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Date : 20230523

Dossier : IMM-1706-22

Référence : 2023 CF 716

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 mai 2023

En présence de madame la juge Sadrehashemi

ENTRE :

VASIL KASABISHVILI ET NINO KASABISHVILI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, Vasil Kasabishvili (M. « Kasabishvili ») et Nino Kasabishvili (Mme « Kasabishvili »), sont frère et sœur et ils ont demandé l’asile au Canada, car ils craignent d’être persécutés par un député géorgien et le gouvernement géorgien. Alors qu’il travaillait comme agent de police en Géorgie, M. Kasabishvili s’est rendu sur la scène d’un accident de voiture mortel où il a interrogé des membres de la famille du conducteur décédé. M. Kasabishvili allègue que les membres de la famille lui auraient dit que le conducteur décédé, qui était le fils d’un député, se trouvait en détention plus tôt ce jour-là et que le député avait usé de son influence pour obtenir la libération de son fils. M. Kasabishvili allègue en outre que cet aveu a été capté par sa caméra d’intervention et qu’il a été congédié et menacé parce qu’il avait conservé une copie de la séquence filmée par la caméra. La demande d’asile de Mme Kasabishvili est fondée sur les mêmes faits sous-jacents. Elle allègue avoir été congédiée et menacée en raison de l’intervention de son frère lors de cet accident.

[2] Le 16 avril 2021, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile des demandeurs, concluant que leurs éléments de preuve manquaient de crédibilité et étaient insuffisants pour prouver leurs allégations. Les demandeurs ont interjeté appel de cette décision devant la SAR, et cette dernière a rejeté leur appel le 28 janvier 2022. La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire du rejet de l’appel par la SAR.

[3] La demande d’asile des demandeurs repose sur les affirmations suivantes : i) des membres de la famille du député ont admis que ce dernier avait usé de son influence pour obtenir la remise en liberté de son fils; ii) cet aveu a été capté par la caméra d’intervention de M. Kasabishvili; et iii) sa sœur et lui ont été congédiés et le gouvernement les a menacés parce que M. Kasabishvili a conservé une copie de la séquence filmée. La SPR et la SAR ont conclu que la transcription de la séquence filmée par la caméra d’intervention ne concordait pas avec les affirmations des demandeurs. Autrement dit, la transcription ne contenait pas l’aveu qui, selon les demandeurs, les expose à un risque aux mains du député et du gouvernement.

[4] J’ai examiné les éléments de preuve et je ne retiens pas l’argument invoqué par les demandeurs lors du contrôle judiciaire et suivant lequel la SAR se serait méprise sur ces éléments de preuve. Comme en conviennent les deux parties, je dois examiner cette question selon la norme de la décision raisonnable. J’estime que l’évaluation que la SAR a faite de ces éléments de preuve et de leur incidence sur la demande d’asile des demandeurs est raisonnable.

[5] Comme l’ont reconnu les demandeurs, il s’agit d’une question déterminante étant donné qu’elle représente le fondement de leur demande d’asile. J’ai tenu compte des autres arguments des demandeurs quant à l’évaluation de la SAR concernant l’attestation de déclaration de culpabilité, les autres éléments de preuve corroborants des demandeurs et la crédibilité de M. Kasabishvili. Je ne considère pas que les erreurs dont se plaignent les demandeurs en lien avec ces questions pourraient influer sur la principale conclusion de la SAR relativement au fondement de la demande d’asile. Même si je devais conclure que la SAR a tiré des conclusions déraisonnables sur toutes les autres questions soulevées par les demandeurs, la décision ultime de la SAR quant à la nature du risque auquel les demandeurs sont exposés ne s’en trouverait pas changée ni même ébranlée. Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas nécessaire que je me penche sur les autres arguments des demandeurs.

[6] Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Analyse

[7] L’exposé circonstancié de M. Kasabishvili joint à sa demande d’asile comporte la déclaration suivante sur le contenu de la séquence filmée par la caméra d’intervention :

[traduction]

Tout de suite après l’accident de voiture, le frère aîné de […] [le défunt] et son épouse sont arrivés sur les lieux. C’est moi qui ai interrogé […] [le frère aîné du défunt] Quand […] [le député, qui est le père du défunt] a appris que son fils avait été mis en détention, il a usé de tout son pouvoir et de son influence pour qu’il soit libéré.

[8] Les demandeurs soutiennent que cet aveu, à savoir que le député, père du défunt, a usé de son influence pour obtenir la libération de son fils, les expose à un risque. Il s’agit du fondement de leur demande.

[9] Les demandeurs ont fourni à la SPR une transcription de la séquence filmée par la caméra d’intervention. La partie pertinente est rédigée en ces termes :

[traduction]

Demandeur : Sur quelle base a-t-il été remis en liberté par la police?

Frère du défunt : Nous avons réussi à obtenir sa remise en liberté et nous l’avons emmené à la maison […] Ce n’était pas du tout un problème pour nous. Il a enfoncé la porte de garage et s’est ensuite enfui de la maison.

[10] Les demandeurs ne présentent aucun argument quant à la qualité ou à l’intégralité de la transcription. Ils reconnaissent que la transcription ne concorde pas avec les affirmations faites dans l’exposé circonstancié de la demande d’asile de M. Kasabishvili. Les demandeurs affirment que la SAR aurait tout de même dû interpréter l’affirmation [traduction] « [c]e n’était pas du tout un problème pour nous » comme signifiant que le père du défunt avait usé de son influence en tant que député pour faire libérer son fils. Je ne suis pas d’accord. Selon la version des demandeurs, il aurait fallu que la SAR lise dans la transcription de nombreux mots qui n’y figurent tout simplement pas. Étant donné que le fondement de la demande d’asile était que ces mots exacts entendus dans la séquence filmée par la caméra d’intervention exposaient les demandeurs à un risque, les mots que l’on trouve dans la transcription sont importants. Comme le fait remarquer la SAR :

La seule raison pour laquelle [M. Kasabishvili] affirme que ces parties cherchent à le persécuter – il a révélé l’abus de pouvoir et la corruption du député qui a obtenu la mise en liberté de son fils détenu par la police – a été grandement minée, et cela jette un sérieux doute sur le fondement de l’ensemble de la demande d’asile de [M. Kasabishvili].

L’évaluation par la SAR des éléments de preuve et de leur incidence sur la demande d’asile des demandeurs est raisonnable.

[11] Je ne vois aucune raison d’intervenir dans cette évaluation. Aucune des parties n’a proposé de question à faire certifier, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


 

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

Blank

« Lobat Sadrehashemi »

Blank

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1706-22

INTITULÉ :

VASIL KASABISHVILI ET AL. c MCI

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (ontario) — vidÉoconfÉrence

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 MAI 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE sadrehashemi

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 23 MAI 2023

COMPARUTIONS :

Hart Kaminker

POUR LES DEMANDEURS

Christopher Erzin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kaminker & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada (Ministère de la Justice Canada)

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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