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Date : 20230713


Dossier : IMM-8753-22

Référence : 2023 CF 963

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2023

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

AZUBUIKE CELESTINE OHALETA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 18 juillet 2022 par laquelle un agent des visas (l’« agent ») a rejeté la demande de permis d’études du demandeur. L’agent n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour prévue, comme l’exige l’alinéa 216(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR]

II. Faits

[2] Le demandeur, M. Azubuike Celestine Ohaleta, est un citoyen du Nigéria âgé de 47 ans. En mars 2022, il a présenté une demande de permis d’études afin de suivre un programme de maîtrise ès arts de deux ans en études théologiques à l’école d’études supérieures de théologie et de pastorale de l’Université mennonite canadienne du Manitoba.

[3] Le demandeur a obtenu un baccalauréat en théologie, ainsi qu’un diplôme d’études supérieures en enseignement d’une université au Nigéria. Il travaille depuis 2007 à titre de pasteur dans une église de Port Harcourt, au Nigéria.

[4] Le demandeur a fourni un plan d’études dans le cadre de sa demande. Il a déclaré que son désir d’obtenir un diplôme en théologie est motivé par la possibilité d’acquérir plus de connaissances dans le domaine et d’apprendre les qualités de chef et les compétences organisationnelles nécessaires pour diriger une église. Il a déclaré qu’après l’obtention de son diplôme, il prévoyait de retourner au Nigéria et de continuer son travail à titre de pasteur.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[5] L’agent a rejeté la demande de permis d’études du demandeur. Pour justifier son rejet, il a invoqué les motifs suivants :

  1. Le demandeur ne disposait pas des fonds suffisants au regard du plan d’études qu’il proposait. Dans sa demande, le demandeur a indiqué qu’il avait des économies d’environ 13 000 $. Il a fourni une lettre d’emploi, mais n’a présenté aucune preuve de revenu et a déclaré qu’une partie de ses études serait financée par un autre membre de son église. À l’époque, le demandeur n’avait réglé qu’une partie négligeable des droits de scolarité.

  2. Le plan d’études du demandeur ne semblait pas raisonnable compte tenu de son âge et de son cheminement professionnel.

[6] L’agent a communiqué sa décision au demandeur dans une lettre datée du 18 juillet 2022.

IV. Question en litige

[7] La seule question en litige dans la présente demande est de savoir si l’agent a commis une erreur en concluant que le demandeur ne quitterait pas le Canada à la fin de son séjour en raison de ressources financières insuffisantes et du caractère déraisonnable de son plan d’études.

V. Norme de contrôle

[8] La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 25 [Vavilov]).

VI. Analyse

[9] Conformément à l’alinéa 216(1)b) du RIPR, l’agent délivre un permis d’études à l’étranger seulement si ce dernier établit qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Selon l’article 220 du RIPR, l’agent ne délivre pas de permis d’études à l’étranger à moins que celui-ci ne dispose, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, de ressources financières suffisantes pour acquitter ses frais de scolarité, de transport et de subsistance.

[10] En l’espèce, le demandeur soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle il ne disposait pas des ressources financières suffisantes pour assumer les frais des études qu’il proposait était déraisonnable. De plus, le demandeur affirme que l’évaluation effectuée par l’agent quant au bien-fondé de son plan d’études était elle aussi déraisonnable.

[11] Je conviens avec le demandeur que la décision de l’agent est déraisonnable en ce qui a trait à ces deux aspects. L’agent s’est fondé sur une appréciation déraisonnable des éléments de preuve qui lui avaient été présentés pour conclure que le demandeur n’avait pas les moyens de financer ses études et son séjour au Canada. Il a présumé que le demandeur ne disposait que de 13 000 $ en économies, alors que, d’après les éléments de preuve et les observations dont il disposait, le demandeur avait l’équivalent d’environ 12 447 $ dans un compte d’épargne au Nigéria, l’équivalent d’environ 11 146 $ CAN dans un compte d’épargne libellé en dollars américains et environ 10 000 $ dans un compte de certificat de placement garanti.

[12] Il était déraisonnable de la part l’agent de déclarer que le demandeur avait seulement démontré qu’il disposait d’économies de 13 000 $ sans expliquer pourquoi ce dernier ne pourrait pas utiliser les fonds vraisemblablement disponibles dans ses autres comptes d’épargne ou auprès de la personne prête à le parrainer.

[13] Il était tout aussi déraisonnable de la part de l’agent de conclure que le plan d’études proposé par le demandeur était déraisonnable compte tenu de son « âge » et de son « cheminement professionnel ». Le demandeur est un pasteur âgé de 47 ans et les études en théologie qu’il propose sont directement liées à sa vocation en tant que pasteur de son église. De plus, l’âge du demandeur n’indique aucunement qu’il pourrait avoir des problèmes cognitifs qui réduiraient sa capacité à poursuivre ses études et à mener à terme son plan d’études. Rien dans le plan d’études proposé par le demandeur ni dans ce qui le motive ne semble anormal, et l’agent n’explique pas pourquoi les études proposées sont déraisonnables. Il n’est pas raisonnable pour l’agent d’insinuer que le plan d’études du demandeur est superflu en raison de son expérience antérieure, étant donné l’absence de toute analyse à cet égard dans ses motifs. La décision de l’agent ne répond pas à l’exigence de transparence énoncée dans l’arrêt Vavilov.

VII. Conclusion

[14] La demande est accueillie.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8753-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8753-22

 

INTITULÉ :

AZUBUIKE CELESTINE OHALETA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE tenue par vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 juillet 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 juillet 2023

 

COMPARUTIONS :

Ugochukwu Udogu

 

Pour le demandeur

 

Kevin Doyle

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Ugo Udogu

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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