camionneurs et de gens respectables du village.

Le demandeur a été arrêté une seconde fois (9 mai 2004) alors qu'il travaillait pour le parti SAD à l'occasion des élections du 10 mai 2004. Il a été torturé. Il a ensuite été relâché avec l'aide du même groupe de personnes et de deux membres importants du parti SAD.

Il apparaît clair à la lumière de ce passage que la SPR ne voulait pas dire qu'elle avait compris que les membres du groupe de personnes influentes ont tous personnellement été témoins des arrestations et de la torture et que le tout s'est passé sous leur yeux sans qu'ils n'interviennent. Je pense que la SPR a plutôt voulu exprimer son étonnement face au récit du demandeur, selon lequel les arrestations arbitraires, les accusations mal fondées et la brutalité policière semblent ne pas provoquer l'indignation ou l'intervention immédiate des personnes en position d'autorité dans le village.

[27]            Sur le second point, je note que la SPR n'écrit en aucun endroit dans sa décision que le demandeur n'a pas été accusé d'un délit, et que ce fait n'est pas d'une importance telle qu'il aurait dû être expressément mentionné.

[28]            Les parties furent invitées à poser des questions pour fins de certification. Le demandeur voudrait que la question suivante soit certifiée :

Dans les cas où un demandeur allègue de la torture ou des menaces de mort de la part des autorités policières, le demandeur a-t-il toujours l'obligation de fournir une preuve claire et convaincante que l'État ne le protégera pas et a-t-il l'obligation de rechercher la protection dans son propre pays incluant le recours à des organismes en dehors de la police?

[29]            Ayant pris connaissance des arguments du défendeur à l'encontre de la certification demandée, je constate que pour déterminer si une question doit être certifiée, il faut recourir aux critères établis dans Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. No. 1637, au para. 4. La question doit transcender les intérêts des parties au litige, avoir une portée générale et être déterminante quant à l'issue de l'appel. À mon avis, il n'y a pas lieu de certifier la question puisqu'il s'agit d'une question déjà réglée par les tribunaux. De toute façon, si la Cour d'appel fédérale se prononçait sur la question, cela ne serait pas déterminant quant à l'issue de l'appel puisque la demande d'asile du demandeur a été rejetée, outre le motif relatif à la protection de l'État, pour des questions de crédibilité.

[30]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

-           La demande de contrôle judiciaire soit rejetée et aucune question ne sera certifiée.

« Simon Noël »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5092-05

INTITULÉ :                                        BALDEV SINGH c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L'AUDIENCE :                25-JAN-2006

MOTIFS :                                          L'Honorable Juge Simon Noël

DATE DES MOTIFS :                       Le 6 février 2006

COMPARUTIONS:

Me Michel Le Brun

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

Me Mario Blanchard

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

6981 Marie-Guyart

Lasalle, Montréal (Québec) H8N 3G9

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

Ministère fédéral de la Justice

Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque Ouest

Tour Est, 5e étage

Montréal (Québec)

H2Z 1X4

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

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